Cet article sort un peu du domaine de l’archéologie, puisque c’est bien plus récent. On retrouve pourtant le même lot de déclarations fantaisistes, voire fantasmées et totalement délirantes, qu’on peut lire au sujet de l’Atlantide ou de la construction des pyramides égyptiennes. Même les extra-terrestres seraient impliqués !
Voici donc une liste dédiée aux découvertes de Nikola Tesla, qui est souvent quasiment déifié. Mais pas de ses réelles découvertes, celles qui lui sont souvent attribuées à tort, alors qu’il n’a absolument rien à voir. Ou peu.
Né en 1856 en Croatie actuelle d’une famille serbe, émigré aux États-Unis en 1884, il aurait parlé un nombre impressionnant de langues, déposé des centaines de brevets, et fait des inventions qui ont révolutionné le monde, avant de sombrer dans l’oubli, victime présumée d’une volonté délibérée de le faire disparaître de l’histoire.
Qu’en est-il au juste ?
Faisons donc le tour de quelques unes de « ses inventions ».
Cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive, on en découvre régulièrement au hasard des lectures :). Sur certains sujets, il est parfois difficile de trouver des sources fiables, il est donc possible que cet article comporte des erreurs.
Les langues
Outre sa langue natale serbo-croate, il parlait latin, italien, français, allemand et anglais. Ce qui est impressionnant, mais on compte donc 6 langues, et non pas 10 ou 12 comme on lit souvent.
Le nombre de brevets
Il a déposé 275 brevets dans 25 pays, et non entre 700 et 1000. La liste des brevets déposés aux États-Unis est disponible. Son « rival » Thomas Edison en a déposé pour sa part 1093 aux seuls États-Unis. Mais il avait fondé un centre de recherche et développement dès 1887, à West Orange dans l’État du New Jersey, où près de 200 personnes ont travaillé en équipes de 10 ou 20.
Le courant alternatif
S’il a su en voir les avantages et en favoriser le développement, il n’en est pas l’inventeur. On trouve déjà son origine chez le Français Hippolyte Pixii en 1832, un quart de siècle avant la naissance de Tesla.
Dans les années 1850, Guillaume Duchenne expérimente les effets du courant continu mais aussi alternatif sur l’organisme humain. Il a eu le bon goût de laisser des traces photographiques de ses travaux.
Le transformateur
Les principes ont été découverts par Faraday et Joseph Henri en 1831. Son utilisation couplé à du courant alternatif débute dès 1870. Le premier brevet pour un transformateur « moderne » date du 7 novembre 1882, inventé par le Français Lucien Gaulard, qui utilise un noyau magnétique ferreux. En 1883 celui-ci, associé à John Dixon Gibbs, avait expérimenté en Angleterre la transmission de courant alternatif sous une tension de 2000 volts et sur une distance de 40 km avec un rendement affiché de 90%. La première expérience de distribution de l’électricité par courant alternatif en France était signalée à Tours en 1886.
En ce qui concerne le transport de courant, la « Compagnie Ganz » de Budapest a été la première à utiliser du courant alternatif et des transformateurs pour son réseau de tramway à la fin des années 1870, alors que Tesla n’était encore qu’à l’école. Il aura son premier emploi à Budapest en 1880, et a probablement été inspiré par les réalisations de la Compagnie Ganz. Son invention n’est donc pas due à Tesla.
Le moteur à courant alternatif
La paternité ne semble pas très claire. Comme souvent, il semble que plusieurs découvertes sont contemporaines, chacun s’inspirant des travaux des compétiteurs. On peut citer l’Anglais Walter Baily en 1879.
En 1886, l’Anglais Elihu Thomson construit un moteur alternatif. En 1887, l’Américain Charles Schenk Bradley (ancien employé de chez Edison) est le premier à déposer un brevet pour un moteur alternatif à deux phases aux USA, alors que d’autres, tels que Auguste Haselwander en Allemagne et Michael Dolivo-Dobrowolsky en Suisse, déposent aussi des brevets.
Il faut citer l’Italien Galileo Ferraris, qui dépose 8 mois avant Tesla un brevet pour un moteur/générateur de courant alternatif à induction, projet qui l’occupait depuis 1885.
Tesla a-t-il donc inventé le moteur à courant alternatif ? Non. Il l’a amélioré, sans pour autant être le seul à le faire.
La radiographie par rayons X
Les rayons X sont officiellement une découverte de Wilhelm Röntgen en 1895. À cette époque, divers inventeurs expérimentaient des tubes à vide. Parmi eux, Wilhelm Conrad Röntgen. Tesla était ami avec l’écrivain Mark Twain, auteur entre autres des Aventures de Tom Sawyer, et lui rendait souvent visite. Ils prirent des photographies en utilisant diverses sources lumineuses, telles qu’une lampe à incandescence et un « tube de Crooke ». Les photos avec ce tube furent ratées.
Quelques semaines plus tard, Wilhelm Conrad Röntgen rendait publique sa découverte des rayons-X, en utilisant le même type de tubes, et Tesla comprit pourquoi cet éclairage ne fonctionnait pas pour des photographies. Il refit donc des essais et parvint à faire des photos qui impressionnèrent W. Röntgen.
Il semble donc que Tesla n’a pas vraiment pris conscience de l’importance de la découverte à ce moment-là, il a simplement remarqué le phénomène de manière accidentelle. Par la suite cependant, il va concevoir son propre tube à émission de rayons X.
A-t-il découvert les rayons X ? Ça me semble être à l’appréciation de chacun. Si on peut considérer que c’est le cas, il n’a pas poussé loin les recherches sur ce sujet, et il n’a pas été le seul.
L’éclairage au tube néon
Les lampes au gaz néon sont une invention du Français Georges Claude en 1910. Le gaz lui-même a été mis en évidence par les Anglais William Ramsay et Morris Travers en 1898, et Georges Claude a inventé un procédé pour l’extraire de l’air liquéfié. On doit donc plutôt parler de lampes fluorescentes au sens général, le néon n’est qu’un cas particulier.
Le phénomène de fluorescence sous l’effet de l’électricité a été mis en évidence dès 1705 par l’Anglais Francis Hauksbee, en utilisant de l’électricité statique. Edmond Becquerel avait entrepris dès 1850 des travaux visant à émettre de la lumière par fluorescence grâce à une excitation électrique. La première lampe commercialement utilisable est due à Daniel McFarlan Moore, un ancien employé de T. Edison. Tesla a quant à lui fait des recherches sur l’utilisation des hautes fréquences afin de provoquer le phénomène, et c’est aujourd’hui une application au quotidien.
Comme pour beaucoup d’autres découvertes, il a su apporter ses améliorations, mais il est largement exagéré d’affirmer qu’il en est l’inventeur.
L’ampoule électrique.
Edison aurait volé l’idée de l’ampoule à Tesla …
Les premiers prototypes à peu près fiables seraient l’œuvre de James Bowman Lindsay en 1835. Idée reprise par Joseph Swann, en 1850, qui finira par déposer un brevet 25 ans plus tard le 27 novembre 1880 en Angleterre, en utilisant un filament de papier carbonisé. Malchance pour lui, Edison avait déposé un brevet également aux USA le 18 novembre 1878, qui utilisait un filament en bambou. Swann et Edison finiront par s’associer.
C’est un résumé rapide, bien d’autres chercheurs se sont penchés sur le problème.
Que vient faire Tesla là-dedans ?
Comme on le voit, tout était réglé en 1878. À cette époque, Tesla est dessinateur industriel dans la ville de Maribor, en Slovénie. Il n’émigrera aux USA que 6 ans plus tard, en 1884. S’il s’est bien penché sur le problème de l’éclairage, ce sera pour des solutions basées sur la fluorescence, sans aucun lien avec les ampoules à filament. Fait amusant, une ampoule porte son nom, et utilise ce principe : https://www.lightbulbs.com/blog/tesla-light-bulb
On a ici une légende urbaine basée sur le combat du gentil contre le méchant, Tesla contre Edison. La réelle rivalité a eu lieu lorsqu’il a fallu faire fonctionner ces fameuses ampoules, et donc distribuer l’électricité. C’est là qu’Edison cherchera à imposer son courant continu, alors que Tesla était partisan du courant alternatif. C’est la fameuse « guerre des courants », durant laquelle un éléphant sera électrocuté pour montrer la dangerosité présumée du courant alternatif : https://www.dailymotion.com/video/xk9dm9
Ampoules allumées sans fil à distance
Il existe une célèbre photo où on le voit tenir une ampoule électrique allumée en l’absence de fil.
Nikola Tesla aimait expérimenter avec des hautes fréquences. Or en leur présence il se produit ce qu’on appelle « l’effet de peau ». C’est-à-dire que le courant circule sur la périphérie du conducteur et non dans son cœur, le conducteur fut-il un corps humain. Mais ça n’est pas cohérent ici, puisqu’il la tient par le culot, et il manque un fil pour le retour du courant.
On sait aussi qu’il aurait aimé transmettre du courant à distance. Il y a encore des essais à ce sujet. En 2007, le MIT a réussi à allumer une ampoule de 60 W à une distance de 2 mètres … Il me semble qu’il y a eu quelques progrès depuis.
A signaler qu’on ignore tout de la technologie de l’ampoule de cette photo. Si elle fonctionnait par l’ionisation d’un gaz, il suffit d’une source de hautes fréquences à proximité pour qu’elle s’allume. J’ai fait l’expérience moi-même pour amuser mon fils.
On peut d’ailleurs comparer cette image à celle dans la section « éclairage au néon » au dessus. La brillance de l’ampoule semble homogène, ce qui serait cohérent. Ça n’est bien sûr qu’une supposition de ma part, on ignore tout du temps d’exposition, et je ne suis pas spécialiste en photographie. Encore moins en photographie ancienne.
On lit donc qu’il aurait réussi à allumer des ampoules à une distance de 100 pieds (30 mètres), 1 mille (1600 mètres), 2 milles (3200 mètres), voire 25 milles (40 km), avec 200 ampoules. Lâchons nous :) ! Qui dit mieux ?
En fait, les chiffres varient d’une source à l’autre, sans jamais citer un texte de référence. Il semble que l’origine soit une simple déclaration d’un journaliste, que je n’ai pas réussi à retrouver. On sait que Tesla aimait se montrer en spectacle, et être un centre d’attention. Il serait surprenant qu’il ait réussi une telle prouesse sans que ça ne soit mentionné nulle part. Par contre, ça a beaucoup de succès chez les amateurs de « l’énergie libre ».
Le Laser
Parmi ses présumées inventions, on trouve souvent le laser. Light amplification by stimulated emission of radiation, en français amplificateur de lumière par l’émission stimulée de radiation. Il est le descendant direct du Maser (microwave amplification by stimulated emission of radiation).
L’invention du Maser est basée sur des travaux d’Albert Einstein publiés en 1917, et est basée sur la physique quantique. Le laser est une découverte qui date des années 1950/60, après la mort de Tesla. Celui ci n’a donc aucun lien avec le laser.
La radio
Il en est en effet officiellement l’inventeur et expérimente dès 1883. Mais c’est l’aboutissement de recherches depuis plusieurs décennies et de dizaines de chercheurs. Parmi les précurseurs, on peut citer le méconnu Mahlon Loomis.
La page wiki résume la chronologie. Il s agit ici de transmission radio primitive. La transmission de la voix humaine elle-même attendra l’année 1900 et les travaux du brésilien Landell de Moura.
La télécommande
On lit souvent qu’on lui doit nos télécommandes actuelles. S’il a effectivement conçu un système de radiocommande pour son modèle réduit de sous-marin exposé à la Electrical Exhibition de 1898, celui-ci fonctionnait par ondes radio, comme son nom l’indique.
Ça n’a absolument rien à voir avec une télécommande « classique », comme celle d’une télé, qui utilise des semi-conducteurs et un train d’émission lumineuse infrarouge pour son fonctionnement. On pourrait cependant rapprocher son invention des télécommandes utilisées en modélisme, qui quant à elles utilisent des ondes radio. A signaler que son sous-marin n’a pas vraiment marqué les esprits, la plupart des gens étaient perplexes, voire soupçonnaient une fraude. Sa popularité est peut-être due au fait qu’il a été exhibé au Electric show de 1898, événement populaire.
Il n’était pas cependant pas le premier à utiliser le principe. Dans l’ombre et loin des feux de la rampe, d’autres travaillaient sur l’idée. Grâce aux travaux du Français Édouard Branly, le Britannique Olivier Lodge parvient en 1894 à dévier un rayon lumineux à distance. En 1896, William Preece parvient à faire sonner une cloche grâce à une commande par ondes radio. En juillet 1898, les Britanniques Ernest Wilson et Charles John Evans déposent une demande de brevet pour un contrôle de ballons dirigeables via ondes radio, brevet validé en 1900 sous la référence US Patent No. 663,400
Les machines volantes de Tesla
On trouve 2 brevets à ce sujet : US1,655,113 - Method of Aerial Transportation - January 3, 1928 et US1,655,114 - Apparatus for Aerial Transportation - January 3, 1928.
Ça ressemble à l’ancêtre du SNECMA C.450 Coléoptère avec probablement des idées novatrices, mais est resté tout autant sur la planche à dessin que l’hélicoptère de Léonard de Vinci.
Ce que je trouve intéressant est qu’on trouve souvent cette image associée :
C’est une image qu’on retrouve souvent ailleurs, comme par exemple au sujet des soucoupes volantes nazies. Cette image est très souvent amputée de sa partie basse, et on lit peu ou mal la signature. Elle est en fait extraite d un livre de William R. Lyne Occult Ether Physics : Tesla’s Hidden Space Propulsion System and the Conspiracy to Conceal It (1997).
William R. Lyne est un personnage qui semble très sympathique, et qui défend diverses théories. Parmi celles-ci, l’idée que Tesla a conçu une soucoupe volante et que le gouvernement nous cache la présence d’extra-terrestres parmi nous. Chacun jugera de la pertinence de l’information.
Bougie d’allumage
Nikola Tesla aurait aussi inventé la bougie d’allumage, indispensable au fonctionnement de quasiment tout moteur à explosion, sauf les diesels. Le brevet est US 609250 A en date du 16 août 1898.
En fait, ce brevet ne concerne pas la bougie d’allumage, mais un système générateur de haute tension pour provoquer une étincelle. Ça ressemble à une version exagérément compliquée de ce que fait le duo vis platinées / condensateur / bobine et réseau RLC d’un allumage conventionnel (lire non électronique comme les actuels ; comme celui des Mobylettes avec leur condensateur capricieux).
L’idée d’allumage d’un mélange air + carburant revient à Volta en 1777. Le premier moteur à explosion est dû à Isaac de Rivaz, et utilisait déjà un allumage électrique. La bougie d’allumage elle-même est une invention du Belge Etienne Lenoir en 1876.
Nikola Tesla n’a donc clairement pas inventé la bougie d’allumage, pas plus qu’il n’a inventé le principe. Son idée n’a jamais été utilisée, à ma connaissance.
Le microscope électronique
Il existe plusieurs types de microscopes électroniques. Je n’ai pas les compétences pour en parler en détail, mais c’est très bien expliqué de façon claire sur une vidéo de la chaîne Youtube e-penser.
Le principe de départ est d’envoyer un flux d électrons vers l’objet à examiner. Or la découverte des électrons est officiellement attribuée à Joseph John Thomson en 1897... Celui-ci aurait prouvé leur existence qui avait été prédite par George Johnstone Stoney en 1874.
Nikola Tesla aurait-il découvert les électrons avant J.J Thomson ? C’est ce que certains affirment, en se basant sur un texte de Tesla intitulé « Reply to J.J. Thomson’s note », publié dans Electrical Engineer, New York (1891). Dans cet article, Tesla affirmerait que ses expériences prouvent l’existence de particules chargées électriquement (des petites boules chargées), alors que J.J. Thomson affirmerait le contraire. On trouve cette information un peu partout, mais il m’a hélas été impossible de trouver le texte original. Il serait curieux d’avoir fait une telle découverte, qui est à la base même de la conception de toute matière, et de n’en avoir parlé que de manière très anecdotique lors d’un échange via journaux interposés. C’est d’autant plus curieux qu’il semble que J.J. Thomson était admirateur de James Clark Maxwell, et les théories de Maxwell sur l’électromagnétisme sont cohérentes avec l’existence des électrons.
Quoiqu’il en soit, si Tesla a réellement mis en évidence les électrons, leur existence théorique était déjà prédite, et il y a un gouffre entre découvrir un élément physique et ses multiples applications. Peut-on vraiment considérer qu’il a participé à l invention du microscope électronique ?
Barrage de Niagara Falls
Parmi les réalisations spectaculaires, on trouve souvent cité le barrage hydro-électrique sur le Niagara, qui a vu le jour en 1895.
Pour une centrale hydroélectrique, il faut 2 éléments techniques essentiels :
– une turbine hydraulique.
– un générateur de courant.
La turbine est une invention du Français Claude Burdin (1788-1873), perfectionnée par son élève Benoît Fourneyron (1802-1867). On trouve des mises en œuvre concrètes dès les années 1830.
En ce qui concerne les générateurs de courant, si aujourd’hui ils sont tous de type alternatif, on trouve dès les années 1870 des dynamos, notamment des « machines Gramme ». Des bougies Yablochkov , sortes de lampes à arc, reliées à des générateurs Gramme, illuminent la Place de l’Opéra durant l’exposition universelle de Paris en 1878.
L’union des deux était donc inéluctable.
– La plus ancienne installation hydroélectrique connue date de 1870. Elle n’allumait qu’une seule lampe.
– En 1869, Aristide Bergès installe une râperie de bois à Lancey en Isère où il utilise l’énergie hydraulique pour faire fonctionner ses défibreurs (appareils râpant le bois afin d’en faire de la pâte à papier). Il établit à cet effet une conduite forcée de 200 m de dénivelé, dont l’eau captée fait tourner une turbine, entraînant les défibreurs. En 1882, souhaitant ajouter une unité de papeterie à sa râperie il met en place une conduite forcée de 500 mètres de dénivelé et adjoint une dynamo Gramme à ses turbines pour produire du courant électrique.
– Parallèlement, en 1882 aussi, était lancée la centrale hydroélectrique « Vulcan Street Plant » à Appleton dans le Wisconsin. C’est la première construite par Thomas Edison. Elle est elle aussi modeste. Son rôle était d’éclairer deux bâtiments où on fabriquait de la pâte à papier et la maison d’un particulier.
– Encore la même année 1882, on trouve la centrale Schoellkopf Power Station, équipée d’une dynamo qui sert à éclairer les rues de Niagara Falls avec des lampes à arc.
– On en construit aussi au Canada. Dont au Québec en 1885 sur les Chutes-Montmorency afin d’éclairer la ville de Québec. Puis à Sainte-Narcisse en 1897 pour éclairer la ville de Trois-Rivières, située à 27 km. En 1892 à Montréal sur le canal Lachine...
Il serait long de faire ensuite la liste de toutes les centrales. Rappelons que « notre » centrale de Niagara Falls ne verra le jour qu’en 1895, soit 13 ans plus tard ... Quelle est donc sa particularité ?
Elle est surtout symbolique. L’idée d’utiliser la chute d’eau n’était pas nouvelle, on trouve trace d’un moulin au même endroit dès 1725. C’est la concrétisation d’un projet de la Niagara Falls Hydraulic Power & Manufacturing Company, au désarroi de Thomas Edison, promoteur du courant continu. La conception a été confiée à George Westinghouse et à Nikola Tesla. La construction de la centrale et du réseau de distribution s’est étalée de 1893 à 1896. Elle a permis d’apporter l’électricité à la ville de Buffalo (État de New York), située à une trentaine de kilomètres des chutes.
La centrale hydroélectrique équipée des générateurs de Nikola Tesla était-elle la première au monde ? C’était à l’époque la plus puissante centrale hydroélectrique jamais construite, mais pas la première à courant alternatif en Amérique du Nord. La Redlands Power Plant, en 1893, fournissait déjà du courant triphasé.
Les génératrices utilisées étaient une conception de Tesla et de Westinghouse, mais malgré mes recherches, je n’ai jamais trouvé quelle était la réelle implication de Tesla pour ce projet. On trouve cependant son nom sur les plaques d’identification des génératrices.
S’il a donc participé à ce barrage sans qu’on puisse en douter, lui en attribuer l’entière paternité serait très exagéré.
La robotique
Nikola Tesla serait aussi l’inventeur de la robotique ... Autant certaines autres affirmations sont assez simples à réfuter, autant celle-ci est subtile et m’a pris du temps à la mettre en mots pour des gens qui ne sont pas forcément de formation technique. On trouve un argumentaire assez fourni à ce sujet ici, le plus argumenté que j’ai trouvé à vrai dire.
C’est un texte de 13 pages que je ne traduirai pas ici de par sa longueur, pour lequel je n’ai hélas là encore pas la source d’origine, mais que je peux tenter de résumer. Ce document fait écho aux états d’âme de Tesla, qui établit un comparatif entre son statut d’être humain conscient et imagine une machine capable de réagir à des stimuli extérieurs, comme le fait un être vivant.
On trouve au milieu de ce texte l’exemple de son sous-marin miniature commandé par ondes radio. Ce qui est clairement hors sujet, puisque il ne réagissait uniquement qu’à des commandes externes, fussent-elles via ondes radio (ce qui était révolutionnaire à cette époque, il ne faut pas pour autant le négliger), et ce modèle réduit était incapable de prendre une décision autonome.
On peut donc résumer, je crois, la notion de « robot », à une création mécanique réagissant en fonction de son environnement, et capable de réagir à une interaction avec celui ci. C’est donc, ainsi que l’écrit en substance Tesla, un automate qui réagit à des stimuli externes.
J’en viens naturellement à l’histoire des automates, ces machines capables d’enchaîner des actions. Il existe à ce sujet des ouvrages fabuleux, dont celui de Philon de Byzance, à l’époque où les temples grecs rivalisaient de magie pour attirer les adeptes.
Cette invention serait liée essentiellement à quelques unes des déclarations de Tesla, dont celle ci :
« I have by every thought and act of mine, demonstrated, and does so daily, to my absolute satisfaction that I am an automaton endowed with power of movement, which merely responds to external stimuli. »
« J’ai, par chaque pensée et chacun de mes actes, démontré, et cela quotidiennement, à ma satisfaction absolue que je suis un automate doué de pouvoir de mouvement, qui répond simplement à des stimuli externes. »
« Obviously, to put into practice this idea, it would be possible to construct a machine that would have th e arms and legs, and which would walk in an upright position, but this woul d additionally complicate the task and make it more complex. »
« Évidemment, pour mettre cette idée en pratique il serait possible de construire une machine qui aurait des bras et des jambes et qui marcherait debout, mais ça compliquerait la tâche et la rendrait plus complexe. »
A signaler que le thème du robot n’était pas inconnu à l’époque de Tesla, on trouve divers ouvrages qui l’abordent dès 1815, voire bien avant. On trouve des réalisations pratiques d’automates, comme par exemple la serveuse de thé de Al-Jazaari (1206), ou bien le chevalier robot de Léonard De Vinci (1495).
En ce qui concerne Al-Jazari, il a fait des trucs fabuleux, mais on trouve souvent du n’importe quoi à son sujet aussi. Il souffre de ce que j’appelle le « syndrome de l’Age d’Or », où par idéologie religieuse certains ré-écrivent l’histoire et lui attribuent à lui aussi des inventions qui ne sont pas de lui. Génie méconnu en Occident, et c’est dommage, qui a laissé pas mal de dessins techniques relativement lisibles sans même comprendre un seul mot d’arabe.
La Pierce Arrow 1931, voiture électrique à énergie libre
Cette voiture aurait fait surface en 1967. Elle aurait été décrite par un supposé neveu de Nikola Tesla nommé Peter Savo. Premier problème, Tesla n’a jamais eu de neveu de ce nom. Cette voiture aurait été alimentée par un moteur « récepteur d’énergie cosmique ». Cette histoire aurait été rapportée entre autres par Arthur Matthews, qui aurait été éventuellement un assistant de Tesla. Ce même Arthur Matthews a également écrit un livre titré The Wall of Light, dans lequel il écrit que Tesla était en fait un extra-terrestre originaire de la planète Vénus. On y apprend aussi l’existence d’un vaisseau spatial nommé le X-12, lui aussi vénusien, circulaire et d’un diamètre de 700 pieds (216 mètres).
Voilà donc ce qui s’appelle une source sérieuse.
La table de multiplication 369
J’adore celle-là. Un autre mythe concerne les fameux chiffres 3, 6 et 9, qui seraient la clé de la compréhension de la vie, l’univers et le reste. Il aurait déclaré :
« If you only knew the magnificence of the 3, 6 and 9, then you would have the key to the universe. »
(« Si vous connaissiez seulement la magnificence des 3, 6 et 9, alors vous auriez la clé de l’univers. »)
Il m’a été impossible de trouver une source fiable quant à cette déclaration. Je la soupçonne apocryphe. Nikola Tesla aurait dessiné une table de multiplication mettant en avant ces principes.
Sauf que tout ceci est un pur hoax, datant environ de 2012. L’auteur est le professeur de mathématique farceur Joey Grether, qui n’en était pas à son premier méfait humoristique. Le précédent concernait un restaurant Mc Donald’s où le personnel aurait été remplacé par des robots. Il s’agit de mettre en scène sa propre création, la « spirale 12X », qui est à l’origine un projet éducatif pour enfants. Explications ici, par Joey Grether lui-même.
Le radar
En 1917, à la fin de la première guerre mondiale, Tesla a proposé de localiser les sous-marins sur un écran fluorescent. Cependant, la technique qu’il proposait était d’envoyer dans l’eau un faisceau électrique à haute fréquence (plusieurs MHz), et le recevoir en retour s’il était réfléchi par un sous-marin afin d’illuminer l’écran, comme le font les rayons X. De son propre aveu, la réalisation pratique consistant à jumeler hautes fréquences et grande puissance d’émission était limitée par la capacité à créer cette énergie à partir d’un bateau en mer plus de quelques secondes. De plus, la localisation précise exigeait l’utilisation de postes de réception sur plusieurs bateaux afin de trianguler le signal reçu en retour.
Les premiers radars fonctionnels ne feront leur apparition que dans les années 1930, mais étaient utilisés pour détecter des avions ou des bateaux en surface. Le principe du radar sous-marin, ou plutôt du sonar, est basé sur l’écholocalisation comme les chauves-souris, et n’a rien à voir avec les idées de Tesla. Le principe de triangulation est aujourd’hui utilisé au quotidien par les récepteurs/ satellites GPS.
Le principe consistant à utiliser des ondes radio s’appelle la radiogoniométrie. Ça semble avoir été utilisé à une époque en aviation et en navigation jusqu’aux années 1970, mais avant ça lors de la seconde guerre mondiale, avec l’invention allemande Elektra Sonne, et l’est encore pour détecter la position d’animaux sauvage équipés d’un émetteur. C’est aussi utilisé à titre de loisir par les radio-amateurs lors de « chasse au renard ».
Donc c’était loin d’être idiot, mais c’était simplement irréalisable en pratique avec les techniques de cette époque. Bien joué cependant.
Le rayon de la mort
Souvent associé à tort au laser, il ne met pas au point un « rayon de la mort », mais en parle dans un article de journal en 1934. En fait ça ressemble plus à un canon à électrons qu’à un laser. Il a alors 78 ans et est un peu gâteux. Selon ses propres mots, il faut encore inventer plusieurs systèmes avant que ça puisse être réalisable, et le coût ne serait « que » de 2.000.000 $. Il n’a bien sûr jamais prétendu que ça pourrait détruire un satellite, puisque ça n’existait pas à l’époque ... Oui, c’est aussi une ânerie que j’ai lue à plusieurs reprises.
Mort dans l anonymat
« Il meurt seul dans une petite chambre de l’hôtel New Yorker, abandonné de tous, le 07 janvier 1943 ». Voilà ce qu’on lit souvent. En ayant accroché un panneau « ne pas déranger » le 05 janvier.
La chambre n’est pas si petite que ca, quand on sait qu’à l’origine elle était composée de deux des chambres actuelles (numéros 3327 et 3328). Ça correspond assez bien à ses goûts simples, et n’en fait pas un clochard abandonné par tous. Ne pas oublier qu’on est encore en pleine seconde guerre mondiale ...
D’ autre part, il aura droit à un discours officiel de la part du maire de New York le 10 janvier 1943, puis à des funérailles officielles (State Funeral) à la Cathédrale St John le 12 janvier, qui est une des plus grandes cathédrales gothiques au monde, avant d’être incinéré. Le lendemain 13 janvier, un autre service funèbre a eu lieu dans une autre cathédrale serbe orthodoxe.
Quelques faits en vrac, en plus de ces funérailles nationales :
– 1952 : un buste en bronze est érigé à Vienne à son nom. Un corps céleste navigant entre Mars et Jupiter est nommé Tesla.
– 1955 : le Nikola Tesla Museum est ouvert à Belgrade, contenant 160.000 documents originaux et 5700 autres bricoles.
– 1956 : érection d une statue à Zagreb
– 1960 : son nom entre officiellement dans les unités de mesure internationales, le Tesla mesure désormais les champs magnétiques. Il est un des trois seuls Américains à avoir eu cet honneur, aux cotés de Watt, Ampère, Volt, Newton, Pascal, Faraday, Ohm, Siemens, Becquerel, etc. Que du beau monde.
– 1975 : il entre au Inventors Hall of Fame, aux cotés de Henri Ford, Fermi, Charles Goodyear, Felix Hoffmann (aspirine), Alfred Nobel, Nikolaus Otto, Louis Pasteur, Orville Wright, Ferdinand von Zeppelin, et bien d’autres. Création du prix « Nikola Tesla Award », destiné à récompenser ceux qui apportent des progrès dans le domaine électrique.
– 1976 : plaque commémorative à Wardenclyffe. Statue commémorative à Goat Island.
– 1977 : un hôtel de New York où il a vécu est renommé Radio Wave Building. Plaque commémorative, bien sûr.
– 1980 : sortie du film The Secret of Nikola Tesla, petit film yougoslave, mais avec apparition d’Orson Welles.
– 1981 : publication d’une biographie. Une autre statue à Gospic.
– 1983 : dans la série A Tribute To American Inventors sortie d’un timbre en hommage à Tesla aux USA.
– 1994 : un carrefour est nommé Nikola Tesla Corner à New York.
– 1997 : un buste en bronze à l’université de Yale. D’après le magazine Life, Tesla est le numéro 57 des 100 personnes les plus influentes des 1000 dernières années.
– 2004 : un autre buste à l’université de physique de Cornell.
– 2006 : encore une statue à Niagara. Ouverture de sa maison natale en tant que musée.
– 2008 : un documentaire de History Channel.
– 2020 : sortie prévue d’un film censé être sa biographie. Il n’est pas encore sorti au moment où j’écris ces lignes, donc je n’ai pas d’opinion tranchée à son sujet. Est-ce que ça va être réaliste, ou bien un héros romancé avec des super pouvoirs à la Marvell ? Mystère pour le moment.
On trouve une bande annonce. A 0"47 on le voit déclarer qu’il a découvert une nouvelle source d’énergie : le courant alternatif. Alors qu’il est clairement établi qu’il n’en est pas l’inventeur. A 1"36 on le voit apparemment seul avec une femme, en pleine opération de séduction, alors qu’il détestait ça. En fait, il refusait de manger en tête à tête avec une femme. Il n’a jamais été marié, et la seule fois où il a parlé d’amour c’était au sujet d’un pigeon blanc ... Il est même possible que Tesla ait été homosexuel, bien qu’il n’existe aucune preuve formelle. La narratrice du film, Anne Morgan, est la fille de son mécène J.P. Morgan. Très impliquée dans les causes féministes. Au vu de la misogynie affichée de Tesla, voilà qui ferait un couple étrange. Je m’attends donc au pire.
Pour quelqu’un dont on semblerait vouloir effacer l’existence, il s’en sort plutôt bien.
En vrac
Pour finir, peut être temporairement tant le sujet est vaste, explication d’une image iconique. Cette image n’a jamais existé. Pas en tant que telle, du moins. C’est une simple double exposition.
Celle-ci non plus, c’est une colorisation contemporaine.
Je n’ai pas cité le cas de la tour de Wardenclyffe, pour la simple raison qu’il est difficile de trouver des informations concernant ce que Tesla a réellement fait à cette époque. On sait simplement qu’il est parti sans payer la facture d’électricité, sa tour destinée à produire du courant en consommait en fait de manière gargantuesque ! Lorsque son ami et mécène J.P. Morgan lui a annoncé avoir besoin de lui à New-York, il semble qu’il ait été heureux de tout quitter au plus vite, au vu de l’absence de résultats obtenus, et de l’isolement du lieu. Encore une fois, ne pas oublier qu’il aimait se donner en spectacle devant un public conquis d’avance. La destruction de la tour en 1917 a en fait servi à payer en partie les créanciers.
Nikola Tesla avait tout de même quelques soucis de santé mentale ... Par exemple, il faisait 3 fois le tour d’un pâté d’immeubles avant d’y entrer, se lavait les mains 3 fois, il exigeait d’avoir 18 serviettes, refusait de manger seul en compagnie d’une femme, et vouait une véritable vénération envers les pigeons. Et était tout à fait à l’aise avec l’idée d’eugénisme.
Je ne nie en aucun cas son génie novateur. A mes yeux il est aussi génial que le perse Al-Jazari et ses merveilleuses machines à eau. Pourtant qui connaît ne serait-ce que le nom de cet autre génie ? Qui connaît le nom de Nikolaus Otto, l’inventeur du moteur 4 temps qui équipe la majorité de nos véhicules ? De Percy Julian, qui est à l’origine de la cortisone et de la pilule contraceptive ? De Robert Hooke, qui a fait des découvertes importantes en optique, astronomie, physique, et qui fut le premier à décrire les cellules végétales ? De Ibn Nafis, qui a découvert le système circulatoire dans les poumons ?
Il ne faut pas oublier qu’on est en pleine seconde révolution Industrielle. Époque où la majorité des techniques que nous utilisons aujourd’hui ont été inventées. L’Office des Brevets US tient une liste des brevets alloués, dont un tableau remontant à 1836. J’ai donc fait un graphique représentant le nombre de brevets déposés chaque année aux USA entre 1836 et 1914. On voit clairement qu’à partir de 1860, le nombre de brevets déposés chaque année grimpe en flèche. Tesla faisait partie de ces chercheurs, mais était loin d’être le seul. Tous s’inspiraient plus ou moins des travaux des autres, comme c’est encore le cas de nos jours.
Sources
S’il n’y avait qu’un seul site que je me permettrais de recommander, c’est la fabuleuse chronologie de teslauniverse.com : https://teslauniverse.com/nikola-tesla/timeline/1856-birth-nikola-tesla qui retrace année après année sa vie, et ses inventions. Et me semble des plus sérieux.
Deux ouvrages semblent être de qualité convenable pour en apprendre plus sur l’homme, hélas tous deux en anglais.
– Wizard: : The Life and Times of Nikolas Tesla de Marc Jeffrey Seifer
– Tesla : Inventor of the Electrical Age de W. Bernard Carlson.
Je ne les ai pas lus, mais ils m’ont été conseillés, avec quelques réserves mineures cependant.
Sources en vrac , je ne les liste pas toutes. On y trouve de tout :) Je sais, c’est mal.
La plupart sont en anglais.
http://seaus.free.fr/spip/IMG/doc/dist/ecrire/spip.php?article601
http://www.teslasociety.com/niagarafalls.htm
http://edisontechcenter.org/AC-PowerHistory.html
http://www.alterinfo.net/Tesla-ou-l-origine-du-projet-HAARP-1ere-partie_a59266.html
https://www.electronicproducts.com/5-historic-nikola-tesla-images-explained/#
Eugénisme, prédictions :
https://www.inverse.com/article/12445-nikola-tesla-s-future-predictions-were-wrong-and-right-but-uniformly-fascinating
https://hello-earth.com/nikolatesla/amachinetoendwar/libertymagazine9february1935.html