Commencées en avril 2006, les fouilles se poursuivent jusqu’au mois de mai exclusivement sur Visocica - la "pyramide du Soleil", et il n’est pas question, d’après le programme des travaux (en) établi alors par la Fondation, de fouiller les autres "pyramides" en 2006, ni même en 2007. Pourtant, une nouvelle du 14 mai (bs) sur le site de la Fondation annonce la découverte, à la base de la face sud de la "pyramide de la Lune" (Pljesevica), d’une "mosaïque de dalles de grès finement décorées d’un relief". En fait, la découverte de cette "mosaïque" est le fait d’un enfant de 6 ans, du village de Pljesevica : inspiré sans doute par le battage médiatique autour de "la plus grande aventure archéologique du siècle", il a entrepris, avec l’aide de copains, de "fouiller" le terrain de son oncle au pied de la colline. Ayant découvert quelques dalles de grès, les enfants se sont empressés de prévenir M. Osmanagic et son "équipe scientifique".
Aussitôt, un certain nombre de sondages sont ouverts sur Pljesevica, et mettent progressivement au jour des "dallages" (d’abord interprétés comme formant des "allées"), assez semblables d’un sondage à l’autre, et tous "décorés" de ces fameux reliefs :
Cette découverte va en grande partie concentrer l’attention, tant du public que des membres de la Fondation, sur Pljesevica, qui se révèle beaucoup plus "spectaculaire" que Visocica avec ses dalles de conglomérats monotones. En effet, à des yeux profanes, l’allure des "dallages" de Pljesevica apparaît beaucoup plus convaincante, plus nettement artificielle que tout ce qui a été trouvé sur Visocica. Notons cependant que, dès ces premiers "dallages" exhumés, deux points pouvaient attirer l’attention d’un oeil averti :
– si certaines photos exhibent un dallage quasi parfait, de dalles carrées ou rectangulaires, d’autres exemples, avec leurs joints irréguliers, sinueux (voir la photo ci-dessus), paraissent bien étranges pour un dallage artificiel ;
– le "décor" en relief consiste, partout, en ondulations assez régulières, qui se poursuivent d’une dalle sur l’autre, et évoquent assez les rides que laissent sur une plage les vagues... Pour les géologues, ces ondulations ressemblent à s’y méprendre à ce qu’ils appellent des "ripple-marks" (en), et qui sont effectivement des "rides" de vagues ou de marée, mais fossilisées.
(Sur cette photo, qui provient non de Pljesevica mais de la colline de Vratnica, on peut voir un superbe exemple de ces ripple-marks, dont on observe bien qu’elles se prolongent de part et d’autre des "joints" séparant les dalles)
Mais peu importe ce que disent les géologues, pour la Fondation ces rides sont des décors, pour lesquels les constructeurs, nous explique Mme Nukic (bs), ont utilisé "des outils inconnus" [1].
Ces premières découvertes renforcent l’attention portée à Pljesevica, et bientôt la "pyramide de la Lune" est couverte de sondages, pratiqués tout autour de la colline puis progressivement reliés entre eux (voir cette vidéo qui permet de bien se rendre compte de la disposition, le long d’un flanc de la colline, à altitude constante, de la principale zone fouillée). D’autres fouilles, retardées par la nécessité du déminage (la région de Visoko a été au centre de combats très violents pendant la guerre), sont également entreprises au sommet de la colline ainsi que sur le "plateau d’accès". Quels sont les résultats, à l’heure actuelle, de ces travaux ?
– Un seul artefact indéniable a été identifié, une structure rectangulaire de quelques mètres carrés, formée de pierres et peut-être de quelques briques, adossée au flanc de la colline :
La découverte a été annoncée à grand renfort de communiqués et conférences de presse urgentes, et la structure a dans un premier temps été présentée comme étant "vraisemblablement l’entrée de la pyramide" (voir ici (bs)). L’intérieur de la structure a été fouillé, semble-t-il par des archéologues professionnelles (Nancy Gallou et Silvana Cobanov), sans qu’aucun compte-rendu de ces fouilles soit publié, puis l’intérêt est peu à peu retombé et cette "entrée de la pyramide" n’est plus mentionnée par les nouvelles de la Fondation depuis des mois. En l’absence de données plus précises, cette structure pourrait être à peu près n’importe quoi, depuis la bergerie ou l’abri de bûcheron jusqu’à la base d’une tour à usage militaire, et dater de n’importe quelle période. Rien ne permet en tout cas de la rattacher à une éventuelle pyramide préhistorique plutôt qu’à n’importe quelle période plus récente, et la Fondation semble avoir abandonné la théorie de l’entrée de la pyramide...
– La théorie des "allées" dallées de grès à la base de la pyramide a également dû être assez vite abandonnée. En effet, les sondages ont révélé la présence de "dallages" à tous les niveaux de la pyramide, depuis la base jusqu’au "plateau" du sommet. Certains de ces "dallages" ressemblent beaucoup aux premiers découverts (même taille et orientation des "joints" et des "décors") ; d’autres par contre sont d’une extrême diversité de formes et d’épaisseurs ; la plupart sont affectés d’une pente, généralement faible, mais parfois plus prononcée. Voici quelques exemples qui témoignent de la diversité de ces "dallages" :
Comme pour Visocica, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les bâtisseurs de la "pyramide" se sont à ce point compliqué la vie, en utilisant des dalles de toutes formes et de toutes tailles, et en les disposant soigneusement tantôt presque à l’horizontale, tantôt avec une pente prononcée...
– Les constructeurs de Pljesevica, qui étaient décidément des gens à l’esprit très compliqué, se sont rendu la tâche encore plus difficile en disposant avec une extrême minutie, entre chaque "dallage", des couches fines d’autres matériaux alternés, en l’occurence des marnes, argiles, couches très minces de grès :
Détail des couches fines :
Mieux encore, ils se sont parfois amusés à faire décrire, aussi bien à leur "dallage" qu’aux couches supérieures ou inférieures, des ondulations surprenantes :
– On notera enfin l’absence totale de murs verticaux, sur ce qui est présenté comme une "pyramide à degrés". La Fondation s’est pourtant bien efforcée de renforcer l’impression de marches ou degrés, en pratiquant des coupes verticales bien nettes à travers les couches minces qui séparent deux "dallages" horizontaux ou pseudo-horizontaux :
(ou comment créer une pyramide à degrés...)
Mais il est évident pour l’oeil observateur que ces "murs" verticaux sont le résultat des fouilles, et que la "pyramide" de Pljesevica n’est qu’un gigantesque mille-feuilles de couches horizontales sans le moindre élément vertical, ce qui serait du jamais vu pour une pyramide !
Or, tous ces traits déroutants des deux collines, Visocica et Pljesevica, s’expliquent parfaitement si, sans chercher à faire intervenir des constructeurs aussi fantasques que discrets - puisqu’ils n’ont laissé aucune trace -, on essaie tout simplement de comprendre l’histoire géologique et géomorphologique des "pyramides"...