S’il y a la vérité à rechercher, c’est dans la contradiction qu’on la trouvera. Je n’ai pas la prétention d’imposer quelque chose. Je dis : "vérifiez ce que je dis".
Jacques Grimault, "Gizeh 2005" (1h 10’ 15")
Je me suis amusé à relever les incohérences les plus flagrantes dans Gizeh 2005, la non-suite de La Révélation des Pyramides. Je ne chercherai pas à débattre des calculs mathématiques. Ceux-ci semblent exacts, le point faisant débat est essentiellement leur pertinence. J’ai donc, encore une fois, appliqué la méthode que Jacques Grimault préconise lui-même : rechercher et vérifier.
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00h 20’ 30"
Mon premier sursaut ça a été en visitant les musées en Europe. On ne montrait que des coudées en bois, alors que Champollion dit qu’il y a des coudées en pierre. Premier étonnement.
Aucune exposée en Europe ? C’est vraiment manquer de chance. Moi j’en trouve :
Rien n’empêche de quitter l’Europe :
Curieusement la pierre se brise plus facilement que le bois. C’est la raison pour laquelle les coudées en pierre étaient le plus souvent des coudées votives, et non destinées à être utilisées sur un chantier ou dans un atelier. Qui s’étonnerait de ne pas trouver de marteau en verre ? Ou comment voir un mystère là où la logique suffit à expliquer ...
En ce qui concerne Champollion, je ne peux résister au plaisir de le citer : « Comme à l’égard de toutes les autres mesures égyptiennes, il existe une foule de passages sur la coudée, sa longueur et ses divisions, ces passages ont été diversement expliqués, et peut-être un peu trop au gré des divers systèmes généraux sur les mesures égyptiennes, nouvellement publiés avec une égale masse d’érudition, avec un semblable dévouement à la recherche naïve de la vérité. »
L’univers - Histoire et description de tous les peuples – Égypte Ancienne page 231
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00h 23’ 50"
Le pyramidion de soi-disant un mètre ... Déclaration gratuite, voir les explications ici : "La Révélation des Pyramides" : Mètre et pyramidion
Ce qui est particulièrement amusant est que Jacques Grimault met en avant la largeur de 1,57 mètre, mesure qu’aucun de ses détracteurs n’a contestée. Ce qui est contesté est la hauteur de un mètre précisément.
Je vois plutôt 1,58 mètre, mais bon ...
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00h 26’ 42"
On dit que la première pyramide en Égypte fut celle de Saqqarah, dont j’attire l’attention sur le fait que c’est le mot Ziggurat des Sumériens, et surtout de leurs successeurs.
Si Ziggurat semble signifier « construire en hauteur », on ne peut pas dire que l’origine de Saqqarah fasse l’unanimité. Pour certains, ça viendrait d’une tribu berbère nommée les Beni Saqqar, pour d’autres du dieu égyptien Sokar, ce qui ne semble pas plus idiot à bien y réfléchir, vu que Sokar était vénéré à Memphis, à l’endroit même où la pyramide de Saqqarah se trouve. Mis à part l’affirmation de M. Grimault, je n’ai réussi à trouver aucun historien, linguiste ou égyptologue qui voit un quelconque lien avec le terme sumérien. Source ?
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00h 27’ 00"
Je rappellerai que Diodore de Sicile dit très clairement « les Babyloniens ce sont des Égyptiens émigrés ». Je pense plutôt que c’est l’inverse qui a dû se produire.
Beaucoup à dire sur cette simple phrase ... Faut-il donc comprendre que selon Jacques Grimault les Égyptiens seraient des Babyloniens émigrés ?
Voyons tout d’abord ce que dit ce cher Diodore : « Les Égyptiens se vantent aussi d’avoir envoyé des colonies par toute la terre. Belus qu’on croit fils de Neptune et de Libye en mena une à Babylone. On dit qu’ayant fixé son séjour sur les rives de l’Euphrate il institua des prêtres sur le modèle de ceux d’Égypte, qu’il exempta de tous impôts et de toutes charges publiques : et que les Babyloniens les appellent Chaldéens. »
Ici on voit bien que ces « colons » égyptiens étaient des étrangers aux yeux des Babyloniens, et non le peuple fondateur. Ce qui va à l’encontre de la version de Diodore de Sicile selon M. Grimault.
Le Livre 2 parle de l’Asie, dont les Assyriens et Babylone. Babylone est relativement récente, puisqu’elle ne fut fondée que vers -1600 par les Syriens Amorrites, détail que Diodore de Sicile mentionne. Je n’ai trouvé aucune mention de Diodore de Sicile parlant d’une origine égyptienne. Quand bien même elle existerait, la fondation de Babylone n’a lieu que dix siècles après la construction des grandes pyramides.
Donc, Diodore de Sicile ne dit PAS que les Babyloniens sont des Égyptiens émigrés.
En ce qui concerne l’interprétation contraire de M. Grimault, elle va totalement à l’encontre de ce qu’on sait des civilisations pré-dynastiques. Il serait peut-être plus prudent de se fier aux travaux de l’égyptologue Nicolas Grimal. On trouve les premières traces de peuplement en Égypte il y a entre 120.000 et 90.000 ans, et la première civilisation organisée il y a 45.000 ans. Le passage du néolithique à l’Égypte pharaonique n’est pas brutal, mais le résultat d’un long processus local, tout comme l’a connu l’Europe.
Mis à part pour faire un amalgame entre Sumériens et Babyloniens, j’ai un peu de mal à comprendre la chronologie mise en avant par M. Grimault, c’est le flou total à l’écouter ...
00h 34’ 20"
Pour ce qui est des couloirs (dits d’aération), on regardera ici et là (il montre la partie immédiatement attenante à la Chambre du Roi avant le premier virage). On s’apercevra que très curieusement ces portions-là mesurent un mètre exactement. Pourquoi ne le dit-on pas ?
Une de mes préférées, et des plus faciles à vérifier. Pourquoi ne le dit-on pas ? Tout simplement parce que c’est faux !
Les relevés des tunnels d’aération sont disponibles sur ce site http://www.cheops.org/startpage/cyberdrawings/cheopsshafts.html (nécessite Java, mais fonctionne avec IcedTea). C’est le compte rendu du « Projet Upuaut », une des explorations des tunnels avec des robots.
Il est flagrant que les départs de tunnels ne font pas la même longueur. Donc, sans même chercher à savoir l’échelle, affirmer que les deux départs font un mètre de longueur est totalement FAUX, puisqu’ils ne font pas la même longueur... À moins que le mètre côté Sud et le mètre coté Nord aient une définition différente ?
En fait, il est facile de trouver la longueur des tunnels d’aération. Il suffit de zoomer sur le plan en ligne, ça apparaît en rouge. Sur le plan ci-dessus l’ajout en jaune est de moi.
On peut confirmer ces mesures sur le site http://www.gizapyramid.com/measurements.htm :
Northern shaft : Total length 113.61 (59.5), horizontal length 5.02 (2.63)
Southern shaft : Total length 102.25 (53.55), horizontal length 3.28 (1.72)
Je n’ai pas trouvé la mesure chez Petrie. C’est indiqué pour les passages de la chambre de la Reine, mais pas pour celle du Roi. Pour une mesure aussi facile à vérifier, je pense que le terme de mensonge n’est pas abusif.
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00h 36’ 39" :
Couloir descendant :
La hauteur c’est 1,17 mètres, et la largeur 1,04 mètres
En effet, on voit bien sur l’image que la précision est au centimètre, à 10 cm près bien sûr... À moins que ça ne soit un raté au montage...
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00h 38’ 05"
… si ce n’est pour passer au couloir horizontal, dont on s’aperçoit que, là, le déhanchement, si je puis dire, qui fait une coudée est exactement au-dessus de ce déhanchement-là, qui passe d’une pente à une horizontale.
Le « déhanchement », ou marche :
Et l’alignement affirmé :
La marche mesure effectivement une coudée aux erreurs de mesure près de F. Petrie, (50cm ± 3 cm). Pour rappel, une coudée vaut environ 52 cm. Sa valeur varie légèrement selon les égyptologues, ainsi que l’époque, et ils ne s’appuient pas sur de la numérologie, mais sur des mesures concrètes. Ce point-là mériterait un sujet dédié, puisque M. Grimault met un point d’honneur à voir dans la coudée une version ancestrale du mètre et de rapports mathématiques... Mais l’objet de cet article est de clarifier des faits concrets, pas de rentrer dans une interprétation ésotérique de valeurs et de chiffres interprétables à souhait.
M. Grimault prétend utiliser un plan de Petrie, voir à 00h 17’ 20". Je n’ai pas réussi à trouver dans les ouvrages de F. Petrie le plan que M. Grimault utilise. Par contre, on trouve celui-ci dans The Pyramids and Temples of Gizeh, paru en 1883, où on peut constater le même alignement (image ajustée) :
Mais, curieusement, sur des relevés plus récents, toujours issus de http://www.cheops.org/startpage/cyberdrawings/cheopsshafts.html, l’alignement paraît soudain bien moins parfait.
On peut aussi s’intéresser à un plan reproduit par « khoufou », sur le forum ddchampo.com, qui s’appuie sur les relevés de Gilles Dormion et Jean-Patrice Goidin, censés être les meilleurs jamais faits, ainsi que sur ceux de Maragioglio et Rinaldi. Là non plus ça ne correspond pas :
Que croire ? Des relevés de 1883, effectués par un perfectionniste ne disposant malgré tout que d’instruments relativement peu précis, ou des relevés modernes ?
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00h 39’ 05" :
Sans compter que là on a (dans la chambre de la Reine) un double chevron alors que là (dans la Chambre du Roi ) il est triple.
Combien de chevrons composent donc le plafond de la Chambre de la Reine ? En fait, on n’en sait rien. John Shae Perring a percé une sape en 1837 afin de trouver la réponse, en vain. L’avancement des travaux est indiqué dans ce livre, mais j’avoue avoir été découragé par la longueur.
Le nombre de chevron est supposé être de deux ou trois, comme dans d’autres pyramides, mais sans aucune certitude. Selon Jean-Pierre Houdin, il n’y en aurait qu’un seul. Donc affirmer « il y a 2 chevrons » est de la pure spéculation. De la même manière, le nombre exact de chevrons au-dessus de la Chambre du Roi est inconnu.
En conséquence, M. Grimault fait des affirmations totalement gratuites. À moins qu’il n’ait des sources introuvables ailleurs ?
En ce qui concerne l’utilisation de granit et non de calcaire pour le plafond plat, c’est tout simplement (d’après Jean-Pierre Houdin encore, qui est architecte avant d’être égyptologue amateur), parce que le calcaire n’aurait pas eu la résistance nécessaire pour enjamber les 5 mètres entre les murs.
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00h 40’ 32" :
On a trois dimensions qui se télescopent et l’angle est parfait.
Exactement dans le coin, pourquoi pas. Encore faut-il le démontrer avec des mesures. Il n’en reste pas moins que ça contredit une autre vidéo de M. Grimault, où il visite la pyramide de Khéops avec Eric Gonthier, et constate à l’aide d’une équerre que si l’angle est proche de 90 degrés, il ne fait PAS 90 degrés. On peut voir le passage en question dans cette vidéo, aux alentours de 13:40 : https://www.youtube.com/watch?v=wj_xEPOaFj8 ; Eric Gonthier déclare, en présence de M. Grimault : « Tout est d’équerre, à un ou deux millimètres près. »
M. Grimault aurait-il la mémoire courte ? De plus, la mesure d’équerrage dans la vidéo en question n’est pas effectuée à la jonction des trois angles. Elle l’est à un endroit où le résultat aurait été paradoxalement plus facile à obtenir ! Si l’angle n’est pas parfait à la jonction de deux parois, peut-on raisonnablement penser qu’il le sera à la jonction de trois ?
En ce qui concerne la réalisation, il existe des exemples d’objets inachevés et travaillés de la même manière :
Le sarcophage lui-même présente une trace de forage, consécutive à une erreur d’un ouvrier.
La précision semble être variable… Alors qu’à 00h 11’ 52" elle est au dixième (de millimètre je suppose), la voilà au tiers de millimètre.
Les prises des mesures sont l’œuvre de Chris Dunn et ont été faites « à l’œil ». Je l’ai détaillé ici : LRDP : opus 2 ?. On trouve là encore facilement les relevés de Petrie. Les dimensions du sarcophage sont, d’après lui, assez irrégulières. Ça reste du beau boulot, mais on est loin de la précision annoncée par Jacques Grimault. On trouve une différence d’épaisseur de 0,22 pouce (5,6 mm) entre les épaisseurs des parois nord et sud, ainsi qu’une différence de 0,05 pouce (1,3 mm) entre les parois est et ouest.
Mention pour les mesures d’angle : « The vertical planes all square with the horizontal ; but N. and S. planes cut E. and W. planes at 89º 47’ at N.E. and SW. corners, and at 90º 13’ at N.W. and S.E. corners. »
Encore une fois, c’est du beau boulot. Mais la précision au pooyardième, on peut la chercher en vain. Calculé vite fait (à vérifier), ça donne une erreur d’alignement d’environ un centimètre entre les deux côtés les plus longs.
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00h 43’ 00"
Borchadt, lorsqu’il va à Abu Ghurab, il en fait un ouvrage. Est-ce que vous trouvez cet ouvrage dans une librairie ? Jamais.
Il faut croire que cet ouvrage est bien caché, puisqu’il n’est mentionné nulle part dans ses biographies... Complot ? Borchadt a écrit peu de livres, l’essentiel de ses travaux paraissant dans des revues telle que ZAeS (Zeitschrift für ägyptische Sprache und Altertumskunde, « Journal de la langue et de l’archéologie égyptienne »). Il est difficile d’être certain à 100% de quel livre M. Grimault parle sans en savoir le titre. Il existe cependant un bon candidat, Das Re-Heiligtum des Königs Ne-woser-re (Rathures) édité en 1905 par Friedrich von Bissing, qui contient le résultat des fouilles de Borchadt du temple solaire de Niuserre à Abu Ghurab.
Donc non seulement il n’est pas « caché », mais comme il est épuisé il a été réédité par Thotweb au format numérique et est téléchargeable gratuitement. Donc effectivement, difficile de le trouver « en librairie »... par contre ça ne pose pas de problème particulier en bibliothèque. Voila une affirmation difficile à vérifier sans savoir le titre du livre, mais qui présente les travaux de Borchadt comme tenus secrets. Complot des bibliothécaires associés aux égyptologues traditionnels et dogmatiques ?
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00h 43’ 50"
On n’a jamais trouvé de dépouille mortuaire humaine dans quelque pyramide que ce soit.
C’est un argument qui revient souvent pour discréditer la thèse du tombeau... C’est négliger 4000 ans de pillage, et ce dès la fin de l’Ancien Empire, où les tombes ont été systématiquement profanées et vidées. De plus, c’est faux. C’est rare, mais des restes humains ont été trouvés un certain nombre de fois, dont dans une des pyramides satellites de celle de Mykérinos. Frank Dörnenburg en dresse une liste ici.
Pour s’instruire un peu sur la fin de l’Ancien Empire, on peut par exemple regarder cette vidéo, ou se renseigner sur ce qui est appelé la "Première Période Intermédiaire" : https://www.youtube.com/watch?v=DssJeQP99Qw
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00h 44’ 00"
On a trouvé même des pyramides inviolées, lorsqu’on les a ouvertes on a trouvé le coffre fermé, et quand on a ouvert ce coffre il n’y avait personne dedans.
Quelles pyramides n’ont pas été violées ? Je ne trouve aucune information à ce sujet, bien au contraire ! Ce qui a été trouvé inviolé c’est des tombeaux, en particulier dans la Vallée des Rois. Il faut reconnaître qu’un trou camouflé dans la roche est bien plus discret qu’une pyramide, et préserve la tombe de la convoitise des pillards.
Sauf une pyramide... Celle de Sekhemkhet, fils probable de Djeser, à Saqqarah, en 1954. C’est une pyramide à degrés inachevée, la deuxième construite en Égypte, et le règne semble n’avoir duré que 6 ans. Comment l’interpréter ? Mort brutale fort possible. On peut imaginer un scénario tel qu’une noyade, et le corps n’aurait pas été retrouvé... Certains égyptologues ne sont pas convaincus que la tombe n’ait jamais été violée. Le sarcophage est en albâtre, et on ne connaît qu’un seul autre sarcophage en albâtre parmi tous ceux retrouvés. L’albâtre étant une pierre tendre, sa réalisation a dû être rapide. Peut être même dans l’urgence. Ce sarcophage n’est pas décoré, et est unique en son genre, avec une trappe coulissante située à une extrémité.
L’article Wikipedia à ce sujet n’est pas mal du tout.
Il a donc été trouvé UNE pyramide inviolée, et non « DES pyramides inviolées ». De là à en tirer des généralités, c’est encore une fois de la simple extrapolation.
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00h 45’ 08"
Les blocs de parement (.....) il n’en reste pratiquement aucun de l’époque. Ceux qu’on voit face nord et face sud aussi bien ce sont des choses qui ont été remaniées et remises en œuvre au 19ème siècle, notamment lorsque la reine Victoria est venue visiter les Grandes Pyramides.
La reine Victoria, photographe amateur, semble avoir fait deux visites en Égypte, entre 1890 et 1892. [1]
Dès 1883, Petrie décrit et mesure aussi bien les blocs de parements que le dallage. Donc affirmer que c’est une supercherie pour éblouir la Reine Victoria, qui ne visitera les lieux que des années plus tard, est là encore un petit arrangement avec la vérité.
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00h 53’ 45"
On n’a pas le plan de la Grande Pyramide, c’est volontaire de la part des bâtisseurs.
Probablement un des trucs les plus stupides... On n’a pas retrouvé de plan de construction. Faut-il en déduire qu’il n’en existait aucun ? Qui a les plans de sa propre maison, si sa construction est relativement ancienne ?
C’est ridicule.
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00h 56’ 50"
On sait que du point de vue chimique il y a la polarité de la même manière. Le corps féminin représentant la partie acide, la partie basique étant donnée par le corps masculin.
On sort de l’Égypte, mais ceci nécessite une explication. Le pH sanguin normal est compris entre 7,35 et 7,45. Je n’ai trouvé aucun article médical qui fasse une différence entre hommes et femmes. Mais Jacques Grimault mélange le faux et le vrai.
Le pH vaginal est acide, entre 3,8 et 4,5. Le sperme est légèrement basique pour compenser, vu que les spermatozoïdes n’aiment pas trop ça. Pas un hasard si une éponge imbibée de citron est un contraceptif naturel :) On parle là d’un cas bien particulier, et le discours aurait un sens s’il était précis.
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00h 58’ 20"
Gizeh est le milieu du monde, et l’île de Pâques est l’extérieur du monde.
Cette notion de centre du monde n’est fondée sur absolument rien de sérieux. Pour Salvador Dali, c’est la gare de Perpignan. Pour d’autres, c’est La Mecque. Pour Roger Brunet, le centre des terres émergées est au Tchad, en plein Sahara, ou bien proche de Hawaï. Pour Alphonse Berget, professeur à l’Institut océanographique en 1912, le centre du monde est l’île Dumet, à une dizaine de km de Saint-Nazaire. Sa méthode de calcul mérite un coup d’œil :)
Cette histoire de Grande pyramide au centre du monde vient de l’abbé Moreux. « La grande pyramide est sur le 30e parallèle, celui qui renferme le plus d’étendue continentale. Quant à son orientation, elle est d’une précision inégalée (il faut de savants calculs et des lunettes astronomiques pour déterminer le pôle céleste, différent du pôle magnétique terrestre, sachant que ce pôle se déplace en 26000 ans environ. »
Ça ne rappelle rien ? Irna a traité ce sujet ici : « La Révélation des Pyramides » : Au centre des terres émergées
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1h 13’ 00"
J’ai remarqué qu’il y a des pierres dans le sens de la gravitation et d’autres à l’envers.
Soudain, tout s’explique :)
Plus sérieusement, c’est à mettre en relation avec la théorie de la pierre reconstituée chère à Davidovits. Selon celui-ci, le fait que les nummulites fossiles ne soient pas parfaitement disposées à plat dans les pierres serait le signe que ce sont des pierres artificielles résultant d’un mélange. On peut lire : « On trouve normalement ces restes fossiles en position horizontale dans les couches sédimentaires. »
On peut se référer à cet article concernant le calcaire du plateau de Gizeh : http://planet-terre.ens-lyon.fr/image-de-la-semaine/Img231-2008-04-07.xml, ainsi que trouver facilement d’autres photos où l’agencement des fossiles est loin d’être ordonné.
Quelques autres exemples de calcaires nummulitiques naturels où les fossiles sont dans tous les sens : http://lithotheque.ens-lyon.fr/Lithotheque/FormRech/page.php?recup=BA54, http://lithotheque.ens-lyon.fr/Lithotheque/FormRech/page.php?recup=BA53. Biarritz, une ancienne colonie égyptienne ?
On peut également citer les analyses effectuées sur divers matériaux de construction en Égypte par Ioannis Liritzis. En particulier ce passage : « During a field visit to Cheop’s pyramid (by one of us, C.S.), numerous shell fossils of nummulites gen. reaching a proportion of up to 40% of the whole building stone rock were observed.The observed random emplacement and strictly homogeneous distribution of the fossil shells within the whole rock is in harmony with their initial in situ settling in a fluidal sea bottom environment. » (...) « These homogeneous rocks are generated from the initial solidification during the diagenesis stage of the sedimentary process. Hence, the building rocks of the Cheop’s pyramid are petrologically characterized as fossiliferous limestone with microsparite structure (one more point against casting), more or less marly, which is a very common soft rock type. »
Durant une visite sur le site de la pyramide de Khéops (par l’un d’entre nous, C.S.), de nombreux fossiles du genre nummulite ont été observés, dans une proportion atteignant jusqu’à 40% des pierres de construction. L’emplacement aléatoire, ainsi que la distribution strictement homogène des coquillages fossilisés dans la roche sont cohérents avec une origine dans l’environnement d’un fond marin. (…) Ces rocs homogènes proviennent de la solidification initiale durant la phase de diagenèse du processus sédimentaire. Et ainsi par conséquent les blocs de construction de la pyramide de Khéops sont de type calcaire fossilifère à structure microsparitique (un argument de plus contre la théorie du moulage), plus ou moins marneux, ce qui est un type de roche tendre très commun.
Il existe d’autres études contredisant la théorie de Davidovits, sans même parler des traductions très personnelles qu’il a faites de certains textes en hiéroglyphes, tels que ceux de la Stèle d’Irtysen ou de celle de la Famine, où il accompli la prouesse de voir une pierre artificielle dans un symbole représentant à la base du pain :).
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1h 16’ 05"
On se souvient dans le film, on voit le disque de Sabu, qui date tout de même de 3000 ans avant notre ère, c’était fait en schiste. C’est un matériau extrêmement difficile à travailler, on ne peut pas le choquer, il éclate, on ne peut pas l’abraser parce qu’on va trop loin trop rapidement.
Le disque de Sabu est en fait en « metasiltstone », pas dans un schiste aussi cassant que l’ardoise. On peut lire un article concernant ce vase ici : http://hallofmaat.com/modules.php?name=Articles&file=article&sid=76
« Metasiltstone is similar to slate, but is more coarse-grained and has no fissisity or slaty cleavage, making it a solid rock that does not easily fracture along discreet planes when struck. The weak metamorphism of siltstone indurates the rock and increases the cohesiveness of the mineral grains (i.e. rock hardness), making the rock less susceptible to fracture during carving. This allows for fine detail and intricate shapes to be carved into vessels, statues, palettes, and other such objects. »
metasiltstone = siltstone métamorphisé
siltstone = roche sédimentaire à grain fin formée de limon (silt) consolidé
« Le metasiltstone est semblable au schiste, mais avec un grain un peu plus gros, et n’a pas de feuilletage ou de schistosité, ce qui en fait une roche solide, qui ne se fracture pas facilement le long de plans de schistosité lorsqu’on la frappe. La légère métamorphisation du siltstone a durci la roche et accru la cohésion des minéraux (c’est-à-dire la dureté de la roche), en faisant une roche moins susceptible de se fracturer à la sculpture. Cela permet de réaliser des vases, statues, palettes et autres objets avec une grande délicatesse de détail et des formes complexes. »
Exactement le contraire de ce que dit Jacques Grimault ....
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1h 18’ 30"
On trouve dans le Temple de la Vallée un bloc de diorite extrêmement, finement aplani. Mais tellement qu’avec les instruments on ne voit pas dépasser ne serait-ce que quelques microns.
Il faudrait confirmation que c’est vraiment de la diorite. Au vu des déclarations précédentes de M. Grimault, on est en droit de se poser des questions concernant ses compétences en géologie. Je n’ai jamais réussi à trouver la moindre analyse de ce bloc, je serais donc curieux de savoir ce qui fait dire que c’est de la diorite.
En ce qui concerne « les instruments », la technique employée par Chris Dunn est d’être à contre-jour... L’œil humain n’est pas capable de voir aussi petit que « quelques microns ». Le terme est exagéré. Simple détail, bien sûr ...
C’est ça « les instruments », une règle de 30 cm avec l’aide d’une lampe de poche pour voir à contre-jour :
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1h 18’ 45"
Mais frotter avec quoi ? Puisque la diorite c’est bien plus dur que l’émeri par exemple.
Même technique que pour le schiste... Voir la page Wiki. Émeri est un terme générique, qui comprend des matériaux d’une dureté allant de 6 à 9, selon la composition. La dureté de la diorite est d’environ 7 ou 8. Donc c’est une affirmation fausse de plus, qui n’est valable que dans certains cas.
De plus, la photo montre une des triades de Mykérinos, et la légende informe qu’elles sont en diorite. Une affirmation foireuse de plus, elles sont en « grauwacke ». Le grauwacke n’est pas du schiste, c’est une erreur qu’on trouve sur beaucoup de sites. Le grauwacke est une roche sédimentaire (arénite) très faiblement métamorphisée, assez semblable au grès mais à matrice plus abondante ; c’est la présence de cette matrice argileuse riche en chlorine qui lui donne sa couleur verte. Elle est généralement assez dure du fait de la présence de quartz abondant.
Mais l’échelle de Mohs sert à mesurer la dureté des minéraux (quartz, diamant etc.) ; une roche, surtout si c’est une roche sédimentaire détritique, contient un mélange de minéraux, et surtout une matrice cimentant les grains entre eux, et c’est généralement cette matrice qui joue le rôle principal dans la résistance de la roche. On peut avoir un grès ou un grauwacke contenant des minéraux très durs, mais si le ciment est fragile la roche sera peu cohérente et donc fragile... Il existe des grès hyper-résistants, et d’autres qui se désagrègent facilement. Le grauwacke est généralement plus dur que le grès.
C’est la même chose pour la diorite, elle est composée d’un mélange de minéraux de dureté différente, on ne peut donc pas utiliser l’échelle de Mohs pour la roche elle-même. À noter par contre que c’est justement la dureté de ces roches, diorite et grauwacke, qui permet d’avoir un tel poli. Une roche plus tendre sera plus facile à sculpter, mais plus difficile à polir. A lire sur le sujet la page de Archae Solenhofen.
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1h 19’ 40"
Les coffres du Sérapéum de Saqqarah :
Ce sont des coffres pour des bœufs. C’est-à-dire des animaux. On n’attend pas a priori qu’il y ait une telle exigence de perfection.
Légèrement méprisant sur ce coup-là... C’est pas des bœufs comme au Salon de l’Agriculture. C’est pour les bœufs Apis, incarnations terrestres du dieu Ptah, et les plus sacrés des animaux en Égypte... Comme à chaque fois qu’il est question de religion, c’est a priori pas plus stupide que de construire une cathédrale ou une mosquée, ou vénérer une simple croix en bois, alors pourquoi s’en étonner ?
Pourquoi passer 20 ans ou 30 ans pour faire un poli pareil ?
D’où vient ce chiffre ?
On voit ensuite la fameuse statue de Louxor que Chris Dunn considère symétrique, malgré les preuves du contraire. Ce dernier cas a été abondamment commenté et contredit, par exemple ici : http://www.yokho.eu/lrdp/
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1h 26’ 00"
La solution des tubes en cuivre pour forer des trous n’est pas valide d’après Jacques Grimault :
Je mets au défi toutes les personnes qui prétendent cela de le faire tel que ça parait en Égypte.
Ça c’est drôle, puisqu’un russe a fait l’expérience et arrive à des résultats très concluants ! Il a gagné quoi ? Denys Stocks l’a également fait.
L’affirmation de stries en spirale est à vérifier, cette image vient là encore de Chris Dunn, pour qui, je le rappelle, la Grande Pyramide est une centrale électrique fonctionnant grâce au quartz. Celui-ci n’a pas utilisé les mêmes matériaux ni les mêmes techniques que ceux à disposition des Égyptiens. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il ait un résultat différent. L’affirmation de M. Grimault en ce qui concerne les spirales vient d’une très mauvaise traduction de Petrie qu’il déclare avoir faite. Il n’en est nullement question dans le texte d’origine. Traduction d’un texte qui s’avère être en fait tiré du texte d’un livre de Graham Hancock, où ce pauvre M. Grimault mélange allégrement le texte de Petrie avec celui de Hancock :) Voir dans les commentaires ici, en particulier lundi 4 août 2014 à 19h29, par CerberusXt et mercredi 6 août 2014 à 13h49, par Irna :
Y’a comme un air de famille, non ?
Pour en revenir aux essais de perçage de Christopher Dunn, il en parle dans son livre Lost Technologies of Ancient Egypt : Advanced Engineering in the Temples of the Pharaohs (2010), voir page 321.
On pourra s’amuser de constater que l’histoire d’amour avec Patrice Pooyard n’est pas nouvelle, voir la légende sous les photos :)
Alors que la technique présumée des Égyptiens était d’utiliser du sable, probablement ramassé au sol, Chris Dunn utilise du carbure de silicium de finesse 80, ce qui correspond à une taille de grain moyenne de 192 microns (0.19 mm). En utilisant un produit industriel homogène, il est normal qu’il obtienne un résultat tout aussi régulier. On est loin du sable égyptien, qui est un mélange de grains de taille et de dureté différentes. Voir ici : http://varsable.canalblog.com/archives/2005/10/18/905542.html, ou là https://www.flickr.com/photos/43906932@N00/8383665318 .
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Au vu des quarante ans de recherche annoncés par M. Grimault, on ne peut que s’étonner du nombre d’inexactitudes qu’il énonce, parfois plusieurs dans la même phrase. Au point que tâcher de reprendre ces « inexactitudes » demande de vérifier et reprendre par moment chacune de ses phrases. A moins qu’il ne s’agisse parfois de mensonges grossiers ? Il est en effet curieux que tant d’années de recherche soient aussi facilement mises à mal par quelques heures de recherche sur Internet.
C’est d’autant plus surprenant que les réactions à LRDP ont été plus que critiques chez certains sceptiques. On aurait pu s’attendre à une nouvelle intervention un peu mieux documentée, et dépourvue d’éléments facilement réfutables, il devait bien se douter que des vérifications allaient être effectuées. Ce qui n’empêche pas des énormités comme les conduits d’aération de prétendument un mètre de longueur (pour rappel 1,70 et 2,60 mètres), les tours de passe-passe avec les 1,57 mètres du pyramidion (mesure contestée nulle part), les citations de Diodore de Sicile interprétées à sa manière, les statues en diorite qui n’en sont pas, etc etc....
On est donc en droit de demander : M. Grimault, ne prendriez-vous pas les gens pour des truffes ? :)
NB : Suite à la publication de ce texte, Jacques Grimault s’est senti dans l’obligation de produire une réponse. On trouvera cette réponse, accompagnée de mes commentaires ici, et des commentaires d’Irna là.