Chantal JÈGUES-WOLKIEWIEZ (CJW dans la suite du texte) est une chercheuse qui a fait de l’archéoastronomie sa spécialité, et qui s’est fait connaître principalement en avançant la thèse que la salle des Taureaux de la grotte de Lascaux serait une représentation de la voûte céleste.
Cet article a pour objectif de présenter (je l’espère sans déformer) ses thèses au sujet de l’art pariétal et rupestre, et de voir quelles sont les critiques qui lui sont opposées, sur le fond mais également sur la forme.
1) Qui est CJW ?
1.1 Parcours et formation
Sur son site comme au dos de ses livres, elle se présente comme une « chercheuse indépendante, Docteur ès Lettres et Sciences Humaines, Anthropologue, Ethnoastronome, Psychologue ».
Et en effet, contrairement à d’autres membres de la communauté de la pseudo-archéologie évoqués sur ce site, CJW possède un vrai titre universitaire, puisqu’elle est titulaire d’une thèse de doctorat en ethnologie, soutenue en 1997, dont le sujet était : « Des gravures de la vallée des Merveilles au ciel du mont Bego : approche ethno-astronomique d’un temple luni-solaire du néolithique » [1].
Néanmoins, son site [2] précise qu’elle est entrée à l’université en 1982, soit à l’âge de 40 ans [3].
Nous ignorons tout de sa vie professionnelle antérieure, mais les informations sur son parcours de formation sont assez fournies, depuis son Certificat d’études primaires en 1956 !
Elle mentionne d’abord, en juin 1959 un « BEP et CAP. Histoire de l’art et du costume, symbolisme des animaux et des couleurs, broderie d’or (religieuse et militaire), broderie d’art (peinture à l’aiguille, tapisserie d’Art), broderie blanche » [4].
Puis en 1976, elle obtient un « Certificat d’études d’Égyptien pharaonique (Max Guilmot) ».
On ignore de quel type de diplôme il s’agit, mais précisons que Max GUILMOT est notamment l’auteur d‘ouvrages sur la spiritualité égyptienne [5], et aussi présenté comme « égyptologue rosicrucien » [6], la Rose-Croix étant un mouvement ésotérique qui a pu être apparenté à une secte [7].
D’ailleurs, si on en croit le site du Cercle d’égyptologie, qui se dit « [chargé] de continuer son œuvre de vulgarisation scientifique », l’approche de cette langue et de ses textes est très axée sur la spiritualité [8].
Au début des années 80, CJW entame un cursus en psychologie (dont en juin 1988, une « Licence de Psychologie (option criminologie) »), jusqu’au DEA, en 1991 [9], qui lui permet de faire usage du titre de psychologue, alors même que rien ne laisse entendre qu’elle ait pratiqué la psychologie d’un point de vue professionnel.
En 1992, son site [10] mentionne deux communications pour la Société française de Mythologie et de Psychothérapie, sur « Le zodiaque de Denderah » [11] et « La genèse de l’idée de Dieu ».
Pour l’année 1993, elle indique véritablement un changement de filière, via directement un DEA d’Anthropologie, en Ethnologie (aucune formation universitaire antérieure en Histoire, Histoire de l’art ou Archéologie, donc, qui serait un parcours plus classique).
On notera d’ailleurs le sujet un peu transversal d’un mémoire de 1993 : « Médecine antique, Médecine Moderne, Mythologie, angoisse et divination », DEA, Mémoire de méthodologie.
Ses recherches s’intéressent ensuite principalement à la vallée des Merveilles, à laquelle elle consacre sept communications et/ou publications entre 1994 et 2001 [12].
À signaler également, quelques communications et/ou publications sur la mécanique céleste (par exemple « Méthode de fabrication d’une carte du ciel permettant de visualiser le ciel à n’importe quelle époque et en n’importe quel lieu » en 1994 ou encore « Discussion à propos d’une éclipse équinoxiale d’automne » en 1998) et une petite incartade thématique en Mésopotamie avec « Le voyage de Gilgamesh à l’équinoxe d’automne » [13].
À partir de l’an 2000, son intérêt se porte sur la grotte de Lascaux et son interprétation originale du site la fait connaître.
Ce parcours, même assez éclectique, rend donc compte d’une formation universitaire qui semble plutôt sérieuse et montre assurément une passion réelle pour les thématiques liées à l’astronomie.
On y décèle toutefois un goût pour le mystère, la spiritualité, le symbolisme. Ces centres d’intérêt en eux-mêmes ne remettent pas en cause la validité de ses thèses ultérieures, mais on peut penser qu’ils aient pu influencer sa future lecture des sites et des objets.
Est-ce la raison pour laquelle ses travaux suscitent en majorité prudence ou scepticisme ?
Pour essayer de répondre à cette question, nous allons tout d’abord ausculter la forme de ses travaux, puis nous présenterons quelques-unes des principales critiques à l’encontre de ses théories.
1.2 Sur ses relations avec le milieu scientifique
• La première chose qui frappe lorsqu’on s’intéresse CJW, c’est son rapport ambigu au milieu scientifique. Elle se définit comme « chercheuse indépendante » tout en mettant en avant ses titres universitaires.
Le ton du documentaire Lascaux, le ciel des premiers hommes [14] fait d’ailleurs écho à cette ambivalence. On y évoque [15] « de nombreux sarcasmes », « l’intrusion de cette chercheuse atypique » dans ce champ de recherche, ou encore le fait que « Chantal s’attire les foudres du milieu scientifique. Absurde, ridicule, fantaisiste ». Ses travaux, un « périple de 7 ans », sont « un véritable défi pour une scientifique isolée, sans moyen de recherche ni financement, avec son seul mari pour soutien ». Les mots sont forts et ne sont pas anodins. Le commentaire insiste sur sa position et son parcours en marge ; la posture de victimisation est récurrente, et le choix de l’appeler par son prénom semble délibéré pour créer une proximité avec le spectateur et la rendre sympathique.
Dans un billet de novembre 2007 [16], Fabrice NEYRET relève que ce statut d’« indépendant » est présenté dans le documentaire « sous l’angle de la bravoure et de la ténacité ». Il évoque la « logique de progression dans le récit, par degré d’hardiesse dans les allégations » et « tous les poncifs des reportages de “sensasciences” (...), assénés de manière répétitive : très nombreux calculs, grand nombre de kilomètres parcourus… elle bouleverse les interprétations… ses résultats sont troublants, voire très troublants ». D’ailleurs le dossier de presse confirme cette volonté narrative [17].
En parallèle, des intervenants sérieux viennent apporter une caution scientifique : Jean CLOTTES (grand spécialiste de l’art du Paléolithique) [18], Jean-Michel GENESTE (spécialiste de l’art rupestre et qui fut notamment conservateur de Lascaux) [19], et Gérard JASNIEWICZ (astronome au CNRS) [20].
D’une manière générale, sa formation et ses liens avec le milieu scientifique, mentionnés sur son site quoique peu visibles, sont pourtant à même d’accroître sa légitimité auprès de son public.
De plus, signalons que CJW a fait quelques interventions et publications dans des ouvrages ou événements très sérieux, comme au Valcamonica Symposium en 2000 et 2007 ou encore dans la revue Antiquités Nationales en 2005 [21].
En 2008, elle est invitée à participer aux Dossiers d’Archéologie pour un numéro consacré à Lascaux, et coordonné par Jean CLOTTES, pour son « point de vue original » [22].
En outre, elle a depuis été invitée au Colloque « L’art paléolithique au risque du sens » (Cerisy-la-Salle, 2018), sous le parrainage scientifique d’Yves COPPENS [23]. Le but de ce colloque était de répondre aux questions posées par les œuvres paléolithiques, « en conviant les meilleurs spécialistes à faire le point sur leurs hypothèses », afin « d’en explorer (...) toutes les complémentarités ».
Cela montre que le milieu archéologique n’est pas totalement fermé à ses hypothèses (contrairement à ses assertions), et que malgré les réserves qu’elles suscitent, elles sont entendues à défaut d’être validées.
Et c’est toute la pertinence d’avoir l’intervention de Jean CLOTTES dans le documentaire : son interprétation chamanique des grottes ornées est (je cite le documentaire) « tout aussi audacieuse et controversée » [24], et il est donc tout désigné pour apporter du crédit à CJW, car il est la preuve qu’on peut être un spécialiste reconnu malgré des théories critiquées [25].
D’ailleurs le documentaire va plus loin, en postulant que l’interprétation des fresques de Lascaux pourrait relever des deux théories à la fois, ce que Fabrice NEYRET [26] interprète comme une « “solidarité des exclus” que l’on retrouve plus typiquement dans les pseudosciences, où souvent les “tenants” qui prennent le contre-pied des sciences ont en même temps une incroyable tolérance poussant au syncrétisme entre eux. » Il n’est bien sûr pas question de sous-entendre ici que Jean CLOTTES soit un pseudoscientifique, c’est uniquement la construction logique et narrative du documentaire qui est ici pointée du doigt, car cherchant manifestement à faire bénéficier CJW d’une partie de l’aura de son illustre collègue.
• Un autre point intéressant du positionnement de CJW est qu’elle se pose comme le pont entre deux disciplines.
À ce titre, CJW a fait plusieurs interventions à l’observatoire de Strasbourg dans les années 90 [27].
Et sur la version actuelle de son site, la page consacrée à ses travaux contient uniquement 4 lignes, qui commencent ainsi : « ont trop tendance à s’ignorer et même à se tourner le dos : l’Astronomie et la Préhistoire. Ceci, au détriment de la compréhension des sites majeurs de notre patrimoine préhistorique. » [28]
Or cette idée que ces « deux sciences (…) ont tendance à se tourner le dos » et que « depuis longtemps l’archéologie et l’astronomie semblent hermétiques l’une à l’autre » [29] est fausse. Les questions relatives à l’alignement de monuments ou de sites archéologiques, ou à la représentation d’objets célestes, ne sont ni rares ni mises de côté, à condition qu’elles semblent pertinentes aux chercheurs.
Pour l’étude des sites en eux-mêmes, la difficulté dans ce champ de recherche est de ne pas tomber dans le biais de voir des orientations volontaires et significatives à tout bout de champ, ou encore des observatoires partout, même quand des orientations « remarquables » sont attestées. Car « remarquable » n’est pas forcément « révélateur d’une intention », ce qui est manifestement un biais courant.
Apporter une lecture novatrice, c’est bien ; prétendre que la lecture ethnoastronomique serait une clé de compréhension indispensable à l’étude des sites « majeurs », c’est moins bien.
En adoptant cette posture, elle prétend donc réparer un préjudice causé à la compréhension des sites par le reste de la communauté scientifique.
Michael A. RAPPENGLÜCK, qui partage pourtant son axe de recherche en faveur des interprétations astronomiques de plusieurs sites archéologiques, se montre assez critique envers ses collègues archéoastronomes et pointe dans un article de 2013 [30] leurs défauts méthodologiques courants, entre autres : problèmes de raisonnements circulaires, présupposés et préjugés ; ambiguïté iconographique ; défauts de prise en compte du contexte et superficialité des études des données archéologiques et astronomiques ; remise en cause de la pertinence de résultats et de méthodes scientifiques préexistants ; erreurs liées aux mesures et aux calculs calendaires, aux traitement des données (fonctionnalités des logiciels)…
Nous verrons dans la troisième partie que CJW souffre des mêmes défauts de méthodes, malgré sa « double casquette » revendiquée, qui la présente pourtant comme une chercheuse à l’image très technique.
Mais intéressons-nous d’abord à la forme.
2) Sur la forme
2.1 Réseaux de diffusion de ses théories
Malgré quelques interventions et articles dans des ouvrages ou événements très sérieux, comme évoqué plus haut, ses travaux de recherche restent essentiellement publiés dans des maisons d’édition non spécialistes ou à compte d’auteur, et trouvent surtout un écho et un meilleur accueil dans le milieu de la pseudo-archéologie.
Penchons-nous sur les maisons d’éditions qui la publient (nous évoquerons les auteurs de ses préfaces dans la partie consacrée à ses soutiens).
En 2011, le roman Sur les chemins étoilés de Lascaux paraît aux éditions La Pierre Philosophale [31]. Cette maison d’édition est spécialisée dans d’obscurs thèmes liés aux francs-maçons et à l’alchimie, et aborde aussi parfois le « mieux être » [32].
En 2012, CJW développe son propos dans l’ouvrage L’Ethnoastronomie : Nouvelle appréhension de l’Art préhistorique ; Comment l’art paléolithique révèle l’ordre caché de l’univers) [33]. Ce livre paraît aux Editions du Puits de Roulle [34], une maison d’édition nîmoise au catalogue varié (poésie, romans, essais, nouvelles érotiques...) qui souhaite permettre à un maximum d’ouvrages de trouver leur public et, je cite, de « permettre eux aussi de comprendre et d’honorer les liens entre les hommes ».
À partir de 2014, tous les livres de CJW paraissent en autoédition :
En 2014 et (2015 ?), elle publie les deux volumes consacrés à l’étude des os de l’abri Blanchard (Sergeac) et de l’abri Lartet (Eyzies-de-Tayac) : Le « Calendrier » luni-solaire paléolithique de Sergeac décodé - Livre 1 ; Lecture de l’os de renne aurignacien en faisant uniquement appel à l’astronomie archaïque de nos ancêtres paléolithiques [35] et Les calendriers paléolithiques de Sergeac et de Lartet décryptés - Livre 2 ; Révélation de la vie collective des premiers Cro-magnons [36].
En 2016, elle revient sur un sujet issu de sa thèse : Le « chef de tribu » de la vallée des Merveilles (Alpes-Maritimes) ; Approche ethnoastronomique d’un omphalos signant la fin de l’ère du Taureau [37].
Enfin, en 2020, paraît LASCAUX et le ciel de la préhistoire ; Arguments cosmographiques pour un Art pariétal structuré [38].
En parallèle, plusieurs conférences filmées sont diffusées via l’éditeur Epistemea [39], maison d’édition dirigée par Howard CROWHURST, partisan de la théorie des « anciens bâtisseurs ». Cette maison d’édition publie ses propres ouvrages et ceux de son fils David, mais également ceux de divers autres tenants de théories du même genre. Amateurs de calendriers mégalithiques, de géométrie sacrée, de mesures cachées, de technologies perdues ou de crop circles, cet éditeur est fait pour vous.
Enfin, elle a également publié quelques articles dans une revue de l’association américaine The Pleistocene coalition [40]. Il s’agit d’un groupe de chercheurs de la mouvance créationniste, qui remet en question les postulats actuels et promet de faire connaître « la véritable histoire » de nos ancêtres du Paléolithique, qui serait différente de la science « traditionnelle ». Dans ses quatre articles [41], CJW entend démontrer l’utilisation d’objets mobiliers pour mesurer l’espace et le temps au Paléolithique.
Que penser de la présence des publications de CJW chez ce type d’éditeurs et de réseau ? Le choix de diffuser ses idées en marge des médias habituels pose question.
Est-ce une décision délibérée ? Auquel cas, avec quelles motivations ?
Éviter une relecture par ses pairs ou par des éditeurs familiers de ces thèmes permet assurément de s’affranchir des critiques qui pourraient émerger en amont, et risqueraient de tuer dans l’œuf le beau déroulé de ses affirmations. De plus, il est sans doute plus agréable de diffuser ses théories auprès d’un public qui partage son attirance pour l’ésotérisme, les mystères, les secrets révélés...
Néanmoins, peut-elle vraiment espérer être prise au sérieux par le milieu de la recherche en publiant aux côtés de Quentin LEPLAT ou Jacques GRIMAULT, pour ne citer que les plus médiatisés sur les sites et chaînes défenseurs de l’esprit critique ?
Alors, ce choix est-il plutôt la conséquence d’un refus des éditeurs traditionnels ? La forte proportion d’autoédition peut le laisser penser.
Quoi qu’il en soit, il est possible que sa présence au sein de la sphère pseudo-archéologique et les trop rares occasions de confronter ses théories avec celles de ses pairs entraînent un manque de recul et l’amènent à radicaliser son discours.
Voyons si ses soutiens et relations professionnelles viennent nuancer ces considérations.
2.2 Soutiens
Plusieurs chercheurs et personnalités soutiennent son travail et l’encouragent, ou lui ont simplement été associés lors d’une publication.
Intéressons-nous d’abord aux chercheurs devant qui elle a soutenu et obtenu sa thèse d’anthropologie : Jean-Pierre JARDEL et Jean-Michel LE CONTEL.
J.-P. JARDEL est chercheur en sociologie et anthropologie des organisations [42], mais ne semble pas avoir de lien réel avec l’archéologie ou les civilisations pré- et protohistoriques. Un grand nombre de ses publications sont consacrées aux Antilles.
Jean-Michel LE CONTEL est astronome et travaillait à l’Observatoire de la Côte d’Azur de Nice. Il est intéressant de souligner que ce chercheur adhère à la théorie des « ères » et a collaboré plusieurs fois avec Paul VERDIER (membre de la Société française de mythologie, spécialisé en mythologie celtique et qualifié sur plusieurs sites « d’archéoastronome ») [43], notamment pour un ouvrage sur le calendrier gaulois de Coligny et une étude du chaudron de Gundestrup [44]. Cet objet, qui ne présente pourtant aucune référence explicite aux constellations, représenterait une carte du ciel visible... une vingtaine de siècles avant sa fabrication [45].
Vus dans le documentaire d’Arte, nous avons déjà évoqué le médiatique Jean CLOTTES (grand spécialiste de l’art du Paléolithique) et Jean-michel GENESTE (spécialiste de l’art rupestre qui fut notamment conservateur de Lascaux), qui portent un regard très bienveillant sur son travail (voir aussi note 58). J.-M. GENESTE postface d’ailleurs son ouvrage LASCAUX et le ciel de la préhistoire.
Gérard JASNIEWICZ, astronome à Montpellier au Groupe de Recherche en Astronomie & Astrophysique du Languedoc (GRAAL), affilié au CNRS, et actuellement au Laboratoire Univers et Particules de Montpellier, et qui apparaît aussi dans le documentaire d’Arte, a quant à lui vérifié ses calculs sur Lascaux [46] et préfacé son livre sur l’os de l’abri Blanchard.
Cet os a fait l’objet d’une des seules publications réellement scientifiques de CJW (voir 3ème partie) et lui a manifestement valu le respect de Jean-Pierre MOHEN [47], spécialiste du néolithique et de la protohistoire, ancien conservateur au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, avec qui elle collabore ensuite à l’ouvrage Étoiles dans la nuit des temps, aux éditions L’Harmattan (2008). Participent également à cet ouvrage Yves VADÉ, spécialiste de littérature piqué de mythologie [48] et Silvia CERNUTI, présentée comme astrophysicienne et spécialiste de paléoastronomie ; elle a publié un livre sur l’astronomie celte [49].
Toujours sur l’os de l’abri Blanchard, qui a décidément fait sensation, il conviendra d’évoquer Michel ONFRAY, « philosophe » et polémiste, personnalité souvent critiquée pour ses positions sur divers sujets, qui peuvent être liées à l’histoire ou aux sciences, qui signe une 4ème de couverture élogieuse et qualifie cet os de « pierre de Rosette de l’archéoastronomie » [50].
Au rayon « préfaces », Marc MARTINEZ, conservateur de la grotte de Pair-non-Pair (Gironde) et administrateur des sites préhistoriques de la vallée de la Vézère en 2020 [51], préface son livre L’Ethnoastronomie : Nouvelle appréhension de l’Art préhistorique.
Le roman Sur les chemins étoilés de Lascaux ainsi que l’ouvrage LASCAUX et le ciel de la préhistoire sont quant à eux préfacés par Dragos GHEORGHIU, professeur d’anthropologie à la National university of arts (Roumanie) [52], mais aussi archéologue expérimental, artiste et chercheur en « archéologie cognitive »...
Dans la présentation qui est faite de son article « De l’objet à l’espace : une expérience art-chéologique de la préhistoire roumaine » dans Études balkaniques [53], il est intéressant de remarquer qu’on retrouve un positionnement proche de celui de CJW par rapport à l’archéologie et à l’astronomie. Ainsi, il est écrit « le présent article essaye d’offrir une perspective novatrice à ces questions en se situant dans une zone d’interférence de deux domaines jusqu’à présent séparés, l’archéologie et l’art contemporain ». Une approche novatrice par le rapprochement de deux disciplines qui s’ignorent, ça ne vous rappelle rien ? Ajoutons que comme CJW, il collabore à la revue de mouvance créationniste de l’association américaine The Pleistocene coalition.
Pour finir ce petit tour d’horizon des personnalités auxquelles elle est professionnellement liée, citons Pedro LIMA. Journaliste scientifique [54], auteur de divers articles et publications sur l’art paléolithique [55], il s’agit de son plus ancien soutien car il relayait dès juin 1997 le postulat de sa thèse dans le journal La Recherche [56] et a fait mention de ses recherches ultérieures dans divers articles, par exemple dans Science&Vie en 2000 et 2007 [57], Le Figaro Magazine en 2001 [58] ou dans les Cahiers de Science&vie en 2012 [59]. Soutien fidèle, il semble particulièrement convaincu par le travail de CJW puisqu’il co-écrit le documentaire d’Arte en 2007 et préface son livre Le « chef de tribu » de la vallée des Merveilles (Alpes-Maritimes) en 2016.
Si on ne peut pas dire qu’il ne relaie aucune critique dans ses différents articles, celles-ci restent mineures. Peut-être les contraintes de l’exercice journalistique le poussent-elles à simplifier l’approche et les résultats scientifiques de CJW, voire à favoriser le sensationnalisme (comme le montre le ton du documentaire d’Arte), mais il semble sincèrement convaincu et séduit par cette approche et la personnalité de la chercheuse.
Le premier coréalisateur du documentaire, Vincent TARDIEU, est également un journaliste scientifique expérimenté [60], spécialisé en écologie et en agriculture.
Le second coréalisateur du documentaire, Stéphane BEGOIN [61], se présente comme un réalisateur dont l’intérêt « se porte autant sur les histoires humaines, sur la spiritualité, que sur les grandes questions qui agitent la science. » Il assume que la fiction, présente dans le roman de CJW sur Lascaux et reprise dans le documentaire d’Arte qu’il réalise, vienne « enrichir son écriture cinématographique ». Le choix de ce réalisateur semble indiquer que ce n’est ni l’objectivité ni la rigueur qui ont été recherchées en priorité, mais d’abord la qualité narrative et immersive.
Enfin, Pascal GOETGHELUCK, photographe de la presse de vulgarisation scientifique [62], est l’auteur des fameuses incrustations des constellations sur les parois de Lascaux que l’on voit principalement dans le reportage d’Arte et qui sont reprises dans les articles [63]. Ces visuels très réussis renforcent la crédibilité de l’interprétation, mais ne sont donc finalement qu’une vue d’artiste. Elles illustrent bien le rôle prégnant des images, amenées, quand elles sont bien faites, à supplanter le discours (et ses éventuelles failles) dans l’esprit du spectateur ou du lecteur.
On peut donc conclure que ce tour d’horizon confirme que si CJW s’associe parfois à des non-spécialistes, elle n’est tout de même pas vraiment isolée du milieu de la recherche. Néanmoins les chercheurs et personnalités « en marge » sont bien présents dans son cercle, faisant écho aux questions déjà soulevées à propos des réseaux de diffusion de ses théories. Il apparaît que le soutien fidèle de P. LIMA appuyé des visuels réussis de P. GOETGHELUCK ont grandement contribué à la médiatisation de ses thèses, et qu’elle a ainsi su convaincre un cercle plus large d’amateurs, s’intéressant aux grottes ornées personnellement ou professionnellement.
Penchons-nous à présent sur la forme et le champ lexical employé par CJW.
2.3 Forme et champ lexical
Nous avons déjà évoqué le documentaire d’Arte, dont la mise en forme classique des reportages de ce type s’inspire d’une enquête, jouant sur la tension et le mystère, avec une voix off et une musique immersive flattant l’attirance pour l’étrange. Si elle en a certainement validé en partie la forme, elle n’en est pas la réalisatrice pour autant. Au contraire de ses livres, sur lesquels elle a un contrôle complet.
Le premier livre consacré à sa théorie révolutionnaire concernant Lascaux, à savoir que les hommes de l’époque auraient acquis un savoir astronomique avancé et que la salle des Taureaux serait une représentation de la voûte céleste, est donc... un roman.
Dans le même esprit narratif et immersif que le documentaire d’Arte, Sur les chemins étoilés de Lascaux met en scène des personnages dont les pérégrinations et les réflexions tentent d’immerger le lecteur dans la société de l’époque, pour mieux donner corps à la théorie de CJW. Ainsi, les passages purement romancés sont truffés de descriptions longues et techniques. Une trentaine de pages sont disponibles sur books.google [64], et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est confus.
Tout d’abord, elle mêle noms réels et noms de fiction.
Ainsi, elle décrit une toponymie existante, nommant les collines, les cours d’eau ou encore les abris sous leurs noms actuels, auxquels elle mêle des noms fictifs, aux inspirations variées. Comme Lokasurya, « le grand chaman » et chef de la tribu, dont le nom pourrait être d’origine indonésienne ; Aigipan, « le chaman joueur de flûte », dont le nom désigne justement dans les mythologies grecque et romaine une divinité mi-homme mi-animal associée au dieu Pan [65] ; ou encore plusieurs noms empruntés au basque : Illargi, désignant la « lune » [66] ; la tribu Lenengos (lenengo signifiant « un ») ou encore le puits de Lascaux, qu’elle renomme Zil-bor (mot qui désignerait le nombril) [67].
Cela renforce l’ancrage « ancien » et l’ambiance tribale, mais pourrait aussi prêter à confusion auprès d’un lectorat mal informé qui pourrait donner du crédit et du sens à ces noms issus du chapeau de CJW.
De plus, elle mêle descriptions (d’objets, de peintures…) et suppositions (sur les matières, les usages...) allant jusqu’à prêter une symbolique sortie de nulle part.
De (longs) extraits valant mieux qu’un (aussi long) discours, voici ce qu’elle écrit dans son chapitre consacré à Lokasurya.
Elle décrit d’abord le bâton du chaman : « Un bâton en merisier orné d’un oiseau sculpté, dont l’œil percé lui sert de viseur pour mesure la hauteur des étoiles (...) Une cupule assez large et profonde, sous l’oiseau, mais au-dessus des stries, sert de niveau pour que le bâton ait toujours la même position lorsqu’il est posé à plat sur le sol ». CJW brode ici son discours sur un type d’objet non retrouvé à Lascaux, mais peut-être représenté sur la scène du puits. Ce qui est amusant (mais un rien m’amuse), c’est qu’un peu plus loin, elle écrit qu’il est en bouleau, « arbre de sagesse » [68], et non plus en merisier.
Quoi qu’il en soit, tout semble axé sur le ciel et imprégné d’une ambiance un peu mystique, où se mêlent astronomie et symbolisme :
« Autour du chef des chamans porteur de ce bâton, tous les Lenengos sont rassemblés comme les étoiles circumpolaires autour de cette constellation centrale. Tel le bouleau, arbre de sagesse dont il est issu, il symbolise l’axe du monde planté dans la Terre-Mère : la colonne dressée qui supporte solidement le firmament. Il représente aussi la constellation tout là-haut, au centre du ciel, où se tient “l’esprit-animal” de l’oiseau. (…) Toutes les nuits, (...), si les Lenengos lèvent les yeux, ils voient ce bâton scintillant graviter lentement autour du centre du monde en indiquant le temps qui passe. La base du bâton étoilé reste pratiquement toujours à mi-hauteur du zénith et de l’horizon. Il est entouré par l’ensemble des constellations qui tournoient sans cesse autour de lui et jamais ne disparaissent sous l’horizon. Là se trouve le “lac des âmes”. L’oiseau, divinité des morts symbolise le pouvoir d’élever ce qui est pesant, a perdu la vie, vers les hauteurs du “Chemin des oiseaux” où habite la race des esprits. »
Cet objet sacré « témoin de sa connaissance de la mesure du ciel et de la qualité du temps qui passe », a été « reçu d’un vieillard (...) qui lui avait raconté la légende de l’oiseau qui s’était retiré au centre du monde : centre de la terre, centre du ciel ». Ah. Elle pose ici un contexte religieux (sans aucun fondement dans le contexte de Lascaux) qui va lui servir à développer sa théorie sur la représentation des constellations dans la grotte.
À la lecture des pages disponibles, on peut légitimement se demander si ce choix du roman était le plus pertinent pour faire état d’une hypothèse scientifique révolutionnaire. Si jamais il y a de bonnes idées ou des éléments prouvés par CJW, il faut avoir un sacré courage pour aller les dénicher dans ce texte (nous reviendrons sur les théories elles-mêmes dans la dernière partie de cet article). De plus, il serait aisé pour l’auteur de se défausser sur les apports romancés pour évacuer une contradiction.
Plus généralement, on constate que le spirituel, l’ésotérisme et l’occultisme semblent constituer le socle d’une grande partie de ses positions.
Car malgré l’utilisation d’un vocabulaire technique lié à l’astronomie, les éléments célestes peuvent être associés à des qualificatifs leur donnant une connotation sacrée.
Ainsi, le 19 juin 1999, lorsque elle se positionne devant l’entrée de la grotte de Lascaux pour prouver que le soleil pénètre dans la grotte, elle ne guette pas le soleil, non, elle attend « le roi du ciel » [69].
« En cet ultime instant précédant sa chute, comme depuis des millénaires, le luminaire glorifie l’ouverture vers les profondeurs de la terre. (…) Depuis combien de siècles en ce lieu, l’homme conscient de l’importance de l’instant n’avait pas assisté au spectacle du Dieu triomphant ?
Se peut-il qu’avant nous, personne depuis les Paléolithiques, n’ait attendu devant l’entrée de la Terre-Mère l’arrivée de l’ordonnateur du monde pour prendre la mesure de son pas ? (…) Ce réceptacle terrestre, élu par le Paléolithique qui lui a confié sa créativité, sa sensibilité et sa virtuosité, s’ouvrait à la lumière de l’astre-roi. » [70]
Dans le même registre, une courte citation de son site actuel se termine par : « Puisse un dialogue à venir contribuer à percer le sens du profond mystère que nous ont légué nos ancêtres (…) ».
Cette idée d’un « mystère » (ou de sa clé), lié à l’univers (quelque chose de plus grand que nous, qui nous dépasse), « légué » (ou caché) par nos ancêtres se retrouve à plusieurs reprises dans les écrits de CJW ; ainsi, une de ses conclusions concernant le site de la vallée des Merveilles est que « ces astronomes de l’âge du bronze ancien ont utilisé la pierre (...) pour conserver vive la mémoire de leur savoir du lien perpétuel terre-ciel. Ses [sic] milliers de carnets de notes recueillent encore de nos jours les messages du ciel pour celui qui veut bien faire l’effort de les comprendre. » (ici, la mise en gras est faite par CJW) [71]. Donc notez bien que si vous passez à côté de ces messages du ciel, c’est que vous ne faites vraiment aucun effort.
De même, la quatrième de couverture de son ouvrage sur l’os de Sergeac nous propose la « lecture des messages que ces paléolithiques nous ont laissés ». Et celui de son ouvrage L’Ethnoastronomie : Nouvelle appréhension de l’Art préhistorique ; comment l’art paléolithique révèle l’ordre caché de l’univers [72] nous apprend qu’il s’agit d’un guide « à lire par toute personne curieuse de découvrir les énigmes dissimulées par nos ancêtres dans leurs œuvres d’art organisées et positionnées dans des sites choisis en relation avec les mesures de l’univers (…) jusqu’au château de Thoiry ». Quel rapport entre le château de Thoiry et le paléolithique, me direz-vous ? Aucun, si ce n’est que ce château a été « conçu comme le pivot d’un calendrier solaire et construit selon le nombre d’or » [73] Du coup, il est « en harmonie avec les forces de l’Univers » [74]], ce qui semble être pour les amateurs de pseudo-archéologie un point commun entre tous les sites orientés sur le soleil.
Ses écrits plus anciens n’échappent pas à cet axe (Gilgamesh est ainsi désigné comme « celui à qui les mystères de l’univers ont été révélés » [75]), et ses soutiens non plus, reprenant le même champ lexical : Michel ONFRAY considère par exemple que CJW « parle de l’ordre caché du cosmos » [76].
Et en 2016, le sous-titre de son livre consacré à la gravure du « chef de tribu » de la vallée des Merveilles précise qu’il s’agit d’une « approche ethnoastronomique d’un omphalos signant la fin de l’ère du Taureau ».
On retrouve là encore un thème lié à l’ésotérisme : la théorie des ères. Pour rappel, il s’agit d’une théorie du temps cyclique, dont on retrouve des variantes dans plusieurs civilisations [77]. Mais celle-ci est exposée en 1937 par Paul LE COUR, écrivain et astrologue, dans son livre L’Ère du Verseau, considéré comme l’un des textes précurseurs du mouvement New Age [78]. Selon lui, l’histoire de l’humanité obéit à de grandes périodes d’environ 26 000 ans, correspondant à la période de précession des équinoxes, elles-mêmes divisées en douze ères d’environ 2150 ans et correspondant chacune à un signe du zodiaque.
On est loin, très loin, de la science astronomique et de l’archéologie.
Pour finir, il est surprenant de relever qu‘au début de son roman consacré à Lascaux, un petit texte entre parenthèses indique : « Différentes mesures et descriptions des corps célestes, tout au long du texte, permettant [sic] de dater le "jour sacré de Lascaux". Les lecteurs qui parviendront à définir cette date seront nommés dans le livre suivant. » Ces quelques lignes pourraient paraître totalement incongrues si elles n’étayaient l’idée qu’il s’agit ici d’ajouter du mystère au mystère, et de faire du lecteur un complice, un initié, pour achever de le convaincre.
3) Méthodes et critiques
Lorsqu’on survole ses travaux et les écrits où elle les évoque, on constate que CJW fonctionne à l’envers de la « méthode scientifique ».
En effet, à l’inverse d’une démarche qui devrait d’abord observer les lieux et les objets, et chercher à les comprendre et à les interpréter en fonction du contexte et des connaissances déjà établies sur la population qui en est à l’origine, CJW s’applique à faire coller ses observations avec son postulat de départ.
3.1 Les gravures rupestres de la Vallée des Merveilles
En 1997, CJW obtient sa thèse sur le thème Des gravures de la vallée des Merveilles au ciel du mont Bego. Approche ethno-astronomique d’un temple luni-solaire du Néolithique.
La vallée des Merveilles se situe dans le massif du Mercantour, dans les Alpes, où ont été découvertes environ 40 000 gravures rupestres, qui seraient datées pour la plupart du Néolithique final et de l’Âge du bronze ancien.
Le site, dont les gravures sont principalement réparties autour du mont Bégo (2 872 m d’altitude) et sur 1400 hectares, dans les vallées des Merveilles et de Fontanalba, n’est accessible que pendant l’été à cause notamment de l’enneigement, et est l’objet de violents orages. Il aurait été fréquenté par les premières populations agro-pastorales de la région, bergers et agriculteurs.
Les thèmes les plus représentés sont les corniformes (taureaux, bœufs ou vaches, parfois attelés) (environ 46 % du total), les figures géométriques ou réticulées (environ 7%), les armes et outils (poignards, majoritaires, et hallebardes) (environ 4%) et les figures de forme humaine, beaucoup plus rares ; le reste (environ 43 %) étant des figures non représentatives, peut-être inachevées ou ratées.
L’interprétation d’un site aussi vaste et complexe est donc délicate et a fait l’objet de multiples approches (dont une dizaine de thèses), et comme le fait remarquer Thomas HUET en introduction de sa propre thèse [79], « il est parfois difficile de distinguer ce qui, dans les études consacrées aux gravures piquetées du mont Bego, relève de la démonstration, de l’hypothèse ou de la seule conjecture ».
Proto-écriture, culte du « dieu Taureau » et de la « déesse Terre », représentations de la déesse Oiseau, gravures à fonction calendaire, ou encore balisage pour cérémonies processionnelles ou chemins pastoraux [80]… Toujours selon T. HUET, « l’hypothèse la plus couramment admise sur le sens des gravures, et par extension sur le statut du site, est celle qui considère celles-ci comme des dépôts votifs, le site étant alors identifié comme un sanctuaire ».
T. HUET remarque que « si ces travaux s’appuient souvent sur l’étude d’un nombre important de gravures pour en dégager les tendances générales, il existe d’autres recherches qui s’intéressent plus particulièrement à (...) certaines gravures, dans le but d’en tirer des clefs de lecture valables pour l’ensemble des représentations. Les gravures sur lesquelles s’appuient ces recherches sont le plus souvent des gravures exceptionnelles appartenant à des familles qui, numériquement, ne représentent qu’une part infime de la totalité des gravures figuratives.(...) Autrement dit, il existe une tendance à considérer “l’exception” comme significative de l’ensemble ».
Et les travaux de CJW semblent malheureusement souffrir de ce défaut.
Selon sa thèse, la vallée des Merveilles serait « un vaste observatoire archaïque », fréquenté par des « astronomes archaïques, prêtres-astronomes sans doute ».
Je n’ai pas eu accès à sa thèse et je me base donc sur la présentation qu’elle fait de ses travaux sur une ancienne version de son site [81], et sur la façon dont ils sont présentés par les auteurs qui sont revenus sur ses hypothèses.
Pour elle, en tenant compte de la précession des équinoxes, l’organisation et les formes des gravures permettent de « reconnaître aisément la reproduction d’ensembles de constellations » du ciel de l’époque.
De plus, l’orientation des poignards indique les positions du soleil lors des levers et couchers solaires du solstice d’été et des équinoxes d’automne, ou bien la position intermédiaire ; certains de ces poignards mais également des représentations corniformes sont aussi pointés vers des levers, culminations, et couchers lunaires.
L’orientation de ces poignards fait notamment partie de l’analyse de « l’anthropomorphe aux bras en zigzag » [82]. Après analyse des éléments composant la gravure, CJW considère qu’il s’agit de la représentation d’une éclipse annulaire de soleil s’étant produite « le 10 octobre - 1718 (année historique) [83], au moment du lever du soleil. Éclipse de première importance puisqu’elle avait lieu le premier matin de l’automne ».
La figure comporte ainsi le disque de la lune inscrit dans celui du soleil, un cercle étranglé représentant une protubérance solaire, une flèche indiquant le sens de déplacement de la lune, l’ombre projetée atteignant la Terre, symbolisée par le réticulé inférieur de 40 cases (un autre réticulé, supérieur, représente quant à lui « les 12 maisons du ciel », ce qui n’a plus rien à voir avec le registre purement astronomique) et deux faisceaux lumineux qui descendent vers la terre, représentés en forme de zigzag « pour expliquer leur impact vers l’horizon ».
Il s’agirait donc d’un schéma du phénomène, présentant d’ailleurs des éléments qui ne peuvent pas être observés à l’œil nu (cône d’ombre, protubérance).
Or pour F. LEQUÈVRE [84], cette éclipse n’a même pas pu être observée en ce lieu, à cette date. En effet, un infime ralentissement de la rotation terrestre doit être pris en compte, ce qui n’est pas le cas dans les logiciels d’astronomie, conçus pour des observations actuelles. Ainsi, plus la date d’une éclipse est ancienne, plus le décalage est important. En conséquence, selon lui, si cette éclipse a bien eu lieu, elle était observable... dans le Pacifique.
Il est amusant de relever qu’elle précise que lorsqu’elle a présenté son travail à l’Observatoire de Strasbourg, pour que ses calculs puissent être vérifiés, les membres de l’association lui auraient demandé de prouver la visibilité de l’éclipse en ce lieu, par une photo de la pleine lune équinoxiale. Cette photo comme preuve de son raisonnement semble bien légère à la lecture des critiques formulées par F. LEQUÈVRE.
Sur le plan archéologique également, CJW, en se coupant du contexte historique et archéologique établi par les autres chercheurs, commet des erreurs. Ainsi, T. HUET précise que CJW « considère que l’éphéméride permettant de dater la roche “ne peut avoir eu lieu au Chalcolithique, puisque les poignards du Bronze ancien y sont représentés” (...). Pourtant, les poignards (...) qu’elle identifie comme indiquant “le sud et la direction du point de culmination des corps célestes, donc le mouvement diurne et de la lune conjoints” (...), sont attribués au Chalcolithique (...) et au Campaniforme (...). Dès lors que les poignards impliqués dans cette composition ne sont pas attribués au Bronze ancien, l’hypothèse de la chercheuse n’est plus tenable ».
Cette gravure a d’ailleurs fait l’objet d’autres analyses, par comparaison aux autres gravures du site cette fois-ci, et non plus en l’isolant du « corpus ». Ainsi, Jules MASSON MOUREY la rapproche des figures « en trou de serrure » [85] pour lesquelles sont étudiées plusieurs propositions d’identification liées aux objets archéologiques des époques concernées (lames de haches arrondies, épingles, miroirs). Henry DE LUMLEY, Annie ECHASSOUX et Thierry SERRES comparent quant à eux cette gravure aux autres gravures du site représentant des personnages associés à un zigzag [86], qu’ils relient aux violents et fréquents orages qui affectent la région. Selon l’interprétation des différents auteurs, la morphologie des bras pourraient alors évoquer une chevelure, le jaillissement de l’eau sortant du rocher ou la foudre.
Il est donc dommage que CJW se coupe des données établies par ses collègues et prédécesseurs, sources d’une analyse plus riche car moins déconnectée du contexte archéologique.
Toujours via l’orientation des poignards, CJW analyse la stèle du « Chef de tribu » comme un repère de la période commençant au solstice d’été et se terminant par le soleil levant de l’équinoxe d’automne, un troisième repère marquant une étape, à savoir « le soleil du 46ème matin après le solstice d’été (6 août actuellement) ».
La roche qu’elle nomme « la roche du 6 août » [87], située à proximité, confirmerait cette date « en reproduisant la figure cosmographique de l’événement ». Le dessin est censé correspondre « au parcours du soleil au-dessus de l’équateur pendant une année entre le solstice et l’équinoxe. Sur la même roche, un autre dessin représente deux sinusoïdales conformes à douze cycles lunaires ».
Raisonnement difficile à suivre sur cette seule base, sans accès aux illustrations de la chercheuse, mais qui souffre toujours des mêmes défauts : pourquoi ces gravures et pas d’autres ? En quoi « le soleil du 46ème matin après le solstice d’été (6 août actuellement) » constitue-t-il un « événement » ? Comment les « mesures et orientation » de cette dalle peuvent-elles « reproduire » la « figure cosmographique » de cet « événement » ? D’autant qu’elle évoque deux tracés qui représenteraient le cycle du soleil et de la lune sur un an, ce qui semble sans rapport avec le 6 août. Pour le lecteur lambda, le raisonnement est donc pour le moins obscur, et génère plus de questions que d’éclaircissements sur le sens annoncé de ces gravures.
Un élément qui me semble plus concret est qu’elle remarque une similitude de forme entre la découpe du bord de stèle du « Chef de tribu » et le relief environnant [88].
T. HUET confirme dans sa thèse qu’il s’agit « probablement [de] la seule roche façonnée du site » [89], et il faut souligner que Jérôme MAGAIL, qui a le même axe d’analyse du site que CJW [90] et qui interprète deux ensemble gravés comme deux calendriers marquant la période séparant le solstice d’été de l’équinoxe d’automne, a également fait état du façonnage volontaire d’une de ces roches.
Néanmoins, la roche du « Chef de tribu » est aussi actuellement référencée comme la seule roche amovible du site (redressée et aménagée) [91], et elle a donc pu être déplacée, ce qui implique de rester prudent quant à l’orientation d’origine des gravures.
De même, nous ignorons à quel rythme et dans quel ordre les compositions complexes ont été faites. La superposition de l’anthropomorphe sur le réticulé pourrait indiquer qu’ils ne sont pas contemporains [92] et le poignard fiché dans la tempe du « Chef de tribu » pourrait lui être postérieur [93], ce qui questionne le sens de ces associations.
Concernant la « roche de l’Autel », CJW considère que l’alignement du bloc abritant la petite grotte avec l’étoile polaire, la stèle du « Chef de tribu », la « Rouelle » (voir plus bas) et la cime des lacs « indique parfaitement sur le site le méridien du lieu ». Pour elle, « une ouverture, qui semble aménagée à cet effet, permet de viser le point de culmination des luminaires et des planètes. Une autre ouverture permet de “piéger” à l’intérieur de la grotte le soleil et la pleine lune des équinoxes d’automne au moment de leur lever sur le site. [... et] de suivre le mouvement des constellations zodiacales lors des trois mois d’occupation du site ». T. Huet réfute cette belle construction en indiquant que « le positionnement par GPS différentiel de ces roches nous a facilement permis de vérifier qu’elles ne sont pas alignées » [94].
La « Rouelle », « placée sous la culmination de la lune solsticiale », serait « une véritable carte du ciel » reproduisant « de façon très claire et selon une organisation bien structurée les constellations visibles à cette époque lors de la plus courte nuit de l’année. C’était le 8 juillet 1719 av. J.-C. . (année historique) ». Je n’ai pas lu d’autres interprétations de cet ensemble, mais compte-tenu des erreurs relevées par F. LEQUÈVRE et T. HUET sur ses datations, calculs et autres analyses, je pense qu’il est raisonnable de rester prudent avec cette interprétation.
D’une façon plus générale, on pourra relever que, compte-tenu du nombre important de gravures, la probabilité qu’un certain nombre soit orientées vers une direction solaire ou lunaire remarquable n’est pas nulle, et que cela ne veut pas forcément dire que cette direction soit voulue et signifiante.
Par exemple, la chercheuse Émilia MASSON, qui a une approche linguistique et spiritualiste du site et dont les travaux sont également critiqués [95], cherche à comprendre l’organisation générale du site et à en dégager les principaux itinéraires. Ainsi, elle interprète la gravure d’un poignard isolé et d’une taille exceptionnelle (environ 1 m) comme une sorte de flèche indiquant la direction d’un chemin d’itinéraire processionnel l’ayant menée à la découverte d’une caverne dans laquelle se serait tenue un culte [96]. On constate que le regard-même du chercheur impacte l’analyse du site, chacun développant une interprétation qui semble cohérente puisque éludant les autres et laissant de côté les éléments qui ne cadrent pas.
Enfin, on pourra trouver regrettable que le fond ésotérique pollue le propos de CJW, qui considère que l’anthropomorphe aux bras en zigzag et le « Chef de tribu » marquent « la fin de l’ère du Taureau » [97].
Pour comparaison, J. MAGAIL, qui partage pourtant le même axe de recherche et est aussi critiqué par T. HUET, considère que ses calendriers ont vocation à marquer la fin de la saison de l’estivage et la nécessité de redescendre dans la vallée. Soit une interprétation liée à des notions qui semblent bien moins éloignées des préoccupations des populations locales.
S’il est légitime de ne pas être convaincu par l’hypothèse de CJW compte-tenu des erreurs manifestes décelées par ceux qui ont vérifié certains de ses travaux, cette approche peut cependant rester pertinente pour ce site et éventuellement être propice aux découvertes. Néanmoins, il est clair que le filtre « astronomique » constamment présent devant les yeux de CJW restreint sa perception aux seuls éléments qui cadrent avec sa grille de lecture, et la fait probablement passer à côté d’éléments qui auraient pu enrichir sa compréhension des lieux (et la nôtre).
3.2 Le cas Lascaux
Dans une interview qu’elle donne au webzine Les Chroniques de Mars, en 2013, elle indique que sa conviction sur Lascaux était faite dès le début, lors de sa première visite dans la grotte (« je n’ai plus eu aucun doute ») [98] : elle n’a donc eu de cesse ensuite de chercher à prouver ce qui était déjà une certitude.
a) Propositions d’interprétations par CJW
La salle des Taureaux
Ses assertions sont les suivantes [99] :
– « Le plan et la coupe de l’entrée de la grotte de Lascaux révèlent qu’avant l’éboulement ayant obstrué l’accès vers la rotonde, lors de son coucher au solstice d’été, le soleil illuminait la salle des Taureaux et le diverticule axial ». Cette assertion serait confirmée par une observation sur site, le soir du solstice d’été 1999, et ce malgré les aménagements modernes (entrée, sas…) : « Éclairement permettant même un travail en pleine lumière, presque durant une heure pendant quelques jours par an au début de l’été. Mais aussi lumière de la pleine lune le matin lors du solstice d’hiver ».
À l’appui de cette affirmation, une coupe de l’entrée de la grotte sur laquelle ont été tracés des rayons lumineux en fonction des mesures d’angles faites sur cette même coupe [100].
Or cette simple coupe associée à l’observation de 1999 ne suffisent pas à convaincre totalement du bien-fondé de cette affirmation. L’idée est très intéressante, mais elle reste à confirmer car la forme de la voute et la hauteur du porche à l’époque de la réalisation des fresques, même sans les éboulis, reste incertaine. Michael A. RAPPENGLÜCK [101] considère qu’au mieux, le soleil aurait bien touché la partie arrière de l’un des taureaux, mais jamais pénétré le diverticule axial, à cause d’éléments rocheux saillants à l’époque.
La structure architecturale « enveloppante » aurait amené CJW à confronter l’orientation et la structure des figures pariétales de Lascaux à celles des corps célestes de l’époque, et in fine elle aurait constaté une similitude de formes entre les peintures pariétales de la salle des Taureaux et le tracé des constellations de la bande zodiacale [102], telles qu’elles se présentaient à l’époque et à cette période de l’année.
Or il faut préciser que l’idée de ce rapprochement n’est pas de CJW. Norbert AUJOULAT avait émis cette hypothèse avant de l’écarter [103]. L’astronome Heino EELSALU (dès 1985), Luz ANTEQUERA CONGREGADO (en 1991) et l’astronome Franck EDGE (en 1997) s’intéressent à la possible représentation des Pléiades et d’autres constellations à Lascaux [104]. Michael A. RAPPENGLÜCK publie également un article sur le sujet en 1997 [105] puis l’explore ensuite dans sa thèse de 1999 et aussi en 2004 [106]. Comme déjà évoqué, nous constatons à nouveau que CJW n’est pas isolée dans cet axe de recherche. En outre, elle évoque rarement les travaux antérieurs sur ce sujet alors qu’elle n’a rien « découvert » mais a cherché à prouver cette théorie par des mesures et des calculs se voulant rigoureux.
Elle a d’abord reconstitué le ciel de l’époque avec les logiciels du planétarium de Montpellier, puis a mesuré l’orientation de toutes les peintures au moyen d’une boussole astronomique [107] ; enfin elle a comparé de nombreux points anatomiques des animaux de la grotte (œil, pointe de la corne, flanc, extrémité de la patte) [108] avec les constellations du ciel de l’époque.
Comparaison de différents visuels proposés autour de la peinture de « la Licorne », qui correspondrait à la constellation du Capricorne
Dans l’interview donnée aux éditions Arqa en 2013 [109], CJW indique avoir pris ses mesures depuis le centre de la salle, où elle s’est placée « de façon instinctive dès la première fois ».
On pourra s’étonner de ce point de repère très flou et arbitraire, dans une salle de forme oblongue et non ronde, aux multiples reliefs, et dans un site où les sols archéologiques ont notamment été perturbés par l’infiltration de l’eau et par de multiples aménagements au sol pour permettre la circulation des visiteurs ou encore la mise en place du système d’aération.
Quoi qu’il en soit, depuis ce point de vue, les animaux de la salle des Taureaux seraient alignés avec les constellations zodiacales.
Les arguments qui lui sont opposés sur ses résultats concernent d’abord le choix des points retenus, qu’il s’agisse des points anatomiques ou des étoiles.
En effet, les visuels diffusés dans les médias ont beau être réussis, bien qu’inconstants (voir l’exemple de la Licorne plus haut), le choix des points laisse perplexe et dire que ça correspond « parfaitement » est « parfaitement » exagéré. Parfois les repères retenus sont au bord du dessin de l’animal, d’autres fois à l’intérieur de celui-ci, d’autres fois encore à l’extérieur (point, signe géométrique) [110]. Pourquoi ces points et pas d’autres [111] ? Pourquoi ces animaux peints et pas d’autres [112] ? On remarque d’ailleurs une versatilité dans ces choix, comme le montre par exemple l’échantillon ci-dessous (constellation du Lion). En outre, le nombre d’étoiles visibles dans le ciel, particulièrement à une époque sans pollution lumineuse, est si grand que des correspondances multiples avec des formes animales schématiques variées sont certainement possibles.
Valider cette lecture amène à conclure que les étoiles qui donnent leur dessin actuel aux constellations auraient été sélectionnées dès cette époque, et que certaines associations animales auraient même perduré. De mon point de vue, les astérismes remarquables font l’objet de constructions culturelles diverses en fonction des époques et des civilisations, et même si on ne peut pas exclure que certains traits culturels aient pu perdurer depuis ces époques très éloignées, ces tracés ne vont pas de soi.
Comparaison de différents visuels proposés autour de la constellation du Lion
Enfin, elle affirme dans le documentaire d’Arte que « si la salle des Taureaux était vitrée, on aurait vu les constellations derrière » [113]. Or pour F. LEQUÈVRE [114], le constat est sans appel : il y a 17 000 ans et au moment du solstice d’été, ces constellations n’étaient pas visibles, car situées sous l’horizon. Pour lui, avoir représenté ces constellations auraient impliqué que les auteurs aient connaissance d’outils mathématiques tels la trigonométrie sphérique, la sphère céleste, et le temps sidéral [115].
Comme pour la vallée des Merveilles, il me semble que les point retenus par les partisans de cette hypothèse ne doivent pas être isolés de leur contexte d’ensemble. Par exemple, concernant le groupe représentant éventuellement les Pléiades au-dessus du Taureau et la ceinture d’Orion devant le museau de celui-ci. De prime abord, on peut trouver cet ensemble très convaincant ; mais si on regarde la fresque avec un peu de recul, la ceinture d’Orion ne peut-elle pas être vue comme la marque d’un point anatomique saillant du dos de l’autre taureau ? Et pourquoi représenter certains astérismes sous forme de points, et d’autres sous forme d’animaux ?
J’ajouterai que cette théorie voit la salle des Taureaux comme un ensemble pensé et réalisé de façon homogène dans la seule optique céleste, sans utiliser ni expliquer (sauf erreur de ma part) les découvertes concernant l’ordre dans lequel ont été réalisées les peintures, ni l’utilisation récurrente des reliefs et contours naturels dans les fresques préhistoriques.
Concernant la fresque des « bisons adossés », les mêmes remarques peuvent être formulées. Les détails anatomiques indiquent que celui de gauche a été figuré en cours de mue (qui intervient au printemps) et que celui de droite pourrait être en rut (qui intervient à l’automne).
En se plaçant « face aux deux animaux » [116], CJW affirme par ses mesures de leurs yeux que chaque bison est orienté vers le lever du soleil du solstice de la saison correspondant aux attributs figurés : été (56°) pour le bison de gauche et hiver (124°) pour celui de droite.
Le point où se croisent les deux queues « à 90° » serait orienté vers le soleil levant des équinoxes de printemps et d’automne, qui se situent chronologiquement à mi-chemin.
Mais sachant que ces bisons ont été peints sur une paroi dièdre, qui est donc, en quelque sorte, « plus enfoncée au centre », quel sens cela a-t-il de mesurer des angles ? Et, à nouveau, à partir de quel point ? Car un pas de côté de l’observateur, et plus rien ne tient.
N’est-il pas moins coûteux de considérer que ce renfoncement de la paroi a été choisi pour renforcer l’illusion de perspective de la peinture ?
Enfin, on pourra donner un dernier exemple du raisonnement circulaire de CJW. Dans un article que lui consacre P. LIMA [117], il est précisé que « parmi les preuves avancées par la chercheuse en faveur de sa thèse », il y a la présence du « cheval renversé » situé au bout du diverticule axial. CJW a « mesuré que la direction indiquée par ce cheval était celle du point où se lève le Soleil le jour de l’hiver, (...). Comment ne pas voir dans cet animal, situé exactement en face du soleil couchant d’été, la figure de ce même astre renaissant, à la fin de sa période de déclinaison, lorsqu’il va commencer à gagner de la hauteur et de la force pour remonter vers le printemps et l’été ? ». « Hypothèse confirmée par la présence au-dessus du cheval renversé d’un autre cheval, de profil » « strictement identique » à un autre, situé dans la salle des Taureaux, et dont la crinière « pointe » un point interprété par CJW comme l’étoile Arcturus, qui fait partie d’une constellation « justement visible, à la fin de la nuit hivernale, au-dessus du point d’horizon où allait se lever le Soleil... Comme le cheval de profil au-dessus du cheval renversé ! ». Renversant, non ?
Une fois de plus, on constate que sa grille de lecture l’amène à choisir des points « signifiants » parmi des centaines d’autres, qui s’articulent à leur tour de façon signifiante parmi des dizaines d’autres articulations possibles, et qui... prouvent sa grille de lecture. Un raisonnement capillotracté et parfaitement circulaire.
b) À la recherche éperdue de contexte
À défaut de pouvoir apporter de nouveaux éléments sur le site lui-même, elle cherche des éléments matériels prouvant les connaissances avancées en astronomie de cette population.
- L’orientation des grottes ornées
Dans son article « Chronologie de l’orientation des grottes et abris ornés paléolithiques français » [118], CJW affirme que toutes les ouvertures des grottes et abris ornés de son étude sont dans une direction solaire remarquable, permettant la pénétration des rayons lumineux et l’éclairage d’une partie des peintures ou gravures à ces moments-clés de l’année.
Elle entend démontrer que « la lumière solaire qui pénétrait l’entrée d’une grotte lors des levers et couchers solsticiaux et équinoxiaux était déjà l’un des universaux sacralisant cet espace » et ainsi donner du crédit à son interprétation du site de Lascaux.
Notons d’abord qu’elle sélectionne les sites dans le sens de la conclusion qu’elle vise : ainsi, elle reconnaît avoir volontairement écarté de son étude les grottes non ornées : « Pour l’instant nous n’avons pas encore trouvé de grottes paléolithiques non ornées, orientées vers ces directions remarquables. Nous ne les présentons pas ici puisque notre but est d’obtenir une chronologie de l’orientation des grottes et abris ornés. » Ce qui est dommage, car comme elle le dit quelques lignes plus haut, l’ornementation a pu disparaître avec le temps. Impossible, donc, de vérifier ses dires sur les grottes non ornées.
Remarquons ensuite qu’elle axe son étude sur pas moins de 8 directions remarquables du soleil, correspondant à « un moment clé du passage des saisons » : les levers et les couchers aux solstices d’hiver et d’été, les levers et les couchers aux équinoxes ; auxquelles elle ajoute la culmination du soleil.
Quelle que soit l’orientation d’une grotte, elle pourra donc être considérée comme plus ou moins proche de l’une de ces orientations. Quelle est la marge tolérée par l’auteure pour qu’une grotte soit considérée comme significative de par son orientation ? Cela n’est pas dit.
Aussi, il n’est pas surprenant de constater qu’elle conclut que « tout l’ensemble des grottes et abris ornés, faisant partie de notre étude actuelle, a une ouverture permettant l’entrée de la lumière lors d’un moment seuil du calcul du temps ». Avec 8 moments remarquables possibles, peut-on s’en étonner ?
Concernant la méthode, « si l’entrée n’est pas condamnée, elle dirige le rayon d’une lampe torche vers l’intérieur de la cavité, pour repérer l’axe pénétrant le plus profondément dans la grotte. Et réalise un point GPS devant chaque porche, ainsi qu’une mesure avec sa boussole de précision. Ces données lui permettent d’estimer l’axe de l’entrée de la grotte à plus ou moins un degré d’angle. » [119].
Pour F. LEQUÈVRE dans son ouvrage Galaxies à Lascaux [120], il « est facile, constatant une “pénétration solaire”, de viser un azimut particulier depuis l’entrée d’une grotte (...) » et de « donner les valeurs des angles qui correspondent justement aux azimuts des solstices et des équinoxes (...) ce qui laisse supposer un biais personnel (...) ».
De plus la question de la précision des mesures d’orientation peut se poser, compte-tenu de la nature accidentée des terrains.
D’ailleurs, l’orientation des grottes peut aussi s’expliquer par des raisons géologiques, suivant l’axe des failles [121].
Dans le cas de l’abri du Poisson (Eyzies, Dordogne), elle précise qu’une « colline proche en face, empêche le soleil au moment de sa culmination hivernale de pénétrer dans l’abri. Par contre, quand il se lève (…) le matin de l’hiver, juste avant de passer derrière cette colline, il pénètre de biais dans l’abri. Il éclaire alors le poisson qui se trouve au plafond dans le sens des rayons solaires. Nous avons donc choisi l’azimut de 124° ». Donc quand ça ne colle pas, ça colle quand même.
Et pour les deux grottes de son étude dont l’ouverture serait orientée au nord et où jamais le soleil ne peut éclairer l’entrée, elle trouve aussi du sens : « cette direction est primordiale quand on considère les directions de l’espace ». Ah, bon. Et de toute façon « un détail peut fausser les résultats : nous avons souvent trouvé sur plan le nord magnétique. Seul le nord géographique est valable puisque notre recherche est en relation avec la course du soleil ». L’honneur est sauf, il s’agit soit d’une orientation au nord qui fait sens, soit d’une carte mal fichue, quand elle ne remet pas carrément en cause l’entrée « officielle », comme à Commarque [122].
Mais si on accepte l’idée que l’entrée d’origine ait pu être différente, pourquoi alors ne pas aussi s’interroger sur le contexte général au moment de l’occupation : la chercheuse peut-elle être certaine que depuis ces époques reculées il n’y a eu aux alentours ni évolution du relief, ni évolution significative de la végétation, ayant impacté la perception que l’on se fait aujourd’hui de l’entrée de la lumière sur le site ?
Et que faire des données concernant les éventuelles périodes d’occupation antérieures à l’ornementation dans certaines grottes (cette dernière n’étant donc pas le premier motif d’occupation du site) ?
Car d’autres explications plus terre-à-terre peuvent justifier le choix de ces sites, comme par exemple la recherche de chaleur et de lumière pour les communautés présentes.
Une fois encore, la démonstration n’est pas limpide ; si on l’accepte, elle suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
- Les objets de visée et de repérage
Dans le documentaire d’Arte, elle évoque le fait qu’on puisse prendre des repères dans le ciel simplement en utilisant ses mains et en se servant des angles que forment les doigts pour mesurer les distances entre diverses étoiles [123].
Dans sa série d’articles publiés dans la revue Pleistocene Coalition News, CJW va plus loin et présente plusieurs objets prouvant selon elle ses théories sur la connaissance astronomique avancée des hommes du paléolithique.
Ainsi, dans le numéro de novembre/décembre 2011 [124], elle présente le bâton de Gourdan Polignan, objet très fragmentaire gravé sur chaque face de motifs pouvant évoquer le soleil [125] et un autre bâton percé trouvé dans la grotte de la Vache [126]. Sur ce dernier, on aperçoit des silhouettes humaines dont une tient deux bâtons. Ce que la (très mauvaise) photo de l’article ne montre pas, c’est l’auroch placé devant le groupe et la tête d’animal sculptée à l’autre extrémité, qui amènent à interpréter cette scène comme une scène de chasse et certainement pas comme un chaman faisant une visée stellaire. Les objets tenus par le personnage seraient alors une arme (arc ?) et non pas un (unique) bâton de visée [127].
Pour CJW, ces bâtons percés et les encoches gravées sur les côtés, utilisés avec un plomb (un coquillage percé par exemple, il en a été retrouvé à Lascaux) pour assurer leur verticalité, auraient servi à mesurer la hauteur d’astres dans le ciel ou la distance entre eux. Pour démontrer son interprétation, elle présente une expérimentation réalisée par ses soins, à l’aide d’un bâton dont la forme et la constitution n’ont pas grand-chose à voir avec les objets paléolithiques dont elle cherche à démontrer l’usage.
Dans son second article de cette même revue (numéro de janvier/février 2012, pages 1-3 et 8-9) [128], elle interprète deux rondelles perforées trouvées au Mas d’Azil (Ariège) comme des sortes de gnomons dont l’ombre d’un objet installé au centre viendrait se projeter sur les graduations du pourtour, permettant de déterminer l’axe nord-sud, ou comme des cadrans nocturnes servant à mesurer la position des étoiles et ainsi la reporter sur un support (morceau de peau ou paroi).
Si l’idée peut interpeller, la méthode est la même que pour les bâtons perforés : faire fi des autres objets du même type, dont l’iconographie, sans contredire catégoriquement cet usage puisqu’elle peut être purement décorative ou symbolique, en suggère malgré tout d’autres. Ainsi, en fonction des formes, des trous et des motifs, certains y voient des pendeloques décoratives, d’autres des thaumatropes, d’autres encore les lests de fuseaux [129].
Pour tenter de démontrer son propos, pourquoi ne pas avoir établi sa démonstration sur un panel de rondelles plus grand ? Certaines ont des perforations plus larges, voire multiples, d’autres des graduations plus régulières ou des bords crantés [130].
Pour CJW, même les sagaies retrouvées ont pu faire office d’outils de mesure.
Ainsi de la même façon que certains chercheurs de vérité mesurent les angles entre des monuments en ruine sur la base de lointaines photos vues du ciel pour tracer des carrés, CJW mesure tout, tout le temps. Ainsi, sur une sagaie trouvée à Lascaux, les branches de la figure géométrique évoquant un scintillement ou une étoile, formeraient un angle « d’environ 12° par rapport la ligne médiane centrale ». Si la sagaie est placée le long du diverticule de l’entrée (!), l’angle est dans la direction de l’azimut du soleil au moment où sa lumière devait atteindre un des murs intérieurs, et l’angle adjacent correspond au moment où les étoiles apparaissent... J’ai certainement pu mal comprendre et déformer son propos, mais il me semble que cette recherche systématique d’angles et de directions n’a aucun sens ici. On peut trouver des angles et des relations mathématiques partout (la nature fait ça très bien) sans que cela ait un sens, et mesurer des angles, des proportions et des directions en relation avec des objets éventuellement tronqués et placés où ça nous chante dans des sites remaniés, ça n’est pas le meilleur argument ici.
- Les calendriers lunaires
Dès les années 70, l’américain Alexander MARSHACK pense reconnaître dans les gravures d’un os trouvé à l’abri Blanchard (Dordogne) le dessin de la course de la lune dans le ciel, ce qui en ferait le plus ancien calendrier lunaire connu.
Cet os en bois de renne est sculpté sur une face de 69 points, sur 5,2 centimètres, sur l’autre face de 63 marques et sur le pourtour 40 encoches.
Pour A. MARSHACK, l’utilisation d’un microscope binoculaire aurait permis de déterminer l’ordre dans lequel les marques ont été réalisées, l’outil (ou les outils) d’exécution, les différences de pression, de direction, d’espacement… [131].
Cette affirmation ainsi que le relevé d’A. MARSHACK sont repris dans nombre d’articles, sans que l’observation ait été à nouveau réalisée et vérifiée par un chercheur contemporain. CJW reprend l’interprétation d’A. MARSHACK et la développe, allant jusqu’à faire un relevé sur le site même de la grotte (« assise au pied de la falaise »), notant « au fil des jours la hauteur de la lune dans le ciel, et le point de l’horizon où elle se couche ». Elle présente ensuite un relevé dont les points se superposent avec la série de points gravés sur l’os. « Certes, la superposition n’est pas parfaite, plusieurs phases lunaires sont manquantes, le trajet général des 2 figures est bien similaire » [132].
Ce travail a su convaincre et fait l’objet d’une rare publication de CJW dans une revue scientifique à comité de lecture [133].
Selon elle, les points inscrits dans l’os représenteraient donc la course de la lune dans le ciel pendant 69 jours, soit plus de 2 lunaisons, et commenceraient précisément à l’ouest un jour de printemps (son propre relevé commence le 19 mars 2004), la forme même des cupules permettant d’en indiquer les phases. Le verso n’est quant à lui pas interprété, les cupules pouvant être confondues avec des trous naturels de l’os et rendant le tracé difficile à lire [134].
S’il est vrai que le tracé des points peut évoquer une succession d’analemmes lunaires [135], plusieurs questions se posent.
D’abord, et comme à son habitude, le choix des point retenus. Ainsi, Michael A. RAPPENGLÜCK affirme [136] que CJW a exclu 4 marques ne correspondant pas à sa démonstration, en le justifiant par le fait que la séquence en question serait une erreur de la part de l’observateur du ciel d’origine.
Ensuite se pose la question de la réalisation matérielle d’un tel objet. La photographe d’une analemme lunaire en Italie [137] précise ainsi qu’il lui a fallu un an pour réaliser son cliché, à cause de la météo souvent défavorable. De plus, afin de réaliser un tel tracé, il est nécessaire de décaler son observation chaque nuit de 51 mn.
Ces considérations impliquent donc d’abord que CJW (et l’auteur des gravures sur l’os) aient eu plus de deux mois d’affilée sans trop de nuages au moment de l’observation (entre le 19 mars 2004 et le 21 mai 2004 pour CJW), ce qui semble grandement improbable.
Quant à la nécessité de décaler l’observation d’environ d’environ 1 heure chaque nuit (ou chaque jour) pour obtenir ce type de relevé, on peut se montrer sceptique pour sa mise en pratique lors des nuits du paléolithique.
D’ailleurs, on remarquera que le relevé de CJW ne précise pas à quelle heure elle a fait ses observations, ce qui attesterait de son observation en décalé chaque nuit, et permettrait de vérifier hauteur et azimut de la lune pour reproduire le tracé de sa courbe. Mais l’azimut qu’elle note est celui du coucher, et il y a là une contradiction : la lune se couche sur l’horizon, donc sans « hauteur » : sur cette base, comment CJW a-t-elle donc bien pu tracer cette courbe de la course de la lune dans le ciel ?
Ensuite, même en considérant des conditions météorologiques idéales, la lune n’est pas visible 69 jours de suite. En plus des périodes de nouvelle lune, une simulation réalisée par nos soins avec le logiciel Stellarium, aux coordonnées de Sergeac et aux jours d’observations indiqués sur le relevé 2004 de CJW, montre que la lune n’est pas toujours visible à l’heure de son coucher car parfois située près du soleil et masquée par lui, donc inobservable.
Enfin, très concrètement et comme le fait remarquer Olivier SAILLY dans son article [138] « s’il est besoin d’un microscope pour décoder le message, comment l’astronome aurignacien a-t-il pu se "relire" ? » Et en effet, quelle utilité de procéder à un relevé aussi petit (5,2 cm !), dont le détail des phases est illisible et donc inutilisable ?
Aussi, la démonstration via ce schéma, repris dans le documentaire d’Arte et sur divers sites, n’est pas convaincante.
Comme pour les autres motifs géométriques, points, et traits représentés sur d’autres supports, il est difficile de démontrer que ces motifs ne sont pas une abstraction de tout autre chose. Les points pour des taches, des textures, des ombres ; les courbes pour des ondulations de l’eau, des collines, le tracé d’un cours d’eau, le cheminement d’insectes, le mouvement d’une feuille dans le vent… Ou rien du tout.
Concernant l’os de l’abri Lartet, qui fait également l’objet d’un livre de CJW, la démonstration est encore plus difficile à établir car les cupules, si on accepte qu’elles marquent bien un décompte, peuvent dénombrer n’importe quoi, ou même rien du tout.
Ces interprétations pourraient être développées puis admises s’il était possible de rapprocher ces objets de pratiques religieuses et culturelles immatérielles qui restent pour le moment l’objet de bien trop de conjectures. L’hypothèse peut séduire, mais elle n’est pas irréfutablement démontrée.
- Pour finir et de façon plus anecdotique, citons aussi l’interprétation qu’elle fait de la Vénus de Laussel (Dordogne).
Dans le documentaire d’Arte, pour appuyer son idée de représentation de la lune sur l’os de l’abri Blanchard, il est affirmé que cette silhouette féminine tient « un croissant lunaire » [139].
Si on ne peut manquer de remarquer que les représentations réalistes qui pourraient évoquer le soleil, la lune ou les étoiles sont plutôt rares à cette époque (je ne connais pour ma part aucune représentation de croissant lunaire), il faut rappeller que cette sculpture est aussi connue sous le nom de « Vénus à la corne ». Et en effet, l’objet qu’elle tient a, sans ambiguïté, la forme d’une corne (portant même 12 incisions) [140]. Elle est d’ailleurs tenue comme une corne de libation.
Que les animaux à corne aient pu être associés au cycle lunaire à des époques postérieures, aucun souci ; mais ce n’est absolument pas ce qui est dit ici. Les hommes du paléolithique étant de fins observateurs de leur environnement, on peut penser que s’ils avaient voulu donner à cet objet la forme d’un croissant lunaire, ils l’auraient fait. Affirmer que cette femme tient un croissant lunaire est à la limite du ridicule.
CONCLUSION : « faire vivre la vérité »
Pour ma part, et de façon totalement subjective, je considère que certaines pistes (l’orientation des grottes ou l’interprétation des « calendriers » gravés) méritent d’être creusées par d’autres chercheurs pour être véritablement validées ou définitivement abandonnées. Pour le reste, en tant que parfaite amatrice, quel crédit ai-je envie d’accorder aux théories d’une chercheuse qui ne semble pas maîtriser les calculs astronomiques sur lesquels elle appuie ses raisonnements et conclusions ? Qui sélectionne les données qui l’arrangent ? Qui publie sans sourciller dans une revue créationniste ? Qui affirme sans rire que la Vénus de Laussel tient un croissant lunaire ? Qui adhère à la théorie des ères ?
Je suis sincèrement convaincue que les hommes du paléolithique, en fins observateurs de leur environnement, se sont intéressés au ciel. Mais ce ne sont pas les travaux de CJW qui, à mes yeux, le démontrent, surtout dans les proportions qu’elle avance.
Car comme souvent avec les théories « alternatives », il serait d’abord nécessaire d’établir la réalité de l’existence du phénomène (ici, des connaissances avancées en astronomie chez d’anciennes populations européennes) avant de chercher à comprendre « comment » ces populations ont fait pour mesurer les phénomènes remarquables et les retranscrire.
On pourra objecter que ses recherches visent aussi à établir cette connaissance, par exemple par l’étude des calendriers lunaires. Mais ces simples objets, si leur usage venait à faire consensus, sont d’un bien faible poids pour attester de l’ensemble des connaissances qu’attribue CJW à ces populations.
Concernant le grand public ou même les chercheurs peu familiers des notions astronomiques, il est manifeste que la référence à des notions connues de la science établie (ici l’astronomie) associée à une complexité des propos peuvent faire croire au sérieux de ces hypothèses.
Quand au ton même de ses travaux, du documentaire d’Arte et de plusieurs interviews, il vise à convaincre plutôt qu’à informer, en flattant notre attirance pour l’étrange et en victimisant son auteur.
Or ses travaux méritent plus de transparence et également d’importantes vérifications, puisqu’on a vu qu’une bonne partie de ses conclusions reposent sur des calculs qui seraient erronés. La confirmation d’autres chercheurs transformerait ce qui semble le plus souvent une intuition ou une opinion en une véritable découverte, exploitable dans le cadre de recherches ultérieures.
Dans l’interview donnée en septembre 2013 aux éditions Arqa [141], CJW affirme d’ailleurs que de nombreux chercheurs s’intéressent à ses travaux, « des philosophes, des écrivains, des cinéastes, des mathématiciens », mais aussi des archéologues, dont elle « [tait] le nom par discrétion ». Mais le spectre de la victimisation n’est jamais loin, puisque Jean-Michel GENESTE lui aurait dit : « Un jour vous serez célèbre, mais ce ne sera pas de votre vivant, car la Communauté scientifique fera tout pour vous en empêcher ». Alors, cette « Communauté scientifique », ennemie ou soutien ? L’ambiguïté, à nouveau.
Si son interlocuteur d’interview considère que ses travaux « ont participé à l’avancée de cette hypothèse parmi ceux qui ont un esprit ouvert… » [142] (les chercheurs qui la contrediraient feraient donc juste preuve d’un esprit fermé), CJW souhaite quant à elle qu’un « archéologue éclairé, passionné de lumière, - donc de vérité » récupère les mesures « pour faire vivre la vérité » [143].
Faire vivre la vérité. Une expression bien maladroite pour qualifier l’objectif et les enjeux de ce champ de recherche.
Un grand merci à Irna pour son accueil et sa (grande) patience, et à F. Lequèvre pour sa relecture constructive et cordiale.
L’ouvrage de Frédéric Lequèvre : Galaxies à Lascaux. Les merveilles de l’archéoastronomie. Book-e-book n°38. Version papier ; version numérique