Les squelettes radioactifs de Mohenjo Daro.
Article mis en ligne le 12 mai 2018

par Nali

Mohenjo Daro et Harappa étaient les deux villes principales de la civilisation de la Vallée de l’Indus en Inde, plus exactement au Pakistan actuel ; voir cette présentation en vidéo (en anglais, mais facilement compréhensible).

Cette civilisation a précédé celles d’Égypte et de Mésopotamie, avant de disparaître aux environs de 1500 avant JC. Les causes de sa disparition semblent être un sol devenu impropre à la culture. La ville de Mohenjo Daro a été abandonnée, et le site a été repeuplé des siècles plus tard.

Lors d’excavations par des archéologues dans les années 1920, 37 squelettes, souvent incomplets, ont été mis au jour. D’après certains auteurs et sites Internet, des scientifiques auraient mesuré sur ces squelettes un taux de radioactivité 50 fois supérieur à la normale. Voilà, disent-ils, qui prouve à coup sûr que la ville a été détruite par une arme nucléaire !

Quelques exemples :

Technology of the Gods : The Incredible Sciences of the Ancients - David Hatcher Childress
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L’ Atlantide en guerre contre l’ empire de Rama - Blog Paranovni - Sciences Parallèles
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Mohenjo-Daro et la guerre nucléaire finale contre les Atlantes - Blog Rusty James News
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Pour rappel, dans les faits seuls 37 corps ont été retrouvés. C’était du moins le cas en 1964, voir le premier lien donné en bas de page. C’est très peu pour un désastre de cette ampleur, puisqu’on parle d’une ville au complet qui en aurait été la cible, mais oublions ce « détail »...
J’ai décidé de chercher la source de cette information, ce qui m’amène donc à me renseigner au sujet de « l’archéologue » A. Gorbovsky.

A. Gorbovsky

Alexander Gorbovsky (1930-2003) ne semble pas avoir été archéologue, mais écrivain et historien, avec un net attrait pour la science fiction et l’histoire « alternative ». Au menu, comment gagner à la loterie par le pouvoir de la pensée, l’homme a-t-il côtoyé les dinosaures, le phénomène des poltergeists, les dons de divination, les civilisation antédiluviennes, etc etc …

Son livre Riddles of ancient history (Énigmes de l’histoire ancienne) paru en 1965 ne semble pas exister sous ce titre anglais, mais on trouve sa version originale en russe : ЗАГАДКИ ДРЕВНЕЙШЕЙ ИСТОРИИ. Cet ouvrage traite de « mystères » de l’histoire de l’homme, tels que les Incas et une race de géants, et de diverses catastrophes .

Pour une référence aussi souvent citée, on s’attendrait à des arguments solides. Or, le passage au sujet de Mohenjo Daro est étonnamment court (page 162) :

D’autres découvertes ont eu lieu, laissant les chercheurs perplexes. A cet égard, on peut rappeler celle d’un squelette humain en Inde, dont la radioactivité est 50 fois supérieure à la normale ! ( Problems of Space Biology, vol. II, p. 23). Pour trouver dans le squelette une telle accumulation de radioactivité, il a fallu que cette personne, morte il y a 4000 ans, mange durant des années une nourriture dont la radioactivité serait 100 fois plus élevée que la normale !

On apprend donc qu’un (et un seul) squelette radioactif aurait été découvert quelque part en Inde. Il daterait de 4000 ans, alors que la catastrophe nucléaire présumée de Mohenjo Daro daterait de 3500 ans. Admettons, une datation peut parfois manquer de précision.

Par chance, il est fait mention de l’article Problems of Space Biology.

Alexander V. Lebedinsky

Le titre exact est Problems of radiation safety in cosmic flights par A.V. Lebedinsky et Yu. G. Nefedov. On trouve également Problems of Space Biology, qui est une traduction anglaise réalisée pour la Nasa en 1971, mais cette version est en fait un résumé et ne contient pas l’article de Lebedinsky.

C’est un article scientifique russe de 1962 qui traite des risques éventuels pour l’homme dans un environnement spatial. On y trouve effectivement ceci en page 23 et 24 :

On subit l’influence des radiations pénétrantes sur Terre aussi (vs dans l’espace). Par exemple, dans les régions d’Inde avec du sable de monazite contenant du thorium, la dose totale d’irradiation atteint 600 mrem/an. L’augmentation du niveau de radioactivité naturelle s’observe aussi dans les régions montagneuses, où la dose d’irradiation peut être 2 à 3 fois supérieure à celle au niveau de la mer.
Sur ce point les données de la paléoradiobiologie présentent un grand intérêt. D’après les données récentes de Mayneord tirées des côtes d’un homme ayant vécu il y a 4000 ans, la radioactivité était 50 fois supérieure à celle d’un homme actuel. (Respectivement 3.4 .10 -12 et 6.8. 10 -14 curie/gr. )

Ceci nécessite quelques explications ; le contexte est les vols spatiaux. Le premier paragraphe concerne la radioactivité naturelle en Inde, où le sol renferme parfois beaucoup de sable de monazite contenant du thorium, ce qui est particulièrement observable dans la région du Kerala. Quand on monte en altitude, cette radioactivité augmente. Cet article explique le phénomène et vulgarise bien ce qu’est la radioactivité naturelle.
Le curie est l’ancienne unité de mesure de la radioactivité. Aujourd’hui on utilise le becquerel.

W.V. Mayneord

William Valentine Mayneord (1902-1988) fut un chercheur britannique en physique médicale. Il s’est beaucoup intéressé à la radioactivité et à ses effets sur le corps humain. Le passage en question vient d’un rapport de 1960 : Hazards of nuclear and allied radiations p. 73-74, et concerne les différences de radioactivité pour les corps soumis à une radioactivité naturelle.

Étant donné qu’on savait que beaucoup de matériaux naturellement radioactifs, en particulier le radium, sont concentrés dans les os, des recherches ont été effectuées sur des spécimens d’os d’adultes provenant de 3 régions principales, à savoir la Cornouailles, Londres et le Cumberland. Le nombre total de spécimens examinés est de 74. La valeur de l’activité alpha observée varie de 0,13 à 1,03 µµc/gramme de cendres.
Nous avons également examiné 10 spécimens d’os d’Esquimaux, et mesuré une plage de 0,18 à 1,97 µµc/gramme de cendres, avec une moyenne de 0,61 µµc/gramme. L’intérêt particulier de cette série d’échantillons (aimablement fournis par le Department of National Health and Welfare, Canada) réside dans la possibilité que les Esquimaux avaient un régime riche en protéines qui, comme indiqué ci-dessous, contiendrait relativement peu de radioactivité. On verra cependant qu’il n’y a pas de constatation de faible radioactivité alpha dans ces os.
Il peut être intéressant de voir que nous avons obtenu du British Museum une côte d’un Égyptien décédé il y a presque 4000 ans. L’activité alpha totale est de 0,34 µµc/gramme d’os sec. Ceci, seul élément de preuve que nous ayons, suggère qu’il y a 4000 ans l’activité alpha naturelle des os d’un homme était proche de la valeur moyenne de nos échantillons d’os actuels.

On y apprend donc que si W.V. Mayneord a bien analysé un os âgé de 4000 ans, il s’agit d’un d’os égyptien, et non indien, et que sa radioactivité est identique à celle des hommes actuels. On retrouve bien la valeur de 0,34.10-12c/gramme, qui est une autre écriture de µµc/g. Mieux encore, cet Égyptien avait dans ses os une radioactivité plus faible que celle d’un Londonien ou d’un Esquimau.

Je n’ai pas trouvé d’où vient le chiffre de 6,8.10-14 que cite Lebedinsky, mais ça n’est pas du tout conforme à ce qu’écrit Mayneord. L’erreur vient bien de là, puisque 0,34.10-12 est effectivement 50 fois supérieur à 6,8.10-14. Lebedinsky s’est donc trompé, et cette erreur a malheureusement été reprise par Gorbovsky qui n’a pas vérifié l’information.

Conclusion : le mythe des squelettes radioactifs retrouvés à Mohenjo Daro n’est fondé sur rien de valide :
• il n’y a pas plusieurs, mais un seul squelette.
• l’origine de ce squelette est l’Égypte, et non l’Inde.
• sa radioactivité est tout à fait normale.

Lectures en référence :

 Article datant de 1964, donc peut être pas à jour, mais néanmoins intéressant, expliquant l’historique du site et l’origine présumée des corps retrouvés : https://www.penn.museum/sites/expedition/the-mythical-massacre-at-mohenjo-daro/

 Une analyse des affirmations de Von Daniken dans Chariots of the Gods et d’autres auteurs, au sujet des écrits védiques dans le Mahâbhârata, montrant clairement que ces auteurs ont falsifié le texte d’origine pour le faire correspondre à leurs théories :
http://www.jasoncolavito.com/uploads/3/7/5/9/3759274/colavito_-_ancient_atom_bombs.pdf