Trois petits tours et puis s’en vont...
Article mis en ligne le 23 septembre 2007

par Irna

Ainsi font, font, font
Les petites marionettes,
ainsi font, font, font,
Trois p’tits tours et puis s’en vont !

Les trois archéologues égyptiens arrivés le 31 août à Visoko (voir ici) sont repartis après avoir passé une quinzaine de jours sur place. Pendant ces quinze jours ils ont, surtout l’un d’entre eux, le Dr Nabil Swelim (le seul qui s’exprime aisément en Anglais), multiplié les déclarations fracassantes : "La Bosnie sera appelée la ’Terre des pyramides’" (bs) ; "La pyramide du Soleil est la plus grande pyramide du monde" (en) ; "Les pyramides de Visoko sont faites par l’homme" (en) ; "Visoko sera le centre du monde" (en) ; etc. Du coup, M. Osmanagic se félicite d’une "vérification internationale" (bs) de son projet, projet qui ne peut qu’apporter "de meilleurs lendemains" et autour duquel tous les Bosniens sont appelés à se rassembler.

J’avais dans un précédent article émis quelques doutes sur la qualité de cette "vérification internationale", ainsi que sur les motivations réelles de ces scientifiques égyptiens. Après deux semaines passées dans le pays, que peut-on constater sur leur visite ?

On peut tout d’abord remarquer qu’ils ont passé, sur ces deux semaines, très peu de temps sur le terrain, si l’on en croit les coupures de presse quotidiennes publiées par la Fondation. Ils semblent avoir visité une partie seulement ("dio arheoloskih lokacija") des fouilles le 1 septembre (bs), et ont donné dès le lendemain, dimanche 2 septembre, une conférence de presse (bs) où le Dr Swelim affirmait que les pyramides ont bien été faites par l’homme (voir ici une analyse de cette conférence de presse). Ils sont peut-être retournés sur les lieux le 3 septembre, et le 4 septembre (bs) ils ont visité la zone de Zavidovici où se trouve le plus grand nombre de sphères de pierre ; et c’est tout en ce qui concerne un éventuel travail sur le terrain.

Qu’ont donc fait ces scientifiques le reste du temps ? Une lecture rapide de leur emploi du temps retracé par la presse locale est édifiante :
 3 septembre (bs) : au siège du gouvernement du canton de Zenica-Doboj (dont fait partie Visoko), rencontre avec le premier ministre du canton Miralem Galijasevic, ainsi qu’avec le premier ministre du canton voisin de Tuzla Enes Mujic, suivie d’une conférence de presse (bs) ;
 5 septembre (bs) : "table ronde avec des scientifiques bosniens", parmi lesquels on trouve Muris Osmanagic qui leur a parlé des "artefacts" trouvés et du "proto-alphabet" bosnien, et Ahmed Bosnic, spécialiste, rappelons-le, en talismans et magie noire ;
 5 septembre (bs) également ? rencontre à Sarajevo avec le ministre des droits de l’homme et des réfugiés Safet Halilovic, en compagnie d’un représentant de l’ambassade d’Egypte ;
 6 septembre (bs) : rencontre avec le recteur et le vice-recteur de l’Université de Zenica ;
 6 septembre (bs) également ? rencontre dans les bâtiments du gouvernement avec le premier ministre de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, Nedzad Brankovic, en compagnie cette fois de l’ambassadeur d’Egypte en personne ;
 7 septembre (bs) : "visite officielle" auprès du maire de la municipalité de Visoko Munib Alibegovic ;
 7 septembre (bs) également : rencontre avec le vice-président de la Fédération de Bosnie-Herzégovine Mirsad Kebo, à nouveau en compagnie de l’ambassadeur d’Egypte ;
 8 septembre (bs) : rencontre avec le membre bosnien de la présidence collégiale de Bosnie Haris Silajdzic ;
 8 septembre (bs) toujours : visite de l’usine Vispak de Visoko et rencontre de son directeur [1] ;
 10 septembre (bs) : rencontre avec Semiha Borovac, maire de Sarajevo ; l’ambassadeur d’Egypte a assisté à la rencontre ;
 10 septembre (bs) à nouveau : visite à la Faculté des Sciences Politiques à Sarajevo [2], où le Dr Swelim a donné une conférence sur "comparaison entre les pyramides égyptiennes et bosniennes" ;
 et enfin, 11 septembre (bs) : rencontre avec le recteur de l’Université de Mostar.

Bref, beaucoup de rencontres "politiques" ; par contre, ces éminents experts n’ont semble-t-il pas daigné rencontrer un seul de leurs collègues archéologues bosniens, ce qui est pour le moins curieux : on s’attendrait à ce que des scientifiques étrangers invités à donner leur opinion sur un sujet aient la courtoisie de prendre contact avec les spécialistes locaux, a priori mieux informés. Dans une "interview" (en) donnée à la tristement célèbre Merima Bojic, le Dr Swelim écarte assez cavalièrement l’opinion des archéologues locaux : "Perhaps, they went on a camel and took a few photographs in front of the Khufu Pyramid but that still does not make them the experts on the pyramids" (Peut-être sont-ils montés sur un chameau et ont-ils pris quelques photos de la pyramide de Khufu, mais cela n’en fait pas des experts en pyramides). Peut-être pourrait-on savoir ce qui fait du charmant Dr Swelim un expert en archéologie bosnienne, en dehors des quelques heures qu’il a passées sur les "pyramides" ? Quant à sa phrase sur les gens qui se prennent pour des experts en pyramides parce qu’ils en ont visité et photographié quelques unes, c’est curieux comme elle me rappelle quelqu’un qui, après avoir visité les pyramides d’Amérique centrale, voit maintenant des pyramides partout...

Tout au long de leur visite en Bosnie, malgré le peu de temps passé sur le terrain et l’absence de contacts avec les scientifiques locaux, les "experts" égyptiens ont donc multiplié les déclarations à la presse sur "les plus grandes pyramides du monde" et le fait que Visoko allait "devenir le centre du monde". Le thème le plus fréquent, qui revient régulièrement à chacune de leurs interventions, c’est le nécessaire "soutien" que les autorités bosniennes doivent apporter à M. Osmanagic, soutien politique et surtout financier , que le Dr Swelim va même jusqu’à chiffrer à "15 millions de KM" (en) [3].

Les Egyptiens ont-ils malgré tout essayé d’argumenter scientifiquement leur opinion ? A part la vague tentative du Dr Swelim d’analyser la structure en "terrasses" de Pljesevica le jour de leur première conférence de presse, leurs seuls "arguments" se résument à "C’est une extraordinaire découverte" (en) ou "Ces pyramides sont l’oeuvre de l’homme" (en), ou encore "Après avoir vu, nous n’avons plus aucun doute" (en) et "Si quelqu’un doute, il faut l’amener à Visoko pour qu’il voie par lui-même" (en)... Bref, ces savants n’ont rien analysé, rien étudié, ne connaissent sûrement pas grand-chose à la géologie et à l’archéologie de la région, mais ils ont vu...

Cela n’empêche évidemment pas la Fondation et M. Osmanagic de clamer à la "validation scientifique" de leurs hypothèses ; sous ce titre ("validation scientifique internationale"), le site de la Fondation propose un document (bs) [4] qui est un recueil de coupures de presse sur la visite des Egyptiens... Nul doute, bien sûr, qu’un jour ou l’autre ces scientifiques auront à coeur d’argumenter scientifiquement leur opinion, et qu’ils publieront un rapport, voire un article dans une revue scientifique. Souhaitons que ce rapport ne se fasse pas attendre aussi longtemps que ceux des Dr Barakat, Andretta, Aly, et autres "experts" qui eux aussi ont "vu".


"Vérification internationale"
Téléchargé le 18 septembre 2007