Où l’on découvre... troisième partie
Dominique Jongbloed écrivain
Article mis en ligne le 20 août 2014

par Irna

L’écrivain

Un autre titre de gloire de Dominique Jongbloed est sa carrière d’écrivain, entamée en 1995 avec une série de « guides » juridiques et commerciaux : Créer légalement une SARL sans argent...ou presque, réédité ensuite sous le titre SARL à capital variable ; Les dix secrets pour réussir dans la vente ; Jobs pour tous ; Trouvez vos clients sans efforts ! etc. Mais c’est un écrivain plutôt éclectique, puisqu’il a produit également des ouvrages d’« ésotérisme » (Le manuel du désenvoûtement, Le secret des grandes pyramides, réédité prochainement sous le titre Le secret des pyramides), des livres de pseudo-archéologie / chasse au trésor (Civilisations Antédiluviennes, Trésors engloutis et cités perdues, Tout l’Or du Monde, Pyramides de Bosnie - Recherches au delà du mystère - évoqué dans cet article - et prochainement La vallée de Visoko - Bosnie - A la recherche de la vérité), un livre catastrophiste (2012, le projet Robinson - Faut-il craindre le réchauffement climatique ?, réédité ensuite sous le titre Faut-il craindre le réchauffement climatique - Le mystère du projet Robinson), un roman (Shambala, censé faire partie d’une trilogie en cours de publication), et même une série de romans policiers (Les aventures de Marc Fallen), non encore parus, dont M. Jongbloed promet la sortie au moins depuis 2007.

Pseudos

Ces livres ont parfois été écrits sous pseudo : M. Jongbloed affectionne particulièrement celui de « Nick Croft », son « nom d’aventurier » - la référence à Lara Croft est bien sûr totalement accidentelle... - mais il en utilise aussi quelques autres. Parfois le même ouvrage est réédité plusieurs fois avec des pseudonymes différents : ainsi le Manuel du désenvoûtement est paru en janvier 1998 aux Editions J signé par « H. Croft » ; réédité en novembre 2003 par Cap Aventures sous le pseudo Joseph Damian ; à nouveau par Cap Aventures en janvier 2009 mais cette fois sous le pseudo Guillaume Martin Paumier ; enfin c’est Interface qui prend le relais avec une édition en avril 2009 et une autre en janvier 2011, cette fois sous le nom de Dominique Jongbloed. A noter que le pseudo « Guillaume Martin Paumier », pour un livre consacré au désenvoûtement, n’est sans doute pas tout à fait choisi au hasard : l’inspecteur Guillaume Martin Paumier est en effet le personnage principal de la série télévisée La Brigade des maléfices...

Reste qu’il y a un pseudo que M. Jongbloed refuse absolument d’assumer, c’est celui de Don Diego de LasVegas [sic !] : « Don Diego » est un « grand ami » de M. Jongbloed, qui intervient pour le défendre sur les forums, et qui a commis un livre intitulé Le Manuel du Parfait Dragueur dont le lecteur pourra se faire une petite idée en lisant l’introduction :

Présentation par l’auteur "Don Diego de Las Vegas" du "Manuel du parfait dragueur"...
Source

M. Jongbloed n’a pas l’air très fier de ce livre, dont il refuse d’endosser la paternité. On note pourtant qu’il en fait la promotion sur son site, et qu’il prend la peine de recruter des vendeurs à la sauvette pour diffuser sur les plages ce « livre désopilant sur la drague et le sexe » (avec un choix très révélateur des illustrations pour l’annonce...) :

Plus curieux encore, « Don Diego » figurait dans le « portefeuille » des auteurs de l’agence Best Of en janvier 2008, comme auteur du Manuel du parfait dragueur, mais aussi comme auteur de la collection Les aventures de Marc Fallen :

Or dès avril 2008 l’auteur de la collection Marc Fallen n’est plus « Don Diego » mais... Dominique Jongbloed lui-même :

Editeurs

On aura noté, dans l’énumération ci-dessus des éditions du Manuel du désenvoûtement, l’apparition d’un certain nombre « d’éditeurs » que le lecteur de cet article aura reconnus : Editions J, Interface, Cap Aventures. On retrouve les mêmes éditeurs, plus Terres d’Aventures dans d’autres cas, pour tous les ouvrages de M. Jongbloed ; or tous sont, comme on l’a vu, soit des sociétés appartenant à M. Jongbloed, soit des « départements » au sein des associations fondées et présidées par le même. Ce qui signifie que, malgré les apparences, la quasi-totalité des livres de M. Jongbloed sont en fait de l’auto-édition, où il est à la fois auteur et éditeur de ses propres livres - ce qui rend d’autant plus amusantes les fréquentes « discussions avec son éditeur » de celui-ci :

Il a quand même réussi à faire publier quelques livres par des éditeurs à part entière : SARL à capital variable a été édité par les Editions du Puits puis par les Editions Le Manuscrit ; Civilisations Antédiluviennes (2007), Faut-il craindre le réchauffement climatique (2011) et Trésors engloutis et cités perdues (co-rédigé avec son compère de toujours Erick Surcouf) par ABM Editions ; et actuellement la réédition de Civilisations Antédiluviennes en deux tomes est le fait de l’éditeur Pascal Galodé. Reste que ses relations avec ses éditeurs ne semblent pas toujours au beau fixe si l’on en juge par exemple par ces échanges aigres-doux - où l’on notera comment M. Jongbloed reproche à son éditeur de « porter le débat sur la place publique » alors que c’est lui-même qui lui reproche publiquement de ne pas faire son travail et invite ses fans à le harceler par mail :

M. Jongbloed a visiblement essayé d’approcher d’autres éditeurs, comme par exemple Albin Michel pour son roman Shambala  :

(Source : page 5 de ce dossier de presse)

Mais sans succès puisque finalement Shambala a été publié à compte d’auteur - pardon, par les soins des éditions Terres d’Aventures...

Succès planétaires

Pourtant, à l’entendre, certains ouvrages de Dominique Jongbloed sont des succès quasi-planétaires, et l’on comprend mal pourquoi les éditeurs ne s’arrachent pas ses oeuvres. Civilisations antédiluviennes, par exemple, aurait été d’après ce dossier de presse traduit en anglais et en russe, et diffusé à 330 000 exemplaires dans le monde (page 4 du dossier) :

Impossible cependant de trouver la moindre trace de ces éditions en langue étrangère. Le site d’Amazon aux Etats-Unis ne connaît que la version française, idem pour l’Amazon britannique. Et si l’on a la curiosité d’aller consulter les statistiques de vente de livres offertes par Edistat, la réalité est bien au-dessous des ventes annoncées par M. Jongbloed :

Ventes cumulées pour la première édition chez ABM : 1161 exemplaires ; pour la deuxième édition chez Pascal Galodé : 258 exemplaires. Même si l’on ajoute à cela un nombre indéterminé d’exemplaires en vente directe sur le site de Nordsud Institute, on est très très loin des 330 000 exemplaires annoncés !

Un autre livre semble faire l’objet d’effets d’annonce quelque peu extravagants, c’est la trilogie Shambala, dont seul le premier tome Il est un temps pour la découverte est actuellement publié. M. Jongbloed en annonce fin 2012, en même temps que la sortie française, l’envoi du manuscrit aux Etats-Unis et chez l’éditeur britannique « Pinguin » (sic !) :

En mars 2013, la version anglaise est « distribuée aux USA » sous le titre Shangri-La :

(on admirera au passage la traduction mot à mot du titre : « it is a time for discovery » ! - On se demande bien comment l’éditeur américain a pu laisser passer un tel titre...)

Et c’est même l’éditeur américain qui est responsable du retard apporté à la sortie de la version française (retard qui n’était pas le premier, puisque la publication avait au départ été annoncée en 2008, voir ci-dessus, puis en 2009 ici) :

Or, là encore, impossible de trouver la moindre trace d’un ouvrage de M. Jongbloed (ou d’un de ses pseudos) intitulé Shangri-La, malgré les 10 000 exemplaires censés être imprimés pour le marché américain...

et l’enthousiasme des éditeurs américains et de « Pinguin » (re-sic !) :

Un grand écrivain

Un succès tout relatif donc pour ces ouvrages, alors même que le talent de leur auteur peut se comparer à celui des plus grands écrivains. C’est en tout cas ce que semble penser M. Jongbloed, qui a la comparaison facile :

« Pas de panique, j’ai un peu d’Honoré de Balzac dans les veines »

« Mon seul désir aujourd’hui ?
Vous apporter les mêmes joies, les mêmes rêves, les mêmes évasions que mes illustres prédécesseurs :
Alexandre DUMAS et Jules VERNE
 »

« un mélange incroyablement réussi de Dan Brown, de Tolkien, de HP Lovecraft »

« De grands auteurs français (Bernard WERBER, Edouard BRASEY), mais aussi américains (Tom CLANCY), ont salué la prouesse d’écriture de l’auteur qui s’est inspiré de l’écriture de Jules VERNE ! »

« Je suis parfois pris pour un original ou un fou ... quelle importance ?
Schliemann, Carter, De Brazza, de Monfreid, Livingstone ou Stanley, Rockefeller, Carnegie, Verne, London, Hemingway, Alexandre, Bonaparte, étaient-ils des personnages raisonnables ? Hemingway et London, parce qu’ils aimaient l’aventure, étaient-ils de moins bons auteurs ?
 »

« Un brin Jack LONDON, un peu JULES VERNE par sa passion des voyages et du monde, partageant son goût du mystère avec HP LOVECRAFT dont il est l’un des plus grand fans, il incarne aujourd’hui une sorte d’Indiana Jones à la Française »

A noter que d’une manière générale M. Jongbloed n’a pas une mince opinion de lui-même, et pas seulement en tant qu’écrivain ; ainsi, il réussit en l’espace de deux commentaires sur sa page Facebook à se comparer à la fois à Jésus et à Alexandre le Grand :

Malheureusement, cette haute opinion de ses talents d’écrivain n’est pas forcément partagée par tous ; les rédacteurs de Wikipedia, par exemple, ont estimé que notre nouveau Jules Verne n’avait pas sa place sur l’encyclopédie en ligne, et que son succès planétaire Civilisations antédiluviennes n’offrait aucun intérêt pour la bibliographie de l’article sur l’Atlantide. Pourtant un des admirateurs de M. Jongbloed s’est donné bien de la peine pour placer le même Civilisations antédiluviennes comme ouvrage de référence dans divers articles de Wikipedia : Route de Bimini, Période d’Obeïd, Kumari Kandam, Civilisation de la vallée de l’Indus, Continent de Mu, Agartha, Hyperboréens et Shambhala ; le Wikipedia anglais n’est pas épargné : Tarshish, Karanovo culture, Tartaria tablets, et, bien sûr, Shambhala. La plupart de ces références à l’oeuvre de M. Jongbloed ont maintenant disparu, les administrateurs de Wikipedia ayant dû s’imaginer qu’il s’agissait d’une tentative d’autopromotion ; le fait que toutes ces modifications avaient été faites à partir de diverses IP originaires de la région de Marseille/Toulon n’est sans doute qu’une malheureuse coïncidence.


Accusations de plagiat

Dominique Jongbloed a parfois été accusé de plagiat, son ouvrage Civilisations antédiluviennes serait « constitué de copier/coller d’articles trouvé ici et là sur internet ». Pour contrer ces accusations, l’auteur a affiché sur la page Facebook de son livre un courrier de son éditeur ABM Editions attestant de l’absence de plainte officielle en ce sens :

Pour en avoir le coeur net, reportons-nous aux extraits du livre publiés par l’auteur lui-même sur son site, par exemple cette page sur la légende d’Ys :

(On notera le copyright et le rappel à la loi concernant le plagiat et la contrefaçon...)

Voici le début du texte écrit par Dominique Jongbloed :

Voici maintenant ce qu’on trouve sur ce site consacré à la légende de la ville d’Ys :

Le reste du texte de M. Jongbloed est plus court, un résumé de la page gradlonmeur, mais on retrouve à nouveau à la fin des textes identiques sur les deux pages (voir « Paris engloutie » ou « Qu’est-ce qu’un Korrigan ? »).

On pourrait supposer que l’auteur du site gradlonmeur a copié son texte sur le livre de M. Jongbloed ; c’est d’ailleurs bien ce qu’affirme ce dernier, que ce sont des webmestres indélicats qui ont plagié son livre :

Il y a cependant un petit problème : la page gradlonmeur était déjà présente sur le web, à l’identique, en janvier 2005, soit près de deux ans avant la sortie de Civilisations antédiluviennes en septembre 2007 !

Si ce n’est généralement pas aussi flagrant, on retrouve malgré tout dans d’autres extraits publiés de son ouvrage des exemples de phrases ou paragraphes présents à l’identique sur le web. Par exemple cette page contient pas mal de phrases qu’on retrouve dans divers blogs ou forums pas toujours de bonne qualité, par exemple ici en janvier 2006, ou en novembre 2006...

Civilisations antédiluviennes n’est pas le seul ouvrage de M. Jongbloed où l’on observe d’étranges ressemblances avec des pages présentes sur le web. Un exemple avec son ouvrage 2012, le projet Robinson, un ouvrage catastrophiste « pour ceux qui redoutent la date angoissante du 21 décembre 2012 » dont la parution en 2011 s’était accompagnée de la mise en place d’un « compte à rebours » sur le site de l’auteur. L’ouvrage comprend des pages et de pages de description des divers cataclysmes censés frapper la planète dans un avenir proche ; on y trouve par exemple, page 216, cette description des tempêtes et tornades :

A comparer avec cette page sur le site Prim.net, le portail des risques majeurs mis en place par le Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie :

Le texte étant identique à la virgule près (et pas seulement sur cette page 216 !), faut-il accuser le Ministère de plagiat ?

Une histoire vraie ?

A côté de ses divers essais ésotériques ou de pseudo-archéologie, Dominique Jongbloed est aussi romancier ; mais le seul roman qu’il ait publié jusqu’ici, Shambala, est, d’après lui, basé sur une histoire vraie - il insiste d’ailleurs beaucoup là-dessus :

Cette histoire vraie serait celle du Major Andrew Weasley, un aventurier britannique du début du XXème siècle, seul survivant d’une expédition vers la mythique Shambala, dont Dominique Jongbloed aurait hérité des carnets de façon quelque peu rocambolesque :

Une nuit de 2005, en décembre je crois, alors que je travaillais tard dans mon bureau, au sein de mon appartement d’AIX EN PROVENCE, sur la rédaction d’ouvrages en cours d’écriture, comme d’habitude du reste, je reçu soudain sur ma boite aux lettres un étrange email …

Un mystérieux internaute me congratulait chaleureusement, me félicitant pour mes travaux et mes recherches sur les civilisations disparues (je n’avais pas encore publier « Civilisations antédiluviennes » qui sortit, lui, en 2007). Il m’invitait à consulter des fichiers compressés qu’il avait joint à son courrier et dont l’objet s’intitulait sobrement « Shambala ».

Je crus d’abord à un contact un peu passionné, comme c’est assez souvent le cas avec mes lecteurs ou mes fans. Ils sont habitués à ce genre de réaction et sont de plus très nombreux et bien répartis un peu partout sur la planète. Cependant, en ouvrant lesdits fichiers PDF, je découvris avec stupéfaction que c’était en fait des pages de carnets de voyage faites en vieux parchemin et reliées entre elles par une sorte de corde fine. Elles avaient apparemment été photographiées ou scannées (d’après l’Aventurier, il pencherait plutôt pour des photographies faites de nuit et au flash).

Mon interlocuteur me disait, dans le corps de l’email, que ces pages étaient extraites de six carnets de voyages ayant appartenu à un ancien sous-officier de l’Armée Britannique des Indes, de 1921 à 1930, et qui avait étudié les textes sacrés hindouistes, Bonpo, bouddhistes, jomons, jains, etc. et avait entrepris ensuite une extraordinaire expédition pour retrouver l’Agartha …

Il le nomma, major Andrew Weasley, et me raconta que celui-ci, passionné par l’Histoire sacrée de l’Inde, du Tibet, des pays bordant l’Himalaya jusqu’au Yunann du Nord, en Chine de l’Ouest, quitta un jour l’Armée des Indes pour se lancer à titre privé à la recherche du royaume secret de l’Agartha et qu’il retrouva sa capitale : Shambala !

Il me dit ensuite qu’à sa mort ce dernier offrit ses carnets à un écrivain, célèbre aujourd’hui. Ce dernier était venu le voir dans l’hôpital où celui-ci était soigné pour trouver l’inspiration (Weasley raconte pour sa part qu’il y était retenu contre son gré). Cet écrivain n’était autre que … HP Lovecraft !

Il me raconta ensuite, brièvement, les déboires de cet écrivain et le fait que ces carnets étaient censés se trouver dans la malle que son épouse brûla de dépit lors de leur divorce … Toutefois, de toute évidence, ils avaient survécu !

Mon mystérieux interlocuteur me demanda alors si j’étais intéressé de récupérer les originaux. Il m’informa que ceux-ci seraient prochainement mis en vente dans une célèbre salle de ventes aux enchères, à Londres … Intrigué, mais euphorique, je répondis immédiatement au mystérieux internaute en lui disant que j’étais évidemment très intéressé par l’acquisition de ces documents.

Il me donna alors rendez-vous à une date précise dans cette salle des ventes et me demanda de m’inscrire comme éventuel acquéreur … mais il ne vint jamais à ce rendez-vous. Par contre, en fin de ventes, alors qu’il ne restait que quelques personnes dans la salle, les carnets furent mis aux enchères au prix qu’il m’avait indiqué !

Le commissaire-priseur ne trouvant aucune personne intéressée (Weasley n’étant pas une célébrité), je me proposais alors de les acquérir. J’entrais en possession alors de manière incroyable des carnets sans même subir la pression des enchères ! C’était comme si ces carnets m’attendaient pour que je puisse en faire l’acquisition. Lorsque je récupérais mon bien, je constatais que ce n’était effectivement pas des copies, pas même des traductions, non, c’était beaucoup mieux : C’ETAIT LES ORIGINAUX ! Les véritables carnets de voyage du Major !

Autant vous dire que mon cœur battait à tout rompre ! Glissé dans l’un des revers de couverture d’un des six carnets se trouvait un mot écrit d’une main visiblement très fatiguée : « je crois en vous et vos recherches. Je n’ai plus l’âge ni la force de continuer de détenir une si lourde responsabilité. Je m’en remets à vous. Si vous le pensez nécessaire, trouvez la cité. Il serait peut être temps que l’Homme affronte la vérité sur son passé ».

De retour chez moi, j’entrepris alors de retrouver mon généreux donateur, ne serait-ce que pour le remercier de ce fabuleux cadeau, mais je m’aperçus, après une longue recherche sur Internet, et dans les pages jaunes des USA (d’où l’email avait été émis, selon son IP), que le nom de cette personne était fictif et que l’adresse donnée à YAHOO, pour l’ouverture du compte email, était en fait … le lieu où s’était trouvé autrefois l’Hôpital de Providence et où Weasley avait vécu ses derniers mois !

Cependant, l’histoire de cette découverte des carnets de Weasley par M. Jongbloed a varié dans le passé ; ainsi, en 2008 (texte peu lisible, afficher la source de la page pour le déchiffrer plus facilement), elle était racontée ainsi :

En 2005, alors que je travaillais tard sur mon ordinateur, comme d’habitude du reste, je reçu soudain un étrange mail : un mystérieux internaute m’invitait à consulter des fichiers condensés joints à son courrier. Je crus d’abord à un pirate voulant s’en prendre à mon ordinateur, mais après un contrôle antivirus négatif, ouvrant lesdits fichiers, je découvris avec stupéfaction des pages scannées des fameux carnets de WEASLEY que tout le monde disait disparus à la mort de LOVECRAFT. Il est de notoriété publique que de nombreux papiers personnels de celui-ci furent détruits par son épouse lors de son difficile divorce. Intrigué, mais euphorique, je répondis immédiatement au mystérieux internaute en lui disant que j’étais évidemment très intéressé par ces documents. Quinze jours plus tard, je reçu un étrange colis provenant des USA. L’expéditeur semblait être une de ces associations de charité américaines qui peuplent les grandes villes de la côte EST. Ouvrant le colis avec prudence, je découvris alors l’incroyable : Les carnets de WEASLEY ! Ce n’était pas des copies, pas des traductions, non c’était beaucoup mieux : LES ORIGINAUX ! Les véritables carnets du Major ! Autant vous dire que mon cœur battait à se rompre ! Joint à ceux-ci, un mot écrit d’une main visiblement très fatiguée : « je crois en vous et vos recherches. Je n’ai plus l’âge ni la force pour continuer de détenir une si lourde responsabilité. Je m’en remet à vous. Si vous le pensez nécessaire, trouvez là, il serait peut être temps que l’Homme affronte la vérité sur son passé. » J’entrepris alors de retrouver mon généreux donateur, ne serait ce que pour le remercier de ce fabuleux cadeau. Mais je m’aperçu, après une longue recherche auprès de l’ambassade, sur Internet, et dans les pages jaunes des USA, que cette association de charité n’existait plus depuis 1930 ... date de la mort de WEASLEY !

(Dans les deux textes, les fautes d’orthographe sont d’origine)

M. Jongbloed a donc ajouté, par rapport à la version la plus ancienne, quelques péripéties supplémentaires : la vente aux enchères à Londres, l’adresse fictive de l’expéditeur à l’hôpital de Providence... et le réseau mondial de fans ! L’aspect même des carnets n’est pas très clair : plus haut on nous parle de « pages de carnets de voyage faites en vieux parchemin et reliées entre elles par une sorte de corde fine », ailleurs de « six carnets de toile » rédigés « en anglais des années 20 » (sic) :

Ces carnets, M. Jongbloed les garde jalousement en sa possession, et nul ne peut les consulter :

En l’absence de ces carnets, le lecteur qui voudrait en savoir plus sur le Major Andrew Weasley se trouverait bien embêté : impossible de trouver, en dehors des pages de M. Jongbloed, la moindre indication sur ce major et ses aventures. M. Jongbloed a pourtant donné des informations relativement précises sur lui ; par exemple, qu’il a été décoré de la Victoria Cross :

Or la Victoria Cross, la plus prestigieuse décoration militaire britannique, n’a été décernée au total qu’à 1354 hommes depuis sa création, dont la liste complète se trouve ici, ou bien sur le registre officiel des archives nationales britanniques. Le lecteur sera-t-il surpris d’apprendre qu’aucun « Major Weasley » n’y figure ?

Quant au portrait ci-dessus, il s’agit bien sûr d’une photo retouchée de l’acteur Douglas Fairbanks Junior :

que M. Jongbloed présentait encore en janvier 2014 comme photo du Major Weasley. Comme un internaute a fini par le remarquer, la légende de la photo a été modifiée et apparaît dorénavant ainsi sur le site Shambala :

M. Jongbloed prétendant qu’il n’avait jamais été question d’induire le lecteur en erreur :

Or il affirmait encore en août 2013 qu’il s’agissait bien d’un portrait de Weasley (« C’est le meilleur portrait qu’on a de lui »), dont Fairbanks était le « sosie » :

Le Major Weasley n’est pas le seul personnage introuvable de cette « histoire vraie », aucun de ses compagnons mentionnés par M. Jongbloed ne semble avoir la moindre existence historique. On cherchera en vain par exemple un géographe et archéologue nommé Edgar Duffau de Bris ailleurs que sur les pages de M. Jongbloed :

et, bien sûr, toute l’histoire de la rencontre de Weasley avec Lovecraft ne repose sur absolument aucune base.

De là à penser que toute l’histoire de l’expédition Weasley et de ses carnets n’est que le fruit de l’imagination de M. Jongbloed, largement influencée par Gunga Din ou Les Trois Lanciers du Bengale, il n’y a qu’un pas qu’on peut se permettre de franchir sans trop hésiter. D’autant qu’une petite recherche montre que l’apparition du thème de Shambala se fait en 2007 sous la forme d’un projet de roman de la série Les aventures de Marc Fallen (« une série de romans d’aventure essentiellement construite autour du désir de faire rêver et voyager le lecteur le temps d’un trajet en train ou en bus ») :

A noter que les titres de la collection Marc Fallen ont ensuite totalement changé, les références aux mystères archéologiques laissant place aux jeux de mots douteux : Le faux-cul maltais, Vingt mille pieux sous la terre, Le Wok d’hanoï rit jaune...

Mais pourquoi M. Jongbloed insiste-t-il autant sur la réalité de cette histoire, alors que nul n’irait songer à lui reprocher d’inventer tous les personnages et toutes les expéditions qu’il veut pour un roman ? La réponse est sans doute à chercher du côté des expéditions rêvées de l’auteur, décrites dans le premier article de cette série, en particulier les expéditions Shambala  : les pseudo-carnets Weasley justifient les expéditions, qui à leur tour prétendent valider les carnets. On en a un bon exemple avec l’affaire du « médaillon » :

Il s’agit d’un artefact dont M. Jongbloed distribuait des photos à ses collaborateurs, accompagnées d’un « accord de confidentialité » précisant :

Ces photographies sont propriété exclusive de l’Académie des Sciences de Russie, département rénovation et conservation des artefacts dépendant des services de l’Archéologie nationale.
Dominique JONGBLOED est autorisé à les consulter dans le cadre d’un accord bipartite relatif à des travaux effectués par lui sur les OOPARTS de russie, dans le cadre de la rédaction de son ouvrage : "OOPARTS, quand la chronologie de l’Histoire se détraque ..."

D’après ce message de forum, M. Jongbloed présentait cet objet comme trouvé par l’expédition de Youri Zakharov sur le corps d’un homme qui pourrait être un des compagnons du Major Weasley. Sur le même forum, un certain Corwin a démonté avec brio le hoax, montrant l’origine du soi-disant artefact (support d’une campagne publicitaire pour un roman) et analysant les incohérences de la référence à l’Académie des Sciences de Russie dans la légende des photos. Rien à ajouter à sa brillante démonstration !

« L’expédition Weasley » est donc à mettre dans le même registre que les multiples expéditions imaginaires de Dominique Jongbloed, qui d’une part se crée, avec Weasley, un double imaginaire et sublimé, et d’autre part réécrit en permanence sa vie en personnage de roman, inventant aventures, artefacts, et rencontres mystérieuses, dans des envolées de plus en plus déconnectées de la réalité :

Tout cela pourrait prêter à sourire, si le personnage ne multipliait pas pour ce faire, comme on l’a vu dans l’article précédent, appels aux dons, stages et formations payants, et « offres d’emploi » tout aussi imaginaires que les exploits du Major Weasley...

Le journaliste

Dominique Jongbloed n’est pas seulement écrivain, il se revendique depuis début 2012 journaliste-reporter ; encore une casquette pas vraiment convaincante, puisqu’il demandait en novembre 2013 de l’aide pour débuter sur un groupe de journalistes et pigistes francophones :

Son activité de journaliste se résume à

 la participation à un seul numéro (le septième et d’ailleurs dernier) d’un journal de quartier gratuit intitulé Le Mardi du Las (du nom du quartier de Toulon où M. Jongbloed habite). Ce numéro est d’ailleurs l’occasion pour lui d’un exercice d’autopromotion appuyée : publicité pour « le célèbre aventurier » et son livre Tout l’or du monde en page 2 ; publicité pour son association Nordsud Institute et ses activités en page 4 ; publicité pour le studio Le Donjon, de Nordsud Institute, en page 5 ; publicité pour le livre Le Manuel du parfait dragueur, édité par Terres d’Aventures, la branche « édition » de Nordsud Institute, et écrit officiellement par le pseudo « Don Diego de Las Vegas », en page 5 également ; publicité pour la « formation au métier d’aventurier » prévue par M. Jongbloed et Nordsud Institute au Cours Renaissance en page 10...

 l’écriture de, semble-t-il, quatre articles en tout et pour tout pour le journal Telex du Var :

Apparemment cela suffit à l’Aventurier/écrivain pour se proclamer « journaliste/reporter »...

Un homme qui a beaucoup d’amis

On n’en finirait pas d’énumérer les incohérences, contradictions, exagérations... de Dominique Jongbloed. Au nombre de celles-ci, il y a par exemple les nombreux « amis » qu’il revendique. Curieusement, pour les personnalités les plus connues on n’apprend leur statut d’amis de M. Jongbloed qu’après leur mort ; ainsi pour Jimmy Guieu, qu’il connaissait tellement bien qu’il dispose d’informations confidentielles sur sa mort :

ou bien pour Steve Jobs, un « ami qui tous les jours [lui] manque » :

D’autres ont très mauvaise mémoire, et ont complètement oublié qu’ils sont ses amis ; l’écrivain Graham Hancock, par exemple, est un ami de longue date de Dominique Jongbloed, qui l’a rencontré au cours de son « tour du monde » virtuel de 2003-2006 :

Le même Hancock fait partie, avec quelques autres (dont Youri Zakharov dont on a vu ici qu’il ne pouvait pas l’avoir rencontré) du cercle de ses « compagnons d’aventure » :

et c’est lui qui l’a aidé à « développer une nouvelle vision de l’écriture » et l’a motivé « à privilégier, dès 2003, le roman comme moyen d’expression principal » :

Encore mieux, Graham Hancock lui a écrit dès 2004 un compliment très élogieux sur son ouvrage Civilisations antédiliuviennes publié en 2007 :

Il est donc d’autant plus curieux que Graham Hancock ne semble guère avoir de souvenirs de M. Jongbloed, et aucun de son livre :

(Le nom de Dominique Jongbloed m’évoque vaguement quelque chose, il est donc possible qu’il m’ait un jour écrit, mais je suis quasiment certain de ne jamais l’avoir rencontré en personne. Quant à la supposée citation de moi qu’il vous a donnée, je suis sûr de n’avoir jamais écrit cela, et je n’ai aucune idée de ce qu’est son livre.)

Encore plus étrange, M. Jongbloed lui-même a oublié avoir fait lire son manuscrit à Graham Hancock et dit ne pas connaître l’éloge de celui-ci :

alors même que l’éloge en question figurait dans ses dossiers de presse... Dossiers de presse qui contenaient également un autre éloge, par Semir Osmanagic :

éloge daté de 2005... alors qu’Osmanagic n’était à l’époque qu’un inconnu, les « fouilles » n’ayant commencé sur les « pyramides » de Bosnie qu’au printemps 2006...

Conclusion

On pourrait ajouter au cas de ces amis imaginaires des dizaines d’exemples d’incohérences semblables, de l’incapacité du grand Aventurier à changer un alternateur :

à sa présidence d’un « Cercle Mondial des Aventuriers » inexistant :

en passant par sa conviction d’être un « enfant indigo » surdoué et son attente d’un héritage tant fabuleux qu’imaginaire :

son exagération presque comique des dangers encourus dans la vallée de Visoko :

ou sa confusion mentale concernant son domicile, demandant le 28 mars à ses fans de l’héberger à Paris pour une nuit ou deux :

et affirmant le 29 mars habiter à Paris :

Comment conclure sur ce curieux personnage ? M. Jongbloed utilise souvent le vocabulaire de la psychiatrie pour qualifier ses critiques :

N’étant pas psychiatre, je me garderai bien, contrairement à lui, d’avancer une hypothèse sur sa santé mentale : je ne peux que constater la mythomanie et la mégalomanie qui imprègnent ses pages et son discours. Qu’il s’invente une carrière d’aventurier, ou qu’il s’imagine en successeur de Jules Verne, grand bien lui fasse. Mais le fait est que cette image qu’il se construit est aussi le support de tout un « business » (vente de livres et de conférences, appels aux dons, pseudo-stages et formations, pseudo-expéditions, appel au bénévolat et offres d’emploi bidons...) construit sur la crédulité de son public. Il existe dans la langue française un mot qui désigne parfaitement « celui qui exploite la crédulité publique, en vantant ses produits, sa science, ses qualités » ou « une personne qui pratique l’imposture, ou un jeu de dupes envers autrui, grâce à des trucages, des déformations de la réalité, ou des falsifications, en vue de gagner sa confiance, généralement pour obtenir de l’argent ou tout autre avantage »...