Lien vers l’article précédent : Dossier Anton Parks n°1-4 : Les traduc-interprétations du sumérien et de l’égyptien
Rappel des faits énoncés dans le Dossier N°I
Dans le premier dossier, découpé en quatre parties, nous avions démontré l’imposture d’Anton Parks quant à sa prétendue expertise dans le domaine de la linguistique en général, des traductions depuis le sumérien, l’akkadien ou l’égyptien sans oublier l’inapplicabilité de sa « thèse révolutionnaire » basée sur une langue inexistante (le Gina’abul-sumérien) qui permettrait de décoder le secret contenu dans les mots d’idiomes anciens.
Nous démontrions également les manipulations de l’auteur vis-à-vis de son lectorat puisque, comme beaucoup de gourous du même secteur, engagés dans une mission supérieure, il n’a pas hésité à inventer un précepteur (un assyriologue expert en sumérien) qui lui aurait enseigné ses compétences en sumérien tout en se fendant de « traductions » qui sentent le réchauffé et surtout l’ingrédient pas frais… comprenez par là des ajouts exogènes qui n’ont rien à y faire. Le tout pour faire correspondre des textes anciens, parfaitement connus et contextualisés par l’archéologie et l’anthropologie, avec sa grille de lecture New-age et néo-évhémériste : des vaisseaux spatiaux, un enseignement mystique par le sexe, un dieu qui ne dit pas son nom (« la source »), une création alien de l’humanité… etc.
Sans oublier l’habituelle danse magnétique que les charlatans de ce type opèrent avec la science : un coup je t’attire, un coup je te repousse ; en fonction bien entendu de ce que leurs biais de confirmation leur permettent d’accepter et de faire accepter à leurs adeptes. Pour peu qu’un article sur mille se rapproche à 10 km de leur(s) thèse(s) fumeuse(s), c’est celui-là qu’ils mettront en exergue. Tout en persistant à classer les 99,99% des scientifiques dans la catégorie des mafieux avides de dollars. Complotisme, quand tu nous tiens…
Dans le présent dossier nous nous attellerons à décrire quelles sont les sources des affirmations de M. Parks en nous basant à la fois sur ses « maîtres à penser » mais également sur les influences que nous qualifierons d’artistiques comme le cinéma, la télévision ou la littérature. Nous verrons que nombre de ses révélations exclusives ont déjà été exploitées avant qu’il ne rentre sur la scène conspirationniste ; ses ajouts ne servant qu’une histoire fade, entendue et mal écrite de surcroît.
Nous en profiterons pour dresser un tableau de l’entourage professionnel de l’auteur des Chroniques du Girku ainsi que des sources majoritairement exploitées pour la rédaction de ses romans et essais.
Attention : nous tenons à préciser que même si nous qualifions à longueur de dossier les Chroniques du Girku d’œuvre littéraire et de roman, Anton Parks se défend d’écrire de la science-fiction et présente bien ses Chroniques comme l’histoire véritable de notre passé et ses essais comme des recherches « scientifiques » démontrant la véracité de ses visions.
Nous conclurons en précisant les points qui nous occuperont lors du troisième dossier consacré à Anton Parks, les affirmations liées à la science en général.
Nous ne sommes personne mais nous sommes nombreux.
Nous sommes « Anpon Tarks ».
L’enfant illégitime d’Icke, Sitchin et Von Däniken
Le 11 mai 1967 naquit le petit Anton Parks, de son véritable nom Ralf Leleu, comme il l’annonce dans son dernier ouvrage Du Plérôme à la matière [1] ainsi que dans sa récente interview à NureaTV. [2]
En plein essor d’une nouvelle théorie qui aura le vent en poupe jusqu’à nos jours : celle des Anciens Astronautes (ou néo-évhémérisme), soit le fait de croire et de véhiculer l’idée que des êtres d’une autre planète auraient été en contact avec l’humanité au paléolithique afin de lui enseigner l’agriculture, l’astronomie, les mathématiques ou encore l’architecture. Que les dieux de l’Antiquité étaient des entités extraterrestres faites de chair et qu’elles ont créé l’humanité par manipulation génétique.
Le chef de file de ce mouvement, le suisse Erich Anton Paul Von Däniken, a en effet popularisé cette théorie pseudo-scientifique à partir de 1968 avec son ouvrage Erinnerungen an die Zukunft, Ungelöste Rätsel der Vergangenheit ou Présence des extraterrestres [3] (en France, publié en 1969). Il n’est pourtant pas l’initiateur du mouvement : cela revient aux Français Louis Pauwels (journaliste, écrivain) et Jacques Bergier (chimiste), auteurs du célèbre Matin des magiciens. [4] Un imposant ouvrage de 500 pages qui aura le mérite d’avoir, comme le souhaitaient ses auteurs, suscité des vocations dans ce que Pauwels et Bergier nommaient le « réalisme fantastique » ; c’est-à-dire tout ce qui servira de terreau au conspirationnisme dur des années 2000.
Le Matin des magiciens, c’est un pot-pourri crade qui mêle volontairement historique et tradition, science et ésotérisme, théories et hypothèses… inventant des histoires de toutes pièces [5] parfois afin de semer le trouble dans l’esprit du lecteur. Toutes les thèses ésotériques et paranormales encore débattues de nos jours s’y trouvaient, spécifiquement celles qui nous occupent :
– Théories de la Terre creuse
– Les extra-terrestres enseignants et/ou créateurs de l’humanité
– Sociétés secrètes
– Les connaissances secrètes
– Civilisations disparues (Atlantide, Mu…)
On peut également citer la célèbre essayiste Helena Blavatsky [6] qui, à la fin du XIXème siècle, popularisa l’ésotérisme et l’occultisme à travers ses ouvrages Isis dévoilée ou encore la Doctrine secrète. Elle développera pour l’occasion une nouvelle doctrine, la théosophie. [7] Ces ouvrages populariseront des thèmes proches de ceux en partie abordés par le Matin des magiciens, sans le contexte extra-terrestre. L’on retiendra surtout que les livres de Blavatsky auront une forte influence sur ceux qui développeront des idéologies à la racine du nazisme tels Guido von List, Lanz von Liebenfels, Rudolf von Sebottendorf qui est le fondateur de la Société Thulé ou Dietrich Eckart. [8]
Retenons également que Louis Pauwels, alors en charge du Figaro magazine, fut le premier à ouvrir une tribune à Alain de Benoist [9], personnalité hautement sulfureuse et proche des réseaux nationalistes qui a notamment écrit dans le fascicule doctrinal « Qu’est-ce que le nationalisme » : « L’étude objective de l’Histoire montre que seule la race européenne (race blanche, caucasoïde) a continué à progresser depuis son apparition sur la voie montante de l’évolution du vivant, au contraire de races stagnantes dans leur développement, donc en régression virtuelle. [10] » Un homme consensuel…
Ce rapport ténu entretenu entre idéologies d’extrême-droite et complotisme ne date donc pas d’hier. Il est malheureusement toujours et encore d’actualité comme en atteste une enquête de 2019 lancée par la fondation Jean-Jaurès… [11]
Mais si Blavastsky a bien popularisé l’ésotérisme à la fin du XIXe, c’est bien les Français Pauwels et Bergier qui réactualisèrent le thème dans les années 60 en rajoutant une couche de fiction liée à la conquête spatiale. Dans le même temps se manifestera au sein des sociétés occidentales le phénomène assez populaire des contactés, soit des individus souvent borderline, idéologiquement parlant, prétendant avoir été en contact direct avec des aliens. La formule All inclusive comprenant : observations répétées, contact au sol, enlèvement-invitation dans un OVNI, voyage dans l’espace et, pour les plus chanceux, visite de la planète extraterrestre. Et le retour sur Terre de s’accompagner des traditionnels discours hippies-utopistes des années 60. Le plus populaire des contactés était le Polonais George Adamski dont les photos et discours ont rapidement été rangés dans la catégorie des fraudes. [12]
Dans leur sillon d’autres auteurs français ont continué le travail comme Jean Sendy [13] ou le célèbre Robert Charroux, Robert Grugneau de son vrai nom. [14] Ce dernier deviendra l’auteur de pseudo-science francophone le plus lu de son époque. Son livre le plus réputé fut le premier : Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans. [15] Il y reprendra les thèmes ésotériques et occultistes développés par Blavatsky tout en y mêlant les anciens astronautes. Dans son ouvrage Le Livre des maîtres du monde, il écrit notamment : « L’histoire authentique des civilisations est interdite. Des conjurations puissantes veillent sur la stricte observance d’une version altérée qui seule a le droit d’être exprimée. (…) Notre histoire sociale et religieuse est trafiquée depuis des millénaires… depuis que les Égyptiens, oubliant ou voulant oublier les vérités transmises par leurs ancêtres, s’octroyèrent le titre d’Initiateurs premiers et de premiers hommes de notre planète. [16] »
Avant d’ajouter : « Les vrais initiateurs ce sont les anges de la Bible, des extraterrestres en fait, venus s’installer sur terre bien avant le déluge, formant une petite communauté d’Hyperboréens qui allaient donner naissance aux Atlantes et aux habitants de la Terre de Mu. »
S’inspirant du mouvement français, le suisse Erich Von Däniken reprit le flambeau et popularisa la thématique à un niveau international. [17]
Pas plus légitime que ses prédécesseurs, car ne possédant aucun bagage professionnel en histoire, en archéologie et autres sciences apparentées, il saura utiliser les outils de son époque, notamment la télévision, pour véhiculer la théorie des Anciens Astronautes à travers le monde. Von Däniken parle correctement anglais, possède un bagou magnétique et sait vendre sa poutine ; il deviendra sans peine la coqueluche d’émissions de TV discutant de mystères et de soucoupes volantes. Dans l’un de ses livres il tenta de démontrer que des hommes géants avaient même vécu à l’époque des dinosaures ! [18]
Comme beaucoup, pour vendre sa sauce, il aura recours sinon au mensonge (parce qu’invérifiable) du moins à la ruse New-age en prétendant avoir assisté à l’arrivée de soucoupes volantes sur Terre durant la préhistoire lors d’une séance de… voyage astral ! [19]
Autant les Français, ayant tous disparu, ne sont plus dans la course, autant Von Däniken (en tant que « Grand Sage » du mouvement) trouve toute légitimité à se montrer au public de façon régulière dans une émission de télévision pompeusement nommée Ancient Aliens.
Depuis 2010, date de première diffusion du show américain, il continue de déployer ses thèses fumeuses que les années 80 auraient dû reléguer aux archives en compagnie du Betamax, des vêtements fluos et des coupes de cheveux improbables.
Bien que des savants de tous les pays (comme l’archéologue du CNRS Jean-Pierre Adam [20] en France) aient contesté publiquement depuis les années 60-70 les élucubrations néo-évhéméristes présentant des accouplements interplanétaires entre Fred Flintstone et des Aliens, rien n’a semblé éteindre la flamme allumée par Pauwels et Bergier. Pis : la chose s’est aggravée dans les années 2000 prenant un tournant majeur après les attentats du 11 septembre 2001.
Mais n’effectuons pas trop vite de saut dans le temps !
La fin des années 60 et le début des années 70 ont été dominés par Von Däniken mais c’était sans compter le maître ès impostures, alias Zecharia Sitchin.
Moins de 10 ans après le premier livre de Von Däniken, Sitchin sortait le premier ouvrage d’une longue série : la Douzième Planète. [21]
Il en rédigea pas loin d’une quinzaine jusque courant des années 2000.
Dans celui-ci l’imposteur en chef, y développe exactement les mêmes idées que ses prédécesseurs en y ajoutant sa propre marque de fabrique : la traduction et l’interprétation de tablettes d’ancienne Mésopotamie.
Il y créera également une nouvelle mythologie basée sur une planète inexistante du système solaire dont l’elliptique l’éloignerait et la rapprocherait périodiquement de la Terre (tous les 3600 ans), déclenchant lors de ses approches des cataclysmes mentionnés dans les textes historiques. D’où le titre du livre…
Dans cette mythologie alternative les Anunnaki de la planète Nibiru (la douzième donc) seraient venus dans notre préhistoire afin de nous créer tels que nous sommes aujourd’hui et ainsi mieux nous exploiter dans ce qui semblait être un projet de minage et d’extraction d’or. Selon ses traductions, l’or serait essentiel aux Anunnaki puisque leur atmosphère en est constituée, qu’ils en manquent… blablabla…
L’on sait aujourd’hui qu’aucune planète Nibiru n’existe, qu’il s’agit vraisemblablement de la planète Jupiter voire d’autres étoiles, qu’aucune tablette n’a jamais stipulé que les Anunnaki auraient créé l’humanité ou encore qu’ils descendraient du ciel. Nous ne parlerons pas des mines d’or et de l’atmosphère de Nibiru, la mouche sur le gâteau de purin.
Même s’il est de notoriété publique que feu Sitchin fut un escroc, nombre de ses adeptes propagent toujours sa bonne parole depuis la fin des années 70.
Reprenant ses théories fantasmagoriques, un nouvel arrivant se présenta sur le ring de la pseudo-science, le britannique David Icke.
Nous rentrons avec Icke dans une nouvelle catégorie. Icke est un profil multi-cartes, une sorte de Léonard de Vinci du conspirationnisme New-age.
Son parcours, plus qu’atypique, en dit long sur le personnage : joueur de football, puis journaliste sportif sur la BBC, il finit au bout d’une quinzaine d’années par abandonner le journalisme pour intégrer le parti écologiste britannique (Green Party) et commence à flirter avec les mouvements New-age : médecines alternatives, médiumnité, ésotérisme… toute la panoplie. Il se met ainsi en contact avec tous les gourous de ces cercles fermés qui le présentent comme un « messager ». Il se rend au Pérou où il vit une sorte d’extase, qu’il comprendra comme l’ouverture de ses chakras et l’accès à un « niveau supérieur de conscience ». Suite à cela il revient en Angleterre et se ridiculise dans les médias, est raillé dans les tabloïds et abandonne ses gourous pour devenir… son propre gourou ! Durant toute cette période, bien entendu, il se fend d’un certain nombre d’ouvrages tous plus New-age les uns que les autres. A partir de 1994, il rentre dans un conspirationnisme acharné teinté d’antisémitisme [22], rédige de façon récurrente des articles pour le magazine australien Nexus, prétend recevoir des messages des OVNI et se lance dans les prophéties ! Bien entendu elles tombent quasiment toutes à côté de la plaque et il use de stratégies malsaines pour les faire disparaître ou expliquer leur échec. En 2007, il est en procès avec un ancien associé en affaires qui détiendrait fallacieusement les droits de ses seize livres. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, il y développe bien entendu la théorie des Anciens Astronautes, puis, petit à petit dénonce une présence reptilienne dans les instances dirigeantes anglo-saxonnes, l’existence d’une société secrète créée à Babylone, dévoile l’existence d’une civilisation avancée dans la Terre creuse, plusieurs races reptiliennes, la création puis l’hybridation de l’Homme avec les reptiliens et voit des symboles Illuminati-reptiliens partout (des pyramides, des yeux, des pentagrammes, des serpents…). Le professeur de sciences politiques Mickael Barkun, spécialiste des théoriciens du complot, considère David Icke comme la personne la plus influente de la conspiration New-age. [23]
En résumé, David Icke vit dans la série TV X-Files. [24]
Vous l’aurez noté, beaucoup de thèmes repris ou créés par David Icke s’inscrivent dans les théories développées par Anton Parks dans ses ouvrages.
Dans le tome 3 de sa série littéraire, ce dernier reprend ouvertement certaines thèses de M. Icke et précise même qu’il a tenté de le contacter (mais en vain) pour échanger avec lui sur ces sujets. [25]
L’on pourrait donc affirmer que M. Parks n’a rien inventé… Et le contenu exclusif et explosif de son livre Eden me direz-vous ? Par exemple le rapprochement du contenu de la Genèse biblique et des mythes sumériens ? Réchauffé : l’auteur Walter Mattfeld rédigea un ouvrage sur la question près de cinq ans avant le livre de M. Parks : Eden’s Serpent : Its Mesopotamian Origins. [26] Quant à l’interprétation des tablettes sumériennes par la grille de lecture néo-évhémériste : création de l’humanité par des dieux reptiliens, le sujet a été plus récemment traité par William Bramley dans son livre God of Eden [27]. L’auteur anglais Andrew Collins a traité transversalement ces deux sujets dans plusieurs de ses ouvrages, également des années avant M. Parks, mais le sujet fut traité originellement en long, en large et en travers par le Pape du genre : Zecharia Sitchin dans à peu près tous ses livres.
Historiquement, le premier ufologue à évoquer des Aliens de type reptilien est Brad Steiger dans son ouvrage de 1967 Flying Saucers are hostile. En grand anticipateur de la vague New-age à venir, il écrira non seulement des livres liés aux OVNI mais encore des ouvrages consacrés à la spiritualité, aux mystères de la préhistoire ou au paranormal. [28]
Sur son site web officiel, sur une page anglophone, Anton Parks relate les dires de l’ingénieur Gerry Zeitlin dont nous reparlons plus bas : celui-ci évoque en comparaison des travaux de Parks, ceux de Sitchin, de Icke mais aussi d’un certain R. A. Boulay. [29] Ce monsieur Boulay est un étrange personnage. Il n’a rédigé qu’un seul livre en 1990 : Flying Serpents and Dragons : The Story of Mankind’s Reptilian Past. [30] Ce livre est téléchargeable par ce lien : http://www.histoireebook.com/index.php?post/2012/05/01/Boulay-R-A-Les-Serpents-et-les-Dragons-volants
Vous pourrez vous faire une idée précise de la question (si vous en avez le courage) mais en ce qui nous concerne, tout ce que contient ce livre sert de socle à l’œuvre complète d’Anton Parks. Il y est question de thèmes chers à M. Parks : les écrits bibliques, les tablettes sumériennes, les rôles d’Enki et d’Enlil dans l’installation de la colonie terrestre, le caractère assurément reptilien des Aliens, l’Atlantide identifiée à la Dilmun des mythes mésopotamiens, l’hybridation des Néandertaliens avec les reptiliens pour créer l’Homo-sapiens, les guerres spatiales, le Déluge… etc. Le premier chapitre du livre de Boulay s’intitule : « L’arrivée des Proto-Sumériens : les anciens astronautes ». Proto-sumérien étant un terme très souvent utilisé par Anton Parks. Le livre enchaîne les chapitres sans lien particulier, sans introduction ni conclusion, sans analyse ni explication non plus ; le tout donnant l’impression d’être un énorme post-it numérique d’un travail à venir… Ce livre ayant été publié en anglais par un éditeur de Floride, et Anton Parks, ayant un niveau d’anglais limité (utilisant Google traduction lors de ses échanges en anglais), il nous semble improbable qu’il ait été un travail préliminaire aux Chroniques du Girku. Nous avons recherché l’éditeur original, l’éditeur de la version révisée de 1997 (The Book Tree) voire le traducteur québécois (Polo Delsalles de Montréal) et enfin l’éditeur de 2001, Roberto Solàrion, sans succès. Les maisons d’édition n’existent plus et MM. Delsalles et Solàrion sont introuvables. Le mystère demeurera entier au sujet de ce R.A. Boulay. Mais il restera le précurseur le proche de M. Parks tant chronologiquement qu’idéologiquement.
Enfin, il faut évoquer le psychiatre russe Immanuel Velikovsky qui, à deux reprises, dans deux ouvrages différents, dont le plus fameux est Mondes en collision [31] (1950), a esquissé (malgré un manque patent de connaissances dans le domaine) l’hypothèse d’un billard cosmique dont les derniers soubresauts auraient eu lieu 1500 ans avant notre ère !
Certes il fut un psychiatre reconnu et mythographe assez génial, mais il ne possédait aucune base en astronomie ou en astrophysique. [32]
Il se basa sur un (énorme) exercice de mythologie comparée afin de faire dire à nos ancêtres ce que la physique des corps célestes contredit aujourd’hui : Vénus aurait été une comète expulsée de Jupiter et aurait percuté à deux reprises la Terre et Mars ; générant des cataclysmes sans nom.
Les traces de ces cataclysmes étant trop parcellaires et oubliées, il use d’arguments psychanalytiques (donc parfaitement douteux) afin de nous faire passer la pilule d’une amnésie collective mondiale. Ses thèses ont bien entendu été démontées depuis des décennies. [33] Cela n’empêche pas ses adeptes d’exister et ses livres d’être toujours en vente…
Dès son premier livre, M. Parks développe nombre d’idées que ses maîtres à penser ont publiées avant lui. Il remet en cause l’évolution des espèces et encense les créationnistes :
« Malgré leur prétention à prétendre que tout ce qui est relaté dans la Bible n’est que vérité, je me dois de relever que les créationnistes possèdent un très bon sens critique à rencontre de la thèse de l’évolution des espèces vivantes et, donc, du Darwinisme. [34] »
Il expose des hoax archéologiques et autres OoPArts [35] (objet archéologique anachronique, censé se situer en dehors du contexte historique où il a été découvert) déboulonnés de longue date comme les empreintes de chaussures d’Antelope Springs [36] :
« Forbidden Archeology est un vaste corpus d’anomalies largement ignorées par la science officielle, une impressionnante compilation de découvertes archéologiques contredisant radicalement la thèse de Darwin. Parmi elles, notons par exemple une empreinte de chaussure découverte par William Meister dans un dépôt minéral datant d’au moins 5,5 millions d’années, période au cours de laquelle apparurent les trilobites ! La découverte date de 1968 et a été faite aux États-Unis, à Wheeler Shade près d’Antilope Spring dans l’Utah. [37] »
Dans une récente interview donnée au media conspirationniste BTLV le 12 février 2020 [38], Anton Parks prétendit que des humains géants avaient vécu à l’ère des dinosaures, chose qu’il avait déjà écrite en 2005 ans le tome 1 de sa série littéraire [39] :
Là encore l’exemple des traces de pas humains à côté de traces d’empreintes de dinosaures est un hoax grossier et déboulonné depuis des années... [40]
Il évoque également dans le tome 1 des Chroniques du Girku les Billes de Klerksdorp, simples concrétions naturelles liées à l’activité géologique de la planète [41] il y a 3 milliards d’années. Pour M. Parks elles ressembleraient à des sphères extraterrestres permettant de traverser les dimensions... [42]
Enfin, dans une tentative désespérée de promouvoir les inventions et hoax des créationnistes, il dresse une liste non exhaustive de fraudes archéologiques mettant en cause des « “hommes de science” sans scrupules » qui cherchent à tromper le monde « dans le seul but de ne surtout pas bouleverser “l’ordre établi” » concluant que « d’autres éléments, encore, viennent brouiller les pistes et constituent des facteurs déterminants en faveur de “l’enterrement” de la véritable histoire de l’humanité. Parmi elles, nous trouvons le problème des milliers et milliers d’objets (sans doute des millions) dans les collections privées appartenant à de richissimes milliardaires et collectionneurs qui ont le goût du secret. [43] ». En bref, nous retrouvons la fameuse « mafia scientifique » qu’il décrivait dans une récente interview (voir Dossier I) !
Le ton est donné… et il est résolument complotiste.
Pas plus loin que la page 25, il reprend : « La véritable faute de l’Irak n’est pas d’avoir commis l’invasion du Koweït en 1990 - le soutien ferme et durable des États-Unis à l’état colonial d’Israël en est la preuve vivante - mais de posséder de nombreuses richesses, dont une ultrasecrète qui menace les intérêts des puissants de ce monde et plus précisément du gouvernement occulte de cette planète composé d’une élite communément appelée ILLUMINATI. [44] » On ne perd pas de temps ! Un peu plus loin on apprend que les Illuminati sont sous contrôle des Aliens : « Le monde n’attend pas un salvateur ou un prophète pour le tirer des griffes du “Bestiaire Céleste” exilé et échoué sur cette planète, mais se réveille de jour en jour désabusé par la servitude de plus en plus perceptible des tuteurs de l’énorme complot. [45] »
Le flou artistique se répand ensuite comme une tâche d’huile sur tout le « roman » d’Anton Parks quand il avance sur la même page : « Mon geste est possible uniquement parce que j’ai fait partie autrefois du Bestiaire Céleste qui se nomme GINA’ABUL, et qu’il y a très longtemps, je me suis échoué avec LUI, sur ce monde étranger, sur votre planète que nous nommions Uras... ».
Il se défend dans son interview de 2014 d’être la réincarnation d’un dieu reptilien (qu’il assimile à Jésus, Horus, Osiris ou encore Enki) [46] et pourtant dans l’extrait précédent il parle à la première personne en décrivant l’état du monde actuel. Double discours, quand tu nous tiens…
S’en suivent des affirmations au sujet des Portes des étoiles dont le « territoire irakien est truffé [47] » que seuls des vaisseaux spatiaux peuvent traverser. Des vaisseaux que toutes les anciennes traditions décrivent.
En une phrase, il rejoint la dangereuse paranoïa clinique de David Icke : « L’enjeu actuel est le suivant : les geôliers qui travaillent en secret sous couvert de leur progéniture complice, et autres associés crapuleux, ne veulent surtout pas perdre le contrôle de leurs précieux prisonniers, c’est-à-dire VOUS ! Vous ne leur servez pas seulement à produire diverses substances matérielles qui agrémentent leur vie et qui gonflent leur ego collectif, mais vous leur apportez aussi le moyen de se fixer sur les mêmes fréquences que vous : sans vous, ces êtres ne seraient absolument rien sur cette planète ! [48] »
On y lit : hybridation avec les Gina’abul, Illuminati complices, humanité esclave et même nourriture inter-dimensionnelle ! Wow…
Cette hybridation avec des extraterrestres reptiliens, il la replace sans filtre 15 ans après le texte ci-dessus dans son interview BTLV de février 2020 sans autre forme de justification ou d’argumentation :
Il attendra la page 88 pour révéler que les anciens dieux étaient d’apparence reptilienne : « Le vocable USUM-GAL (Grand Dragon, monarque) se retrouve dans la littérature sumérienne. Cet attribut était essentiellement assigné aux "dieux" sumériens et, par la suite, aux rois et aux seigneurs de KALAM (Sumer). Ses multiples définitions en tant que "grand dragon", "monarque", "souverain" et "grand seigneur" confirment l’origine reptilienne des "dieux" de la Terre et de leurs descendants royaux. [49] »
Il faudra aller jusqu’à la page 94 pour que M. Parks affirme que : « contrairement à ce qui est professé par les savants, chaque planète est creuse et possède un Abzu. Il s’agit d’un des plus grands secrets au monde. La science fait face à un dilemme inavouable, car confirmer que toutes les planètes sont creuses serait admettre que la Terre l’est également. Reconnaître que la planète Terre est creuse, et donc habitable, impliquerait de devoir rendre des comptes auprès des populations de la Terre et obligerait également de devoir faire des expéditions en son centre, et c’est pour l’instant totalement impossible. Pourquoi ? Parce que, conformément aux nombreuses légendes de la Terre et en accord avec les traditions du Tibet, des Esquimaux ou encore celles des Indiens Hopi de l’Arizona, l’intérieur de la Terre est occupé par une civilisation pourvue d’une intelligence très développée, affiliée pour certains directement, et pour d’autres indirectement, au Bestiaire Céleste. [50] »
Pour justifier son propos, l’auteur présente une photo du pôle Nord prise par le satellite Essa-3 en 1967. Malheureusement pour lui, il ne comprend pas ce qu’il voit et, encore une fois, l’interprète mal… enfin il l’interprète à travers son filtre néo-évhémériste. [51] Nous déboulonnerons en détail ces aspects de la théorie de la Terre creuse dans le dossier qui lui sera consacré.
Dans l’intervalle l’auteur passe par toutes les composantes métaphysiques de l’arc-en-ciel New-age-conspirationniste : puces RFID, projet HAARP, mafia médicale, Blue Beam, OGM, vaccinophobie, complot du 9/11… [52] dans une avalanche de fake news et d’informations mal sourcées qui ferait rougir le directeur de publication du magazine Nexus ! C’est avec un peu de déception que M. Parks ne parle de réincarnation qu’à la page 87 : « Quelle mission m’étais-je donnée en m’incarnant dans ce corps en détresse (…) ? [53] » ; de Nibiru qu’à la page 75 en donnant une explication au terme aussi grotesque que celle de Sitchin (qu’il n’oublie pas de tacler au passage) ; de différents plans d’existence (ou dimensions) qu’à la page 82 ou encore de l’Atlantide qu’à partir du tome 2 de sa série littéraire. [54]
Précisons que pour M. Parks, Nibiru est la planète Vénus et qu’il a existé jusqu’à il y a 12 000 ans une planète entre Mars et Jupiter, une planète nommée Mulge. Cette planète aurait été détruite par une arme extraordinaire des Gina’abul devenant l’actuelle ceinture d’astéroïdes. Le satellite de Mulge, expulsé de son orbite, deviendra Nibiru-Vénus.
Retraçons ci-après les différentes thèses développées par Anton Parks (hormis le codage linguistique déjà déboulonné dans le premier dossier) et celles qui ont déjà été développées avant lui par les différents auteurs évoqués plus haut.
Thème d’Anton Parks / Auteurs | Zecharia Sitchin | Erich von Däniken | David Icke | Immanuel Velikovsky |
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Reptiliens extraterrestres | X |
|||
Création de l’humanité et hybridation | X |
X |
X |
|
Eden / Bible = Sumer | X |
X |
||
Terre creuse et habitée par des Aliens | X |
X |
||
Plusieurs races d’extraterrestres | X |
|||
Enseignement de la civilisation par les ET | X |
X |
X |
|
Sociétés secrètes / Illuminati | X |
|||
Connaissance cachée | X |
X |
||
Atlantide / Mu (continents perdus) | X |
X |
X |
|
Humains géants vivant avec les dinosaures | X |
|||
Thérapies alternatives / vaccinophobie | X |
|||
Réincarnation des âmes | X |
X |
||
Plusieurs dimensions d’existence | X |
X |
||
Planète X / ceinture d’astéroïdes / Nibiru | X |
X | ||
« Billard cosmique » | X |
X |
Comme nous le voyons Anton Parks n’a RIEN inventé… il a même pompé et mixé les scénarii révélatoires de Von Däniken, qui, souvenez-vous, confessa avoir « vu » arriver les Aliens sur Terre durant la préhistoire lors d’un voyage astral et de Icke qui prétend avoir activé ses chakras au Pérou lorsque sa kundalini s’est activée (sic !).
Les symptômes de M. Parks sont plus pernicieux puisque, à ses dires, depuis qu’il a 14 ans, ses visions le possèdent.
Mais tous ces auteurs conspirationnistes New-age doivent bien s’abreuver à une source d’inspiration… quelle serait-elle ?
Nos soupçons se portent sur le romancier américain Howard Phillips Lovecraft. Auteur d’histoires horrifiques, il développa l’idée récurrente dès le début du XXème siècle que des entités extraterrestres seraient venues sur Terre en des temps immémoriaux et seraient vues comme des dieux auxquels les hommes voueraient encore un culte aujourd’hui. L’un d’entre eux, Cthulhu, aurait été enfermé sous terre par des membres d’un groupe alien opposé au sien. [55] Il explore également la découverte de cités construites par des Aliens, que H.P. Lovecraft appelle les Anciens, sous les glaces de l’Antarctique, la création de la vie sur Terre par ces derniers et enfin la mise au monde de créatures esclaves à leur service. [56] Dans l’Appel de Cthulhu il est souvent question de créatures hybrides, croisement d’êtres humains et de monstruosités.
Rappelons que dans le tome 0 des Chroniques du Girku, il est également question d’une base secrète Gina’abul dans l’Antarctique : « Sur l’insistance répétée de ses demandes, on finit par lui donner accès aux portes secrètes de l’Aria (l’Antarctique) et au laboratoire de Suhia dans lequel se trouvait une longue vue braquée sur l’Angal (le Grand Haut). [57] »
Le critique littéraire William Fulwiler rapprochera en 1992 les Anciens de Lovecraft des Mahars de l’auteur Edgar Rice Burroughs (ce dernier étant supposément une source d’inspiration pour H.P. Lovecraft à travers sa nouvelle At The Earth Core, présentant une race de reptiles intelligente vivant au centre de la Terre) : « Toutes deux sont ailées, ont les pieds palmés, et sont des races dominantes ; toutes deux sont des races scientifiques érudites aux connaissances avancées en matière de génétique, d’ingénierie et d’architecture ; enfin toutes deux utilisent les Humains comme du bétail. [58] »
Burroughs aura certainement été inspiré par le Voyage au centre de la Terre, du français Jules Verne, qu’on ne présente plus.
Tiens tiens… autant de ressemblances avec les Reptiliens de Icke et les Gina’abul de Parks !
Qui de la poule ou de l’œuf ? Puisque, bien entendu, les plus radicaux des adeptes prétexteront que ces auteurs du passé ont eu accès à cette « connaissance secrète » soit du fait de leur accointance avec des loges maçonniques, des Sages de l’Orient ou des Illuminati, soit au travers de révélations mystiques comme celles vécues par Von Däniken ou Anton Parks.
Notre transition est toute faite avec notre prochain chapitre puisqu’il va être question maintenant d’évoquer toutes les influences de l’art cinématographique, télévisuel et littéraire sur les romans d’Anton Parks.
Suite : Dossier Anton Parks n°2-2 : Inspirations artistiques