Lorsque les fouilles débutent le 14 avril 2006, la colline de Visocica, baptisée "Pyramide du Soleil" par M. Osmanagic, est au centre de toute l’attention. D’ailleurs les projets de la Fondation à l’époque prévoient de ne s’intéresser qu’à elle en 2006 (et même en 2007 où ne sont prévus que quelques sondages sur les autres "pyramides").
Les fouilles se déroulent au début parallèlement sur trois sites situés au nord-est de Visocica ainsi que sur le "plateau d’accès" (un replat à l’ouest de la colline) ; puis peu à peu les sites se multiplient, principalement sur la face nord (celle qui, parce que nettement triangulaire, est la plus souvent photographiée), mais aussi sur les autres faces. La Fondation n’a jamais publié sur son site de carte de localisation des sites fouillés ; le seul document qui ressemble vaguement à un "plan" des fouilles est celui ci-dessous, mais il est incomplet car n’y apparaissent pas un certain nombre de sondages qui ont été réalisés sur les faces sud et est.
En quelques jours, les excavations de la face nord de Visocica mettent au jour des dalles de forme plus ou moins géométrique de conglomérats :
Ces dalles sont immédiatement considérées par M. Osmanagic et la Fondation comme les "murs" de la pyramide ; par contre, on peut noter une certaine imprécision quant à leur origine et la façon dont elles ont pu être disposées sur la colline : tantot leur origine naturelle ne fait aucun doute, elles ont été taillées par l’homme et transportées depuis "les premières carrières de Bosnie" (actualités du 16 avril 2006 (bs) sur le site en bosniaque de la Fondation) ; tantôt, peut-être devant l’absence de traces de ces fameuses carrières et la difficulté du transport de telles dalles, on évoque des "dalles artificielles", une sorte de béton, de "matériau de construction" "coulé sur place" : c’est ce que font dire à des membres de l’Institut de Génie Civil de Tuzla des textes (voir ici (bs) ou là (bs)) de la Fondation (à noter cependant que le rapport écrit de cet Institut, analysé dans cet article, ne fait aucune mention de ces "dalles artificielles"...).
Ces dalles de conglomérats ont été retrouvées dans tous les sondages des faces nord et est de Visocica, mais on peut noter malgré tout une assez grande variété dans leur composition (fragments tantôt assez anguleux tantôt arrondis, de taille variable) ainsi que dans leur pendage. Ci-dessous quelques exemples illustrant la variété de ces dalles, variété qui serait bien surprenante en cas d’origine artificielle :
Parallèlement à la découverte de ces dalles, les excavations qui se déroulent sur le "plateau d’accès" ainsi que sur les faces ouest et sud de Visocica donnent des résultats tout à fait différents : cette fois il s’agit de dalles de grès, parfois horizontales ou faiblement inclinées, parfois avec un pendage plus marqué qui se rapproche de celui des dalles de conglomérats, qui se délitent en couches de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres d’épaisseur, entre lesquelles s’intercalent parfois des couches de ce qui ressemble fort à des marnes ou argiles marneuses :
On retrouve d’ailleurs le même type de couches dans des affleurements naturels sur la colline :
Là encore, la Fondation s’est empressée de voir dans ces couches de grès une preuve supplémentaire de l’existence de la pyramide ; on nous dit par exemple, dans ce texte (bs), qu’il "est établi que ces blocs de grès forment des marches régulières".
Si Visocica est une pyramide, on m’accordera qu’il s’agit bien là de la pyramide la plus extraordinaire jamais construite : sur deux faces pyramide "à degrés", formée de marches régulières de grès ; les deux autres faces étant elles constituées de dalles de conglomérat inclinées dans le sens de la pente. Les constructeurs de la "pyramide du Soleil" se sont singulièrement compliqué la vie : non contents d’utiliser deux types de roche différents, ils ont disposé ces roches selon toute la gamme des inclinaisons possibles... A se demander comment toutes ces pièces tiennent ensemble.
On relèvera encore une autre particularité de cette "pyramide du Soleil" ; annoncée à grands coups de points d’exclamation sur le site de la Fondation, la découverte de l’angle nord-est (bs) de la pyramide semble confirmer qu’on a bien affaire à une pyramide :
Cependant, sur la même page, cet "angle" apparaît avec une inclinaison et une orientation très variables, au point qu’on se demande si vraiment on a affaire à une arête de pyramide dirigée vers le sommet :
Et effectivement, les fouilleurs présents sur une des photos nous prouvent que, à moins que ceux-ci ne se tiennent dans une position plus qu’acrobatique, l’arête en question n’est pas vraiment orientée dans le sens de la pente... Curieuse pyramide que celle dont l’arête ne semble pas relier le sommet à la base !
On signalera pour terminer que les partisans de M. Osmanagic ont multiplié les efforts pour trouver des points communs entre la "pyramide du Soleil" et d’autres pyramides avérées dans le monde. Par exemple, comme il est bien connu que les Egyptiens utilisaient un ciment à base de gypse pour leurs pyramides, un matériau jointif clair présent dans des fissures à l’intérieur de certains blocs est immédiatement assimilé à un ciment artificiel :
Outre que, comme je l’ai montré dans cet article, le résultat des analyses que la Fondation a fait pratiquer sur des échantillons de ce "ciment" n’est pas très convaincant (grosses différences de composition chimique d’un échantillon à l’autre), il est assez probable, étant donné la géologie de la région et l’abondance des sources de carbonates, qu’on a affaire à de simples joints de calcite déposée tout à fait naturellement dans d’anciennes fissures de la roche par les eaux de percolation.
Finalement, s’il y a une chose que ces fouilles de Visocica ont montré, c’est qu’on est bien loin de l’image de la "pyramide du Soleil" que M. Osmanagic présentait en début d’année :