Ancient Apocalypse, un fil
Article mis en ligne le 16 novembre 2022

par Flint Dibble

La sortie sur Netflix d’un "documentaire" en huit épisodes de Graham Hancock a quelque peu énervé les archéologues... Parmi les réactions de ces derniers, j’ai choisi de traduire, avec son accord, celle de Flint Dibble, archéologue chargé de recherche à l’Université de Cardiff, très actif sur la Toile. Son fil de discussion originel peut être trouvé sur Mastodon : https://archaeo.social/@FlintDibble/109342014346807613 ou sur Twitter : https://twitter.com/FlintDibble/status/1591863566273073154 - Irna


Dans son nouveau "documentaire" sur Netflix Ancient Apocalypse [1], Graham Hancock déclare la guerre aux archéologues. Sa rhétorique sème la méfiance à l’égard des experts, et les théories du complot liées à l’Atlantide encouragent la suprématie blanche ("white supremacy").

Attachez vos ceintures, c’est l’heure d’un FIL ARCHEOLOGIQUE endiablé.

Capture d’écran de Ancient Apocalypse épisode 1 : "Il était une fois le déluge"

Ce fil de discussion examinera :
1) La rhétorique que Graham Hancock utilise pour couvrir un manque de preuves.
2) Comment le récit de Hancock recycle les idées du 19ème siècle sur l’Atlantide.
3) Comment identifier les théories du complot similaires.

Pourquoi me faire confiance ?
Aucune idée. Je suis juste un mec qui ne veut pas payer pour un badge sur Twitter et qui est maintenant sur Mastodon. Mais je suis un vrai archéologue. J’ai fait des fouilles sur des sites couvrant des dizaines de milliers d’années d’histoire et de préhistoire humaine. Faites confiance à mes références ou ne le faites pas. Mais je vais vous présenter des preuves concrètes que Ancient Apocalypse ne mérite pas d’y consacrer du temps.

Moi en train de travailler sur du matériel archéologique d’un de l’âge de pierre.

Rhétorique et manque de preuves

Les premières minutes de Ancient Apocalypse montrent l’attaque systématique de Hancock contre l’archéologie réelle. Et il fait sans cesse preuve de mépris. C’est une guerre totale contre les archéologues "traditionnels", les "soi-disant experts", qui sont "sur la défensive, arrogants et condescendants" et "complètement déconcertés".

"Ne vous fiez pas aux soi-disant experts".
"l’attitude arrogante et condescendante du monde universitaire"

Pourquoi Graham Hancock est-il si agressif envers les archéologues ? Apparemment, c’est parce que mes collègues l’ont traité de "pseudo-archéologue" pendant des décennies. Cela le blesse.

Bien qu’il ait écrit de nombreux livres sur l’archéologie et qu’il anime une émission sur Netflix qualifiée de "docusérie" et couvrant l’archéologie, Graham Hancock affirme qu’il n’est pas archéologue. Il se définit comme un "journaliste" qui enquête sur la "préhistoire humaine".

"Eh bien, je suis Graham Hancock. Je ne prétends pas être archéologue ou scientifique. Je suis journaliste, et le sujet sur lequel j’enquête est la préhistoire humaine."

C’est une affirmation étrange. Les journalistes enquêtent sur des événements qui se déroulent aujourd’hui. Ils interrogent des personnes vivantes. Ils examinent des documents et des récits pour révéler des événements en cours ou récents. Les humains préhistoriques ne peuvent pas donner d’interviews. Ce n’est qu’à l’époque historique que les humains ont laissé des documents derrière eux.

La véritable raison de la rhétorique agressive de Graham Hancock contre les archéologues et les historiens est que cela fait vendre. Cela attire l’attention, déclenche des querelles sur Twitter. Cela correspond à la pensée conspirationniste. C’est aussi un tour de passe-passe qui permet de dissimuler son manque de preuves.

Creusons un peu !

"Cela fait automatiquement de moi l’ennemi numéro 1 des archéologues."
"Ils pratiquent la censure en ridiculisant et en insultant les idées alternatives."

Hancock prétend qu’il existe une MYSTÉRIEUSE civilisation AVANCÉE de l’ère glaciaire qui s’étendait sur tout le globe. Cette civilisation perdue a été détruite dans une inondation APOCALYPTIQUE. Ses quelques survivants ont enseigné aux humains de l’âge de pierre les secrets de l’agriculture, de l’architecture et d’autres technologies avancées.

"... une civilisation avancée et perdue de l’ère glaciaire."
"... une civilisation avancée, dont l’influence s’étendait au monde entier,"
"... une époque où nous savons qu’il y a eu un cataclysme mondial."
"... et leur a enseigné l’architecture, l’astronomie et les arts."

Pourquoi cette civilisation n’est-elle pas présente dans les manuels scolaires ?
1. Elle a pour l’essentiel disparu dans le déluge en laissant peu de traces derrière elle.
2. Les humains sont "amnésiques" et l’ont oubliée.
3. Les archéologues refusent de l’étudier car elle menace leurs théories.

"... est extrêmement menaçante pour l’archéologie traditionnelle"

J’avais l’habitude de rire de ce genre d’argument parce c’est ridicule quand on connaît les preuves. Mais, de plus en plus de gens croient aux théories du complot aujourd’hui, qu’il s’agisse de QAnon, d’anciens extraterrestres ou de l’Atlantide (qui est d’après Hancock cette civilisation de l’ère glaciaire).

Sondage réalisé par l’université Chapman sur les croyances paranormales des Américains. Il montre que 57 % des Américains en 2018 croyaient que "d’anciennes civilisations avancées, comme l’Atlantide, ont autrefois existé".

Si vous y regardez de près, Hancock ne présente jamais de véritables preuves. Il ne présente qu’une série de preuves négatives : des possibilités et des suppositions infinies, des affirmations non vérifiées et de nombreuses explications pour justifier l’absence de preuves. Nous allons en passer en revue quelques exemples.

Dans le dernier épisode, Hancock et Randall Carlson suggèrent que le déluge qui a mis fin à cette civilisation mondiale de l’ère glaciaire a été causé par l’impact d’une comète qui a fait fondre les glaciers. Pourquoi n’y a-t-il pas de cratère ? Parce que cette comète est tombée sur un glacier. Preuve à la fois des inondations et du fait qu’il n’y a PAS DE PREUVES.

"Si les impacts primaires au début du Dryas récent ont eu lieu sur des calottes glaciaires, lorsque la glace a fondu, il n’y a plus de cratère à voir."

L’un des types de preuves préférées de M. Hancock provient de la télédétection. Des outils comme les détecteurs de métaux ou le géoradar (radar à pénétration de sol ou GPR) qui aident les archéologues à se faire une idée de ce qui est souterrain ou non visible. Mais ces outils ne sont pas infaillibles et doivent être "vérifiés sur le terrain". Pensez-y de la manière suivante. Vous avez un détecteur de métaux et vous décidez de faire de la télédétection. Vous traversez un champ et détectez des signaux magnétiques. En concluez-vous automatiquement, sans excavation, qu’il s’agit d’un trésor ?

Même chose avec la magnétométrie, le LIDAR ou le géoradar. Le GPR émet des ondes dans le sous-sol et mesure le signal réfléchi. Il peut y avoir de nombreuses explications pour un signal réfléchi, c’est pourquoi les archéologues vérifient toujours leurs résultats sur le terrain en procédant à des sondages. Vous pouvez lire le fil ci-dessous sur la vérification sur le terrain de notre étude magnétométrique à Histria en Roumanie. Alors qu’il a permis d’identifier le four, le GPR a manqué les nombreuses tombes (y compris une tombe monumentale).

https://twitter.com/FlintDibble/status/1116012524762275840

C’était à moitié vrai/à moitié faux et il fallait vérifier sur le terrain. La vérification sur le terrain est une méthode standard en archéologie. Dans la présentation de Hancock des preuves GPR, aucune n’a été vérifiée sur le terrain. Pas de vides à Gunung Padang, etc. En fait, il a capté un signal déroutant sur un détecteur de métaux et a fait une émission Netflix de plusieurs millions de dollars sur le fait que ce doit être le trésor de Smaug dans le Hobbit.

Illustration de J.R.R. Tolkien représentant le dragon Smaug couché sur un monticule d’or.

Si vous vous demandez pourquoi ces sites n’ont pas été fouillés, sachez qu’ils l’ont été ! Les affirmations d’Hancock portent sur certains des sites archéologiques les plus célèbres du monde. Chaque site qu’il met en avant a fait l’objet d’investigations intensives. Les archéologues en savent beaucoup à leur sujet et ont publié de nombreux livres, articles et autres sur ces sites.

La preuve la plus importante que Hancock doit apporter pour avoir raison est celle que tous ces monuments célèbres comme Cholula, Poverty Point ou Ggigantija datent de la période glaciaire. Il présente une grande variété d’arguments basés sur des preuves négatives pour expliquer pourquoi il doit avoir raison.

"Plus vieux de combien ? Personne ne le sait."

L’un de ses arguments les plus courants est que les archéologues eux-mêmes ont trouvé de nouvelles preuves montrant que l’occupation de certains de ces sites est plus ancienne que ce que l’on croyait. Mais dans aucun cas ces preuves ne correspondent à son argument. Ils datent presque tous de milliers d’années après la période glaciaire.

Au lieu de cela, il utilise un raisonnement circulaire pour montrer pourquoi ils datent de l’ère glaciaire.

Le raisonnement circulaire utilisé par Hancock et d’autres pseudoarchéologues : Si A, alors B ; si B, alors A ; où A = "S’il existe une civilisation avancée de l’ère glaciaire, cela prouve que ce monument spectaculaire doit dater de l’ère glaciaire." et B = "Si ce monument date de l’ère glaciaire, alors cela prouve qu’il existe une civilisation avancée de l’ère glaciaire."

Hancock soutient que les archéologues veulent censurer sa position parce qu’elle ne correspond pas aux leurs. Mais alors pourquoi publient-ils de nouvelles dates pour les sites lorsqu’ils les trouvent et changent-ils leur position ? C’est ainsi que nous nous faisons un nom en tant que chercheurs. Nous arrivons à une nouvelle conclusion et l’argumentons avec des preuves.

"Ils pratiquent effectivement la censure".

Dans un exemple hilarant, à Derinkuyu, Hancock accuse les archéologues de cacher leurs nouvelles dates. Ils les ont publiées, mais les panneaux sur le site n’ont pas encore été modifiés. Donc, il s’agit d’une conspiration pour cacher nos recherches en les publiant, mais en ne rénovant pas encore le site ! (en réalité, l’archéologie a besoin de fonds pour la conservation, la présentation et la gestion des sites)

"Ainsi, la théorie initiale, à laquelle de nombreux historiens s’accrochent encore aujourd’hui, était que les tunnels sous Derinkuyu ont été creusés par les chrétiens au 7e siècle après J.-C....
C’est totalement faux. Des fouilles ultérieures ont permis de trouver des preuves de l’utilisation de cette ville souterraine dès le 8e siècle avant J.-C., soit des centaines d’années auparavant...
On rencontre cela, encore et encore, sur les sites archéologiques du monde entier. Il y a un grand panneau basé sur la vérité reçue des archéologues. Et, encore et encore, ce panneau est faux. Faux dans les faits. Les fouilles ultérieures prouvent qu’il est faux, mais il n’a pas été modifié. Ne vous fiez pas aux panneaux d’affichage, faites le travail vous-même. Ne vous fiez pas aux soi-disant experts."

En fait, les archéologues en savent beaucoup sur l’archéologie de la période glaciaire dans le monde. Des milliers de sites ont été fouillés. Nous avons publié des typologies d’artefacts ; des milliers et des milliers de pages de mots, de dessins et de photographies. Ce matériel n’est pas caché, il est disponible dans toutes les bibliothèques et en ligne gratuitement.

Mais Hancock mentionne-t-il les sites du Natufien ou du Magdalénien ? Non, pas grand-chose en termes d’archéologie réelle de la période glaciaire.

Photographie d’une série d’outils en pierre de la fin de l’ère glaciaire.
Carte d’une partie des sites magdaléniens en Europe.

Graham Hancock soutient que cette civilisation avancée vivait aux côtés des chasseurs-cueilleurs qui eux ont laissé derrière eux d’abondantes preuves. Des millions d’outils en pierre, de figurines et d’ossements. De magnifiques sculptures et peintures. Des indices de liens familiaux, de migrations, de festins. Des squelettes humains et animaux. Des graines carbonisées. Des empreintes de pas... Une abondance de preuves dans les grottes et à l’air libre.

Aucune n’est mentionnée par Hancock...

Comment se fait-il qu’en dépit de tant de recherches, de tant de preuves, nous n’ayons pas trouvé trace de la civilisation globale, avancée, de l’âge de glace, de Hancock ? Regardez autour de vous. Regardez les rues, les voitures, les gratte-ciel, les bouteilles et les canettes. Nous sommes une civilisation globale et avancée et il n’y a aucune chance que les archéologues du futur nous ratent.

Encore une fois, l’argumentation de Hancock est basée sur des "preuves négatives". Son "déluge" a effacé les preuves de la civilisation avancée et perdue, mais curieusement pas les preuves abondantes des gens qui vivaient réellement à cette époque.

Je suis convaincu, pas vous ?

Recyclage d’idées anciennes

Mais un point important à retenir ici est que Hancock présente cette théorie d’une civilisation avancée, globale, de l’âge de glace comme si elle était basée sur ses propres recherches indépendantes. Ce n’est pas le cas. Cette théorie existe depuis des centaines d’années. Elle a été réfutée à plusieurs reprises. Hancock admet ouvertement que ses théories sont directement liées à l’histoire de l’Atlantide racontée pour la première fois par Platon. Si vous vous intéressez à l’allégorie philosophique de l’Atlantide de Platon et à son lien avec l’archéologie, consultez mon précédent fil Twitter : https://twitter.com/FlintDibble/status/1393689542914359297.

Mais cette idée d’une civilisation mondiale avancée d’avant le déluge ne vient pas de l’Atlantide de Platon. Elle vient d’un roman de fiction inachevé de Francis Bacon : La Nouvelle Atlantide

Image de la couverture du roman inachevé de Bacon, La Nouvelle Atlantide.

L’Atlantide de Platon n’est qu’une autre cité-état de style grec. Puissante, certes, mais vaincue par Athènes, elle n’est pas une super civilisation et n’a pas de survivants avancés pour enseigner aux humains. Cependant, l’Atlantide de Bacon est elle une civilisation avancée, globale, qui reste cachée après le déluge.

Esquisse de la Nouvelle Atlantide de Bacon.

Dans l’histoire de Bacon, les explorateurs de la Renaissance visitent New Bensalem, une île du Pacifique habitée par les survivants du déluge de cette civilisation avancée. Ces gens sont chrétiens et avancés technologiquement. Ils observent et guident le monde.

Mais Bacon a écrit de la fiction. Ce n’est pas de lui que Hancock tient ses idées. Non, il reprend à son compte le premier et le plus populaire des livres de pseudo-archéologie jamais écrits : Atlantis : The Antediluvian World, publié en 1882 par Ignatius Donnelly.

Couverture du livre d’I. Donnelly, 1882.

Ignatius Donnelly a repris les propos de Bacon et d’une centaine d’autres savants, philosophes, théologiens et charlatans. Il rassemble tout : de l’archéologie réelle et des faits faux, combinés à des hypothèses farfelues pour élaborer un récit universel qui explique toute l’histoire.

"Si ces propositions peuvent être prouvées, elles résoudront de nombreux problèmes qui rendent l’humanité perplexe ; elles confirmeront à bien des égards les déclarations des premiers chapitres de la Genèse ; elles élargiront le champ de l’histoire humaine ; elles expliqueront les remarquables ressemblances qui existent entre les anciennes civilisations que l’on trouve sur les rives opposées de l’océan Atlantique, dans l’ancien et le nouveau monde ; et elles nous aideront à réhabiliter les pères de notre civilisation, notre sang et nos idées fondamentales - les hommes qui ont vécu, aimé et travaillé des siècles avant que les Aryens ne descendent en Inde, que les Phéniciens ne s’installent en Syrie ou que les Goths n’atteignent les rives de la Baltique."

C’est l’une des caractéristiques de la pseudo-archéologie par rapport à la véritable archéologie. Tout récit qui prétend qu’il existe une clé unique ou un motif caché expliquant toute l’histoire de l’humanité n’est pas de la véritable archéologie. L’histoire et la préhistoire de l’humanité sont compliquées. Il suffit de regarder notre propre monde.

Donnelly et Hancock affirment tous deux que :
 Un cataclysme a détruit une civilisation mondiale avancée.
 Les survivants de cette Atlantide sont à l’origine de l’agriculture, des pyramides et des technologies avancées.
 Les mythes sur les dieux et les héros sont des réminiscences de ces survivants.

Donnelly : "2. Que la description de cette île donnée par Platon n’est pas, comme on l’a longtemps supposé, une fable, mais une véritable histoire. 3. Que l’Atlantide est la région où l’homme est passé pour la première fois de l’état de barbarie à celui de civilisation. 4. Qu’elle devint, au cours des âges, une nation populeuse et puissante, à partir des apports de laquelle les rives du golfe du Mexique, du Mississippi, de l’Amazone, de la côte Pacifique de l’Amérique du Sud, de la Méditerranée, de la côte occidentale de l’Europe et de l’Afrique, de la Baltique, de la mer Noire et de la mer Caspienne, furent peuplées de nations civilisées."
Donnelly : "6. Que les dieux et les déesses des Grecs anciens, des Phéniciens, des Hindous et des Scandinaves étaient simplement les rois, les reines et les héros de l’Atlantide ; et que les actes qui leur sont attribués dans la mythologie sont un souvenir confus d’événements historiques réels".
Donnelly : "11. Que l’Atlantide était le siège originel de la famille des nations aryennes ou indo-européennes, ainsi que des peuples sémitiques, et peut-être aussi des races turaniennes. 12. Que l’Atlantide a péri dans une terrible convulsion de la nature, au cours de laquelle l’île entière a sombré dans l’océan, avec presque tous ses habitants. 13. Que quelques personnes se sont échappées dans des navires et sur des radeaux, et ont porté aux nations de l’est et de l’ouest la nouvelle de l’effroyable catastrophe, qui a survécu jusqu’à nos jours dans les légendes de déluge et d’inondation des différentes nations de l’ancien et du nouveau monde".
Hancock : "Parlons un peu de l’Atlantide."

Vous pourriez dire : Allons, Donnelly a écrit ça en 1882, il ne peut pas avoir eu une influence directe sur Graham Hancock.

C’EST FAUX !

Il est facile de prouver l’influence directe de Donnelly sur Hancock puisqu’il y a plusieurs citations de Donnelly dans ses livres.

Texte tiré de Fingerprints of the Gods de Hancock : "Le mystère était accentué par les traditions locales qui affirmaient non seulement que le réseau routier et l’architecture sophistiquée étaient déjà "anciens à l’époque des Incas", mais que tous deux "étaient l’œuvre d’hommes blancs aux cheveux auburn" qui avaient vécu des milliers d’années auparavant".
Avec un renvoi à la note de bas de page 13 : "Ignatius Donnelly, Atlantis : The Antediluvian World, Harper & Brothers, New York, 1882, p. 394."

Mais Hancock ne cite jamais le récit général de Donnelly, seulement des détails. Prenez l’exemple de Quetzalcoatl, qu’Hancock présente comme l’histoire clé d’un survivant de l’Atlantide enseignant la civilisation aux survivants du cataclysme. Un homme étranger et barbu.

Captures d’écran de Ancient Apocalypse : "Son nom était Quetzalcoatl. Lui et ses disciples enseignèrent aux habitants comment cultiver et domestiquer les animaux, et les instruisirent dans les domaines de l’architecture, de l’astronomie et des arts... Nous avons la description d’un individu fortement barbu. Il ressemble un peu à un étranger venu de l’autre côté de l’océan, et il apporte les cadeaux de la civilisation".

Cette description est directement tirée de Donnelly qui décrit Quetzalcoatl ci-dessous comme un "homme blanc" avec une "barbe" qui a enseigné de nombreux arts aux Mexicains.

Et dans Magicians of the Gods, Hancock le décrit comme "blanc", citant Donnelly.

Donnelly : "PREUVES AMÉRICAINES DE RAPPORTS AVEC L’EUROPE OU ATLANTIS"
1. Sur les monuments d’Amérique centrale, on trouve des représentations d’hommes barbus. Comment les Indiens d’Amérique imberbes auraient-ils pu imaginer une race barbue ?
2. Toutes les traditions des races civilisées d’Amérique centrale indiquent une origine orientale.
Le chef et civilisateur de la famille Nahua était Quetzalcoatl. Voici la légende qui le concerne :
"Venu du lointain Orient, du fabuleux Hue Hue Tlapalan, ce personnage mystérieux est arrivé à Tula, et est devenu le dieu protecteur et le grand prêtre des ancêtres des Toltèques. Il est décrit comme ayant été un homme blanc, avec une forte carrure, un large front, de grands yeux et une barbe abondante..."
Hancock, Magicians of the Gods : "Il semble qu’il en ait été de même pour les anciens habitants du Mexique avant l’arrivée de Quetzalcoatl, le Serpent à plumes, venu leur enseigner les avantages de l’agriculture sédentaire et les compétences nécessaires à la construction de temples. Bien que cette divinité soit fréquemment représentée sous la forme d’un serpent, elle est plus souvent représentée sous forme humaine - le serpent étant son symbole et son alter ego - et est habituellement décrite comme "un grand homme blanc barbu"(18), "une personne mystérieuse... un homme blanc avec une forte carrure, un large front, de grands yeux et une barbe abondante"(19).
La note 19 renvoie à l’ouvrage de Donnelly.

(pour ceux qui sont sensibles au racisme, il est présent clairement dans le texte des images ci-dessous)

Les hypothèses d’Ignatius Donnelly de 1882 sur l’Atlantide sont empreintes de suprématie blanche.

Il était obsédé par la couleur de la peau (elle est évoquée des dizaines de fois), et non seulement ses faits sont erronés, mais son racisme est évident.

Donnelly : "Comment les hommes rouges d’Amérique centrale ont-ils pu savoir quoi que ce soit sur "les hommes noirs et les hommes blancs" ? La conclusion semble inévitable que ces légendes d’un pays primitif, paisible et heureux, un Aztlan à l’Est, habité par des hommes noirs et blancs, auquel toutes les nations civilisées d’Amérique ont retracé leur origine, ne pouvaient que faire référence à l’Atlantide - ce pont de terre où les races blanches, sombres et rouges se sont rencontrées."
Donnelly : "Sans l’Atlantide, comment expliquer le fait que les premiers Égyptiens aient été représentés par eux-mêmes comme des hommes rouges sur leurs propres monuments ? Et, d’autre part, comment expliquer la représentation de nègres sur les monuments d’Amérique centrale ?"
Donnelly : "Mais, dans l’état actuel des choses, nous n’hésitons pas à déclarer que, loin d’être un mythe, le Déluge biblique est un fait réel et historique, ayant, pour le moins, laissé son empreinte sur les ancêtres de trois races - aryenne, ou indo-européenne, sémitique, ou syro-arabe, chamitique ou cushite - c’est-à-dire sur les trois grandes races civilisées du monde antique, celles qui constituent l’humanité supérieure - avant que les ancêtres de ces races ne se soient séparés, et dans la partie de l’Asie qu’ils habitaient ensemble. "
Donnelly : "Lorsque nous nous tournons vers les Indiens non civilisés d’Amérique, si nous trouvons encore des légendes faisant référence au Déluge, elles sont, à une exception près, sous des formes si déformées et grossières que nous ne pouvons voir que des aperçus de la vérité qui brillent à travers une masse de fable."

Donnelly est également très clair dans sa mise en opposition raciste entre "civilisé" et "sauvage". Dans son idée, toutes les grandes nations américaines n’étaient que des "colonies de l’Atlantide". La fonction de l’Atlantide ici est d’ôter tout crédit aux peuples indigènes pour leur héritage monumental (les captures d’écran ci-dessous sont racistes).

Donnelly : "La civilisation n’est pas communicable à tous ; beaucoup de tribus sauvages en sont incapables. Il y a deux grandes divisions de l’humanité, les civilisés et les sauvages ; et, comme nous le montrerons, toutes les races civilisées du monde ont eu quelque chose de la civilisation dès les premiers âges ; et comme "tous les chemins mènent à Rome", ainsi toutes les lignes convergentes de la civilisation mènent à l’Atlantide. L’abîme entre l’homme civilisé et le sauvage est tout simplement incalculable ; il représente non seulement une différence dans les arts et les méthodes de vie, mais dans la constitution mentale, les instincts et les prédispositions de l’âme. L’enfant des races civilisées fabrique dans ses jeux des roues à eau, des chariots et des maisons en épis de maïs ; le garçon sauvage s’amuse avec des arcs et des flèches : l’un appartient à une race de bâtisseurs et de créateurs ; l’autre à une race de chasseurs sauvages. Cet abîme entre la sauvagerie et la civilisation n’a jamais été franchi par aucune nation par sa propre force originelle, et sans influences extérieures, au cours de la période historique ; ceux qui étaient des sauvages à l’aube de l’histoire le sont encore..."
Donnelly : "Cette légende ne désigne pas seulement l’Orient comme le lieu d’origine de ces races, mais prouve aussi que cette terre de l’Orient, cette Aztlan, cette Atlantide, a exercé sa domination sur les colonies de l’Amérique centrale, et leur a fourni les éléments essentiels de la civilisation. Combien cela concorde-t-il avec l’affirmation de Platon selon laquelle les rois de l’Atlantide dominaient des parties du "grand continent opposé" !"
Donnelly : "L’Atlantide et le continent occidental étaient en relation depuis des temps immémoriaux : les grandes nations d’Amérique n’étaient que des colonies de l’Atlantide, partageant sa civilisation, sa langue, sa religion et son sang. Du Mexique à la péninsule du Yucatan, des rivages du Brésil aux hauteurs de la Bolivie et du Pérou, du golfe du Mexique aux eaux du Mississippi, les colonies de l’Atlantide s’étendaient ; et il n’est donc pas étrange de trouver, comme le dit Alfred Maury, les traditions américaines du Déluge plus proches de celles de la Bible et des archives chaldéennes que celles de n’importe quel peuple de l’Ancien Monde."
Donnelly : "Mais la récurrence des "hommes blancs" comme mineurs, et d’un homme blanc comme "le dernier et unique homme", et la présence de sang blanc dans les veines du peuple, tout indique la même conclusion - que les Mandans étaient des colons venus d’Atlantis."

Bien que la couleur de la peau ne soit pas présente dans la série télévisée, les livres de Hancock sont remplis de descriptions de sauveurs blancs. Ces envoyés, comme Quetzlcoatl, ont la peau blanche et de la barbe, et introduisent la "civilisation" auprès de peuples plus "simples".

Hancock, Fingerprints of the Gods : "Si c’est le cas, qui avaient été les premiers constructeurs ? Les Viracochas, disaient les mythes anciens, les étrangers barbus à la peau blanche, les "brillants", les "fidèles soldats"."
Hancock, Fingerprints of the Gods : "Au cours de mes voyages dans les Andes, j’avais plusieurs fois relu une curieuse variante de la tradition dominante de Viracocha. Dans cette variante, qui provenait de la région autour du lac Titicaca connue sous le nom de Collao, la divinité-héros civilisatrice avait été nommée Thunupa : Thunupa apparut sur l’Altiplano dans les temps anciens, venant du nord avec cinq disciples. Homme blanc d’auguste prestance, aux yeux bleus et barbu, il était sobre, puritain et prêchait contre l’ivrognerie, la polygamie et la guerre."
Hancock, Fingerprints of the Gods : "Par exemple, un mythe précolombien recueilli au Mexique par le chroniqueur espagnol du XVIe siècle, Juan de Torquemada, affirme que Quetzalcoatl était "un homme au teint clair et roux avec une longue barbe". Un autre parle de lui comme "era Hombre blanco ; un homme de grande taille, au front large, aux yeux immenses, aux cheveux longs et à la grande barbe arrondie - la barba grande y redonda". Un autre encore le décrivait comme "une personne mystérieuse... un homme blanc avec une forte carrure, un large front, de grands yeux, et une barbe abondante. Il était vêtu d’une longue robe blanche qui lui arrivait aux pieds. Il condamnait les sacrifices, sauf ceux de fruits et de fleurs, et était connu comme le dieu de la paix... Lorsqu’on lui parlait de guerre, il se bouchait les oreilles avec ses doigts".
Hancock, Fingerprints of the Gods : "Ce que les traditions semblent indiquer, c’est que l’étranger barbu à la peau pâle appelé Quetzalcoatl (ou Kukulkan ou autre) n’avait pas été une seule personne mais probablement plusieurs personnes qui venaient du même endroit et avaient appartenu au même type ethnique distinctement non-indien (barbu, à la peau blanche, etc.)".

La pseudo-archéologie, sous plusieurs de ses formes, a pour conséquence d’ôter tout crédit aux peuples autochtones. Ce ne sont pas des gens à la peau noire ou brune qui ont construit les monuments, mais les Atlantes, les extraterrestres ou les blancs. Pour approfondir ce sujet, voir cet article, "Did Aliens Build the Pyramids ? And Other Racist Theories" ("Les extraterrestres ont-ils construit les pyramides ? Et autres théories racistes") par Steph Halmhofer (@Cult_archaeo) : https://www.sapiens.org/archaeology/pseudoarchaeology-racism/

"chasseurs-cueilleurs primitifs vivant dans des huttes de terre".
"concevoir et construire cette merveille mégalithique"

Quelques points communs avec les théories du complot

Nous vivons dans un monde rempli de théories du complot, et ce regard sur Ancient Apocalypse de Hancock révèle quelques indices clés pour les identifier. Soyez à l’affût des explications astucieuses pour un manque de preuves, comme une comète non prouvée dans un glacier qui ne laisse aucun cratère.

"quand la glace fond, il n’y a plus de cratère à voir."

Les théoriciens du complot redéfinissent également les termes en fonction de leurs objectifs. Hancock tente de définir une pyramide comme une série de terrasses menant à un sommet. Nous savons que ce n’est pas ça, mais cela semble intelligent avec la bonne imagerie.

"Il y a une question de définitions ici. Comment définir une pyramide ?"
"Mais si nous la définissons comme une structure qui s’élève en une série de terrasses vers un sommet, ..."
"... dans ce qui peut être décrit comme une pyramide à degrés."

Cette définition est ridicule. La plupart des établissements humains sur une pente y correspondent : une série de terrasses qui montent vers un sommet. J’ai personnellement fait des fouilles sur 3 sites de ce type, comme Azoria sur l’île de Crète ci-dessous.

Photographie d’Azoria montrant diverses structures en ruines sur une série de terrasses s’élevant jusqu’au sommet.

Les théoriciens du complot comblent également le vide des preuves négatives par un raisonnement circulaire.
Tout au long d’Ancient Apocalypse, le raisonnement circulaire est la manière clé dont Hancock intègre les monuments dans sa proposition de civilisation de l’ère glaciaire.

Le raisonnement circulaire utilisé par Hancock et d’autres pseudoarchéologues : Si A, alors B ; si B, alors A ; où A = "S’il existe une civilisation avancée de l’ère glaciaire, cela prouve que ce monument spectaculaire doit dater de l’ère glaciaire." et B = "Si ce monument date de l’ère glaciaire, alors cela prouve qu’il existe une civilisation avancée de l’ère glaciaire."

Comme pour Donnelly, les théories du complot ont tendance à être universelles. Ils vont tout mettre dans une boîte bien rangée. Toute l’histoire de l’humanité. Tous les problèmes d’aujourd’hui. Une solution facile à la pandémie... La vraie connaissance est nuancée et compliquée.

"J’essaie de renverser le paradigme de l’histoire."

Enfin, les théories du complot élaborent leur image universelle en ignorant le contexte. Elles établissent des liens qui n’ont pas vraiment de sens. Des pyramides situées à des endroits différents n’ont pas besoin d’être de la même culture.

Photos de pyramides provenant de différents endroits du monde, dont une construite par un bébé avec des cubes.

En dépit de ce qu’il pense, les archéologues ne haïssent pas Graham Hancock.

Il a juste tort...

"... et beaucoup d’archéologues me haïssent pour avoir essayé de le découvrir."