Dans la nouvelle rubrique apparue sur le site de la Fondation, "Iz mog ugla" (bs) [1], la première "oeuvre" (bs) [2] personnelle émane de l’ingénieur diplômé Goran Cakic. Le texte est en bosniaque - et je doute qu’il soit jamais traduit dans une autre langue - mais j’essaierai ici d’en donner la substantifique moëlle.
Le texte est intitutlé "Kako je moglo nastati ovo sto imamo i kako mi to gledamo danas, poslije 100 dana radova", ou : "Comment a pu se former ce que nous avons ici, et comment nous le considérons aujourd’hui, après 100 jours de travail". Comme le titre l’indique, il s’agit de faire le point sur les "objets de forme pyramidale" - tiens, on ne parle plus de pyramides ? - et sur la possible genèse de ces "objets".
M. Cakic annonce tout de suite la couleur : la construction de ces "objets de forme pyramidale" s’est faite "spontanément" à l’occasion d’une tentative de protection contre une "catastrophe imminente". Résumons la poussive explication de l’auteur : la vallée de Visoko était habitée pendant la dernière ère glaciaire, il y a 20 000 ans. La catastrophe en question est une inondation massive de la vallée à l’occasion de la transgression marine de la fin de cette ère glaciaire. Devant cette montée des eaux, les habitants de la vallée ont décidé de surélever des collines existantes, en utilisant soit les pierres trouvées sur place (les dalles de grès de Pljesevica), soit, pour les deux autres collines (Visocica et Buci - le Dragon), en moulant sur place des blocs de pierre synthétique (les conglomérats miocènes ?) et en utilisant un "ciment de type 450-580" (y a-t-il un maçon dans la salle ?). Petite précision : seuls quelques "élus" ont eu droit à accéder à cette "Arche de Noé" nouvelle manière, le reste des habitants étant soit restés sur place (et noyés, je suppose ?) soit partis vers le nord...
La civilisation ayant construit ces "arches" était tout à fait avancée : non seulement ils connaissaient le calendrier, ce qui leur permettait de prévoir les changements de temps à brève échéance (?), mais ils savaient également prévoir les évènements climatiques à longue échéance (à l’aide des mouvements des corps célestes) et les conséquences de l’inclinaison de la Terre vers le Soleil (je suppose qu’il s’agit ici des saisons, conséquences de l’inclinaison de l’axe de rotation terrestre par rapport à l’écliptique (fr) ?). Ils connaissaient aussi le nord céleste et le nord magnétique, ce qu’on peut déduire de l’orientation de Visocica vers le nord céleste ; ainsi que les changements du "flux magnétique" et les "mouvements des lignes de force magnétiques". Leurs pyramides sont d’une conception extraordinaire : non seulement ils utilisent des matériaux extrêmement résistants (180 KiloPascals, nous dit l’auteur - mais d’où vient ce chiffre ? ceux publiés par la Fondation sont plutôt de l’ordre de 40 MégaPascals...), mais en plus ils ont disposé ces matériaux en véritables "sandwiches" où chaque couche joue un rôle essentiel (pour le drainage, la stabilité etc.). Rendez-vous compte qu’il y a même des couches perméables, pour permettre à l’eau de rentrer et sortir de la structure !
Revenons à l’inondation : voici l’eau qui commence à monter, mais les habitants de la vallée sont prêts ; régulièrement d’année en année, peut-être de génération en génération, ils rajoutent une nouvelle "couche", toujours inclinée de 5° vers l’intérieur ou l’axe de la colline, luttant parfois de vitesse avec la montée des eaux. Les voici donc installés sur leur plate-forme, de largeur différente selon les saisons puisqu’il est bien connu que le niveau de la mer varie (un peu plus loin dans le texte l’auteur explique que le niveau de l’eau montait à l’automne et au printemps), et toujours prêts à rajouter une nouvelle couche en vitesse si le niveau recommence à monter. Jusqu’à quand ? et bien jusqu’à ce que les "arches" aient atteint leur taille actuelle, c’est-à-dire, dit l’auteur, que "la seule chose dont nous soyons absolument sûrs c’est que la construction des objets s’est terminée à un moment où il y avait dans la vallée 250 à 300 mètres d’eau". Témoignent également de cette époque les "anneaux préhistoriques" (dont un, nous dit-on, a été identifié dans la vallée de Visoko) qui servaient à amarrer les bateaux qui transportaient les matériaux de construction des "objets pyramidaux" (voir l’annexe du livre de M. Osmanagic pour ces anneaux préhistoriques).
Passons sur le chapitre de la datation des "objets", basée sur l’épaisseur des sols, qui aboutit sans surprise à un âge de 10 à 12 000 ans ; ce qui fait dire à notre auteur qu’il n’est pas utile que les archéologues "perdent leur temps à chercher des objets datables par la méthode du carbone 14", puisque la "géologie" elle-même donne les éléments de datation... Et revenons sur la "pyramide du Soleil", dont l’auteur constate qu’elle est construite comme si on avait voulu la doter d’une "isolation" vis-à-vis de l’extérieur. Qu’y avait-il autour de Visocica ? de l’eau salée. Qu’a-t-on donc pu vouloir "isoler" à l’intérieur ? de l’eau douce. De l’eau douce qu’il a donc fallu protéger des infiltrations d’eau salée, mais aussi, d’après l’auteur, des eaux de fonte de la glace contaminée par les acides et les cendres de l’éruption d’un "méga volcan" qui aurait eu lieu il y a 65 000 ans (?). Je passe sur la présence de fluor, certaines odeurs "mystérieuses" et la présence supposée de pétrole, là j’ai un peu commencé à perdre le fil de la logique de l’auteur.
L’auteur conclut ce texte en précisant qu’il ne s’agit pas d’un rapport complet, mais plutôt d’une "synthèse de ses réflexions" basées sur son séjour sur le terrain et les données fragmentaires obtenues jusqu’ici. Effectivement, il vaut peut-être mieux, pour la crédibilité de la Fondation, qu’un tel texte ne figure pas parmi les "rapports scientifiques". Je ne m’étendrai pas sur l’idée pour le moins surprenante d’une population s’éreintant à construire des plateformes de pierre pour échapper à une inondation... en plein dans une région de montagnes ! Je reviendrai cependant sur quelques idées "pseudo-géologiques" contenues dans ce texte :
– Notons tout d’abord que l’auteur manipule un vocabulaire qui le dépasse visiblement : "litolitski" pour "litoloski" (ce qui reviendrait à remplacer "lithologique" par un "litholithique" du plus bel effet) ; confusion entre KPa (kiloPascal) et MPa (mégaPascal) ; il scande un certain nombre de "formules magiques" sans doute destinées à donner une illusion de scientificité ("géologiquement parlant", "processus de transgression", "structuralo-tectonique" - la tectonique n’étant qu’une branche de la géologie structurale, c’est pour le moins redondant).
– Il y a chez lui, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’équipe non-scientifique de la Fondation, une incompréhension totale de la nature des roches sédimentaires qui forment les collines de la région de Visoko, je reviendrai d’ailleurs dans un prochain article sur les fondements de la géologie de la région.
– Il y a également une tendance à un peu tout mélanger, par exemple le phénomène de transgression marine (voir plus bas) avec les inondations liées à des ruptures de barrages glaciaires (il évoque à un moment des moraines), le réchauffement climatique post-glaciaire avec l’inclinaison de l’axe terrestre (et que viennent faire dans ce fatras les "flux magnétiques" et le nord magnétique ?), les variations du niveau de la mer et les crues saisonnières des cours d’eau liées à la fonte des neiges...
– Enfin, son postulat de base (la montée des eaux jusqu’à 250 ou 300 mètres dans la vallée de Visoko) est totalement absurde. Précisons un peu les choses : la région de Visoko est émergée depuis la fin de l’ère Tertiaire (Miocène supérieur), et la mer n’a plus jamais recouvert la région de Visoko depuis plusieurs millions d’années (les dernières couches déposées au Miocène l’ont été dans un lac, et on n’a pas de traces de sédiments marins).
Il est vrai que chaque période interglaciaire amène ce qu’on appelle une transgression (fr) (une montée plus ou moins importante du niveau des mers due à la fonte des inlandsis (fr)), suivie d’une régression (baisse du niveau) lors d’une nouvelle période glaciaire ; cependant, la dernière transgression (dite flandrienne) a été d’environ 120 mètres pour atteindre le niveau zéro actuel, et il n’y a pas eu de régression depuis, c’est-à-dire que le niveau des mers, depuis 20 000 ans, n’a jamais été plus haut qu’aujourd’hui, et sûrement pas assez pour atteindre Visoko qui est à plus de 400 mètres d’altitude.
Dans quelques rares régions, où l’épaisseur de l’inlandsis était très importante (Scandinavie), la fonte des glaces a pu amener une légère surrection (dite isostatique, ou "rebond isostatique" (fr)) du continent, et donc une baisse relative du niveau de la mer, mais sûrement pas en Bosnie, qui n’a jamais été recouverte par un inlandsis ! Une autre possibilité d’inondations brutales existe dans des régions à glaciers importants : la formation d’un barrage glacio-morainique entraîne la présence d’un lac en amont, et la rupture du barrage peut amener une crue catastrophique comme on en a des traces en Alaska ou Islande (fr) par exemple. Mais là encore, ce type d’hypothèse (qui de plus ne correspond pas à la description que fait M. Cakic d’une relativement lente montée des eaux) ne peut s’appliquer à la Bosnie, qui, avec au maximum quelques névés permanents sur les plus hauts sommets au Quaternaire, n’est absolument pas dans le cas de figure des deux régions citées.
Bref, comment qualifier ce texte autrement que comme le "délire" de quelqu’un qui ferait bien de revoir quelques bases de la géologie ?