Un explorateur britannique insaisissable à la recherche d’un royaume mystérieux
Les fans de l’intrépide aventurier Dominique Jongbloed auront suivi avec impatience les références à sa carrière qui sont apparues sur ce site au cours des dernières années, dans les articles d’Irna et, plus récemment, d’Audrey Tiramisu.
Pour le bénéfice des lecteurs de Jongbloed dont les souvenirs de la carrière de leur héros auraient pu se brouiller avec le temps, Audrey Tiramisu fournit obligeamment des détails sur certaines de ses réalisations les plus frappantes. La principale d’entre elles doit être la tentative de M. Jongbloed de retrouver Shambhala [1], une cité perdue légendaire dont on dit qu’elle se trouve quelque part en Asie :
Un informateur secret lui aurait envoyé un mail pour lui dire de se rendre à une enchère en Angleterre. Ceci dans le but d’y acheter les carnets secrets du major Andrew Weasley, un explorateur du début du 20ème siècle.
À partir de cette intrigue de départ, Dominique Jongbloed aurait traduit les carnets de l’« anglais ancien » [sic] en français pour en recueillir les informations utiles …
Il était alors question de :
… une expédition d’envergure au fin fond de l’Himalaya, afin de retrouver la mythique cité de Shambala …
Mais où précisément se trouvait Shambala ? Et quelles informations y avait-il dans les cahiers du major Weasley qui faisaient croire à M. Jongbloed qu’il pourrait un jour réussir à trouver quoi que ce soit, si tant de personnes avaient échoué auparavant… y compris, vraisemblablement, le major Weasley lui-même ?
Comme expliqué dans l’un des récits antérieurs de M. Jongbloed sur la vie du major Weasley :
L’histoire complète est basée sur les carnets d’expéditions du Major Andrew Weasley (1888-1930), personnage ayant réellement existé, qui partit avec 40 hommes à la recherche de la cité légendaire de SHAMBALA, au fin fond de l’Himalaya. Il fut le seul survivant de cette aventure mais eut comme témoin et ami, à l’hôpital de Providence, aux USA, HP LOVECRAFT, le grand écrivain qui hérita des carnets et s’en inspira pour son roman Les montagnes hallucinées [2]. Ces derniers sont romancés ... mais le fond de l’histoire est parfaitement authentique ... et de ses études un secret fantastique ... Obsédé par cette vérité cachée, il n’aura de cesse que de parvenir à son seul but : atteindre la vallée de l’Agartha et sa capitale extraordinaire ... Shambala !
M. Jongbloed aurait commencé à travailler sur la série Shambala en 2008 et 2009 (publication en 2014). Il y fournit des informations supplémentaires sur la vie de Weasley :
Quittant son Angleterre natale dans les premières années du XXe siècle, il découvrit avec enthousiasme l’Inde et sa culture et, avec elle, les arcanes du pouvoir, la promotion et les honneurs, les intrigues, les complots... la guerre et ses gloires, ses tristesses aussi, l’amour ... dans un palais princier. Mais sa soif de comprendre l’entrainera bien plus loin qu’une vie d’aventures : un destin hors du commun. Il découvre à son arrivée les textes sacrés indiens et tibétains, exhume au cours du temps et de ses études un secret fantastique qui remet soudain en cause l’origine de l’Homme et sa plus profonde foi en la science et le rationalisme (p. 3).
Le matériel initial de Shambala V ajoute plus de détails : à savoir, que le major Weasley [3] était un ancien sous-officier dans l’armée indienne britannique, et que son expédition à Shambala a eu lieu en 1921 : bien que, étrangement, quelques pages plus tard, Weasley est décrit comme étant arrivé à Mumbai [4] le 11 janvier 1923. [5]
Mais Weasley a-t-il réussi à découvrir la ville ou non ?
À son retour, son épuisement physique et mental étaient de nature à jeter le doute sur ses notes. Il fut hospitalisé à Providence, Rhode Island, USA, où, en août 1930, il mourut dans l’anonymat le plus complet, après avoir remis ses notes à l’auteur H.P. Lovecraft [6], qui lui avait rendu visite lors de sa dernière maladie (et, comme décrit dans Shambala IV, avait écrit les aventures de Weasley). Après sa mort, le corps de Weasley fut mystérieusement emmené dans un lieu de repos inconnu par des personnes se faisant appeler ses proches.
Qui étaient ces proches ? Selon Shambala IV, Weasley avait un frère, James. Leur père, George, un joueur alcoolique, travaillait dans un domaine du Hampshire appartenant à un baron Winchester [7], qui n’hésitait pas à faire des avances à la belle épouse de George, Nancy. Andrew Weasley était, quant à lui, marié à Indira [8], fille du Nawab de Rampur (en) (Hamid Ali Khan). Au début de 1924 [9], Andrew et Indira ont eu un fils, Andrew. Il semble que, lorsqu’Andrew entreprit l’expédition à Shambala, Indira, manifestement enceinte, fut obligée de rester au palais de son père à Rampur.
Bien qu’amèrement déçu de devoir quitter sa femme, Andrew lui-même n’avait été que trop heureux à l’origine de s’éloigner de Bombay / Mumbai, car la nouvelle de l’expédition qu’il planifiait était parvenue aux oreilles de l’administration britannique. Les autorités craignaient que la découverte de la ville légendaire ne coïncide avec le retour du vingt-cinquième roi de Shambala, ce qui pourrait entraîner toutes sortes de bouleversements et de chaos dans son sillage. Par conséquent, les officiels ont réagi avec hostilité lorsque Weasley et ses compagnons ont atteint Bombay/Mumbai. Pourtant, les choses ne se présentaient pas si mal ; l’expédition avait apporté avec elle du matériel de pointe, dont cinq tankettes Carden-Lloyd, l’invention originale de Giffard Le Quesne Martel (en), qui, après y avoir travaillé dans son garage, en avait ensuite vendu à Weasley, vraisemblablement fin 1922. Ce qui est d’autant plus étonnant, c’est que Le Quesne Martel n’est pas supposé avoir construit la moindre chenillette avant 1925…
Cependant, en atteignant Druk Yul (Bhoutan) lors de leur voyage au Tibet, l’expédition a dû quitter les tankettes et continuer avec des yaks. Alors que le livre VI s’ouvre, Weasley explique au lecteur qu’il leur a fallu seize mois pour atteindre un point « quelque part dans l’Himalaya » ; malheureusement, les textes sacrés sont restés d’un flou irritant sur la question précise du chemin à emprunter à travers la neige et la glace des montagnes. Pourtant, Weasley a en quelque sorte trouvé un chemin secret qui mène à l’Agartha. Puis, soudain, ils tombent sur une vallée, et une plaine couverte de végétation verdoyante… En continuant, ils trouvent une jungle et un cadavre humain émacié, qui s’avère être un professeur d’histoire hollandais mort depuis vingt ans, laissant un cahier dans sa poche.
Ils tombent alors sur un bassin, d’où l’amie d’Indira, Mary, qui les a accompagnés jusqu’ici, émerge soudainement complètement nue, comme la Naissance de Vénus de Botticelli. Le lecteur ne peut que s’interroger sur la sagesse d’une telle exhibition par la seule femme d’une expédition de quarante hommes durant plus d’un an…
L’expédition se poursuit à travers un paysage de merveilles, à la rencontre d’un ours, d’un tigre et de ce qui pourrait être des mammouths préhistoriques. Pendant ce temps, Weasley commence à s’inquiéter de ce qui pourrait arriver si l’Agartha et Shambala étaient envahis par des conquérants sans scrupules [10].
Et, là, malheureusement, ce résumé doit s’arrêter. La localisation du mystérieux royaume souterrain et de sa ville restera-t-elle à jamais inconnue… ?
Avant d’aller plus loin, peut-être pourrions-nous regarder de plus près ce que l’on sait de ces sites légendaires.
Shambhalla
Comme expliqué ici (en), cet endroit mystérieux [11] a été mentionné dans l’ancien texte hindou connu sous le nom de Vishnu Purana (en), et dans un texte bouddhiste, le Kalachakra [12] ; ces textes pourraient (ou non) dater de quelque part dans le 1er millénaire après JC. En ce qui concerne les références européennes du début du XIXe siècle, un commentaire de 1838 (en) d’un érudit et ascète hongrois, Sándor Kőrösi Csoma, mentionne :
« sham-bha-lahi rnam bshat dang
p’hak-yul-gyi-rtokzhod » — Description de Shambhala (pays et ville fabuleux du nord de l’Asie). [13]
Agartha
Agartha [14] est censé être le royaume souterrain dont Shambala est la capitale. Bien qu’il ait été affirmé par certaines sources alternatives qu’il remonte à 60 000 ans (en) [15] (M. Jongbloed revendique 100 000 ans), le royaume souterrain mystique n’a pas attiré l’attention en Europe avant la fin du XIXe et le début du XXe siècle, dans les écrits d’auteurs tels que Louis Jacolliot (L’olympe brahmanique : La mythologie de Manou,1881) ; Saint-Yves d’Alveydre (Mission de l’Inde en Europe, mission de l’Europe en Asie, 1910, traduit récemment par The Kingdom of Agarttha [en]) ; et Ferdynand Ossendowski, (Beasts, Men and Gods [Bêtes, hommes et dieux], 1921).
Explorateurs indomptables
Inspirés par ces écrits et d’autres, et sans se laisser décourager par les échecs passés, de nombreux autres explorateurs ont également tenté de trouver Shambala et Agartha, qu’ils croient, comme le major Weasley, être situés au Tibet.
En 1999, par exemple, l’ophtalmologiste russe Ernst Muldashev (en), inspiré par les chercheurs et explorateurs russes des années 1920, a organisé une expédition dans l’une des montagnes tibétaines les plus impressionnantes, Kailash, en pensant que Shambala, ou peut-être son entrée (en/ru), pourrait se trouver quelque part tout près de là. Les découvertes de l’expédition ont été décrites dans une vidéo ultérieure (en/ru).
Pendant ce temps, comme décrit ici, M. Jongbloed se demandait probablement s’il pourrait lui-même suivre les traces de Weasley. Entre 2001 et 2008, il a affirmé avoir organisé deux expéditions ; d’autres annonces ont suivi en 2011, comme mentionné dans ce billet de blog décrivant l’arrivée au mont Kailash en 2007 d’un autre explorateur russe : Yuri Zakharov, de l’Académie russe des sciences naturelles [16].
Les nombreux visages de Zakharov
Quelques années plus tard, en 2014, Irna s’est penchée de plus près sur la question de l’identité de ce Yuri Zakharov, que M. Jongbloed affirmait avoir rencontré, et à l’une des expéditions duquel il aurait peut-être même participé.
Selon M. Jongbloed, Zakharov était président de l’Académie russe des sciences, et était décédé en 2010.
Un examen plus détaillé sur les membres russes de la communauté scientifique nommés Zakharov révèle ce qui suit [17] :
1. Youri Aleksandrovitch Zakharov (en), né en 1938 ; chimiste ; Kemerovo ;
2. Youri Zakharov (en) ; physicien/spectrométriste ; Kazan ;
3. Youri Dimitrievitch Zakharov (en) [18], né en 1935, Vladivostok ; géologue ; Branche extrême-orientale de l’Académie russe des sciences ; Membre correspondant ou [sic] Académie russe des sciences naturelles ;
4. Yuriy Zakharov (en), York, Royaume-Uni ; Ingénierie ; Comm. Technologie. ;
5. Yuri Zakharov (en), chargé de cours à l’Université de Harvard (cancer du pancréas) ;
6. Yuri Alexandrovich Zakharov (en), auteur et spécialiste anti-âge.
Évidemment, il est important de faire la distinction entre les numéros 1 et 6, car, malgré les similitudes de nom, ce sont des personnes clairement différentes. Cependant, comme Irna l’explique en détail dans son article de 2014, le Zakharov qui avait organisé une expédition en 2004 dans l’Himalaya était bien le numéro 6 sur la liste ci-dessus ; il a même tenu une conférence de presse sur une expédition de recherche au Tibet en septembre 2004. Des vidéos (en) ont ensuite été réalisées sur cette expédition au mont Kailash (en) [19] - bien qu’aucune vidéo ne fasse mention d’une quelconque participation de M. Jongbloed - et Zakharov a expliqué que lui et ses compagnons avaient dû rebrousser chemin du fait du mauvais temps… Les livres et vidéos ultérieurs sur la lutte contre le vieillissement produits avec la participation de Zakharov montrent que, quelle que soit la validité de son travail, il est jeune encore, et affiche certainement peu de signes de son décès en 2010. À noter que de nombreuses questions ont été soulevées (ru) sur sa date de naissance précise, son appartenance réelle à l’Académie russe des sciences naturelles (et autres organisations), et même sur la réalité – comme pour M. Jongbloed - de ses expéditions…
Les expéditions tibétaines de Zakharov ont été, comme expliqué ici, entreprises dans le but de retrouver Shambala. Aucune mention ne semble être faite d’une expédition antérieure, que ce soit par Muldashev ou par qui que ce soit d’autre. Poutant, parmi les expéditions antérieures les plus connues, deux ont été menées par le Russe Nicholas Roerich et sa femme en 1925-1928 et 1934-1935 dans l’Himalaya, le Tibet, la Mongolie, l’Asie centrale et la Mandchourie. Le premier chapitre du livre de Roerich de 1931 mentionne le mont Kailasa et discute de la nature de sa quête spirituelle [20] et de son lien avec les anciens enseignements concernant le mystérieux Shambhala.
Mais, avant même les voyages des Roerich dans cette partie du monde, il y avait eu un autre visiteur : un certain baron d’origine autrichienne servant dans l’armée russe qui était profondément intéressé par l’occultisme et la métaphysique, et en particulier Shambhalla et Agartha.
Un baron à la tunique de plusieurs couleurs
Le baron Roman von Ungern-Sternberg (1886-1921) [21] était un monarchiste – à ce titre parfois appelé « Le Baron Blanc » – et aussi un admirateur de Genghis Khan, qui combattit en Mongolie contre les Chinois ; le comportement brutal et violent de von Ungern-Sternberg lui a valu le surnom de « Baron Sanglant ». Il a été rejoint en Mongolie par Ferdynand Ossendowski, écrivain polonais et ancien agent de renseignement au passé mouvementé. En 1920, Ossendowski a été envoyé par von Ungern-Sternberg au Japon et aux États-Unis, et n’est jamais retourné en Mongolie.
En 1921, l’année de l’exécution du baron par l’Armée rouge, Ossendowski publia Beasts, Men and Gods (Bêtes, hommes et dieux) mentionné précédemment, qui décrivait certaines de ses rencontres avec von Ungern, et comment le baron avait envoyé deux fois un jeune prince mongol, Pounzig [sic] [22], pour trouver « le Roi du Monde » [à Agarthi] ; mais sans succès [23].
Mais von Ungern-Sternberg ou Ossendowski savaient-ils où se trouvait Agarthi ?
Ossendowski affirme avoir fait de son mieux pour s’en enquérir auprès des personnes qu’il rencontrait :
Les personnes âgées sur la rive de la rivière Amyl m’ont raconté une ancienne légende selon laquelle une certaine tribu mongole, dans sa tentative d’échapper aux exigences de Jenghiz Khan, s’est cachée dans un pays souterrain. Ensuite, un Soyot des environs du lac de Nogan Kul m’a montré la porte fumante qui sert d’entrée au « Royaume d’Agharti ». Par cette porte, un chasseur était entré autrefois dans le Royaume et, après son retour, avait commencé à raconter ce qu’il y avait vu. Les Lamas lui ont coupé la langue pour l’empêcher de parler du Mystère des Mystères. Arrivé à un âge avancé, il revint à l’entrée de cette grotte et disparut dans le royaume souterrain dont le souvenir avait orné et allégé son cœur de nomade. [24]
Le problème avec ce texte est qu’il n’est pas très clair : l’expression de « environs du lac de Nogan Kul » indique-t-elle qu’Agharti était quelque part à proximité du lac de Nogan Kul ? ou s’agissait-il simplement d’une description de l’origine du Soyot ?
Le peuple Soyot [25] vit apparemment dans la région d’Oka dans le district d’Okinsky (en) en République de Bouriatie. Mais où est-ce par rapport au lac de Nogan Kul ?
Le lac de Nogan Kul est très probablement Ozero Noyan-Khol’ (ceb) [26], dans l’actuelle République de Tuva, en Russie ; peut-être à environ 185 km de la région d’Oka.
De toute évidence, il semble donc douteux que ce passage d’Ossendowski puisse vraiment éclairer la localisation géographique du royaume d’Agharti ou d’Agartha : en supposant toujours que ce royaume mythique existe réellement dans la réalité géographique.
Mais cela nous amène à un autre aspect de la question : à savoir la fiabilité de Bêtes, Hommes et Dieux. Dans un article paru dans une édition de 1925 du Geographical Journal [Revue géographique], « The Ossendowski Controversy » (en) [27] l’auteur a été vivement critiqué. L’article comprend une description d’une confrontation à Paris entre divers savants et Ossendowski ; et la publication d’une lettre (datée du 21 novembre 1924) de l’auteur, confirmant que son livre n’était :
… pas un ouvrage scientifique mais seulement le récit romantique de mon voyage à travers l’Asie centrale pour le grand public. [28]
Les lecteurs pourraient légitimement se demander si la lettre d’Ossendowski peut être comparée aux déclarations que M. Jongbloed a faites sur les livres - ou « romans » - qu’il a écrits sur la base des cahiers du major Weasley... Comme Irna l’a montré dans plusieurs articles ici, les affirmations sur Weasley, ses cahiers, sa famille et son expédition semblent tous être complètement fictifs.
Major 18ème Lanciers
Explorateur
1888-1930
Décoré de la Victoria Cross
Acteur et officier de marine
1909-2000
OBE, DSC
La forteresse mystérieuse
Un aspect intéressant qui ressort du travail d’Ossendowski, cependant, est le rôle supposé joué dans les légendes de Shambhalla et d’Agarthi par le pays de Tuva. Les chamans touvans soutiennent (en) que l’entrée nord de Shambhala se trouve dans la République de Tuva elle-même.
De plus, une mystérieuse forteresse se trouverait à proximité : les anciennes ruines lacustres de Por-Bazhin [30].
Por-Bazhin pourrait-il avoir un lien avec les vagues références d’Ossendowski au lac de Nogan Kul ?
Le lac dans lequel se trouvent les ruines n’est pas Ozero Noyan Khul’, bien qu’il porte un nom similaire : Ozero Tere-Khol’. Les deux lacs sont distants d’environ 240 kilomètres.
En 2007, à peu près au même moment où Zakharov organisait une supposée expédition sur le mont Kailash et où Chudinov organisait une expédition dans la péninsule de Kola, Sergei Shoigu, originaire de la République de Touva et président de la Société géographique russe (en), a organisé une expédition archéologique pour enquêter sur Por-Bazhin. Cet article de 2010 (en), et un autre de 2011, fournissent un compte rendu détaillé de la fouille et de ses découvertes. Bien que le nombre d’objets découverts ait été très faible, les archéologues ont trouvé des preuves indiquant une date de construction à la fin du 8ème siècle après JC. Cependant, et de façon peut-être décevante, l’équipe archéologique n’a découvert aucun portail réel à Por-Bazhin.
Ou peut-être que si ?
L’archéologue en chef, Irina Arzhantseva, déclare que :
L’aménagement et les techniques de construction de Por-Bajin rappellent étroitement les palais du paradis bouddhiste tels qu’ils sont représentés dans les peintures T’ang... [31]
Por-Bazhin a été construit à peu près à la même époque où ont été écrits les anciens textes bouddhistes (et hindous) mentionnant Shambhalla.
Était-ce la ressemblance de Por-Bazhin avec les palais de la tradition bouddhiste du paradis qui, au cours des siècles passés, avait donné naissance à l’ancienne croyance selon laquelle Por-Bazhin était en fait une entrée de Shambhalla ?
Cependant, l’absence d’un portail réel vers le royaume mystérieux ne semble pas avoir empêché Sergei Shoigu de parler de la légende, et à nul autre que le président Poutine, et de le persuader qu’elle avait un fondement factuel. Cela pourrait paraître surprenant, à plusieurs égards ; cependant Sergei Shoigu n’était pas seulement président de la Société géographique russe, mais aussi ministre russe de la Défense, en charge des forces armées, et proche allié du président Poutine.
Il semble donc que M. Poutine ait Aleksandr Dugin, le philosophe politique, d’un côté, faisant pression pour Hyperborée comme justification mythologique et validation des revendications territoriales irrédentistes ; et Sergei Shoigu, membre du Conseil de sécurité, d’autre part, faisant pression pour les mythologiques Shambhalla et Agartha ; et même, comme le prétendent certains sites, suggérant en 2021 une nouvelle façon d’augmenter les forces russes (en) en clonant 3 000 guerriers scythes (en).
Peut-être, cependant, le dernier mot dans cette recherche de la porte d’un ancien paradis perdu devrait-il appartenir à l’observateur suivant, qui, après un voyage exténuant, à environ trois cent vingt kilomètres du lac de Mourmansk où Barchenko avait cherché Hyperborée, quelque soixante ans auparavant, entrevoyait enfin un véritable Paradis du nord :
Maintenant, au milieu de l’été, nous avons filé vers le nord… tordant et tournant autour d’immenses lacs à travers un monde d’une verdure étonnante, sur lequel l’obscurité ne tombait jamais. Alors que nous traversions le cercle polaire arctique en Laponie, la forêt s’est progressivement éteinte et a fait place à des prairies pleines de fleurs sauvages. [32]
L’observateur était l’ancien agent du KGB, le colonel Oleg Gordievsky. La date était juillet 1985. Gordievsky faisait sa dernière évasion de l’Union soviétique vers l’Ouest [33], fuyant la colère des collègues du KGB dont le nombre comprenait un jeune Vladimir Poutine.