Debunk express #2 - L’axe Saint Michael-Apollo
Article mis en ligne le 14 juillet 2017

par Gollum Illuminati

En 1967, Jean Richer publie la Géographie sacrée du monde grec, prétendant avoir découvert de nombreux alignements remarquables de temples grecs. En 1977, son frère Julien Richer, a alors une révélation et découvre qu’en extrapolant l’alignement Kerkyra-Delphi-Athens-Delos, on tombe sur de fameux lieux de culte consacrés à St Michel, dont le Mont Saint-Michel, le Mont Saint-Michael (Angleterre), la Sacra di San Michele (Italie), le Mont Carmel (Israel), etc.

Il n’en fallait pas plus pour que nos amis chercheurs de vérité se lancent dans des interprétations sur le pourquoi du comment de cet extraordinaire alignement... sans même vérifier si l’alignement en question était réel.

Qu’à cela ne tienne, si nous plaçons différents lieux de cet axe magique puis traçons l’axe Kerkyra-Delphi-Athènes-Délos, on constate que le Mont Saint Michel et autres ne figurent absolument pas dessus :

L’axe Kerkyra-Delphi-Athens-Delos

Le mont Saint Michel est par exemple à quelques 350km de celui-ci.

On peut également tracer un axe entre Skelling Michael et le Mont Carmel, sensés être les extrémités de l’axe St Michael-Apollo ; et de constater à nouveau que rien n’est aligné.

en jaune, l’axe Skelling Michael/Mont Carmel ; en rouge, l’axe Kerkyra/Delos

Pourquoi un tel décalage ? Comment l’auteur n’a-t-il pas pu le remarquer ?
Si nous plaçons les différents points de cette “ligne” dans Google Maps, nous constatons alors qu’ils semblent former très grossièrement une droite :

Cette illusion est le résultat de l’utilisation de la projection de Mercator, qui déforme les distances et les aires, surtout au niveau des pôles (voici un petit lien intéressant sur le sujet).

En effet si l’on décide de considérer que, des points sont alignés sur une sphère à partir du moment où l’on peut tracer n’importe quel arc de cercle entre eux, dans ces conditions l’on peut choisir 3 points au hasard sur la Terre, ils seront toujours « alignés », puisqu’il sera toujours possible de trouver un cercle qui passe par ces points (souvenez-vous, tout triangle est inscrit dans un cercle !).
Grace à la trigonométrie, on peut arriver à déterminer grosso-modo le centre et l’arc du cercle qui passe par les lieux qui nous intéressent :

le cercle magique St Michel/Apollo

Tout comme on peut mettre en avant n’importe quel arc de cercle :

Scoop ! Paris, Tunis et Gizeh parfaitement alignés !

Sauf que, si je continue notre droite magique tout le long de la projection de Mercator, je suis sensé passer par l’Australie....

Voici à quoi correspond à peu près notre cercle magique projeté sur Mercator, une belle sinusoïde :

Ainsi, dans l’absolu, et en étant particulièrement indulgent sur la précision, on peut considérer que les lieux en question sont disposés le long d’un arc de cercle.

Mais au-delà même de l’aspect géographique, comme d’habitude dans ce genre d’affirmation la question de la pertinence est en très grande partie éludée. Pourquoi choisir de mettre en relation des temples grecs, des édifices religieux consacrés à Saint Michel, et des formations géologiques ? Et surtout, pourquoi ceux-là et pas tous les autres ?

Des édifices consacrés à Saint-Michel il en existe beaucoup d’autres, pourquoi les ignorer ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Michel#.C3.89difices_religieux

Idem pour les temples grecs : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27architectes_de_la_Gr%C3%A8ce_antique

Et quid des périodes de construction très éloignées de ces différents monuments ?

Si tous les lieux utilisés répondaient à des critères précis et pertinents, alors on pourrait effectivement s’interroger sur l’aspect volontaire de leur prétendu alignement. Par exemple, si l’ensemble des édifices consacrés à Saint Michel suivaient effectivement cette ligne, cela pourrait nous permettre de nous questionner. Mais ici on en relève seulement 7 sur plusieurs centaines.

Pour ce qui est de l’alignement des Temples Grecs, on peut par exemple jeter un oeil à cette critique du livre de Jean Richer qui démontre la bancalité de la démonstration.

Comme pour l’équateur penché, l’auteur de l’hypothèse trace une ligne à partir de quelques points remarquables (exemple Gizeh/Ile de Pacques) puis s’étonne que les points qui se trouvent sur cette ligne, s’y trouvent (à peu près)... Beau raisonnement circulaire que voilà.

Si dans les années 70 il était compliqué pour le grand public de vérifier ce genre d’affirmations géographico-ésotérique, de nos jours, grâce aux outils informatiques mis à notre disposition, chacun de nous est en mesure de les examiner dans le détail. Et de ne plus se laisser berner par un discours séduisant mais qui ne relève que du fantasme.

Sources : Au sujet des alignements des temples grecs dans le livre de Jean Richer : http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1969_num_175_2_9449

Pour en savoir plus sur la géométrie des Anciens c’est ici : La géométrie des Anciens pour les nuls