J’ai décrit il y a quelques jours dans cet article un certain nombre de documents officiels publiés sur le blog de geolog-mrak (bs). Pour mémoire, il semble que la Fondation de M. Osmanagic ait adressé au Ministère de la Culture une demande, à la fois d’autorisation de fouilles (y compris dans la zone protégée de Visocica, voir ici) et de subventions ; et que le Ministre Gavrilo Grahovac ait de son côté recherché l’opinion de diverses institutions scientifiques bosniennes sur les projets de M. Osmanagic avant de répondre à cette demande. Geolog-mrak avait déjà publié certaines de ces opinions (celles des géologues de l’Université de Tuzla, de ceux du Conseil fédéral pour la Géologie, des scientifiques du Musée National de Sarajevo et de ceux de l’Académie des Sciences de Bosnie), toutes extrêmement négatives sur le projet ; il vient d’y ajouter un courrier (bs) cette fois de la Commission pour la Protection des Monuments nationaux (en)
dont on a vu ici qu’elle avait déjà émis un avis négatif sur le nouveau projet de "restauration de la Vieille Ville de Visoki" utilisé par M. Osmanagic comme alibi pour essayer d’obtenir l’autorisation de fouiller à nouveau sur Visocica. Ce nouvel avis porte sur l’ensemble du projet de "vallée bosnienne des pyramides" ; là encore, l’avis de la Commission est sans appel : "Nous considérons que ce projet [...] ne tient pas de la recherche archéologique sérieuse mais présente un caractère exhibitionniste et sensationnaliste". Et de rappeler à cette occasion une évidence : il existe en Bosnie un très grand nombre de monuments et sites d’importance nationale voire européenne qui sont en danger de disparition totale par manque de moyens pour leur protection et leur restauration (voir par exemple ce document du Conseil de l’Europe (fr) qui liste une vingtaine de ces sites gravement menacés), et le peu de moyens financiers, scientifiques et techniques dont dispose la Fédération de Bosnie-Herzégovine doit être consacré en priorité à ces sites.
Enfin, le dernier document (bs) publié sur le blog de geolog-mrak le 22 mai émane du Ministre Gavrilo Grahovac lui-même
et est adressé à ses collègues du gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. La position du Ministre est parfaitement claire : sur la base des différents avis scientifiques recueillis, il conclut sans surprise à l’absence de "bases permettant au gouvernement de la Fédération de soutenir et participer au financement des recherches archéologiques" dans la "vallée bosnienne des pyramides" (et non seulement, le texte est très clair là-dessus, dans la zone protégée, mais également en-dehors de cette zone). Le plus intéressant est l’exposé des motivations du Ministère à ce rejet des demandes de M. Osmanagic :
– le projet "n’appartient pas à la catégorie des recherches archéologiques sérieuses" ;
– il y a un doute sérieux sur la "crédibilité" de la plupart des noms qui apparaissent dans la liste des collaborateurs de la Fondation, et sur leurs qualifications scientifiques ;
– de nombreux "chercheurs" étrangers n’ont aucun permis de travail sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ;
– la Fondation publie ses trouvailles sans aucun contrôle institutionnel, et empêche leur analyse scientifique (allusion aux "artefacts" auxquels l’équipe du Musée de Sarajevo s’est vue refuser l’accès à Vratnica, voir ici) ;
– les travaux archéologiques sur le terrain sont menés de façon non scientifique et destructrice ;
– les géologues ont montré que tant Visocica que Pljesevica sont le résultat de phénomènes naturels, phénomènes géologiques qui sont interprétés et présentés au public de façon non scientifique et erronée par la Fondation ;
– enfin, le Ministère conteste à la Fondation le droit même d’organiser des fouilles archéologiques qu’elle s’est attribuée dans ses statuts (bs), et recommande une enquête officielle sur la légalité de ces statuts et de l’enregistrement de la Fondation, en particulier sur l’existence d’un encadrement scientifique réel...
Comme l’a immédiatement remarqué Stultitia (bs), cette dernière recommandation du Ministre explique sans doute pourquoi la Fondation, une semaine après l’envoi de ce courrier dont elle a eu copie, a éprouvé le besoin de publier sur son site une série d’offres d’emploi (bs), où l’on voit qu’elle est à la recherche de divers scientifiques, et en particulier d’un "archéologue en charge du projet" ; et pourquoi, de même, elle offre généreusement diverses bourses et aides à des étudiants (bs) et thésards (bs) qui accepteraient de venir donner un peu de vernis scientifique [1] à l’ensemble du projet...