Une étude utilisant différentes techniques de télédétection a été réalisée durant l’hiver 2005-2006 sur le site des "pyramides". On peut télécharger le rapport scientifique (en), daté de février 2006, sur le site de la Fondation, ou bien ci-dessous (fichier pdf en anglais de 3,5 Mo) :
Il y a également sur le site de la Fondation deux documents Word en bosniaque, intitulés l’un "Analyse satellite et imagerie radar" (bs) [1]
, l’autre "Analyse satellite et imagerie thermique" (bs) [1], mais ces deux documents sont des "réinterprétations" par la Fondation du rapport scientifique, le seul rapport complet étant le rapport en anglais ci-dessus.
L’auteur de cette étude est le Dr Amer Smailbegovic, Américain d’origine bosniaque et docteur en géophysique de l’Université du Nevada. L’étude a été semble-t-il réalisée gratuitement ("pro bono" dit son auteur) pour le compte de la Fondation ; par ailleurs M. Smailbegovic était membre de la Fondation, et son nom figurait jusqu’à hier 11 juillet 2006 sur le site de la Fondation comme coordinateur du "comité géophysique et télédétection" [2].
Cette analyse géophysique est à mon sens le plus scientifique des documents fournis par la Fondation jusqu’ici. Les données de l’analyse sont fournies, les limites de ce type d’analyse sont clairement indiquées. Tout d’abord une image panchromatique en haute résolution et un modèle numérique de terrain sont utilisés pour repérer les "anomalies", c’est-à-dire les collines dont la morphologie présente une ou plusieurs faces géométriques ; la possibilité d’avoir affaire à des facettes triangulaires de miroirs de faille (lorsqu’un plan de faille est soumis à l’érosion, il peut donner lieu à des facettes presque parfaitement triangulaires) est discutée - et exclue du fait de l’absence de failles observées au pied de ces facettes triangulaires [3]. Je ne connais pas la technologie du détecteur LINANAL, mais le résultat présenté dans le rapport ne fait que confirmer ce que personne ne conteste : Visocica a indéniablement une forme à peu près pyramidale, au moins si on regarde les faces nord et est.
M. Smailbegovic note ensuite que l’imagerie satellite est de peu de secours pour l’étude géologique de la région, du fait de l’abondante végétation et de l’épaisseur des sols. Le résultat finalement le plus intéressant est celui de l’analyse thermique, réalisée en comparant deux images (une de jour et une de nuit) fournies par le système ASTER (en) ; l’analyse n’a pas été facile, du fait du faible nombre d’images disponibles, de la faible résolution (60 mètres), et de l’absence de données sur l’inertie thermique des roches de la région. Malgré tout, l’auteur obtient la carte de "l’inertie thermique apparente" de la région de Visoko ci-dessous :
Les zones en bleu et gris sont des zones de "faible inertie thermique apparente" : cela signifie que ces zones ont tendance à se refroidir plus vite la nuit que les zones environnantes (et bien sûr à se rechauffer plus vite la journée). Comment expliquer ce phénomène ? d’après l’auteur, ces zones pourraient être composées de "matériau moins consolidé", et il précise que "ce pourrait être cohérent avec l’hypothèse d’une structure artificielle ou artificiellement modifiée" comprenant des matériaux de moindre densité et des cavités internes.
On notera ici la prudence de l’auteur, prudence bien justifiée. En effet, si les "anomalies géométriques" relevées dans la région correspondent bien toutes à des zones "de faible inertie thermique", on remarquera qu’à l’inverse toutes les zones de faible inertie ne sont pas des "anomalies". En fait, au vu de l’image ci-dessus, j’ai l’impression qu’à peu près tous les sommets et crêtes de la région correspondent en gros à une inertie plus faible. Il me semble que la première chose à faire aurait été de comparer cette image avec une carte géologique détaillée de la région, de façon à vérifier ou exclure ce qui paraît l’hypothèse la plus simple, c’est-à-dire celle de l’existence d’une corrélation entre faible inertie et une couche géologique donnée (par exemple les conglomérats du Miocène dont les géologues de Tuzla indiquaient qu’ils surmontaient stratigraphiquement les autres couches). M. Smailbegovic ne semble pas avoir fait cette vérification, en tout cas son étude n’en fait pas mention. Si quelqu’un peut avoir accès à une carte détaillée de la région [4]...
Reprenant tous les éléments évoqués ci-dessus, M. Smailbegovic conclut son étude en soulignant que les anomalies représentées par Visocica et Pljesevica peuvent s’expliquer par "un certain degré d’activité anthropogénique" et recommande une étude de terrain à la recherche des indices de ces activités anthropogéniques. L’auteur reste, tout à fait logiquement, très prudent ; interrogé par exemple sur le forum (bs) dont il est l’un des modérateurs [5] sur la prise en compte de la végétation pour l’analyse thermique, il reconnaît n’avoir pas disposé de suffisamment d’informations précises de terrain sur le type exact de végétation (et donc avoir utilisé des données générales de forêt de type tempéré), et qu’il attend des données locales plus précises pour affiner son travail. Cette étude ne peut donc en aucun cas être considérée comme une preuve de l’existence des pyramides ou de quelconques objets monumentaux artificiels.
Cependant on peut remarquer que la Fondation et M. Osmanagic, de leur côté, n’ont pas toujours utilisé cette étude avec autant de prudence. La page d’accueil (en) de la Fondation en anglais répertorie par exemple au nombre des "preuves" de l’existence des pyramides "l’analyse des images satellite" et "l’analyse des images satellite thermiques qui évoque les caractéristiques d’une construction artificielle". Sur cette autre page (en) [6], M. Osmanagic indique : "The analysis of satellite thermal snapshots (satellite Aster) shows that all five elevations in the Bosnian Valley of Pyramids do not cool with the expected celerity of natural hills, and show celerity characteristic of artificial structures which contain cavernous building material, orifices/corridors, rooms, tunnels, etc." ("L’analyse des images satellite thermiques (satellite ASTER) confirme que les cinq éminences de la Vallée des Pyramides de Bosnie ne se refroidissent pas à la vitesse attendue de collines naturelles, et montre une vitesse [de refroidissement] caractéristique de structures artificielles contenant des matériaux poreux, des orifices/couloirs, salles, tunnels, etc."). Un des communiqués de presse (bs) de la Fondation sur cette analyse de M. Smailbegovic est intitulé "Des preuves supplémentaires de l’hypothèse que Visocica et Pljesevica sont de colossales structures de pierre", et ce communiqué fait dire à M. Smailbegovic : "Quelques unes des premières analyses que nous avons réalisées nous donnent déjà la nette impression qu’il s’agit de pyramides". Rien d’étonnant ensuite si la presse locale reprend en gros titre : "Les géophysiciens confirment que la colline de Visocica est l’oeuvre de l’homme, et non de la nature"...
Pour terminer sur l’apport scientifique de M. Smailbegovic à la question, signalons, sur la partie en bosniaque du site de la Fondation, l’existence d’un "guide pour apprendre à reconnaître une pyramide" (bs), où l’auteur compare quelques cas de montagnes de forme pyramidale "naturelles" avec le cas de Visocica, en prenant en compte différents aspects (nombre de faces triangulaires, symétrie, réseau de drainage). La démarche n’est pas inintéressante en soi, mais elle me paraît dans ce cas précis discutable dans la mesure où l’auteur compare des collines ou montagnes d’âge différent, de structure différente (volcanique/sédimentaire) et dans des climats différents (les arguments par exemple sur les différences d’organisation des réseaux hydrographiques ne sont absolument pas valables si l’on compare une zone désertique où la végétation est absente et une zone tempérée où la végétation abondante protège du ravinement). Cette démarche comparative n’aurait de sens que toutes conditions égales par ailleurs, donc avec d’autres collines pyramidales reconnues comme naturelles ayant la même histoire structurale et géomorphologique sous le même climat.
Mise à jour du 18 juillet 2006
Une preuve supplémentaire de la prudence, dont, en scientifique, fait preuve Amer Smailbegovic, peut être trouvée sur le forum en bosniaque dont il est l’un des modérateurs : à la question qui lui est posée sur ce qu’il pense de la colline de Pljesevica, il répond (bs) :
"Ce qu’on peut voir sur la colline de Pljesevica (les dalles), c’est ce qu’on appelle des fissures orthogonales causées par des contraintes d’accomodation géomécanique. [...] Même s’il existe quelques rares zones qui sont véritablement anthropogènes, il existe aussi des indices très significatifs que toute la colline de Pljesevica n’est rien d’autre qu’un anticlinal. Peut-être au sommet ou à la base découvrira-t-on quelques constructions, mais je ne les ai pas vues."
Dans le même commentaire, le Dr Smailbegovic semble exprimer un certain désaccord avec M. Osmanagic et au moins une partie de ses idées (voir l’article sur celles-ci) : "Je pense que l’occasion que quiconque de sérieux puisse participer à quoi que ce soit autour de Visoko est à peu près sûrement perdue. [...] D’une façon ou d’une autre, Sam a contribué à ce que dans le monde scientifique tout ce qui est lié à Visoko soit marqué d’une très mauvaise réputation."
Ce qu’on peut trouver dommage, c’est que, ce travail d’analyse des images satellite ayant servi de "garantie scientifique" à la Fondation (voir plus haut l’utilisation qui en a été faite), le Dr Smailbegovic n’ait jamais éprouvé le besoin de s’exprimer publiquement (sauf, de façon comme on vient de le voir très discrète, sur son propre forum) sur cette utilisation, et en particulier sur les documents publiés sur le site de la Fondation qui lui font affirmer des choses que visiblement il ne pense pas...
Mise à jour - 2011
Cette analyse des images satellite a bien été accompagnée par un travail de terrain de M. Smailbegovic ; communiqué à M. Osmanagic dès 2006, ce deuxième rapport n’a jamais été publié, ni par son auteur ni par la Fondation. Le lecteur intéressé pourra trouver ce rapport (Smailbegovic Amer, Rapport de terrain complémentaire à l’étude par télédétection de sites d’intérêt archéologique potentiel dans la vallée de Visoko, Bosnie-Herzégovine, 10.07.2006) sur cette page.