On apprend, sur le site du professeur Debertolis (it) du “SB Research Group” (voir ici pour la présentation de ce groupe), qu’a eu lieu à Sarajevo la projection (bs) d’un film consacré aux “pyramides” de Visoko, en présence du réalisateur et de M. Osmanagic [1].
N’ayant pas vu ce film, je ne peux juger de son contenu ; par contre j’ai noté un petit détail assez drôle dans la façon dont ce film est présenté. Il a en effet obtenu en janvier 2011 une récompense, le « California Film Daimond [sic] Award », comme annoncé sobrement sur la page de la société de production. La mention de cette récompense a été reprise (faute d’orthographe généralement incluse !) sur toutes les pages qui annonçaient l’une ou l’autre des projections, mais avec quelque peu d’exagération, cette récompense étant par exemple présentée, sur la page de la Fondation (bs), comme « une des plus hautes récompenses pour un documentaire », ou bien sur la page du professeur Debertolis (it) comme « l’équivalent d’un Oscar pour les documentaires » (« Il film è stato premiato con il California Diamond Award, che è una specie di Oscar per i documentari »).
En guise d’Oscar, une recherche un peu plus précise sur ces « prestigieuses récompenses » (en) que sont les « California Film Awards » révèle quelques surprises. Commençons par jeter un coup d’oeil à ces quelques sites :
California Film Awards
Alaska International Film Awards
Oregon Film Awards
Colorado Film Festival
Mountain Film Awards
Honolulu Film Awards
Yosemite Film Festival...
Vous trouvez qu’il y a entre les sites de ces “festivals” un petit air de famille ? Vous ne vous trompez pas, et il y a entre tous ces festivals et leurs “prestigieuses récompenses” plus qu’une simple ressemblance de maquette :
– le jury qui décerne les “récompenses” n’est jamais identifié, impossible de savoir qui sont ses membres ;
– aucun de ces “festivals” n’organise la moindre projection publique ;
– tout en se présentant comme des festivals établis (« Each year, the Yosemite Film Festival recognizes excellence in filmmaking », « The Oregon Film Awards® are presented each year in several categories »...), ces festivals n’ont tous qu’un ou deux ans d’existence ;
– tous décernent un très grand nombre de récompenses au nom ronflant : “Grand Jury Award”, “Northern Lights Emerging Talent Awards”, “Sierra Nevada Awards”, “Silver Sierra Awards”, “Gold Kahuna Awards”, “Diamong”, “Platinum”, “Gold”, “Silver”... Awards ;
– les adresses correspondant aux noms de domaines semblent toutes correspondre à de simples boîtes postales ;
– tous ces sites sont hébergés par Rackspace Hosting, soit à San Antonio soit à Chicago...
On pourrait continuer à multiplier les exemples de ressemblances entre ces sites ; la démarche est à chaque fois la même : le réalisateur ou le scénariste postulant doit payer un droit d’entrée, qui varie de 30 à 55 $ (c’est-à-dire quasiment autant que des festivals indépendants aussi connus que le Tribeca Film Festival ou le Sundance Festival...). Les cassettes ou DVD, expédiés bien sûr aux frais des réalisateurs (et ceux-ci sont prévenus que les films soumis ne seront pas retournés), sont vus (ou pas ?) on ne sait par qui ; puis les vainqueurs de la compétition (?) sont proclamés « sur internet et par communiqué de presse international » [2]. S’ils ont de la chance, mais ce n’est pas toujours le cas (« AIFA may also elect, at its sole discretion, to hold a formal Awards Ceremony in Alaska or the Pacific Northwest »), les heureux gagnants seront conviés à une grande soirée de gala pour la remise des prix... à leurs frais ! Ainsi, les récompensés des “California Film Awards” ont-ils pu bénéficier du repas de gala (en) en janvier 2011 pour la modeste somme de 75 $ (mais une seule réduction par film récompensé), contre 95 $ pour les accompagnateurs et les non-récompensés...
Le lecteur l’aura compris depuis longtemps, il s’agit bien d’une variété de scam (en), qui permet à l’organisateur (probablement un seul groupe de personnes derrière tous ces festivals, vu les méthodes identiques) d’encaisser les frais d’inscription sans débourser grand-chose, même la cérémonie de remise des prix étant payée par les victimes... Victimes qui sont peu susceptibles de se rebeller : quel réalisateur irait reconnaître que son magnifique “Gold Award” ou “Diamond Award” est totalement bidon ? Et il semble de plus que le ou les organisateur(s) n’hésitent pas à essayer de faire taire les quelques rares personnes qui dénoncent leur scam en les menaçant de poursuites pour diffamation (en)...
Bref, pour en revenir au documentaire sur les "pyramides", cette histoire n’enlève rien à la (possible) qualité du film ; par contre, elle révèle - encore une fois - le sérieux et les méthodes de M. Osmanagic et de ses satellites : on ne va pas leur reprocher de ne pas avoir vérifié en quoi consistait cette récompense, mais fallait-il en rajouter en la qualifiant de “prestigieuse” et en la comparant aux Oscars ?