Le clou dans le cercueil des momies de Nazca
Article mis en ligne le 23 mai 2020

par Irna

Comme je l’avais évoqué dans cet article, l’Université San Luis Gonzaga de Ica est depuis quelque temps dépositaire d’au moins une partie des « momies de Nazca », et a fait réaliser de nouvelles tomographies de Maria, Josefina, Alberto, Victoria, ainsi que d’une nouvelle momie surnommée d’abord Josefa puis Luisa apparue en février 2020 [1]. Les scientifiques d’Ica censés étudier les momies [2] n’ont encore rien publié, et n’ont à ma connaissance pas fait de déclarations officielles sur le sujet depuis la conférence de présentation qui a eu lieu à l’Université en novembre 2019. Cependant les fichiers DICOM de ces nouveaux scans CT ont commencé à circuler au Pérou et en Europe, ce qui va permettre leur étude par des spécialistes.

L’un de ces spécialistes est Julien Benoit : paléontologue à l’Université du Witwatersrand en Afrique du Sud, il a travaillé sur les structures endocrâniennes de certains mammifères via l’utilisation des techniques de tomographie à rayon X (lien vers sa thèse de doctorat). La qualité des DICOM n’était malheureusement pas optimale (faible nombre de tomogrammes - 263 par exemple pour Maria alors qu’il en faudrait au moins 1000 pour un corps entier, perte d’une partie des tomogrammes suite à la compression et décompression des fichiers), loin de la qualité attendue pour une publication scientifique ; mais Julien a quand même pu étudier ces fichiers, et a synthétisé ses observations dans une vidéo sur sa chaîne Entracte Science [3] :

La vidéo (qui vaut déjà à son auteur quelques insultes sur sa chaîne) est passionnante à regarder ; je me contenterai d’en reprendre ici quelques points marquants, mais j’encourage le lecteur à prendre le temps de la voir.

Une grande partie de l’analyse de Julien Benoit est consacrée à la nouvelle momie, Luisa, qui offre à peu près les mêmes caractéristiques que Josefina (présence « d’œufs » et d’un « implant » pectoral) et qui a surtout bénéficié d’un scan CT de meilleure qualité que les autres, en particulier pour la partie supérieure et le crâne. Ce qu’il note pour Luisa :

 Une première anomalie pour les vertèbres : le canal vertébral, c’est-à-dire le trou par lequel passe la moelle épinière, et qui devrait se poursuivre en continu tout au long de la colonne vertébrale jusqu’au cerveau, disparaît chez Luisa au niveau du cou, qui ne contient plus que le corps vertébral des vertèbres, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune liaison entre la moelle épinière et le cerveau.

 Une autre anomalie, qui avait déjà été notée dans les commentaires de cet article, est le fait que les côtes pénètrent systématiquement les vertèbres à l’endroit où sortent en théorie les nerfs spinaux, transperçant ainsi l’emplacement de la moelle épinière :

Un être présentant ces caractéristiques serait bien entendu incapable ne serait-ce que de bouger ; par contre, comme le note l’auteur, dans l’hypothèse d’un montage il est « logique » de coincer ainsi les côtes en utilisant les ouvertures naturelles dans les vertèbres...

 Les « œufs » de Luisa sont d’une densité très élevée, beaucoup plus élevée que celle des os, au point que pour voir quelque chose à l’intérieur il a fallu augmenter tellement la dose de rayons X que les os ne sont plus qu’à peine visibles ; aucune structure interne n’est visible dans les « œufs », et l’impression de « coquille » n’est qu’un artefact d’imagerie (voir « cupping artefact » dans cette explication sur le « beam hardening »).

 Absence de cheville : les métatarses sont attachés au tibia sans articulation ; idem pour le poignet.

 Pour Luisa, la présence d’une tomographie de meilleure qualité du haut du corps et de la tête (1021 coupes au lieu de 128 pour le corps entier) a permis à l’auteur d’extraire l’endocrâne, qui reflète assez fidèlement l’image du cerveau, et d’identifier les nerfs optiques, les lobes olfactifs, l’oreille interne etc. Cette analyse confirme totalement ce qui paraissait évident (sauf pour les fans de l’Alien project) depuis longtemps : ce crâne a été monté « à l’envers » sur le corps, et transformé ; la « bouche » occupe l’emplacement du trou occipital (la sortie de la moelle épinière), les « yeux » ont été taillés à l’arrière du crâne à partir de deux petites encoches naturelles, et une ouverture a été percée à l’emplacement de la selle turcique (ou fosse sphénoïdale) pour y faire passer la colonne vertébrale à un endroit où l’os est moins épais...

 Par ailleurs l’auteur se livre à une comparaison de cet endocrâne de Luisa avec celui de plusieurs mammifères : chat, cheval, mouton, vigogne et lama ; les caractéristiques de Louisa se rapprochent tout à fait de celles du lama - évidemment pas d’un lama adulte, dont la taille est beaucoup trop grande, mais possiblement d’un lama juvénile [4].

Pour Maria, Julien Benoit s’est concentré sur les pieds, le reste du corps étant totalement humain et les mains peu visibles sur les scans CT. Il note en particulier, en plus de la disparition d’un des orteils qui était pourtant bien présent en 2017, la cassure du calcaneus (os du talon) ; la présence des trois cunéiformes et du cuboïde, c’est-à-dire de quoi articuler 5 orteils (un par cunéiforme et deux sur le cuboïde) ; et enfin le fait qu’un des trois orteils, celui du milieu, n’est rattaché à aucun des os du tarse (au lieu d’être relié à un des cunéiformes), ce qui indique une manipulation du pied :

Pour les mains de Maria, je vous renvoie à cette autre vidéo de l’auteur qui prouve définitivement une mutilation post momification de ces mains : La main dans le sac.

Pour ce qui est des autres « êtres », Julien Benoit relève :

 Pour Alberto, la même inversion du crâne que pour Louisa (et Josefina) ; la présence d’un bâton inséré dans les vertèbres du cou ; la moelle épinière poignardée par les côtes ; l’absence d’articulation du fémur, qui est juste juxtaposé au bassin ; l’absence de poignets et chevilles fonctionnels.

 Pour Wawita le scan est trop endommagé pour en tirer grand chose ; il note quand même la présence de 5 métacarpes pour 3 doigts, et une cassure de la colonne vertébrale qui laisse supposer une manipulation un peu brutale de la momie.

 Pour Josefina, de même construction que Luisa et Alberto, le fait marquant est la présence très nette d’un bâton inséré dans le canal vertébral et qui traverse la selle turcique jusqu’à l’intérieur du crâne :

 Pour Victoria le scan ne couvre que le bas du corps, et permet en particulier de voir « l’articulation » des genoux, où deux os cassés sont réunis par un amas informe, peut-être de colle :

et de voir également que Victoria, comme ses congénères, était probablement paraplégique :

On terminera par les conclusions de l’auteur :


 Tous les spécimens portent des traces de modifications intentionnelles
 Les « poupées » sont fabriquées à partir d’os d’autres animaux (ex : lama) - et ne peuvent pas être des êtres vivants fonctionnels
 Maria et Wawita sont de véritables momies humaines qui ont été mutilées post-mortem
 Les dommages sur Maria indiquent qu’on n’en a pas pris soin [5].
 On est devant un manque de respect flagrant pour les personnes (Maria et Wawita) et pour la culture qu’elles représentent.