J’ai pris pas mal de retard sur l’affaire des « momies aliens », ayant d’autres priorités [1] ; or ces derniers jours ont vu passer quelques nouvelles pas inintéressantes, que je vais essayer de résumer ici un peu en vrac.
Notons tout d’abord la publication d’une nouvelle vidéo de « Paul » alias krawix999 ; elle remplace et reprend en grande partie celle que j’avais évoquée ici, sans cependant la partie comprenant l’analyse au spectroscope ; par contre les images, en particulier celles de la tomographie, sont plus claires, et confirment sans aucun doute qu’on a affaire à des momies composites au moins pour une partie des objets :
« Paul » continue à affirmer qu’il s’agit de momies composites pré-incas, donc authentiques, mais bien sûr sans la moindre preuve.
Deuxièmement, on savait par Thierry Jamin lui-même que la justice péruvienne commençait à s’intéresser à cette histoire de momies, voici ce qu’il en disait le 21 mai 2017 dans cette vidéo :
Pour le moment nous n’avons aucune pression, négative du moins, sur cette affaire, venant des autorités péruviennes ou d’autres organisations. Concernant les autorités péruviennes, il y a quelques jours apparemment, la justice péruvienne, le tribunal de Nazca, a lancé une information, même des investigations, pour 120 jours ; et on m’a dit que, on m’a informé que je serais convoqué moi-même par la justice péruvienne de Nazca sur cette affaire. Alors ce n’est pas une plainte contre moi ou contre Paul etc. ; je pense que c’est la justice qui est chargée d’enquêter sur lles fondements de cette affaire. Voilà. Et moi évidemment je reste à la disposition des autorités péruviennes pour dire ce que nous savons, et euh... et voilà.
Or on a pu en savoir un peu plus début juin sur ces investigations grâce à cet article, qui publie un scan d’un document du Ministère Public de Nazca daté du 9 mai 2017 :
Si ce document est authentique, il nous permet d’apprendre qu’il s’agit bien d’une enquête préliminaire, mais pour un motif beaucoup moins flou que ce que laisse entendre M. Jamin, puisqu’il s’agit d’une suspicion d’atteinte au patrimoine culturel de la nation (« Delito contra el Patrimionio Cultural »), en l’occurrence des fouilles par des huaqueros dans la région de Nazca et une possible exportation illégale des objets découverts. La justice a eu communication d’échanges électroniques entre Thierry Jamin, l’archéologue local Alberto Jacinto, Paul Ronceros (« krawix999 ») et divers anonymes ; ces échanges de courriels font suite à l’enquête menée localement par Alberto Jacinto évoquée dans cet article, et ont été transmis au Ministère par le responsable régional de la Culture Jhony Isla Cuadrado.
Dans le cadre de cette enquête préliminaire, 5 personnes ont été convoquées par la justice pour déposer : 3 archéologues ayant des responsabilités locales le 23 mai 2017, et Thierry Jamin et Paul Ronceros le 25 mai 2017 (il faut donc supposer que M. Jamin n’avait pas encore reçu sa convocation le 21 mai, puisqu’il présentait cette convocation comme un « on-dit » dans la vidéo mentionnée ci-dessus). Ce qui est notable, c’est que toutes ces personnes sont convoquées pour faire une simple déclaration... sauf Thierry Jamin ! Il est en effet le seul convoqué pour une declaración indagatoria, ce qui est beaucoup plus qu’un simple témoignage ! Une declaración indagatoria s’applique en effet lorsque la personne convoquée est suspecte dans l’affaire... Je n’ai aucune explication à la différence de « traitement » entre M. Jamin et Paul Ronceros dans cette histoire, mais elle est là.
Thierry Jamin n’a pas du tout communiqué sur les suites de cette convocation, mais un message diffusé par un de ses correspondants dans le forum des Ululeurs évoque une nouvelle convocation pour le lundi 26 juin 2017, l’histoire n’est donc pas terminée. De plus, cette histoire pose la question des relations de Thierry Jamin avec les autorités péruviennes dans cette affaire : depuis le début il affirme avoir toujours été en contact avec ces autorités, qui n’auraient rien trouvé à redire à ses activités. Par exemple le 7 avril 2017, il affirme :
Nous avons discuté de ces questions à [sic] des archéologues du Ministère de la Culture, et ils nous ont dit, en fait il y a deux hypothèses : soit ces objets sont des fakes, des supercheries, dans ce cas-là ils sont considérés comme des objets artisanaux, et donc on ne peut pas être accusés de faire, d’être des receleurs d’articles, d’objets artisanaux ; soit ces objets ne sont pas des fakes, ce sont des objets authentiques, et il n’y a rien dans la loi péruvienne ou dans le règlement d’investigation archéologique du Ministère de la Culture qui dit que des objets d’origine extraterrestre appartiennent au patrimoine culturel. Donc on nous a expliqué au Ministère de la Culture que ces objets ne sont pas considérés comme des objets archéologiques, ce qui nous tranquillise un petit peu, et donc les autorités péruviennes du Ministère de la Culture en particulier ne peuvent pas venir, ne peuvent pas nous accuser, ni à [sic] l’Institut Inkari, ni à Mario, ni au fameux Paul Ronceros Fernandez, d’être des receleurs puisque ces objets ne sont pas considérés comme des biens culturels archéologiques.
Il y a énormément de naïveté (?) dans ces affirmations : d’une part M. Jamin oublie qu’il a lui-même mentionné à plusieurs reprises le fait qu’il y avait des artefacts incas authentiques dans le site pillé par Mario le huaquero, en particulier une momie de petite fille inca ; et d’autre part il oublie (ou ses interlocuteurs oublient) une troisième hypothèse : celle de fakes réutilisant au moins partiellement (voir plus bas) des éléments archéologiques authentiques... Et comment concilier ces affirmations avec le fait qu’à peine un mois plus tard la justice lançait cette enquête préliminaire et le considérait comme suspect de « délit contre le patrimoine culturel » ? Les « archéologues du Ministère de la Culture » ont-ils changé d’avis ? Qui exactement Thierry Jamin a-t-il contacté ? Circule ces jours-ci sur Facebook, par exemple sur les pages de José de la Cruz Rios (un des « experts » de Jaime Maussan) et de Jois Mantilla (un journaliste amateur d’ovnis qui a offert ses services à Jaime Maussan pour l’aider à populariser l’affaire), un document qui pourrait confirmer que Thierry Jamin a effectivement tenté de communiquer avec le Ministère dès le mois de janvier 2017 :
En dehors d’un petit problème de date (document daté du 11 janvier mais réception par le Ministère le 10 janvier !), on peut noter que ce courrier, s’il est authentique, n’a pas été adressé au bon interlocuteur ! Il est en effet adressé à Jorge Nieto Montesinos, Ministre de la Culture... or ledit Jorge Nieto Montesinos était en janvier 2017 Ministre... de la Défense ! Tout cela fait, à nouveau, bien des incohérences...
Autre petite nouvelle récente : pour la première fois une chaîne grand public péruvienne, ATV, a diffusé le 11 juin une émission intitulée « Mitos y verdades de los sorprendentes hallazgos en Nazca » (« Mythes et réalités des surprenantes trouvailles de Nazca »), émission qui, sans être de grande qualité, est plus équilibrée que les précédentes émissions diffusées par des chaînes ufologiques. L’enquête préliminaire en cours y est évoquée, quelques spécialistes non ufologues y sont interrogés, par exemple une archéologue qui explique le peu de valeur des « analyses scientifiques » menées en l’absence de contexte pour ces trouvailles, et on y apprend que certains objets ont été analysés par un « Département de médecine légale » qui a conclu que, loin d’être venus d’une « lointaine galaxie », ces artefacts sont composés de fragments humains et animaux (reptiles et petits mammifères) recouverts d’une « résine végétale » et « d’incrustations de pelage animal » ; on y voit également un document montrant que Paul Ronceros a remis au Ministère de la Culture des objets, en l’occurrence un « crâne reconstitué » et un « conglomérat de matériau organique » :
On est encore loin d’une enquête journalistique sérieuse, mais on peut au moins féliciter la chaîne pour avoir tenté de présenter les différentes hypothèses...
Venons-en maintenant aux vidéos qui depuis mardi soir agitent le Landerneau ufologique : le coup d’envoi a été donné par la chaîne américaine Gaia, qui publie un « SPECIAL REPORT : UNEARTHING NAZCA » de 6 minutes, suivi presque immédiatement d’un « Update 1 - The Discovery » [2], les deux vidéos présentant une « momie alien » baptisée « Maria », examinée par les équipes de Gaia, de Jaime Maussan et de Thierry Jamin (non nommé). Cette diffusion intervient alors que Thierry Jamin venait d’annoncer la tenue d’une conférence de presse sur le sujet à Lima le 11 juillet, et qu’il affirmait depuis des semaines que les chaînes américaines (la chaîne National Geographic était souvent mentionnée, mais on n’en trouve trace nulle part dans cette affaire) diffuseraient leurs documentaires quelques jours avant cette conférence. Dans la foulée, Jaime Maussan annonce de son côté la diffusion le 2 juillet de son propre documentaire, « En Busca de los Dioses Perdidos » (« A la recherche des Dieux perdus »). C’est la révolution du côté des soutiens de Thierry Jamin, qui accusent Maussan et la chaîne Gaia de ne pas avoir respecté le « contrat » qui les lie à M. Jamin en diffusant trop tôt, et surtout en omettant totalement le nom de M. Jamin et de l’Institut Inkari dans leurs vidéos. Thierry Jamin justifie cette absence auprès des Ululeurs en expliquant qu’elle est volontaire : « Ils savent que je suis entendu par la justice de Nasca lundi prochain et ils ne voulaient pas me causer de problème ». Mais du coup, sans doute pour ne pas se faire voler la vedette [3], c’est au tour de l’Alien Project de mettre en ligne un extrait du futur documentaire de Thierry Jamin, présentant encore une nouvelle momie surnommée « Josefina ». On est parti pour une course à la révélation !
L’arrivée coup sur coup de deux nouvelles momies « spectaculaires » déclenche la frénésie des Ululeurs de l’Alien Project, persuadés de tenir la preuve absolue qu’il s’agit bien d’authentiques momies soit d’extraterrestres, soit, selon certains, d’humanoïdes reptiliens antérieurs à l’homme. Preuve absolue qui consiste, le lecteur s’en doute, en images et témoignages de « scientifiques » invités par les chaînes - mais bien sûr aucun rapport écrit, aucune publication d’aucune sorte. Reprenons un peu ces « preuves » présentées dans les vidéos :
– Tout d’abord, les vidéos de Gaia sont produites par une certaine Melissa Tittl, connue comme productrice du tristement célèbre « Hangar 1 - The UFO Files », ainsi que de quelques épisodes de la série « Alien Theory » et autres émissions ufologiques - plutôt tendance « soucoupiste » d’ailleurs qu’ufulogie sérieuse. La chaîne Gaia, de son côté, se spécialise dans la « croissance spirituelle », la « santé alternative », les complots cachés, et les anciens aliens, géants et autres annunakis... Voilà qui nous rassure sur le caractère scientifique du documentaire !
– Plusieurs « scientifiques » interviennent effectivement au cours du documentaire. Quelques exemples :
- Konstantin Korotkov est le plus présent, que ce soit dans la première vidéo de Gaia ou dans l’Update 1 ; membre supposé d’une Université de Saint-Petersbourg, il se targue de plus de 200 articles et ouvrages sur sa spécialité, une variante de la photographie Kirlian ; il est aussi un homme d’affaire avisé, vendant - très cher - toute une série de gadgets pseudo-médicaux en plus de ses livres, au point que certains n’hésitent pas à le traiter de charlatan. Il s’est aussi illustré en prétendant avoir photographié l’âme humaine [4], ou plus récemment en allant prendre sa part dans le hoax des « pyramides » de Bosnie - où il se retrouve dans la digne compagnie d’académiciens du même tonneau.
- José de Jesús Zalce Benítez affiche un CV impressionnant : « Capitaine de corvette, chirurgien militaire, diplômé en sciences médico-légales, conférencier, spécialisé en médecine aérospatiale, directeur actuel du service de médecine légale de l’armée mexicaine... » (mais zéro publication à ma connaissance dans une revue scientifique). Je ne sais pas ce qu’il en est de la réalité de son CV, mais ce qui est sûr c’est qu’il n’est connu sur internet que par sa participation, aux côtés de Jaime Maussan, à la lamentable conférence Be Witness organisée sur l’affaire des « diapositives de Roswell », où il s’est proprement ridiculisé par son « interprétation médico-légale » d’une vieille photo de momie d’enfant.
- On retrouve dans l’Update 1 deux autres personnages déjà connus : le Dr Edson Salazar Vivanco (présenté ici comme « chirurgien et radiologue » alors qu’il n’est ni l’un ni l’autre...), l’ami de Thierry Jamin présent sur cette affaire depuis le début, et le biologiste José de la Cruz Rios (faussement présenté comme « Secrétaire à la Santé de l’Etat de Campeche »... décidément, on aime enjoliver les CV chez Gaia !), un autre des « experts » de Jaime Maussan dans l’affaire des diapositives de Roswell, et un expert incapable de reconnaître l’évidence puisqu’il continue à prétendre que la momie d’enfant est en réalité un membre d’une espèce extraterrestre à laquelle il a même donné un nom !
Bref, pas vraiment des scientifiques indépendants : des ufologues convaincus ou des scientifiques « alternatifs » sans aucune crédibilité aux yeux de la science, des amis de Jaime Maussan ou Thierry Jamin, dont certains ne sont pas à leur première participation à un hoax ufologique... D’autres scientifiques, à peine entrevus dans les vidéos (la radiologue américaine, le spécialiste de l’ADN et la spécialiste d’imagerie russes), sont eux très probablement de vrais scientifiques qui ont travaillé sur les documents fournis par la chaîne Gaia, et, comme on va le voir, leur analyse est beaucoup plus prudente que celle des « scientifiques » venus sur place.
L’absence de spécialistes des momies est par ailleurs tout à fait surprenante quand il s’agit d’étudier une momie aussi exceptionnelle ! C’est d’autant plus vrai que le Pérou dispose d’une solide compétence dans ce domaine, avec de nombreux spécialistes travaillant dans ses divers musées ; le Pérou a même organisé l’année dernière le 9ème Congrès mondial sur l’étude des momies, auquel participent les meilleurs spécialistes du monde entier. La lecture des abstracts de ce congrès pourra donner une petite idée du nombre et des compétences des scientifiques péruviens dans ce domaine...
– La momie qui nous est présentée sous le sobriquet de « Maria » ressemble très fortement à une vraie momie pré-inca. Si l’on excepte les pieds et les mains, les quelques « anomalies » pointées dans la vidéo n’en sont pas vraiment :
- Le crâne allongé est un phénomène fréquent, en particulier dans la culture Paracas ; il résulte d’une modification volontaire pratiquée sur les nouveaux nés, et c’est une pratique bien étudiée dans de nombreuses cultures pré-incas [5].
- L’absence de sutures crâniennes évoquée par la radiologue américaine dans l’Update 1 n’est pas non plus une anomalie : la synostose (fermeture progressive) des sutures crâniennes est un phénomène bien connu, et malgré son imprécision (elle est très variable d’un individu à l’autre, voir page 29) elle reste un moyen utilisé pour dater l’âge au moment du décès, voir par exemple dans ce précis d’anthropobiologie le chapitre intitulé « Détermination de l’âge au moment de la mort » ; ici, la synostose complète (stade 4 ci-dessous) semblerait indiquer un âge avancé :
- La présence d’organes internes n’est pas non plus particulièrement surprenante ; si l’éviscération est la règle pour les momies égyptiennes, ce n’est pas du tout le cas pour les momies américaines, dont certaines sont éviscérées mais d’autres non ; cet article par exemple sur les momies des Andes propose une classification de ces momies en 1) momies naturelles ; et 2) momies artificielles a) avec préparation externe uniquement (donc sans éviscération) b) avec préparation interne et c) avec reconstruction (momies Chinchorro).
- La datation au 14C présentée n’est pas sourcée, on ne connaît ni le nom du laboratoire ni surtout la nature de l’échantillon daté ; mais si elle est authentique, un âge de 245 à 410 après JC irait dans le sens de la réutilisation d’une momie réelle.
- De même, les différentes allusions aux analyses ADN, même incomplètes, iraient, si elles sont confirmées, dans le même sens ; en particulier le spécialiste russe dans l’Update 1 évoque bien un ADN humain : « We were able to identify that this is a woman as the Y chromosome is missing » (« Nous avons pu identifier une femme puisque le chromosome Y est manquant »).
– Finalement, le seul élément qui ne colle pas avec le tableau d’une momie pré-inca est la présence de mains et pieds à trois longs doigts, qui permet à José de Jesús Zalce Benítez d’affirmer : « Les trois doigts sont une caractéristique qui la rend unique et inoubliable, et c’est ce qui nous fait penser qu’elle n’appartient à aucune espèce humaine »... Certes, mais vu que tout le reste du corps et de la structure osseuse est tout à fait cohérent avec l’appartenance à l’espèce humaine, il faudrait peut-être se poser la question de la possibilité d’une fraude - surtout qu’on sait déjà que d’autres fausses mains à trois doigts circulent au Pérou... Du coup, une étude très attentive des poignets pourrait être fort intéressante :
ou des chevilles :
Malheureusement, les vidéos ne montrent pas de radios des poignets, et la radio des chevilles qu’on entr’aperçoit n’est pas suffisamment nette pour avoir la certitude qu’il n’y a pas eu modification :
On a bien la radiologue américaine Mary Jesse qui pose la question : « Quelqu’un aurait-il pu faire quelque chose avec ces mains pour leur donner cette apparence ? » Elle y répond par la négative, mais avec beaucoup de précaution : « Based on the images that I am seeing here, it seems unlikely » (« En me basant sur les images que je vois ici, cela me semble peu probable »). Mouais... il est prudent d’attendre qu’elle ait vu d’autres images (en tout cas celles qu’elle montre à ce moment-là ont l’air bien petites pour pouvoir étudier en détail les articulations), et que d’autres spécialistes confirment son impression !
– On passera très vite sur les autres éléments : quid de la poudre blanche qui emballe cette momie comme toutes les précédentes, bien pratique pour dissimuler d’éventuels « maquillages » ? depuis 6 mois que cette histoire dure, personne n’a encore trouvé le temps d’étudier et d’analyser cette poudre ? Encore une fois les analyses basiques semblent avoir été « oubliées » ! On passera aussi sur la comédie visant à imiter les procédures scientifiques de prélèvement d’échantillons :
alors qu’il est évident pendant tout le reste de la vidéo que la momie a été manipulée sans masques ni charlottes, et en plein air ou dans une sorte de garage... Le plus ridicule est sans doute la « preuve » apportée par les tissus de Paracas :
Si l’on part du principe que les gens qui ont fabriqué ces tissus ont reporté fidèlement ce qu’ils voyaient (ici des êtres à trois doigts), faut-il aussi accepter l’idée qu’on avait des êtres à tête de renard avec une langue pendant jusqu’au sol, ou des êtres à oreilles, moustaches et queue de félin ?
Pour terminer, quelques mots sur la vidéo mise en ligne par l’Alien Projet montrant une petite « momie » baptisée « Josefina », vidéo qui a déclenché la frénésie des Ululeurs sur le forum privé du projet. Si le reste du documentaire est du même tonneau, on peut s’attendre à quelques bonnes tranches de rigolade, malgré tout le respect que je dois à MM. Jamin et Bonnet. Passons sur la démarche extrêmement scientifique qui consiste à conclure qu’on a affaire à une nouvelle espèce « reptilienne » parce qu’on a observé sur une radio quelque chose qu’on prend pour des œufs (œufs d’ailleurs étonnamment opaques... un simple coup d’œil à des radios d’œufs, que ce soit de poules, de lézards ou de serpent, montre qu’ils ne sont jamais aussi opaques que chez « Josefina »)... Cette vidéo, c’est un peu le jeu du bonneteau, ou la technique du prestidigitateur : en concentrant l’attention du spectateur sur les soi-disant « œufs », on évite de s’appesantir sur des éléments pourtant révélateurs, par exemple la présence d’un « implant métallique » que personne ne commente, alors que c’est pourtant l’indice le plus flagrant d’un objet composite :
Il y avait d’ailleurs déjà le même type « d’implant » dans une autre des petites momies, placé cette fois dans le bassin :
Un autre indice tient, comme sur de précédentes radios, à l’incohérence des os et articulations ; prenons par exemple les deux « coudes » :
Il est aisé de voir que les deux articulations sont différentes, que la largeur des deux « humérus » n’est pas la même, et que « l’humérus » de gauche est en fait un os cassé ou coupé à l’endroit où il s’insère dans le « coude ».
Il a été largement démontré que les petites « momies », comme les mains géantes, sont des objets composites, utilisant des os de plusieurs individus différents, et probablement un mélange d’os humains et animaux. Thierry Jamin lui-même reconnaît - par exemple ici, à partir de 41:40 - que certaines « momies » sont des objets reconstitués, tout en affirmant que d’autres sont des « vraies » : « Il y a les petits corps qui semblent avoir été plus ou moins montés, on sait pas par qui ni dans quel but, et puis les corps complets de type petit gris et du type de Maria [...] ». Mais « Josefina », elle, ne serait pas « montée », comme il dit, et elle constituerait la preuve absolue de l’existence d’une « espèce humanoïde reptilienne » ? Allons, de qui se moque-t-on ?
Quelques mots en guise de conclusion : s’il s’avère que « Maria » est bien une véritable momie pré-inca « maquillée », et que les petites momies composites ont été faites en utilisant du matériel archéologique et des restes humains, j’espère vraiment que non seulement les auteurs du fake, mais aussi tous ceux qui ont contribué à sa diffusion en achetant ce matériel et en le présentant comme « momies aliens » au public, iront passer quelque temps dans les geôles péruviennes...
Mise à jour - 24 juin 2017
J’évoquais dans le post-scriptum de cet article une discussion intéressante sur le forum Metabunk : https://www.metabunk.org/hoax-three-fingered-nazca-mummy.t8841/
Les participants à la discussion semblent s’orienter vers la conclusion qui me paraît également la plus probable, celle d’une momie (dans le cas de « Maria ») authentique modifiée par une intervention sur les mains et les pieds pour lui donner cet aspect « alien ». Le contributeur Mick West fait quelques remarques fort intéressantes en particulier sur les pieds, dont il a réussi à récupérer une image de radiographie un peu meilleure que celles que j’ai mises ci-dessus, radio qu’il compare avec celle d’un pied humain normal :
Il remarque que « Maria » possède des os cunéiformes identiques aux os humains, mais qu’au lieu d’avoir le métatarsien du gros orteil qui repose sur le cunéiforme médial, elle n’a que trois métatarsiens décalés par rapport aux cunéiformes dont la structure correspond à cinq métatarsiens :
Ce que l’amène à suggérer l’hypothèse d’un pied humain normal ou quasi-normal, auquel on aurait enlevé le gros et le petit orteil, et dont on aurait séparé les orteils restants les uns des autres jusqu’à la base des métatarsiens :
Ce n’est bien sûr qu’une hypothèse, mais elle a le mérite de la simplicité : nul besoin pour les faussaires, si faussaires il y a, de prendre la peine de « coller » un pied - et bien sûr, les analyses montreraient qu’il s’agit bien du « vrai » pied de la créature...