Dossier Anton Parks n°1-4 : Les traduc-interprétations du sumérien et de l’égyptien
Article mis en ligne le 30 avril 2020

par Anpon Tarks

Lien vers l’article précédent : Dossier n°1-3 : Anton Parks, le Messie et le latin


Maintenant que nous en avons fini avec l’étymologie approximative des termes « Christos » et« Messie » effectuée par Anton Parks, revenons à sa spécialité : le sumérien. Si une grande partie de l’argumentaire de son essai Le Testament de la vierge tombe en ruine en même temps que ses analyses étymologiques, nous allons voir que cela est bien pire pour son essai Eden.

Attelons-nous enfin à un petit exercice.
Celui-ci, sans difficulté majeure, va montrer toute l’étendue de la suffisance présumée d’Anton Parks dans son auto-présentation en tant qu’expert.

Nous allons pour notre exercice nous baser sur une tablette rédigée en vieil akkadien retrouvée à Nippur et appartenant au Musée de l’Archéologie de l’Université de Pennsylvanie. Cette tablette est numérotée CBS 08322 et a été rédigée entre 2340 et 2200 BCE. Son genre serait de type administratif (?), mais elle est tellement endommagée que cela est difficile à confirmer.

Elle fut initialement traduite par l’assyriologue George Barton en 1918. En 1985 une nouvelle traduction est effectuée par Christian O’Brien. Enfin nous avons en 2011, la traduction de Don Moore/Anton Parks.

Ci-après la reproduction de la fameuse tablette :

Nous allons ensuite mettre dans un tableau les trois translittérations (conversion des signes akkadiens, ici, en valeurs phonétiques traduisibles) suivies des trois traductions respectives.

Ces informations sont tirées de l’interview d’Anton Parks de 2012 [1] :

George BartonChristian O’BrienDon Moore/Anton Parks
1 Bùr-dub
2 En-lil-lal
3 En-ki-ta
4 Ge-gál-ne
5 Ki-En-ki gub
6 Nam-šar-a-ge-a
7 En mu-ge-gál
8 Me-gi-la
9 [Men] mega-išib-mag
10 [Ki] En-zu na
1 Bùr-dub
2 En-lil-lal
3 En-ki-ta
4 Ge-gál-ne
5 Ki-En-ki gub
6 Nam-šar-a-ge-a
7 En mu-ge-gál
8 Me-gi-la
9 [Men] mega-išib-mag
10 [Ki] En-zu na
1 Búru-dúb
2 En-líl-lá
3 En-ki-ta
4 Gan-gál-izi
5 Ki-En-ki-gub
6 Nam-du(10)-a-é-a
7 En-mu-ge-hé-ig
8 Ge(6)-du(10)-la
9 Gìš-me-mah
10 [Ki] En-zu na
1. La hache destructrice
2. Enlil
3. d’Enki
4. prendra vraiment.
5. Être debout avec Enki
6. en sagesse
7. le Seigneur le recevra réellement ;
8. il le gardera vraiment !
9. Moi, le grand prêtre sage,
10. qui exalte Enzu.
1. Le soleil se leva radieusement.
2. Les Seigneurs Enlil
3. et Enki parlèrent
4. ensemble : "Là où le Seigneur
5. Enki est debout,
6. là, il est prévu qu’il y aura une abondance d’eau."
7. Le Seigneur parla énergiquement d’une chute
8. de pluie abondante, débordante,
9. pour être retenue dans le réservoir,
10. au rocher élevé du Seigneur du Savoir.
1. Le burin (nous) fit trembler.
2. Enlíl avait percé
3. le caractère d’Enki,
4. le responsable du battant de la porte (et) du mur du domaine.
5. A chaque fois qu’Enki était présent,
6. il (lui) fit goûter (son) destin, hélas, dans la propriété, hélas !
7. Le seigneur avait parlé du battant de la porte.
8. L’être sombre avait goûté au luxe !
9. Le destin de l’homme fut élargi
10. à chaque fois que [le sei]gneur enseigna l’humanité.

Anton Parks précise ensuite dans l’interview :

« Comme on peut le constater, la version de George Barton est très rêche et rudimentaire dans son style. Malheureusement, Barton effectua de nombreuses erreurs de transcription, raison pour laquelle j’ai dû tout vérifier et retranscrire avant de traduire à mon tour. De son côté, Christian O’Brien travailla sur la transcription de Barton, pourtant comme elle est bancale, il interpréta de nombreux passages incompréhensibles. Chaque erreur de transcription et sa correction sont notées dans les notes de mon ouvrage. J’ai privilégié la transparence afin que mon travail soit consultable par tous. »

La « transparence » de Don Moore/Anton Parks est assez restreinte dans le sens où dans son ouvrage Eden, les comparaisons avec les traductions de Barton (notamment) sont limitées à des annotations en bas de page sans association aucune avec les signes traduits… laissant le lecteur contraint de lui faire confiance.
Comme on va le voir, de notre côté, les translittérations de Barton et O’Brien sont identiques quand le sens de leurs traductions varie énormément !
Don Moore/Anton Parks de son côté réalise une translittération légèrement différente pour, également, une traduction pleinement orientée pour s’adapter à ses « visions ».

Beaucoup de choses ne vont pas dans ce tableau.
Premièrement la translittération originale de Barton n’est pas celle-ci.
Nous l’avons retrouvée dans la CDLI (Cuneiform Digital Library Initiative [2]).

Translittération de George Barton selon ParksTranslittération originale de George Barton
1 Bùr-dub
2 En-lil-lal
3 En-ki-ta
4 Ge-gál-ne
5 Ki-En-ki gub
6 Nam-šar-a-ge-a
7 En mu-ge-gál
8 Me-gi-la
9 [Men] mega-išib-mag
10 [Ki] En-zu na
1 uszum-gi16 !?
2 den-lil2-la2
3 den-ki-ta
4 he2-gal2-x
5 ki-den-ki-du
6 nam-he-a-tesz2-a
7 en-mu-he2-gal2
8 mi-HI-la
9 d#suen#-na [3]

Soit il y a eu une coquille, soit Anton Parks mène son troupeau en bateau…

Dans l’absolu, comment expliquer une telle complexité à translittérer ce genre de tablette ?

Ci-après la tablette CBS 08322 dans son état actuel :

Comme on peut le constater, la tablette est très endommagée et, donc à la base, il est très difficile d’en identifier les symboles.

Il y a donc une importante probabilité d’erreurs dans les signes reproduits sur fac-similés.
Une fois sur fac-similés, il y a également une marge d’erreur non négligeable dans l’identification des signes lisibles avec les signes reconnus par l’assyriologie.
Enfin lorsqu’on arrive à une translittération approximative, il faut passer à la traduction.
Et là, l’interprétation subjective peut s’en donner à cœur joie !

Et l’interprétation de Don Moore/Anton Parks est juste… fantasmagorique. [4]
On peut le voir rapidement à la longueur de la traduction de ce dernier : deux fois plus longue que celle de Barton, qui demeure la référence encore aujourd’hui !
Nombre de mots/expressions sont rajoutés/inventés (articles, déterminants possessifs, notions temporelles, le premier mot translittéré par Don Moore/Anton Parks, Búru, n’existe pas… nous ne pourrions donc pas le traduire nous-mêmes…), certains complétés pour coller à son interprétation et enfin des mots sont suggérés.

En bref, donnez deux sumérogrammes à Don Moore/Anton Parks, il en fera quatre phrases !

Notons également que la traduction de M. Moore/Parks est plus proche de celle d’O’Brien, ce qui ne nous étonnera guère.
Christian O’Brien, après sa retraite en 1970, se mit à développer des théories archéologiques farfelues comme celles d’observatoires astronomiques britanniques en lien avec… Sumer, notamment dans son livre The Megalithic Odyssey [5] ! Une critique du journal Archaeostronomy décrit son ouvrage comme : « un méli-mélo de déclarations erronées et d’arguments mal conçus et non étayés (…) le livre est plein de déclarations qui ne font que confirmer l’ignorance d’O’Brien concernant nos connaissances actuelles de la préhistoire. [6] »
Rappelons qu’à la base O’Brien était un géologue d’exploration…

A présent nous allons vous fournir notre propre traduction de la translittération de Don Moore/Anton Parks, partant du principe que celle-ci est « correcte ». La nature polyphonique des signes cunéiformes nous autorise cet exercice de style. Comme vous vous en doutez certainement notre interprétation va être bien différente !

1 Búru [7](délivrer)-dúb(lamentations)
2 En-líl(le dieu Enlíl)-lá(pénétrer, rentrer)
3 En-ki(le dieu Enki)-ta(avec, ensemble)
4 Gan(jarre)-gál(être, demeurer)-izi(mur d’une maison)
5 Ki(lieu)-En-ki(le dieu Enki)-gub(accomplir son service, son devoir)
6 Nam(province)-du(10)(genou)-a(eau)-é(maison, temple)-a(eau)
7 En(seigneur)-mu(dire)-ge(restaurer)-hé(abondance)-ig(vanne)
8 Ge(6)(sombre, noir)-du(10)(doux)-la(plénitude)
9 Gìš(féconder, fertiliser)-me(rite)-mah(éminent)
10 [Ki](partout)- En-zu(ou En-su, ou Su’en, nom propre, autre dénomination de la personnification divine de la lune. Il était Sîn chez les Akkadiens et Nanna chez les Sumériens) na(témoignage)

Notre traduction est donc la suivante :

1. Nous sommes délivrés de nos lamentations !
2. Le dieu Enlil pénétra,
3. En compagnie du dieu Enki,
4. Les murs des maisons où demeuraient les jarres.
5. En ce lieu, le dieu Enki accomplît son devoir,
6. Dans la province, de l’eau jusqu’aux genoux, de l’eau dans les maisons !
7. Le seigneur dit : « j’ai restauré les vannes d’abondance ».
8. Dans la douce et obscure plénitude,
9. L’éminent rite de fécondation/fertilisation,
10. Témoigne qu’Enzu (le dieu Lune) est partout.

Nous sommes là assez proches de la traduction de Christian O’Brien, toutes proportions gardées.
Dans tous les cas, nous avons fait de la translittération de Don Moore/Anton Parks une traduction qui nous paraît plus crédible, économe et cohérente avec le contexte de l’époque.
Nous y comprenons clairement un hymne à Enki et Enlil, les deux principaux dieux du panthéon local, qui apporteraient l’eau vitale et fertilisante dans les habitations et la « province ».

Don Moore/Anton Parks, quant à lui, y voit un enseignement de l’humanité à la sexualité (sacrée ?) qui permet « d’élargir son destin »… comme si un être vivant avait jamais eu besoin qu’on lui enseigne la manière de se reproduire !
Plus grave, l’auteur des Chroniques du Girku semble ignorer qui est En-zu, l’un des dieux majeurs du panthéon mésopotamien ! Pour un expert des mythes du Moyen-Orient, on repassera…

A présent nous allons continuer dans la comparaison stricte des traductions de George Barton et de Samuel Noah Kramer (l’un des plus fameux et prolifiques assyriologues de l’histoire) avec celles de Don Moore/Anton Parks issues du livre Eden.
Comment ce dernier va-t-il s’en tirer face à de véritables érudits ?

Je choisis d’entrer avec prudence dans notre sujet en commençant d’abord par montrer des éléments factuels, vérifiables et incontestables, étant conscient de l’ampleur du puzzle qui est devant nous et qu’il reste encore à recomposer. Les lignes qui suivent sont le fait d’« Atrahasis » qui a émis en 2014 une critique assez longue du livre Eden [8] sur un forum conspirationniste (comme quoi tout est possible). Nous nous sommes permis de récupérer son matériau afin de l’adapter à nos besoins.

Je dois placer ici une considération : le chapitre qui suit nécessiterait une connaissance approfondie car il soulève la question de savoir si Anton Parks est suffisamment qualifié à traduire l’écriture cunéiforme. Or il est important de signaler que je n’ai aucune connaissance dans les langues anciennes et je serais bien incapable de traduire le moindre cunéiforme qui se présenterait. Cette question est à poser aux experts en la matière. Pour ma part je peux seulement évaluer de manière superficielle ce que je vois, puiser dans les sources et comparer ce qui est comparable.

Nous utiliserons comme support à notre étude le livre de l’assyriologue George A. Barton, Miscellaneous Babylonian inscriptions [9], qui est facilement trouvable et en accès libre sur la toile : http://www.archive.org/stream/miscellaneousba00bartgoog#page/n6/mode/2up
Cette source nous permettra d’établir des comparaisons entre une source universitaire et les traductions de Parks.

A noter que les translittérations et traductions du travail de Barton, effectuées près de 100 ans après lui, conservent toute leur pertinence comme le prouve la récente publication de l’assyriologue Jan Lisban : https://www.academia.edu/34788620/THE_BARTON_CYLINDER_A_LAMENT_FOR_KE%C5%A0
Hormis quelques ajustements, les versions de 1918 signées George Barton s’avèrent très justes.

Lorsqu’on lit le livre Eden d’Anton Parks la comparaison se limite à des annotations en bas de page, et Anton Parks se justifie fréquemment tant et si bien que le lecteur est tenté de suivre l’avis de l’auteur ; il est difficile de discerner et de comparer vraiment la traduction nouvelle par rapport à l’ancienne. Cependant, comme nous le verrons, il existe un écart significatif entre l’une et l’autre version. Comment s’expliquent de telles différences entre les traductions ? C’est ce que nous allons analyser. Je finirai en expliquant pourquoi les traductions antérieures possèdent plus de sens en montrant quelques exemples connus.

Les textes religieux étaient généralement écrits par les scribes, par les prêtres et par des personnes faisant partie de l’entourage du roi. Nombre de ces textes étaient des hymnes récités à l’occasion de rites et de fêtes religieuses, par exemple le récit de la Création de l’Enuma Elish [10] était lu chaque année lors de la fête de l’Akitu. [11] Ces textes ont une haute valeur religieuse. Ils chantent généralement la gloire du roi et des grands dieux qui l’ont assis sur le trône. Ce sont des textes de propagande qui annoncent la toute-puissance du souverain et ont été utilisés pour consolider la société autour du roi. Au-delà la vocation du mythe est de nous expliquer pourquoi les choses sont telles qu’elles sont, ou comment certaines choses en sont venues à l’existence. Tous ces textes possèdent une valeur historique indéniable même si ce n’était pas la préoccupation principale de leurs auteurs.


Commençons sans plus attendre en plongeant directement dans les sources.
Voici donc celle que j’utiliserai :
http://en.wikipedia.org/wiki/Miscellaneous_Babylonian_Inscriptions
https://archive.org/stream/miscellaneousba00bartgoog#page/n22/mode/2up

Je structurerai de la manière suivante :
a) la traduction de George Barton
b) la traduction française
c) la traduction d’Anton Parks
d) mon commentaire

Ci-après l’aspect actuel du cylindre de Barton ou CBS 08383, notre première source d’étude, accompagné de la reproduction de la face a (pour une meilleure lecture).

Précisons d’emblée que ce document a été très récemment ré-examiné par l’assyriologue néerlandais Jan Lisman dans un papier de 2017 et ce dernier pencherait pour un texte de type lamentations très courant en ancienne Mésopotamie :

« Tinney discussed the city laments as a critical genre. He cited Green who discerned several themes that may be present, with different emphasis, in such laments : ‘destruction, assignment of responsibility for the destruction, abandonment of the city, restoration, return of the god, and presentation of a prayer.’ All these themes are present in the Barton cylinder, except for the presentation of a prayer, which may have been in a now lost part of the text. [12] »

En résumé, le cylindre de Barton (CBS 08383) contient tous les éléments constituants d’une lamentation, excepté la présentation d’une prière qui faisait certainement partie d’un emplacement cassé sur la tablette.


Tablette CBS 8383-a. Colonne I :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
1. He [Naram Sin, roi de Kesh] came forth,
2. from Kesh he came,
3. the food of Enlil
4. gives him life.
5. Unto Sir there is a cry ;
6. she grants favor,
7. makes all live. [13]
1. Il [Naram Sin, roi de Kesh] s’avança,
2. De Kesh il vint,
3. Nourrit du pain d’Enlil
4. Qui donne la vie.
5. Jusqu’à Ninhursag monta un cri,
6. Elle accorda sa faveur,
7. Qui fait tous vivre. [14]
« […] [Ils] vinrent en puissance de l’au-delà du temps, ils furent portés, un jour, par la [rébellion] de l’univers. La nourriture d’Enlil leur donnerait la vie.
A l’égard de la Dame Serpent, il y eut une imploration (car) elle accordait la faveur qui les ferait tous vivre […] »
. [15]

Commentaire  :
Le texte, retrouvé à Nippur, est présenté par les 2 auteurs comme datant d’une grande antiquité. Barton reconnait la période akkadienne et situe la période aux alentours de 2.800 - 2.600 BCE, il compare son ancienneté avec celle des Textes des Pyramides. De son côté, Parks se contente de dire que nous ne savons pas à quand remontent ces évènements.

Les premières lignes sont perdues. Ce texte raconterait, selon Parks, l’arrivée des dieux sur terre. Pour Barton il s’agirait d’un texte incantatoire qui « contient une forme primitive, mais comparativement raffinée, de pensée religieuse. Les hommes qui l’ont écrit entretenaient le point de vue animiste. Le monde était rempli d’esprits qui les terrifiaient, mais les chefs de ces esprits étaient des dieux qui, quoique capricieux, étaient les créateurs de la vie et de la végétation. Ils pouvaient être suppliés, et l’espoir de l’homme demeure en leur apaisement. Le texte exhibe le mélange de religion et de magie si caractéristique à la pensée babylonienne. [16] »

D’emblée nous voyons que les deux traductions sont très proches, mais pas fidèles ; nous remarquons des différences minimes quoique significatives.

Tout d’abord le cadre dans lequel se situe l’action n’est plus le même. Barton reconnait Kesh comme étant un nom propre, il s’agit de la ville de Kesh, ou Kish [17], une cité bien connue située proche de Babylone et figurant dans les listes royales comme étant la première ville dans laquelle la royauté fut rétablie après le Déluge. Parks est conscient que Kesh est une ville ; il le signale dans une annotation. Mais il choisit pourtant d’appliquer une autre signification à ce texte. Kiš en symérien ou kiššatu en akkadien signifie « totalité » ou « monde » (cette signification porte en elle le sens d’un « Centre du Monde » comme nous le verrons plus loin à la fin de ce chapitre). Ainsi Anton Parks n’y voit pas un nom propre et traduit Kesh par le mot « univers », parlant bien entendu du lieu d’origine des dieux. Quoiqu’étant d’un sens proche, « monde/totalité » et « univers » ne sont pas de parfaits synonymes...

Une autre différence dans ces traductions est le sujet. Il n’est pas question d’un pluriel mais d’un singulier, visiblement un roi. Barton hésite entre Naram-Sin et son successeur, Shargalisharri, tous deux souverains ayant régné à Kish, et ayant bâti pour le premier ou rénové pour le second le temple d’Enlil. Dans le texte, c’est ce roi qui vient de Kish et qui a été nourri par Enlil.

Comparez donc : d’un côté nous avons Naram-Sin (ou Shargalisharri) issu de la ville de Kish et rassasié par la nourriture d’Enlil, et de l’autre des dieux venant de l’univers et à qui Enlil donna la vie. On parvient ainsi à un résultat très différent !!

Un autre glissement est que « Sir » devient la « Dame Serpent » chez Anton Parks. Celui-ci se justifie en remarquant que Sir signifie « serpent », « reptile ». La traduction de Parks est plausible, en effet Barton reconnaît que Sir est un autre nom pour Ninkharsag. C’est pourquoi il utilise le féminin. La fin de ce passage reste similaire dans les deux versions.

Ainsi donc, si l’action reste préservée, la traduction d’Anton Parks introduit des différences significativement importantes concernant le lieu et les intervenants, ce qui change drastiquement le sens du texte.


Tablette CBS 8383-a. Colonne IV :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
2. Abundance (?) … he restores.
3. His musician sings ; his musician sings :
4. « To the city he gives protection, »
5. The temple he strengthens ;
6. O bird, who can overthrow it ?
7. My gain is great. The flour – by whom is it increased ?
8. A plain is filled. Thy water – by whom is it increased ?
9. His hand makes the overflow of great waters ; it increases fatness.
10. The demon, the cloudlord is impetuous ;
11. O bird, who can overthrow him ?
12. My grain is great, - by whom is it poured out ? [18]
2. Il restaure l’abondance
3. Son musicien chante, son musicien chante :
4. « A la ville, il offre une protection »,
5. Le temple, il renforce,
6. O Dieu, qui peut le renverser ?
7. Mon gain est grand. La farine par qui est-elle accrue ?
8. La plaine est remplie. Ton eau par qui est-elle versée ?
9. Sa main fait déborder les grandes eaux, il augmente ton engraissement [?].
10. Le démon, le maître des nuages est impétueux,
11. O Dieu, qui peut le renverser ?
12. Mon gain est grand. La farine par qui est-elle accrue ?
« […] L’abondance [des dieux ?], il la restaurait. Notre Satam (administrateur) s’exclamait : notre Satam s’exaltait ; il offrait sa protection à la cité. Il agrandissait la demeure : Oh, oiseau, qui peut te renverser ? (Sa femme Ninkharsag parle de son projet) : ‘Avec cet aménagement apparaîtra la prospérité ; un réservoir clos – un piège à eau – devra être installé. Ma bonne nourriture qui sera produite devra être abondante. Cet Eden ferme, traversé d’eau, devra être irrigué par un cours d’eau qui sera en cascades’. Un grand et puissant cours d’eau protégé devait jaillir en avant ; il augmenterait le rendement (d’eau) tournoyant de notre dame. Oh, oiseau, qui peut te renverser ? Ma nourriture qui sera répandue devra être abondante […]. » [19]

Commentaire  :
La première ligne est manquante. Les lignes 2 et 4 à 6 ont été traduites à l’identique. Le reste n’a plus rien à voir. Le « Satam » devient un musicien chez Barton. La « plaine » a été traduite par le nom propre « Eden » (Edin). A la ligne 10 il n’est plus question de démon et de seigneur des nuages chez Anton Parks. L’hymne religieux qui se poursuit chez Barton devient l’évocation des desseins de Ninkharsag. L’écart entre les traductions est significatif comme vous pouvez le constater.


Tablette CBS 8383-a. Colonne VIII :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
1. … the mighty divine lord
2. increases greatness.
3. The great gate to bolt he appoints,
4. my door for protection he …
5. …
6. …
7. …
8. …
9. … may he be favorable (?)
10. To heaven he lifts an eye
11. opened by the tree of life !
12. … my dwelling. [20]
1. . . . . . le Divin puissant Seigneur
2. Augmente la grandeur
3. La grande porte boulonnée qu’il désigne
4. Ma porte pour la protection, il
5. . . . . . . . . . .
6. . . . . . . . . . .
7. . . . . . . . . . .
8. . . . . . . . . . .
9. . . . . . qu’il soit favorable
10. Vers le ciel, il lève un œil
11. Ouvert par l’arbre de vie
12 .. . . . . ma demeure.
« [… à cause du ?] seigneur de la réserve et de l’entendement. Le vaste (être) faible, dès lors, à cause de la connaissance de la grande porte, se jeta sur la terre cultivée de notre réserve et disposa de nos rations. Il se multipliait et il discutait de notre talus. Hélas, à cause […] arbres […] les hauteurs [3 lignes brisées]. Il parlait des nombreux arbres (fruitiers). Face à notre regard, il avait pris possession de sa nourriture et l’emportait, il renversait les arbres de vie plantés [par ses soins ?], témoignage de notre monticule. […] ». [21]

Commentaire  :
C’est ici que selon Anton Parks l’homme pénètre illégalement dans le jardin. A la ligne 1 le « puissant seigneur divin » devient « le seigneur de la réserve et de l’entendement » dans la traduction de Parks. C’est cet être puissant qui fixe les boulons sur la grande porte à la ligne 3, là où Anton Parks fait intervenir l’homme (le « vaste (être) faible ») pour ensuite jeter son dévolu sur les rations alimentaires (action absente chez Barton). Après quoi plusieurs lignes sont manquantes ; 4 pour Barton et seulement trois chez Parks. Celui-ci complète les vides comme d’accoutumée… Il est ensuite question d’un œil « ouvert par l’arbre de vie ». Le texte se termine par la mention d’un monticule sacré.

L’analyse du document CBS 08383 autrement publié sous le titre « The oldest religious text from Babylonia » dans le livre de Barton nous donnait des traductions très proches quoique significativement différentes de celles d’Anton Parks. Nous pouvons déjà comprendre que Parks possède une lecture très contemporaine, ou athée. L’aspect religieux, les croyances et le surnaturel, sont écartés dans les traductions qu’il fournit pour introduire à la place une vision néo-évhémériste des évènements relatés.

Pourtant cette traduction était encore relativement de bonne facture. L’écart se creuse encore davantage entre les traductions d’Anton Parks et celles fournies par les assyriologues (reconnus) lorsque nous comparons d’autres textes. Je vais vous montrer que c’est parfois assez hallucinant. La différence est parfois si importante qu’il est difficile de réaliser que nous sommes en présence du même texte à l’origine (comme nous l’avons vu sur la CBS 08322 analysée plus haut).

N’ayant (personnellement) aucune connaissance de l’écriture cunéiforme je ne peux que constater ces différences et m’en étonner. Je vous laisse dans un premier temps juger de quelle version vous semble la plus plausible à travers deux autres textes, puis nous confronterons quelques idées qui devraient remettre Anton Parks à sa place d’essayiste amateur. Je précise que je n’ai pas passé mon temps à comparer la totalité des 15 textes employés dans le livre, et encore en écartant la deuxième partie sur Umma, mais j’ai comparé les traductions pour 4 textes qui ont leur importance dans l’édification de son point de vue. Nous pourrions en comparer d’autres que nous ne serions pas au bout de nos surprises, cependant pour notre présent travail j’estime cet échantillon suffisamment représentatif du travail de traduction d’Anton Parks.

Le texte qui suit est très court, il correspond au chapitre 7 chez Anton Parks, intitulé « 7. Le Serpent Enki révèle le Secret des dieux – CBS 8322 ». [22]

Barton a quant à lui opté pour titre « Old Babylonian oracle » (les textes des tablettes n’ont pas de titre ; le titre est arbitraire au traducteur), ce qui devrait déjà éveiller quelques soupçons. [23]
Nous partirons ici sur des traductions françaises produites par l’équipe « Anpon Tarks ».


Tablette CBS 8322-b. Colonne III :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
1. the gods
2. address.
3. Unto the god i say :
4. « May there stand
5. the dwellings
6. of cedar. »
7. His mouth he opened,
8. Enzu said :
9. « Where Enzu dwells [24]
1.2. A l’attention des dieux.
3. Je dis à l’endroit du dieu :
4. « Que se tiennent là
5. des habitations
6. faites de bois de cèdre ».
7. Il ouvrit sa bouche,
8. Enzu (Nanna-Sîn, le dieu Lune) dit :
9. « Où Enzu habite
« Les nombreux dieux agités restaurèrent le jardin des hauteurs. Il fallait protéger la terre des dieux de l’outr[age] (du savoir) de la métallurgie. Le cloneur était présent ! Il intervint, il forma la hachette (au bâton) de cèdre ! A cette époque, le seigneur de la connaissance, le dieu, pratiquait le Eme-an (le langage du Ciel). En quel endroit, le seigneur de la connaissance avait-il formé l’outil ? » [25]

Commentaire  :
L’action continue chez Barton et les dieux peut-être adressent leur réponse à l’oracle du prêtre. La traduction de Barton semble posséder des lacunes, il est difficile de saisir ce qu’il se passe exactement. Le prêtre s’adresse aux dieux, suivit de la réponse d’Enzu (le dieu lunaire, parfaitement identifiable, que Parks persiste à décortiquer en « seigneur de la connaissance »…) qui continue la colonne suivante. Rien de tout ceci ne se retrouve chez Anton Parks, excepté le cèdre. Ont-ils traduit le même texte ?! Pourtant oui.

Stèle retrouvée à Ur (actuellement Tell al-Muqayyar en Irak)
Possible figuration de la divinité mésopotamienne majeure Nanna(r) (pour les Sumériens) ou Sîn (pour les Akkadiens), terme qui provient surement de la contraction Su’en (En’su/En’zu) autre nom sumérien du dieu Lune. Ici le dieu est assis sur un trône en forme de temple sur un fragment de stèle d’Ur-Namma visible à l’University of Pennsylvania Museum of Archaeology and Anthropology (numéro d’objet B16676.14) (ca. 2100 BCE). © Penn Museum. http://oracc.museum.upenn.edu/amgg/listofdeities/nannasuen/

Anton Parks persiste dans ses traductions à transformer le dieu Lune (En’zu en sumérien dans les translittérations analysées) et faire de son nom des adaptations compatibles avec sa grille de lecture : sur la CBS 08322-a col. II, Enzu devient : « [le sei]gneur enseigna (l’humanité). » ; sur la CBS 8322-b col. III, il est : « le seigneur de la connaissance ». Un amateurisme certain pour qui tend à se prétendre « expert » ou « traducteur ».


Tablette CBS 8322-b. Colonne IV :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
1. he dwells.
2. As one of the bearded princes he is exalted.
3. His god
4. shall fasten
5. the foundation firmly ;
6. with cedar he shall build.
7. Strong are the houses ;
8. the dwelling is of aromatic wood,
9. the great dwelling
10. of Enlil. » [26]
1. (reprise de la colonne prédédente) (« Où Enzu habite,) il y habite.
2. comme l’un des princes barbus, il est exalté.
3. Son dieu
4. établira
5. fermement la fondation ;
6. qu’il construira avec du bois de cèdre.
7. Les demeures seront solides ;
8. Son logement sera fait de bois aromatiques,
9. La grande demeure
10. d’Enlil.
« Il avait apporté la métallurgie, notre unique seigneur avait propagé le secret de la demeure ! Face au mur brisé du domaine des dieux, il l’avait emporté jusqu’aux limites protectrices de la forêt. Là, il avait livré le secre[t] de la métallurgie et le façonnage du pouvoir de la demeure du grain et des produits laitiers, de la propriété en bois aromatiques, de la grande forteresse élevée d’Enlil ! ». [27]

Commentaire  :
Enzu répond : « Où Enzu habite, il y habite. Comme l’un des princes barbus il est exalté. […] » Il annonce la construction de maisons en cèdres, et de la demeure d’Enlil, faite de bois aromatiques. Chez Anton Parks nous retrouvons ici et là quelques idées mais le texte n’a définitivement plus rien à voir ! C’est déroutant, voire légèrement comique… L’un des deux auteurs est forcément à côté de la plaque.

Rappelons qu’Anton Parks se sert de cette traduction afin d’établir des parallèles avec la Bible. Il rapproche ce passage de celui de Genèse 3 ; 1-5, l’épisode où le serpent vient tenter la femme dans le jardin. Il considère la révélation à l’humanité par les dieux de diverses sciences, dont la métallurgie fait partie, comme constituant ce secret. Or, si la traduction n’est pas la bonne, si le texte en réalité s’avérait parler de tout autre chose, alors dans le cas présent cette comparaison avec la Bible n’a pas lieu d’être, puisque cela reviendrait à dire qu’Anton Parks invente ses propres preuves.

Le texte s’arrête ici, il est très court comme je l’avais annoncé.


Vient alors un autre chapitre : « chapitre 8. La diffusion du Secret interdit à l’humanité et ses effets – CBS 11065-a » [28]

C’est ici qu’il est question de la révélation par Enki du secret du tissage à la femme, ce qui correspondrait au péché commis par Eve et ses conséquences dans Genèse 3.

Ça c’est pour la version dans Eden. En réalité le document CBS 11065, qui vient lui aussi de l’université de Pennsylvanie, a été publié par Barton sous le titre « Hymn to Dungi », il s’agit d’un hymne adressé au roi Dungi [29]. Le roi y est comparé à de nobles animaux et en diverses métaphores, c’est poétique. Je ne perdrai pas de temps à faire une comparaison ligne à ligne comme pour les précédents textes, des informations peuvent être glanées ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Self-praise_of_Shulgi_(Shulgi_D)

Et bien sûr cela n’a rien à voir avec la traduction qu’en fait Anton Parks !


Je choisis de mettre ce texte en décalage en dernier lieu car il est certainement le plus difficile. Il correspond au chapitre 6 d’Eden : « La servitude de l’homme dans le Jardin – CBS 14005-a-b [30] ». Nous en aurons besoin pour introduire les idées dont nous discuterons ensuite.

Il s’agit d’un mythe cette fois, numéro CBS 14005 ou autrement appelé « Debate between sheep and grain ». [31]
C’est un texte important, « l’un des plus remarquables [32] » selon l’assyriologue Stephen Langdon et « le second mythe significatif de la création de l’homme [33] » selon l’illustre Samuel Noah Kramer.
La difficulté de ce texte réside dans le fait qu’il existe en plusieurs versions. Il fut d’abord traduit par S. Langdon en 1915, puis par Barton en 1918 sous le titre « A New Creation Myth », il fut ensuite complété en 1924 par E. Chiera à partir d’un autre document, et enfin SN Kramer l’a revu et augmenté en 1959 sous le titre « Céréale contre menu-bétail ».

A ce sujet, Wikipédia nous informe que les versions récentes ont retiré la déification de Lahar et d’Ashnan (car les copies préservées ne présentent pas le caractère divin – le préfixe DIN.GIR, désignant les déités – devant le nom de « Lahar ») en les renommant simplement « grain » et « sheep ». De 60 lignes dans la version Barton il est ainsi passé à près de 200 lignes dans sa version plus récente (Samuel N. Kramer). Je ne possède pas la version de Langdon, mais Anton Parks signale que les versions Barton et Langdon sont très similaires ; celle de Barton fera donc l’affaire. Anton Parks précise encore que Langdon et Barton « n’y ont rien trouvé de particulier, si ce n’est une nouvelle évocation d’un récit de la Création et des débuts de l’humanité [34] », mais que « le sumérologue Samuel Noah Kramer avait retravaillé ce texte en 1945, démontrant qu’il n’en était rien ou, tout au moins, que l’enthousiasme de Langdon à propos de ce texte était inopportun ». Il dit encore que sa version reste « assez semblable » à celle de SN Kramer mais que Kramer se différencie en « se focalisant sur le développement du grain chez les dieux ». Ceci est inexact, il y a en réalité beaucoup de différences, et la version de Kramer est pour lui un mythe destiné à expliquer comment le lait de chèvre et les céréales sont apparus en Mésopotamie.
Nous avons donc choisi de comparer la traduction d’Anton Parks avec la version de George Barton, après quoi je vous recopierai celle de Samuel Noah Kramer qui a l’avantage d’être en français, mais qui malheureusement, dans la version que je possède, ne fait que 42 lignes.

Tablette CBS 14005-a :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
1. The mountain of heaven and earth
2. The assembly of the great gods, entered, as many as there were.
3. A tree of Ezinu had not been born, had not become green.
4. Land and water Takku had not created.
5. For Takku a temple-terrace had not been filled in,
6. A ewe (?) had not bleated (?), a lamb had not been dropped,
7. An ass (?) there was not to irrigate the seed, [35]
1. La montagne entre ciel et terre
2. Aussi nombreux qu’ils étaient, l’assemblée des grands dieux, y est entrée.
3. L’arbre d’Ezinu n’avait pas encore poussé, n’était pas encore vert.
4. Le pays et ses eaux n’avaient pas été créés par Takku.
5. Aucun temple sur terrasse [36] n’avait encore été rempli pour Takku.
6. Aucune brebis (?) n’avait bêlé (?), aucun agneau n’avait été jeté (sacrifié ?),
7. Il n’y avait aucun âne pour arroser (irriguer) les semences (l’âne devait aider au travail de la terre, peut-être pour mener l’eau jusqu’au semences via de petites rigoles, quant au terme « irrigate », nous pouvons le traduire par arroser, il s’agit du même sumérogramme).
« A Kharsag, où le Ciel et la Terre se sont rencontrés, l’assemblée céleste des grands dieux – les Anunna de la tempête – les nombreux et nouvellement créés par le père (se dirigeaient). Le présage de la déesse du grain n’était pas encore arrivé et l’herbe n’était pas encore verte. Takku (« la déesse qui ordonne la fondation ») n’avait pas encore créé la terre de Kalam (Sumer) et l’eau (de Kharsag). La fondation n’avait pas été remblayée par Takku. Les brebis ne bêlaient pas, les agneaux n’avaient pas encore mis bas, les ânes n’avaient pas encore de descendance. » [37]

Commentaire  :
La première différence constitue une difficulté de taille : Anton Parks situe le lieu de l’action à Kharsag alors que Barton se contente de mentionner une « montagne entre ciel et terre », le lieu où se trouve l’assemblée des grands dieux. La transcription littérale dans l’ouvrage de Barton laisse apparaître effectivement « kar-sag ». Or il existe une ambiguïté avec le terme « kharsag » à savoir s’il s’agit effectivement d’un lieu précis. Christian O’Brien prétend avoir identifié en 1985 l’endroit où se serait déroulé l’épisode du jardin d’Eden sur une montagne au Liban, un lieu nommé Kharsag, à partir de ses recherches sur ce texte. Anton Parks reprend cette idée chez O’Brien et fait de Kharsag la cité terrestre des dieux, là où s’est déroulé l’épisode du jardin. Il m’est impossible de tirer ceci au clair. Le fait est qu’Anton Parks va rapprocher le terme « kharsag » avec celui de « duku » ( le « saint monticule ») en faisant de Duku un nom propre ; ce sera aussi le nom de la montagne de la cité de Kharsag. Or nous avons le même genre de problème du côté de « kharsag », qui est aussi le mot générique pour « montagne ». D’ailleurs si nous cherchons « Kharsag » sur Wikipédia [38] nous sommes redirigés sur la page pour « hursag », ou harsag, comme dans Ninhursag, littéralement la « Dame de la montagne ».

Le texte va ensuite énumérer quantité de choses qui n’existaient pas encore, un style narratif que l’on retrouve dans le mythe de l’Enuma Elish (l’épopée de la création d’ancienne Mésopotamie), ceci, ajouté au fait que notre mythe se termine par la création de l’homme et de la femme, lui valut d’être qualifié de second mythe de la création.

Ligne 3. Ezinu est la déesse des céréales / la déesse du grain chez Anton Parks. Cette ligne ne porte pas le même sens ; Barton parle d’un « arbre » qui devient un « présage » chez Parks. Il ne parle pas de l’herbe.

Ligne 4. Takku / Uttu est également le nom d’une divinité, fille du dieu suprême An, elle est la déesse du tissage. « Kalam » signifie « région », que l’on peut prendre dans le sens « la région de Sumer » comme l’avance Parks, quant à l’eau dont il fait celle de Kharsag ceci est une interprétation implicite quoiqu’étant (je suppose) acceptable considérant son point de vue…

Ligne 5. Le « temple sur terrasse » devient une « fondation » chez Parks.


Tablette CBS 14005-a :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
8. A well and canal (?) had not been dug.
9. Horses (?) and cattle had not been created.
10. The name of Ezinu, spirit of sprout and herd,
11. The Anunna, the great gods, had not known.
12. There was no ses-grain of thirty fold.
13. There was no ses-grain of fifty fold.
14. Small grain, mountain grain, cattle-fodder, there were not.
15. Possessions and dwellings there were not.
16. Takku had not been brought forth, a shrine not lifted up.
17. Together with Ninki the lord had not brought forth men. [39]
8. Aucun puits ni canal (?) n’avait été creusé.
9. Aucun cheval (?) ni bétail n’avait encore été créé.
10. Le nom d’Ezinu, l’esprit (déesse ?) des jeunes pousses et des troupeaux,
11. Les grands dieux Anunna, ne le connaissaient pas.
12. Il n’y avait pas de graines-Šeš [40] au rendement de trente.
13. Il n’y avait pas de graines-Šeš au rendement de cinquante.
14. Du petit grain, du grain des montagnes, du fourrage pour le bétail, il n’y en avait point.
15. Des propriétés et des demeures, il n’y en avait point.
16. Takku n’avait pas été mis au monde, aucun sanctuaire n’avait été élevé.
17. Ensemble, avec Ninki, le seigneur n’avait pas engendré les hommes.
« Les puits et les canaux d’irrigation n’avaient pas été creusés, ils n’avaient pas été créés pour les ânes et le bétail. Mais le présage d’Ezinu (la déesse du grain) – la sainte isolée – son troupeau était à ses côtés. Les Anunna, les grands dieux, n’étaient pas encore arrivés. Il n’y avait pas encore de grain Šeš qui pousse sous trente jours, il n’y avait pas de grain Šeš qui
pousse sous cinquante jours. Le petit grain, le grain des montagnes, le fourrage pour le bétail n’existaient pas. Il n’y avait pas de propriétés et d’habitations. La déesse qui ordonne la fondation n’avait pas semé le grain et l’enceinte n’avait pas été érigée. Ensemble, avec Ninki, le seigneur (Enki) n’avait pas encore engendré (d’hommes). »
 [41]

Commentaire  :
L’énumération de ce qui n’existait pas encore se poursuit.

La traduction à la ligne 10 est très différente chez Parks. Cette phrase devrait dire quelque chose comme « le nom d’Ezinu, déesse des jeunes pousses et des troupeaux, n’était pas encore connu ».

La ligne 16. « sanctuaire ou tombeau » (shrine) devient une « enceinte » chez Parks.
Le reste de la traduction possède le même sens global.


Tablette CBS 14005-a :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
18. Shamsah as leader came, unto her desire came forth ;
19. Mankind he planned ; many men were brought forth ;
20. Food and sleep he did not plan for them ;
21. Clothing and dwellings he did not plan for them ;
22. The people with rushes and rope came.
23. By making a dwelling a kindred was formed.
24. To the garden they gave drink ;
25. On that day they were green ;
26. Their plants… [42]
18. Shamash vint en tant que dirigeant, il vint au monde selon son désir ;
19. Son dessein était l’humanité ; de nombreux hommes furent engendrés ;
20. Son dessein ne prévit ni nourriture ni sommeil pour eux ;
21. Son dessein ne prévit ni vêtements ni demeures pour eux ;
22. Des gens vinrent avec du jonc et de la corde.
23. Fabriquer des habitations créa une famille (un clan ?).
24. Ils arrosèrent le jardin ;
25. En ces jours, elles étaient vertes ;
26. Leurs plantes
« Le seigneur de la colère et de la production agricole (Enlil) était venu en qualité de splendide dirigeant ; il était venu avec sa force militaire. L’espèce humaine, les gens du silex, il les produisit (comme) un flot de nobles esclaves. Il n’avait pas prévu de nourriture et de sommeil pour eux ; il n’avait pas prévu de vêtements et d’habitations pour eux. Les gens rampaient dans leurs demeures à quatre pattes, ils mangeaient de l’herbe avec leur bouche comme des moutons. L’eau remuante de nos jardins [… et notre eau] de pluie, ils l’ont bue et (ainsi) imprégné l’inflammation. En ces temps-là, nos seigneurs cultivaient nos plantes […] ». [43]

Commentaire  :
Shamsah est mal orthographié chez Barton (coquille de translittération ?), il s’agit du dieu Utu-Shamash, le dieu-soleil. Anton Parks le transforme en Enlil. Le sens des lignes 22 à 26 ne correspond plus. Ces lignes, chez Barton, ne disent pas que les hommes mangeaient de l’herbe avec leur bouche ou qu’ils ont bu l’eau des jardins…


Tablette CBS 14005-b :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
2. Father Enlil (?) …
3. ………..
4. Of mankind ...
5. … creation (?) of Enki …
6. Father Enlil …
7. Duazagga is surrounded, O god, …
8. Duazagga, the brillant, I will guard (?) for thee, O god.
9. Enki and Enlil cast a spell …
10. A flock and Ezinu from Duazag[ga] they cast forth,
11. The flock in a fold they enclosed (?) [44]
2. Père Enlil (?)
3. ........
4. … de l’humanité…
5. … création (?) d’Enki…
6. Père Enlil…
7. Duazagga est entourée, O dieu, …
8. Duazagga, la brillante, Je la garderai pour toi, O dieu.
9. Enki et Enlil ont lancé un sortilège …
10. Ils le jetèrent sur un troupeau et Ezinu de Duazag[ga]
11. Le troupeau fut enfermé dans l’enclos (?)
« [En ce temps-là ?], père Enlil, […] [discutait ?] de l’espèce humaine […] [rations] d’Enki […]. Père Enlil [dit ?] […] : « Le Dukù (« le Saint monticule »), stupéfie (l’homme) ; il est le don qui protège les dieux ! […] Préservons le grand Dukù ! (« monticule du métal »), source des dieux, notre don qui protège notre retraite » […] Enki et Enlil avaient parqué les bovins et voulaient bâtir leur structure interdite (à l’homme). Dès lors, ils fondèrent celle-ci. L’enclos à bétail d’Ezinu (la déesse du grain) et des saintes rations offrirait au troupeau une protection contre la pluie qui frappe […]. Ils avaient enfermé le troupeau dans un mur de pierre. […] » [45]

Commentaire  :
Nous arrivons sur la face B. Cette partie est assez endommagée. Anton Parks complète plusieurs mots manquants. A la ligne 5, la « création d’Enki » devient « les rations d’Enki ». La ligne juste avant parle de l’espèce humaine, donc la version de Barton est plus plausible. Il est ensuite question du « duku », le saint monticule. Je comprends ici qu’Anton Parks prend le nom « Duazagga » (une cité ?) en tant que « duku », peut-être à raison, par contre il y a une ambiguïté car nous avons 3 occurrences de Duazagga et seulement 2 de duku chez Parks. A la ligne 9 le « sortilège » lancé par Enlil et Enki devient « une structure interdite » (?!). Le mauvais état du texte ne facilite pas les choses.

Certains, comme Morris Jastrow, affirment que Duazagga serait assimilable à l’Apsu, le lieu mythique symbolisant l’intérieur de la terre pour les Akkadiens. Dans la traduction de Barton, la déesse Ezinu qui préside aux plantes, provient de Duazagga, ce qui valide cette thèse. [46]


Tablette CBS 14005-b :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
12. His plants as food for the mother they created.
13. Ezinu rained on the field for them ;
14. The moist (?) wind and the fiery storm-cloud he created for them ;
15. The flock in the fold abode ;
16. For the shepherd of the fold joy was abundant.
17. Ezinu as tall vegetation stood ;
18. The bright land was green, it afforded full joy.
12. Ils créèrent des plantes comestibles pour la mère.
13. Ezinu fit pleuvoir sur le champ pour eux ;
14. Il leur créa le vent humide (?) et l’impétueux nuage d’orage ;
15. Le troupeau dans l’enclos ;
16. Pour le berger de l’enclos, grande était sa joie.
17. Ezinu se tenait là telle la végétation abondante ;
18. La splendide région était verte, procurant une joie totale.
« Les plantes inondaient le fossé de l’entrepôt de notre mère. (Notre mère) avait frappé d’un serment la population d’hommes pour qu’elle répartisse les lots de notre talus. Des champs de notre talus, elle parla à l’affluence (d’hommes) en langage du sanctuaire. L’esprit de la charrue retournait la terre en mottes. Notre troupeau, notre population d’humains, devait répartir les lots de notre talus. Dans le parc à moutons, l’homme accomplissait son service et nous offrait (la dîme) ! Dans le parc à mouton, le berger apparaissait parmi les cèdres et les enfants sevrés. Du sanctuaire d’Ezinu (la déesse du grain), l’homme accomplissait son service et nous offrait (la dîme) ! La terre était lumineuse et verte, elle procurait beaucoup de joie. » [47]

Commentaire  :
La ligne 18 est la seule traduite à l’identique. Mis à part quelques mots ci et là tout le reste n’a plus rien à voir.


Tablette CBS 14005-b :
George BartonTraduction françaiseAnton Parks
19. From their field a leader arose ;
20. The child from heaven came to them ;
21. The flock of Ezinu he made to multiply for them ;
22. The whole he raised up, he appointed for them ;
23. The reed-country he appointed for them ;
24. The voice of their god uttered just decisions for them.
25. A dwelling place was their land ; food increased for the people ;
26. The prosperity of their land brought them danger ;
27. They made bricks of clay of the land for its protection.
28. The lord caused them to be ; they came into existence.
29. Companions were they ; a man with a wife he made them dwell ;
30. By night, by day there are set as helpers. [48]
19. Depuis leur domaine émergea un leader ;
20. Depuis le ciel l’enfant vint jusqu’à eux ;
21. Il fit se multiplier le troupeau d’Ezinu pour eux ;
22. Tout ce qu’il éleva, il leur assigna ;
23. Le pays des roseaux, il leur assigna ;
24. La voix de leur dieu prononça de justes décisions à leur égard ;
25. La région était leur demeure ; la nourriture augmenta pour le peuple ;
26. La prospérité de leur région les mit en danger ;
27. Pour sa protection, ils conçurent des briques avec de l’argile locale.
28. Le seigneur a permis leur existence ; ils ont vu le jour.
29. Ils étaient des (ses) compagnons ; il fit cohabiter un homme avec une femme ;
30. De jour comme de nuit, ils (se/lui) devaient assistance.
« De nos champs l’esclave nous procurait la vie et notre abondance (ou plénitude). (Pour) les enfants de l’étain (ou des cieux), l’homme faisait des allers et retours ; hélas pour lui ! Les troupeaux de l’enclos de Ezinu (la déesse du grain) se multipliaient. L’homme étranger les nommait et les dénombrait beaucoup. Il demeurait auprès de notre assemblée. Il était le puissant présage élevé parmi les nombreux cèdres. Il demeurait auprès du pays de Kalam, la région de vie. Il était le puissant présage élevé parmi les nombreux cèdres. Nous, les dieux, nous l’avons changé, nous l’avons fait. Nous l’avons approché et lui avons dit de se tenir debout dans la glaise (l’argile ou la boue). Du pays du trône, (au) pays de Kalam, celui-ci témoignait de notre réserve et de notre demeure. Il était le mouton abondant, le peuple du sanctuaire. A la faveur du pays de Kalam, l’être noir, celui dont le nom est « peuple », avait prêté serment au sanctuaire. Le captif avait été conduit dans la retraite proche de la poitrine (de la montagne ?), dans le placenta de la terre, le lieu de repos, source du pays du sanctuaire. Ainsi, le peuple parlait et témoignait. L’unique témoignait, il avait prêté serment au nom des chars du ciel qui séjournaient parmi les nombreux cèdres. Ils étaient deux. En tout lieu, l’homme faisait du bruit. Son épouse accomplissait son service élevé en effectuant la cueillette des rations (des dieux). Hélas, elle l’accompagnait ! Le noir troupeau des champs, hélas, il fut délaissé et soumis pour nous ». [49]

Commentaire :
Ce passage est assez long. Il est frappant de voir combien les deux traductions s’excluent mutuellement. La face A était traduite de manière assez similaire chez les deux auteurs, mais maintenant la face B chez Parks raconte une histoire bien différente. On remarque une obsession chez Parks qui veut que l’espèce humaine soit rabaissée à de vulgaires animaux ou à des esclaves. C’était le cas dans le texte précédent avec le « vaste être faible », et aussi ailleurs chez l’auteur qui prétend que « adam » signifie « animaux » en sumérien. Toutes ces allégations sont fausses si l’on vérifie les sources. « Adam » vient de la racine cananéenne « adm », qui signifie « humanité » et non du sumérien. [50] Barton parle d’un « leader » et non d’un « esclave » à la ligne 1. Il parle encore de « la nuit » à la ligne 30 là où Parks traduit par « le noir » troupeau des champs. La fin se termine sur la création de l’homme et de la femme pour assister les dieux. Samuel Noah Kramer note une différence à propos de cette création en ce sens que l’homme est ici créé parce que les dieux n’arrivent pas à produire en suffisance, alors que dans d’autres récits il est créé pour remplacer d’autres dieux dans cette tâche.

Samuel Noah Kramer devant un bas-relief babylonien
« Est-ce que mes traductions seront un jour détournées par des Gourous ? » semble-t-il se demander.

Je vous recopie à présent les 42 lignes traduites par Samuel Noah Kramer dans l’ouvrage Lorsque les dieux faisaient l’homme. [51]

1. Lorsque, sur les Montagnes de l’univers,
2. An eut mis les Anunna au monde,
3. Il ne mit pas, du même coup, au monde ni ne fit apparaître Céréale (Asnan),
4. Ni ne produisit, dans le pays, les fils d’Uttu
5. Ni ne lui prépara de métier-à-tisser (?).
6. Brebis-mère n’existant, non plus, pas encore, les agneaux ne se multipliaient pas ;
7. Chèvre-mère n’existant pas davantage, les chevreaux ne se multipliaient pas ;
8. Nulle brebis pour mettre au monde ses deux agneaux ;
9. Nulle chèvre pour mettre au monde ses chevreaux !
10. Compte tenu que les Anunna, les grands-dieux, ignoraient et Céréale-la-généreuse, et Brebis-mère,
11. Il n’y avait ni grain, ni segusu
12. Ni « de trente »,
13. Ni « de quarante »,
14. Ni « de cinquante jours »,
15. Ni de « menu-grain », ni de « grain de montagne », ni de « grain de ville (?) » ;
16. Il n’y avait pas de vêtements pour se couvrir,
17. Et, comme Uttu n’avait pas été mis au monde, on ne portait même pas de pagne !
18. N’avaient été mis au monde, non plus, ni sire Nimgirsi, ni sire Kalkal,
19. Et Sakan ne s’était pas encore élancé en la steppe.
20. Aussi les hommes (?) de ces temps reculés
21. Ne savaient-ils ni manger du pain
22. Ni se couvrir de vêtements :
23. Ils allaient et venaient tout nus,
24. Se nourrissant d’herbages, comme (font) les moutons,
25. Et ne buvant que l’eau des fondrières.
26. C’est alors qu’en leur lieu Lieu-de-naissance,
27. Leur Résidence : le Saint-monticule,
28. Les dieux créèrent Brebis-mère et Céréale,
29. Qu’ils introduisirent ensemble en leur auguste réfectoire !
30. Ainsi les Anunna du Saint-monticule consommèrent-ils largement des produits
31. De Brebis-mère et de Céréale,
32. Sans, pourtant, parvenir à s’en rassasier.
33. Les Anunna du Saint-monticule
34. Burent le lait délicieux de leur auguste bergerie,
35. Sans parvenir, pourtant à s’en soûler :
36. C’est pourquoi, en leur auguste bergerie et pour leur bénéfice,
37. Ils octroyèrent aux hommes le souffle-de-vie.
38. Enki dit alors à Enlil :
39. « Ô vénérable Enlil, Brebis-mère et Céréale, déjà présentes au Saint-monticule,
40. Faisons-les descendre (sur terre) ! ».
41. Voilà comment, à l’ordre d’Enki et d’Enlil,
42. Brebis-mère et Céréale descendirent (ici-bas) depuis le saint-monticule !

SN Kramer & J. Bottéro, « Céréale contre menu-bétail », lignes 1 à 42.

Comme je l’ai signalé cette version est augmentée et complétée par d’autres sources, et elle fait normalement près de 200 lignes. Il est difficile de la faire coller exactement avec le texte de Barton. Ces deux versions des assyriologues présentent assez de différences. Il existe une quatrième traduction datant de 1998 disponible dans le Electronic Text Corpus of Sumerian Literature (au complet : 193 lignes) mis en ligne par l’Université d’Oxford. [52] Cette dernière, la plus récente, est très proche de la version de Samuel Noah Kramer.

Kharsag est comme ailleurs traduit par « montagne ».

Le texte exprime des croyances animistes où l’on croyait autrefois que chaque espèce était gouvernée par une divinité. A partir d’ici vous pouvez comparer par vous-même les différentes versions.

En définitive, nous comprenons qu’Anton Parks n’a pas pris en compte les nouvelles versions pour se concentrer uniquement sur le document CBS 14005, ce qui rend l’analyse délicate. De plus il s’avère que les versions des assyriologues, quand bien même elles possèdent des différences significatives entre leurs versions les plus anciennes et les plus modernes, sont plus proches l’une de l’autre que ne l’est la version d’Anton Parks. Les traductions d’Anton Parks sont celles qui possèdent le plus grand nombre de distorsions au point où elles ne racontent plus du tout la même histoire !
Or Anton Parks compare ce texte à plusieurs passages de Genèse 2. Voyez qu’en consultant les sources cette comparaison devient très limite ; il présente peu de choses en commun avec la Bible…


Conclusion sur les traductions d’Anton Parks.

Il y a de quoi être dubitatif. D’un côté les traductions d’Anton Parks montrent que l’auteur est capable de saisir le contenu d’un texte et qu’il est capable aussi de traduire plusieurs passages quasiment à l’identique aux assyriologues (enfin si nous étions mauvaises langues, nous dirions qu’Anton Parks n’a jamais rien traduit mais n’a que récupéré des traductions déjà réalisées par de véritables assyriologues pour les édulcorer au travers de son prisme New-age puisque comme on l’a vu plus haut, il est incapable de prononcer un mot en sumérien, sans compter qu’il est biaisé par sa méthode « révolutionnaire » de décomposition par l’entremise de la langue Gina’abul-sumérien ou encore qu’il ne comprend pas grand-chose à l’archéologie, l’anthropologie, l’ethnologie et les mythes d’ancienne Mésopotamie comme nous le verrons). Mais de l’autre il commet ce qui semble être des erreurs grossières, ça ne colle plus du tout et l’histoire semble carrément tirée par les cheveux. Je ne sais comment il en vient à cela, c’est pour moi incompréhensible. Entre les deux, quantité de choses restent à déterminer. Il y a de l’inconstance dans ses traductions. On a l’impression qu’il cherche à cadrer ses traductions en fonction du texte de Genèse afin de s’en rapprocher le plus.

Il y a à chaque fois un rejet du religieux, de la magie, ou une incompréhension à ce niveau chez l’auteur. Il semble qu’Anton Parks soupçonne un assyriologue comme George Barton d’être trop poussé dans l’interprétation religieuse, ce qui est vrai parfois chez les universitaires, ceci les amenant à commettre des erreurs. Mais du point de vue d’Anton Parks ce serait tous les assyriologues qui se trouveraient dans cette situation, ce qui devient aberrant. L’explication la plus logique serait de dire que c’est plutôt Anton Parks qui est dans l’erreur.

En effet les pratiques religieuses de la Mésopotamie sont connues des historiens, et les découvertes archéologiques du siècle dernier n’ont fait que confirmer ce que l’on savait déjà depuis longtemps. Il n’existe pas de nécessité à réinterpréter les textes de la sorte, l’ensemble est cohérent et est aujourd’hui vérifié par l’archéologie. Les sortilèges, la magie, … étaient des pratiques courantes, il suffit de lire un livre tel que « La magie assyrienne » pour s’en rendre compte ! [53]
Bon nombre de textes découverts sont des incantations magiques, des formules de protection et des prières adressées aux dieux. Barton ne pouvait donc pas se tromper.

Les traductions d’Anton Parks reflètent un néo-évhémérisme certain. Il ne comprend pas les règles du sacrifice, ni du service que l’homme devait rendre à ses dieux. Il fait de celui-ci un esclave servile et des dieux des êtres extraterrestres faits de chair.

J’ai donc envie de dire qu’Anton Parks mystifie le mythe, rendant ainsi les choses encore plus compliquées qu’elles ne le sont déjà au départ. Avec lui, les évènements racontés par ces mythes sont placés dans un autre espace-temps, comme si ce qu’il se passait en Mésopotamie il y a 6.000 ans était complètement déconnecté de notre réalité. Mais il n’en va pas de la sorte. Je vais continuer avec quelques exemples qui montrent que les pratiques ou les croyances religieuses des Mésopotamiens ne nous sont pas aussi étrangères qu’il n’y paraît, et qu’elles sont en réalité très cohérentes.

Merci à « Atrahasis » pour cette analyse détaillée, que nous nous sommes permis d’adapter et d’agrémenter pour notre propre enquête. Nous le rejoignons volontiers dans ses conclusions.

Le plus ironique dans cette histoire est qu’Anton Parks se pose en expert et en traducteur, tout en se comparant à des « traducteurs » comme Christian O’Brien qui, comme on l’a vu, était sans réelle (re)connaissance dans le domaine puis en s’appliquant depuis plusieurs années à détruire la réputation de l’un de ses maîtres à penser, Zecharia Sitchin, en prétendant notamment que :

« Zecharia Sitchin n’a jamais su traduire une ligne de sumérien ! Les différentes traductions qu’il offre dans ses ouvrages sont toutes disponibles dans des livres de vulgarisation sur le thème de la Mésopotamie ou bien (et c’est souvent le cas) dans des études spécialisées de type universitaire. C’est bien simple, je possède ces différents ouvrages, donc je sais de quoi je parle. Nombreux d’entre eux datent des années 50 et 60. Il a adapté certaines traductions et les a embellies pour les faire coller avec sa thèse de Nibiru. Ayant les originaux chez moi, j’affirme que sa thèse n’est que spéculations gratuites et fantasmes. [54] »

Ou encore :

« Je n’ai rien contre M. Sitchin, mais puisque vous m’en donnez l’occasion ici, je vais rétablir une vérité malheureusement déformée involontairement ou volontairement par cet auteur depuis plusieurs décennies. Je ne suis pas contre l’idée q’un astre puisse vagabonder dans des systèmes planétaires, mais le problème ne se situe pas là.
Selon les propos de M. Sitchin, les "dieux" sumériens Anunnaki proviendraient de la planète Neberu (qui est en perdition), et ces derniers trouveraient de l’or sur Terre pour restaurer leur atmosphère. Sauf preuve du contraire, les tablettes mésopotamiennes qui formuleraient ces informations n’existent pas. Aucun érudit, aucun spécialiste n’en a jamais fait mention, même entendu parlé ! »

L’imposteur Zecharia Sitchin venant de se faire livrer une énorme pizza… périmée
Il ne se doutait pas à l’époque qu’il devrait en garder une part pour Anton Parks.

« Je suis totalement sidéré de voir un tel contentement autour d’un sujet aussi sérieux et qui finalement génère à la fois de la peur et surtout de la désinformation. Le problème vient aussi du crédit que l’on porte à Zecharia Sitchin qualifié, probablement à raison pour certains points, de grand érudit, notamment grâce à son CV. Cependant, l’auteur allemand Frank Dörnenburg a récemment mis le doigt sur un problème dans le CV de Sitchin. Il est écrit noir sur blanc à son propos qu’il aurait "acquis son diplôme au London School of Economics" (LSE)". Or dans cette école, on ne peut absolument rien y étudier qui ait un rapport avec l’archéologie, la sumérologie, le cunéiforme et les hiéroglyphes. Frank Dörnenburg note que de toute évidence, l’école LSE s’est transformée dans sa biographie en "Université de Londres" où là, on peut effectivement étudier l’archéologie. Et à Dörnenburg de conclure : "Il est plutôt probable que, comme adolescent, Sitchin ait bouquiné de la littérature appropriée. Il est évident que le CV de Sitchin a été maquillé soigneusement pour faire d’un journaliste économique un "expert spécialisé" en langues antiques et en archéologie".
Je pense simplement que M. Sitchin a dû se dire, au début de ses travaux, qu’il ne serait jamais mis en défaut par les spécialistes des tablettes parce qu’il savait qu’ils ne s’abaisseraient jamais à cela. [55] »

Plus on lit Anton Parks parler de Zecharia Sitchin et plus on a l’impression qu’il y décrit ce qu’il voit dans un miroir :

 un auteur influencé assez jeune par des récits de science-fiction et des auteurs néo-évhéméristes comme Erich von Däniken, le pape du domaine [56] ;

 qui est tombé sur des récits mythologiques fantastiques flirtant avec la science-fiction et des traductions de langues aux inscriptions mystérieuses et parcellaires (sumérien, akkadien…) que peu d’érudits avaient traduites (laissant une large place aux interprétations farfelues) ;

 ré-interprétant et sur-interprétant pour les besoins de son histoire des mots bien identifiés en les re-définissant par sa grille de lecture personnelle (Kharsag, Duku, Enzu…) comme les Nibiru [57], Elohim [58] ou Nephilim [59] de Sitchin ;

 en complétant (parler de traduction serait un peu « fort ») des textes déjà traduits par des érudits avec des notions, des mots voire des histoires parfaitement absentes des textes originaux en question (comme l’atmosphère composée d’or de Nibiru chez Sitchin) ;

 mentant sur son expérience, son expertise et ses capacité linguistiques (comme Sitchin l’a fait, ce que Parks a debunké tout seul juste au-dessus) par l’invention d’un assyriologue fantôme lui ayant donné des cours sur quelques mois (par email !) ce qui, de l’avis unanime des experts, est largement insuffisant pour s’attaquer aux traductions que M. Parks prétend avoir réalisées de sa main (nous avons vu tout au long de ce dossier que cette expertise est tout aussi inexistante que le fameux Don Moore…) ;

 en inventant une langue « impossible » (le Gina’abul-sumérien ou proto-sumérien, ou poutine selon notre définition) que lui seul est capable de déchiffrer, dont la validité ne tient pas la distance face à de simples exercices d’utilisation et qui n’a fait l’objet d’aucune publication ou d’évaluation par les pairs ; comme Sitchin a prétendu avoir en sa possession des tablettes exclusives (au contenu « explosif ») et que lui seul aurait traduites…


Anton Parks et son épouse Nora Parks lors de leur voyage en Egypte en 2009.

Évoquons à présent rapidement « l’expérience égyptienne » d’Anton Parks.
Outre le sumérien, l’auteur aurait également traduit des textes « inédits » en provenance d’Égypte. Sont-ce également des sources très anciennes et mystérieuses ? Que nenni.
L’on parle des textes du temple d’Edfou, gravés aux alentours de 200 BCE. L’on parle donc de hiéroglyphes de l’époque ptolémaïque. Une période finalement assez proche de nous, toutes proportions gardées.

Voici ce qu’en dit M. Parks :

« Il n’existe pour l’heure aucune traduction complète et fidèle de la section E.VI du temple d’Edfu. L’Université d’Hambourg (Archaologisches Institut der Universitat Hamburg) se charge du projet de traduction depuis de nombreuses années pour le compte de "Das Edfu Projekt". Alors que je rédige ces lignes, la traduction des sections E.V et E.VI se poursuit encore. Ce travail s’étend sur une durée de 12 années (de 2004 à 2016).

A défaut d’une interprétation intégrale de ces textes, nous tenterons de recomposer cette histoire avec les éléments préalablement décryptés, ajoutés à ceux que j’ai modestement déchiffrés et interprétés. Par ordre d’importance, les documents traitant de ce sujet et qui m’ont servi de base, sont les suivants :

Le Livre du Commencement de l’Âge Primordial des Dieux et Le Livre de la Description des Monticules Sacrés au Commencement de l’Âge Primordial :
 Émile Chassinat, Le Temple d’Edfou - tome sixième, le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 1931. (Transcription complète de la section E.VI en hiéroglyphes) + extraits du quatrième tome pour les passages E.IV, 358,9 à 359,3.
 Eva. A. E. Reymond, The Mythological Origin of the Egyptian Temple, Manchester University Press, 1969. (Etude quasi complète du Livre du Commencement de l’Âge Primordial des Dieux et du Livre de la Description des Monticules Sacrés au Commencement de I’Âge Primordial, mais sans la traduction).
 Maurice Alliot, et André Barucq, Les textes cosmogoniques d’Edfou d’après les manuscrits laissés par Maurice Alliot, BIFAO 64, 1966. Traduction partielle du Livre du Commencement de l’Âge Primordial des Dieux. Parties traduites de 181,lüs à 185,2, soit 17 registres sur les 21 que compte ce livre cosmogonique.
 Sylvie Cauville, Essai sur la théologie du temple d’Horus à Edfou, volumes 1 et 2, Institut français d’archéologie orientale, 1987. (Etude sur l’ensemble des textes).
 Nathalie Baum, Le temple d’Edfou, éditions du Rocher, 2007. (Etude sur le temple et ses textes).
 Jon D. Singer, « La filière égyptienne aux sources de l’Atlantide de Platon » (1980) in magazine Kadath n°62, 1986. (Etude sur le livre de Reymond).
 François Dumas, E. A. E. Reymond. « The Mythological Origin of the Egyptian Temple », In Revue de l’histoire des religions, tome 198, n°2, 1981. (Petite étude sur le livre de Reymond).

Le Livre du Disque Ailé :
 Émile Chassinat, Le Temple d’Edfou - tome sixième, le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 1931. (Transcription complète de la section E.VI en hiéroglyphes).
 Heinrich Brugsch, Die Sage von der Geflügelten Sonnenscheibe nach altiigyptischen Que/Zen, Gôttingen, in der Dieterichschen Buchhandlung 1870.
 Wallis Budge, Legends of the Gods, (The Egyptian Texts, edited with translations), Kegan Paul, Trench, Trübner & Company, Limited, London. [60] »

Parfait, Anton Parks nous confie toutes ses sources ! Elles contiennent certainement les traductions qu’il a « détournées » pour rédiger La dernière marche des dieux. Nous n’avons pas le courage de le vérifier… En revanche il confesse qu’il « (tentera) de recomposer cette histoire avec les éléments préalablement décryptés (par ses prédécesseurs) ».
On parle donc de « tentative » et de « recomposition »…
Le Edfu-Project est par ailleurs terminé et les traductions complètes des sections qu’il décrit sont également actées. Un livre (en allemand) de 720 pages paru sous la direction de Dieter Kurth est paru [61] en 2014 : Edfou VI : Die Inschriften Des Tempels Von Edfu. [62]

Nous avons tenté de contacter Dieter Kurth afin d’avoir son opinion sur les traductions d’Anton Parks mais malheureusement, nous n’avons pas eu de retour de sa part.

Mais nous n’en aurons pas besoin.

Avant la fin de la rédaction de cet article, le Blog Archéologie Rationnelle a publié un déboulonnage évoquant précisément les textes d’Edfou et l’Atlantide. [63] Coïncidence ? Je ne crois pas !

Dans ce billet, l’équipe d’Archéologie Rationnelle qui nous a gentiment donné l’autorisation de reproduire ici un extrait de son travail, a cerné ce que nous présupposions plus haut. A savoir qu’Anton Parks s’est basé principalement sur une seule traduction, celle de Eva. E. Reymond qui considérait elle-même (dans la préface de son ouvrage The Mythological Origin of the Egyptian Temple) que « son étude du temple n’est qu’une première tentative d’interprétation des points de vue égyptiens en ce qui concerne le temple d’Edfou car une étude philologique (avec traductions et commentaires) de ces textes égyptiens aurait représenté un volume et un coût trop élevé. » Précisons que Reymond a réalisé ces traductions dans le cadre de sa thèse d’égyptologie ; traductions qu’elle complètera juste après l’obtention de son diplôme sous forme d’ouvrage sans toutefois avoir les reins nécessaires à ce genre de traductions/interprétation ardues.

Partant de ce constat, le billet a comparé les traductions de E.E. Reymond avec celles de Graham Hancock (l’auteur déboulonné sur l’article du Blog) ainsi qu’avec les traductions les plus récentes fournies par l’égyptologue Dieter Kurth. Et l’auteur du billet de constater, après une introduction détaillée des études menées sur le temple d’Edfou, que Hancock ne se basait pour son dernier ouvrage (Magiciens des dieux [64]) que sur les interprétations approximatives de Reymond. Et que, bien entendu, il n’est question nulle part ni de près ni de loin de l’Atlantide, de Déluge ou de la planète Vénus !

Anton Parks, comme Graham Hancock, a fait l’erreur de donner trop de crédit aux traductions interprétatives et bancales de E.E. Reymond ; il encense le travail de cette dernière précisant que « sa synthèse offre une unité saisissante et des vues extrêmement précises et novatrices sur l’origine cosmogonique des dieux égyptiens. [65] » A la façon d’Hancock, M. Parks extrapole le contenu des textes d’Edfou, leur origine et leur rédacteur : « Le récit gravé à Edfu est attribué au dieu Thot en personne (cf. E.VI, 181,10) et reproduit sur les murs du temple à partir d’anciens papyrus manifestement perdus. Il s’agit incontestablement des mythiques tablettes ou registres de Thot. Lorsque l’on évoque les textes de Thot, on pense généralement aux Tablettes d’Émeraude ou autres écrits (…) [66] »

Le billet d’Archéologie Rationnelle corrige bien entendu le tir : « Graham Hancock suggère ici que les scribes d’Edfou ont simplement copié les inscriptions de temples plus anciens, voire même des inscriptions de temples qui n’appartenaient pas à leur religion. Or, Mme Reymond parle ici d’inscriptions de noms mythologiques qui se trouvent spécifiquement sur la face extérieure du mur d’enceinte et qui seraient des copies d’archives mythologiques conservées dans le temple d’Edfou, c’est-à-dire gravées à un autre endroit dans le temple d’Edfou lui-même. Il n’est pas question ici d’archives non composées dans le temple d’Edfou et qui auraient une origine bien plus ancienne autre que ce temple. Graham Hancock interprète comme ça l’arrange les propos de l’égyptologue. »

Passons maintenant rapidement à la comparaison des traductions de E.E. Reymond, d’Anton Parks et de Dieter Kurth comme nous l’avons fait plus haut avec le sumérien.

EDFU VI, 181, 11-15.
E.E. ReymondAnton ParksDieter Kurth
« Le résultat fut que les deux premiers domaines ont été détruits et l’œil saint est tombé. […] L’eau primitive (ou eaux originelles) aurait pu submerger l’île à la suite d’un combat et l’île est devenu le tombeau des premiers habitants divins. »

La mention de l’Œil saint dans cette histoire de création semble un peu étrange. En fait, la fonction de l’Œil saint n’est pas claire ici, car elle n’est jamais mentionnée dans le récit qui suit. À l’exception d’une référence assez vague à la lumière, ce mythe de la création ne mentionne aucun corps astral, ni ne fait allusion au disque solaire. L’oeil saint pourrait dans cette tradition avoir été le nom du centre de la lumière qui a illuminé l’île. C’est cependant quelque peu hypothétique. Tout ce que l’on peut dire, avec réserve, c’est qu’il semble y avoir une allusion à un désastre qui aurait causé la chute de l’œil Saint, de sorte que l’obscurité totale est tombée sur le domaine sacré du Créateur. (E VI 181,11 ; 181,13) [67]
« L’Œil du Son tomba [et s’étendit] sur les flots. Issu d’un désastre, il créa le déluge et la vague du combat. Lorsque la Lumière apparut de nouveau et que les eaux primordiales Uâret resplendirent, Wa et A’â, les deux créatures divines et compagnons du Cœur Divin, émergèrent des flots stabilisés. Elles se dirigèrent vers l’île obscure Yu-Titi (l’’île du piétinement), à laquelle étaient adjointes deux autres îles principales : Yu-Hetep (l’île de la paix) et Yu-He (l’île du Combat). Les deux compagnons étaient les chefs du groupe dénommé les Shebitiu. A leur arrivée, les deux compagnons découvrirent des roseaux aux abords des eaux primordiales et la lance plantée du dieu Heter-Her (Horus l’ancien). A cette place, ils fabriquèrent leur demeure Ges-Uâret (la frontière des eaux primordiales), à l’emplacement de celle du dieu Bon (Ptah-Osiris) qui était désormais à l’instant du midi [dans le ciel] [68] » (Ceci est) une reproduction fidèle du texte de Thot, d’après la parole du Djaisu du Mehet-weret, qui est appelé le lieu des premiers temps primitifs. » (E VI 181,11)

L’origine des deux dieux Schebti, « le lointain » est le nom Ka de l’un, « le grand » est le nom Ka de l’autre. (E VI 181,13)

« Il y a l’île du déluge, l’île du combat, l’île de paix et la crue persistante comme nom de ce lit des eaux. (E VI 181,14) [69] »

Commentaire  :
Nous sommes là encore dans le strict respect de la loi parksienne, à savoir la surenchère et la surinterprétation. L’œil du son de M. Parks est une pure invention de sa part et n’existe dans aucune traduction ni interprétation (pas même celles approximatives de Reymond).
Les conclusions hypothétiques de Reymond sont récupérées et transformées par Anton Parks façon Walt Disney : on édulcore, on rallonge, on brode et endort son public avec une jolie histoire fantastique. Inutile d’aller plus loin dans ces comparaisons.

Retenons qu’il existe aujourd’hui une interprétation intégrale de ces textes et bien entendu, aucun égyptologue n’a remonté les informations « traduites » par Anton Parks touchant aux éléments fantastiques, comme celles qu’il évoque dans La dernière marche des dieux :


 « l’Atlantide,
 des piliers d’énergie et de l’électromagnétisme (thèse confirmée également à la fin de cette étude),
 de l’œil sonore (Vénus),
 de la réincarnation d’Osiris en Horus,
 de l’association entre Horus l’aîné et Râ,
 et des relations conflictuelles qu’entretenaient Horus l’aîné et Horus, fils d’Isis. [70] »

Comment expliquer cela ?
Nous n’allons pas nous perdre en conjectures. Nous connaissons déjà le procédé utilisé par Anton Parks et qu’il a utilisé dans Eden pour la « traduction » des tablettes CBS :
 récupérer des traductions existantes réalisées par des érudits (de préférence pétries de cassures, de trous…) ;
 prétexter que les traductions passées sont anciennes et imprécises, voire teintées d’idéologies personnelles des érudits de l’époque ;
 modifier les traductions existantes puis modifier, ré-interpréter, sur-interpréter des mots, des noms de divinités voire des phrases entières, voire inventer des mots comme « plateau d’atterrissage [71] » dans les textes d’Edfou (!?). Hé oui, il fallait bien des plate-forme pour faire atterrir les vaisseaux spatiaux…
 faire coller des traductions aux sonorités symboliques, cosmogoniques et religieuses avec ses visions en passant tout par sa grille de lecture néo-évhémériste.

Et comme nous l’avons vu plus haut, cela fonctionne. Évidemment.
Dans aucun des textes qu’Anton Parks prétend avoir traduits depuis l’égyptien ancien, il n’est fait référence à l’Atlantide, des piliers d’énergie, la planète Vénus ou encore des combats aériens dans des avions aliens équipés de missiles. Et pourtant M. Parks, lui, les voit. Il y croit, et veut faire adhérer ses lecteurs à ses thèses.

Exemples de « traductions » d’Anton Parks :

« [...]Deux batailles eurent lieu simultanément. Une sur la terre -face au refuge divin - et la seconde dans le ciel. Le Faucon mena le combat aérien contre le Serpent. [...] 4 groupes de protection, 4 bataillons aériens soutenaient le Grand Faucon [Horus l’aîné]. [...] Après un combat acharné, le Serpent (Seth) fut vaincu et les dieux victorieux créèrent un nouveau domaine sur le lieu de la défaite du Serpent. [...] Râ et ses suivants purifièrent ensuite le champ de bataille". E.VI, 328,7-16 [72] »

« Lorsque l’ennemi-Serpent apparut sur le plateau d’atterrissage du domaine, on prépara la place du pilonnage Bu-Titi et des gardes de protection furent créés et installés. L’Ancêtre s’était fixé ici même autrefois. Thot et Seshat se trouvaient à ses côtés, ils sanctifièrent les membres des compagnons, protecteurs des dieux. Ces derniers étaient les soldats de Tanen, installés dans le Bu-Titi, la place du pilonnage, le domaine créé par l’Ancêtre Tanen, Le créateur de la terre. E.VI, 329,2 - 330,9 [73] »

Pourquoi les traductions de l’égyptologie officielle ne revêtent-elles pas le même caractère extraordinaire ? Certainement du fait de la mafia scientifique. Du moins, c’est la raison que l’auteur évoque dans son interview de 2012 :

« Question  : Le milieu de l’archéologie est, selon les témoignages d’archéologues mêmes, un milieu peuplé d’individus imbus de leur savoir et peu ouverts à les partager avec leurs semblables... Mais au final, quelles seraient les motivations de certains à vouloir cacher des découvertes, à dresser un mur dès qu’une personne qui n’est pas du métier ose émettre de nouvelles théories ? Nous pensons notamment aux travaux de Gilles Dormion et de Joseph Davidovits qui ont soulevé un tel tollé parmi les égyptologues ! Dans votre livre, vous parlez d’une couche de sédiments datée par le C14 de -11600 ans... Pourquoi cette information reste-t-elle officieuse ? L’information concernant la structure souterraine qui parcourt le sous-sol du plateau de Gizeh pourra-t-elle rester secrète encore longtemps ? »

Gravure du temple d’Horus à Edfu. Période ptolémaïque
Selon Anton Parks, cette gravure de Seth monté sur un serpent représente un vaisseau prêt à engager une bataille aérienne… Nous verrons dans un futur dossier que des représentations de dieux ou autres animaux sur le dos de serpents sont assez fréquentes en Égypte antique, leur portée étant essentiellement symbolique et astronomique.

« Anton Parks : Les motifs sont toujours les mêmes en matière d’informations gardées secrètes. En ce qui concerne le plateau de Gizeh, si la communauté internationale possédait les preuves scientifiques que le plateau de Gizeh est truffé de galeries souterraines, elle demanderait des comptes aux archéologues. Le réseau est gigantesque et sa présence implique un niveau technologique très avancé que les hommes de la préhistoire ne connaissaient pas officiellement. Cela remettrait en cause les fondements de l’histoire humaine. Raison pour laquelle la mafia scientifique garde jalousement ce type d’information. [74] »

Encore une fois, Anton Parks se base sur des travaux de scientifiques et d’érudits lorsque ceux-ci vont dans son sens mais parle de mafia scientifique dans tous les autres cas de figure !

Un exemple flagrant : ci-dessus l’interview évoque Joseph Davidovits, un chimiste français prétendant que tous les blocs des pyramides d’Egypte étaient moulés et non taillés, hypothèse rejetée par la communauté scientifique mais embrassée par M. Parks comme nous le verrons dans un prochain dossier. Et ce dernier de faire l’éloge du travail d’Albert Slosman tout en citant une partie de son travail (réparti sur trois ouvrages), affirmant l’air de rien qu’il était égyptologue [75] ! La première entrée dans Google nous informe rapidement sur qui était Albert Slosman : professeur de mathématiques et expert en analyse informatique… [76] et passionné par l’Égypte antique. Mais être passionné suffit-il à obtenir une expertise dans le domaine concerné ?
Certainement dans le regard d’Anton Parks. Mais ce n’est pas la première et ni la dernière fois que l’auteur à succès entretient cet ambigu rapport avec la science. Nous y reviendrons largement dans nos futurs dossiers.

En bref, M. Parks n’est pas meilleur en hiéroglyphes qu’il ne l’est en sumérogrammes ; ses traductions sont des reprises mutilées de textes bien plus cohérents et en lien avec leurs contextes (historique et géographique) respectifs.
Tout se tient parfaitement sans l’intervention d’éventuelles entités venues du fin fond de l’espace. Et lorsqu’une pièce manque dans le grand puzzle de la recherche archéologique (ou autre), il n’est pas nécessaire de combler ce manque avec un ersatz New-age, ne servant qu’à embrouiller d’éventuels lecteurs en recherche de certitudes.

En conclusion Anton Parks extrapole plutôt qu’il n’expose, déforme plutôt qu’il ne déchiffre, invente plutôt qu’il n’informe. Il exploite la crédulité et l’ignorance de ses ouailles pour vendre sa poutine, véritable insulte à l’intelligence.

Dans le prochain dossier nous étudierons quelles sont selon nous les sources, inspirations et influences d’Anton Parks. Cet exercice, vous le verrez, sera essentiel pour reconstruire le possible parcours de l’auteur et comprendre pourquoi les données scientifiques exposées dans ses ouvrages sont, au mieux approximatives, sinon risibles. Mais cela fera l’objet de dossiers ultérieurs…

Attention ! Si vous partagez cet article vous vous exposez à un pilonnage sévère de la part des Gina’abul (GIN5.Á.ÁB.ÙL : « Les vaches ailées esclaves de leur laisse ! » [77])


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