Une société mérovingienne héritière des Germains et ennemie des Romains ?
Article mis en ligne le 12 mars 2022

par Alexis Seydoux

Article précédent : L’illusion d’une religion et d’une culture celto-nordiques


Comme on l’a vu dans l’article précédent, l’idée d’une société et d’une religion celto-odiniques communes et non-esclavagistes ne tient sur rien. Nous pourrions arrêter notre étude ici, car démonter ces affirmations met à mal l’ensemble des hypothèses d’Oleg de Normandie. Mais dans les autres vidéos de cet auteur, il aborde d’autres thèmes qui, non seulement sont faux en termes historiques, mais en plus véhiculent des thèses racistes et des contrevérités sur l’histoire. En effet, Oleg de Normandie, qui prétend « réinformer » sur l’Histoire, semble plutôt construire un roman identitaire.

Dans ce second volet, nous allons aborder les hypothèses d’Oleg de Normandie sur la période qui suit la fin de la domination romaine en Europe de l’Ouest et la mise en place des royautés germaniques, c’est-à-dire la deuxième moitié du Ve siècle, jusqu’à la fin de la dynastie mérovingienne, c’est-à-dire la première moitié du VIIIe siècle.

Dans la série de vidéos qu’Oleg de Normandie, sur sa chaine Pagan.tv, consacre au haut Moyen âge, l’auteur pense qu’une société unique issue d’Hyperborée s’est formée dans le nord, c’est-à-dire en Gaule, mais également en Espagne. Pour l’auteur de ces vidéos, la société romaine est à la fois esclavagiste et chrétienne. Elle serait remplacée par une société libre et sans esclaves, qui serait celle des Celtes et des Germains. C’est, en quelque sorte, la revanche des Gaulois, qui, selon Oleg de Normandie, auraient été génocidés par les Romains. Toujours selon Oleg de Normandie, une partie de ces Gaulois auraient fui en Germanie et en Bretagne, c’est-à-dire les îles Britanniques. Il refuse l’idée que les Gaulois disparaissent peu à peu entre le Ier et le IVe siècle, et estime qu’il y a encore beaucoup de Gaulois au IXe siècle [1]. Donc, pour Oleg de Normandie, à la chute de Rome, une société nouvelle, non esclavagiste, vient prendre la place des Romains esclavagistes. Le discours tend à présenter un monde pré-carolingien libre et ouvert, dans lequel la religion est druido-odinique, ayant intégré le personnage de Jésus. Dans ces sociétés, il n’y aurait pas d’esclaves.

Historiquement, cette période longtemps connue sous le nom d’Invasions barbares, est celle qui voit des groupes germaniques s’installer sur les anciens territoires dominés par Rome. Pour Oleg de Normandie, Romains et Germains ou Celto-Germains sont antagonistes et ne traitaient pas ensemble. On ne sait pas très bien comment Oleg de Normandie explique les liens entre Germains et Romains, et notamment les traités d’accord entre Rome et certains groupes germains, comme le fœdus de 418, entre Romains et Wisigoths, ni la présence d’officiers germains à la tête des armées romaines, comme Stilicon, un Vandale, ou Aspar, un Alain qui bat les armées vandales, ni encore l’alliance entre les armées romaines et germaniques lors de la bataille des Champs Catalauniques. Tous ces événements sont délibérément oubliés pour faire des Francs et des Wisigoths les héritiers de cette tradition hyperboréenne, qui installeraient en Gaule et en Espagne une culture qu’il qualifie de libre et dans laquelle la religion chrétienne n’a pas de prise. Ainsi, avant la prise de pouvoir des Carolingiens au VIIIe siècle, sur laquelle nous reviendrons, il y aurait eu une société païenne, libre et sans esclaves. Ils seraient, comme les Wisigoths, laïcs, ce qu’il définit par tolérants envers les autres religions [2].

Oleg de Normandie construit le discours, sur le haut Moyen âge avant la prise de pouvoir des Carolingiens, d’une résistance des Wisigoths et des Mérovingiens contre l’Église de Rome, en s’appuyant sur une carte du VIe siècle [3]. Ainsi, les Mérovingiens tiendraient en respect les Romains catholiques et, eux-mêmes, n’auraient jamais embrassé le christianisme.

Carte de l’Europe au milieu du VIIe siècle

Cette construction ne s’appuie absolument pas sur les faits et n’est qu’une construction rêvée. Non seulement elle ne s’appuie pas sur des faits et des sources, mais en plus ces idées sont totalement erronées.

Nous verrons d’abord en quoi l’opposition entre Romains et Mérovingiens n’existe pas, puis en quoi les sociétés mérovingiennes et wisigothiques sont aussi héritières d’une société avec des esclaves et enfin en quoi l’idée que les Mérovingiens et les Wisigoths sont restés païens dans une forme de religion qui intégrerait également Jésus sous une certaine forme ne tient pas.

Les Mérovingiens contre les Romains

Oleg de Normandie commence déjà par une contrevérité historique assez étonnante, qui démontre qu’il n’a jamais pris le temps de lire des travaux historiques sur cette période. Ainsi, il affirme que les Mérovingiens ont battu les Romains et détrôné le dernier empereur romain, et mis fin à l’empire romain [4]. Par ailleurs, pour lui, les Mérovingiens sont en fait des Celtes [5].

Les Mérovingiens, c’est la dynastie qui a régné sur la Gaule à partir de la fin du Ve siècle, et qui doit son nom à Mérovée, le père de Childéric, et le grand-père de Clovis [6]. Au milieu du IVe siècle, il semble que l’aire d’occupation des Francs soit assez large, à l’est du Rhin [7]. On admet en général que le terme de Francs ne désigne pas une population nouvelle, mais bien les tribus auparavant appelées Amsivarii, Chattuarii et Chattii [8]. Ces Francs sont au contact de Rome, à la frontière du Rhin et ont sans doute passé un traité (fœdus) avec les Romains pour défendre la frontière avec la Germanie. Ainsi, les Francs sont placés sur le Rhin, et signent des traités avec les Romains ; ils sont des auxiliaires des Romains [9]. Les Francs profitent des difficultés des empereurs de l’Empire d’Occident pour s’infiltrer en Gaule et occupent petit à petit la zone du Rhin ; ils assiègent et prennent Francfort, un établissement romain, qui devient dans les années 450 la base de départ franque contre les Romains de Gaule [10]. Les Francs prennent Mayence en 456, puis Cologne en 459. Dans les années 460/470 les Francs tiennent les régions entre Rhin et Meuse et font face aux Romains commandés par le maitre de la Milice Egidius, puis son successeur, le comte Paul. Les Francs sont donc installés dans le nord de la Gaule et ne dépassent pas la Seine. C’est cette position que les Francs occupent dans les années 470, au moment où les derniers empereurs romains se succèdent.

En effet, après la mort de Majorien, en 461, la succession impériale est complexe. Celui qui tient la réalité du pouvoir, le Suève Ricimer, fait nommer Libius Sévère. En 467, sous la pression de l’empereur Léon Ier, de Constantinople, Ricimer doit nommer Anthemius, gendre de l’ancien empereur Marcien. En 472, Ricimer met à mort Anthemius et nomme Olybrius en 472. Mais Ricimer meurt quelques semaines plus tard. Glycère, soutenu par Gondebaud, le roi burgonde, devient empereur, avant d’être remplacé par Julius Nepos que Léon Ier envoie en Italie en 474. Mais ce dernier se retire devant le patrice Oreste, maître de la milice en Gaule. C’est le fils d’Oreste qui monte sur le trône impérial, Romulus Augustule en 475. Comme on le voit, la place d’empereur n’est pas sûre, d’autant que la réalité du pouvoir, restreint à l’Italie, au sud de la Gaule et peut-être au nord de l’Illyrie, est en fait détenue par les chefs de guerre d’origine « barbare ». C’est ainsi que le Skire Odoacre, commandant d’une force armée, demande des terres pour installer ses hommes. Devant le refus de l’empereur, les troupes germaniques élisent un roi, qui n’est autre qu’Odoacre. Ce dernier décide alors de déposer l’empereur et de renvoyer les insignes impériaux [11]. Donc, contrairement aux assertions d’Oleg de Normandie, les Mérovingiens n’ont pas détrôné ou mis fin à l’empire d’Occident ; en 476, lorsqu’Odoacre met fin à l’Empire, les Francs n’ont pas encore atteint la Seine.

Situation de l’Europe à la chute de l’Empire romain d’Occident - On note que les Francs tiennent les territoires en vert, dans les Flandres actuelles

Par ailleurs, les Francs ne sont, en Gaule, qu’une puissance assez faible. Les Burgondes, à l’est et surtout les Wisigoths dans le sud, tiennent les régions les plus riches de la Gaule, notamment le verrou d’Arles et le port de Narbonne. Par ailleurs, les Wisigoths tiennent également presque toute l’Espagne [12].

Donc, ce ne sont pas les Mérovingiens qui ont pris le pouvoir aux Romains. Le second argument d’Oleg de Normandie, c’est que les Mérovingiens n’ont jamais soutenu l’Église de Rome. Ainsi, pour Oleg de Normandie Clovis n’a jamais été baptisé, et les Mérovingiens célébraient les fêtes celto-germaniques [13]. Il estime que la conversion de Clovis au christianisme est fausse et que les Mérovingiens n’ont jamais été du côté des Romains [14]. Il estime même que Clovis est un descendant d’Odin [15].

La question du baptême est importante, d’autant que pour certains, elle marque le début de la France ; l’idée que Clovis ou que le baptême soit le fondement de la France sont tous les deux hors de propos. À noter qu’Oleg de Normandie mélange Église de Rome, chrétienté et Église catholique tout au long de son discours.

Pour le baptême de Clovis, les sources essentielles sont l’ouvrage de Grégoire de Tours, les Decem Libri Historiae, et certains autres textes sur lesquels nous allons revenir [16]. Grégoire de Tours, évêque de Tours à la fin du VIe siècle, est notre principale source franque sur cette période [17]. Évêque de Tours entre 573 et sa mort, vers 594, il rédige une chronique de son temps et de l’ascension des Francs. Son récit appuie énormément sur la conversion des Francs au christianisme. Aussi, le récit du baptême de Clovis est particulièrement édifiant [18]. Grégoire de Tours décrit la conversion de Clovis dans le Livre II, lui donnant un caractère particulier, comme celui d’une révélation. Le récit de Grégoire de Tours est sans aucun doute édifiant [19].

La date du baptême de Clovis est problématique. La date traditionnelle, c’est le 25 décembre 496. Les études récentes, notamment celle de Rouche et de Lebecq, placent la date du baptême en 498 ou 499 [20]. On pense aujourd’hui que le baptême eut lieu après sa victoire contre les Alamans et les Wisigoths, donc plutôt en 508 [21]. Il est baptisé par Rémi, évêque de Reims, avec une partie de sa truste, sa garde personnelle [22].

Passage du baptême de Clovis dans l’ouvrage de Grégoire de Tours

On pourrait se dire, au vu du récit très embelli de Grégoire de Tours, écrit sans doute au moins soixante-dix ans après l’événement, que le baptême de Clovis a été inventé. Mais il existe d’autres documents qui montrent que ce baptême a bien eu lieu. Ainsi, une lettre de l’évêque Avitus de Vienne à Clovis reprend ces mots : « votre foi est notre victoire » [23]. On a également les lettres de Niziers de Trèves [24]. De plus, en 508, Anastase envoie les insignes impériaux (consul et auguste) à Clovis. Enfin, le roi franc se fait inhumer à Paris dans la basilique des Saints-Apôtres, près des reliques des saints [25]. Si le roi franc, ses fils, et une partie de l’aristocratie franque se sont convertis au catholicisme, le reste de la population, notamment dans les campagnes, reste païenne. Le processus de christianisation de la Gaule dure environ deux siècles [26]. En revanche, sa conversion au catholicisme – la première d’un roi en Europe de l’Ouest – fait de lui le défenseur des Églises catholiques sur le territoire de la Gaule [27]. Ainsi, Clovis réunit en 511 un concile à Orléans pour gérer les questions ecclésiastiques en Aquitaine [28]. C’est notamment pour cela que Clovis et ses successeurs se font les défenseurs du catholicisme, notamment face aux ariens [29].

Un des arguments mis en avant par Oleg de Normandie pour montrer que les Mérovingiens ne sont pas liés à l’Église de Rome, c’est qu’ils ne sont pas sacrés, dans le sens qu’ils n’ont pas reçu de sacre. Il est vrai que les rois mérovingiens ne reçoivent pas de sacre, ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils n’ont pas une aura particulière [30]. Mais, à cette époque, aucun roi n’est sacré par l’Église. Comme nous le verrons, les rois germains ne sont pas sacrés avant la fin du VIIe siècle. Les rois francs reprennent dans un premier temps le rituel des Romains, c’est-à-dire l’élévation et l’acclamation par les soldats, avant de mettre en avant un système de partage entre les fils. Ainsi, à la mort de Clovis, en 511, le pouvoir échoit à ses fils.

Il est probable que le partage de 511 est la conséquence d’une négociation entre le fils aîné, Thierri, d’une part, et Clothilde et ses conseillers d’autre part. Le regnum est réunifié entre 558 et 561, lorsque Clotaire, le dernier fils de Clovis, regroupe toutes les régions. De nouveau, à la mort de Clotaire, un nouveau partage est effectué. Donc, en effet, le sacre n’est pas employé par les Mérovingiens et un autre système de succession existe, hérité du monde romain.

En revanche, après le baptême de Clovis et d’une partie de l’aristocratie franque, l’Église soutient bien les Mérovingiens. Ces derniers fondent d’ailleurs des monastères pour servir de point d’appui pour le soutien et la diffusion de la foi. Un des petits-fils de Clovis, et fils de Chlodomer, mort en 524, est tonsuré, donc envoyé dans un monastère ; il est connu sous le nom de saint Cloud [31]. Il y a donc même des membres de la famille mérovingienne qui sont des religieux et qui sont même béatifiés. Au VIIe siècle, la protection des souverains mérovingiens à l’Église est encore plus importante. C’est ainsi que le roi Dagobert soutient le monastère de Saint-Denis, au nord de Paris, ou encore la famille franque de Dadon, qui fonde le monastère de Jouarre, et dont un membre est béatifié sous le nom de saint Ouen [32]. C’est aussi le cas de la reine franque, Radegonde, épouse de Clotaire Ier, fils de Clovis, fondatrice du monastère de la Sainte-Croix à Poitiers, et sur laquelle nous reviendrons [33]. Les Mérovingiens comptent même des saints ou soutiennent des saints, comme saint Cloud, petit-fils de Clovis, ou sainte Radegonde, épouse de Clotaire et sainte Bathilde, l’épouse de Clovis II. De même, lorsque les moines irlandais viennent sur le continent, les Mérovingiens leur apportent un soutien constant à la fondation de monastères comme Luxeuil ou Saint-Gaal [34].

Donc, on ne peut pas dire que les Mérovingiens ne soutiennent pas l’Église catholique. Mais, en réalité, Oleg ne connaît pas bien la situation de l’Église catholique et de la péninsule italienne durant cette période. Il estime que l’Église de Rome est toute puissante et cherche à reconquérir la Gaule pour restaurer la religion monothéiste. Pour preuve, cette carte de l’Italie présentée par Oleg de Normandie qui fait croire que la péninsule est tenue par l’Église romaine. Mais cette carte, largement fausse, représente en fait une partie des conquêtes byzantines.

En effet, l’Italie du VIe siècle n’est pas tenue par l’Église romaine, mais est divisée en plusieurs entités : le nord, sauf Ravenne et la côte istrienne, est tenu par les successeurs de la royauté ostrogothique, tandis que le sud est tenu par les Byzantins [35]. Puis, à la chute des derniers bastions ostrogoths, en 561, l’Italie est byzantine. Enfin, en 568, les Lombards attaquent par le nord et repoussent les Byzantins ; ce sont les Byzantins qui tiennent alors la ville de Rome, dont le pape n’est que l’évêque [36]. Ainsi, la carte présentée par Oleg de Normandie représente en fait la reconquête byzantine, et non une carte représentant les possessions de l’Église de Rome [37]. Par ailleurs, à cette époque, la papauté n’a pas la primauté sur l’Église. Ainsi, jusqu’au règne de Constantin IV (r.668-685), l’élection du pape doit être validée par l’empereur byzantin [38]. Elle n’est qu’un des patriarcats dans le monde chrétien, au même titre que les quatre de Méditerranée orientale, Alexandrie, Jérusalem, Antioche et Constantinople.

En réalité, l’hypothèse d’Oleg indiquant que les Mérovingiens sont les ennemis de Rome et qu’ils contiennent une expansion de Rome et de la religion chrétienne vers les territoires soi-disant celto-nordiques est fausse. Il n’y a pas d’expansion romaine, car la puissance de Rome entre le VIe et le VIIIe siècle n’est qu’une illusion, sous le contrôle de Byzance. En revanche, la chrétienté connaît en effet une expansion durant cette période. Mais, ce n’est pas du fait de Rome, mais bien grâce au soutien des Mérovingiens, fondateurs de monastères et soutien des évangélisateurs.

Oleg de Normandie va plus loin : pour lui, les alliés des Mérovingiens sont les Wisigoths ariens, qui eux aussi, selon l’auteur, luttent contre l’Église de Rome. Nous allons voir que cette idée ne s’appuie pas non plus sur des connaissances ou des sources solides.

Les Wisigoths ariens

Pour Oleg de Normandie les Wisigoths ariens sont alliés avec les Mérovingiens et forment un groupe druido-odiniste, qui se situe en dehors du contrôle de Rome. Il indique ainsi que les Wisigoths sont ariens, mais estime qu’ils ne sont pas chrétiens car selon lui l’arianisme des Wisigoths est une forme de polythéisme qui accepte Jésus dans son panthéon [39]. Il nous parle de la droiture des Wisigoths, issue d’une « tradition nordique » [40]. Là, encore une fois, l’auteur montre qu’il n’a aucune connaissance du monde wisigothique.

Les Wisigoths sont en effet, avant la fin du VIe siècle, ariens. Le christianisme est introduit chez les Goths sous sa forme arienne par l’évêque Ulfilas, un Goth, dans les années 360, alors que ces derniers sont installés au-delà du Danube, près de la mer Noire [41]. Mais l’arianisme n’est pas une religion gothique. C’est une doctrine hérétique chrétienne développée par Arius, un prêtre d’Alexandrie, qui insiste sur l’unicité de Dieu et estime donc que la Trinité n’est pas possible ; il pense donc que Jésus n’est pas divin, mais la créature la plus parfaite de Dieu [42].

Bien que combattue lors du Concile de Nicée en 325, cette doctrine reste très présente dans l’empire romain au IVe siècle et passe chez les Goths dans les années 360 lorsque l’évêque Ulfilas vient convertir une partie de ces derniers [43]. L’arianisme se définit bien comme une religion chrétienne. Contrairement à ce qu’affirme Oleg de Normandie, l’arianisme n’intègre aucun élément des religions scandinaves. Petit à petit, l’arianisme se transforme et on devrait plutôt parler d’homéisme, une évolution de l’arianisme dans laquelle Jésus est « semblable au père », mais qui sous-entend une subordination à ce dernier [44]. Cette doctrine christologique se diffuse dans l’Empire romain et devient la doctrine la plus en vue, notamment dans les cercles impériaux dans les années 340 à 360. Elle est combattue par les tenants de la doctrine définie à Nicée, les Nicéens [45]. Petit à petit, surtout après la mort de Julien l’Apostat en 363, l’arianisme perd sa position et le dogme nicéen, celui qui a été approuvé lors du premier concile œcuménique en 325, s’impose [46]. Lorsque les Goths entrent dans l’Empire romain, les élites wisigothiques sont ariennes, même si sans doute une partie d’entre eux sont toujours païens [47]. Il n’y a donc aucun lien entre l’arianisme et les religions nordiques.

Icône représentant le Concile de Nicée en 325

Pour Oleg de Normandie, les Francs et les Wisigoths sont alliés dans leur lutte contre l’Église de Rome, en raison de leurs traditions hyperboréennes identiques [48]. Mais l’auteur oublie la lutte entre les Francs et les Wisigoths. Dès les années 490, les tensions sont fortes et entrainent une guerre entre Clovis et Alaric II qui aboutit à la victoire de Clovis sur le roi wisigoth lors de la bataille de Vouillé en 507 [49]. Cette victoire entraine la prise de contrôle par les Francs des territoires au sud de la Loire ; en revanche, les Francs ne parviennent pas à prendre le contrôle de la Provence, dont on peut penser qu’elle était l’objectif final du roi franc, du fait d’une intervention des troupes du roi ostrogoth Théodoric [50]. Par la suite, les Wisigoths tiennent l’Espagne et la Septimanie. Durant tout le VIe siècle et encore au début du VIIe siècle, Wisigoths et Francs sont ennemis. Donc, l’idée d’Oleg de Normandie d’une alliance entre les Francs et les Wisigoths pour se défendre contre l’Église de Rome n’est pas valable. D’autant que ce sont les Ostrogoths, qui à l’époque, tiennent l’Italie et qui viennent en aide aux Wisigoths [51].

Les Wisigoths perdent leurs possessions en Gaule, sauf la Septimanie [52]. Selon Oleg de Normandie, après la défaite de Rodéric à Guadalete, en 711, face aux Musulmans, un contingent wisigoth se réfugierait en Septimanie et tiendrait la zone [53]. En réalité, cette région est prise par les Musulmans ; Narbonne, principale ville de la région, est conquise en 719. Dès lors, la Septimanie devient une base pour les raids musulmans en Gaule [54].

Si les Wisigoths sont bien ariens, une hérésie chrétienne comme nous l’avons vu plus haut, ils finissent par embrasser le catholicisme. Dans les années 580, le roi Léovigild tente d’imposer l’arianisme dans ses domaines, mais devant l’échec de cette politique, son fils Reccared se convertit au catholicisme au début de l’année 587 [55]. La conversion du souverain entraine des désordres de la part des membres de l’Église arienne, notamment en Septimanie et dans la région de Mérida. Mais les ariens n’ont pas d’appui et ces révoltes s’éteignent. D’autant plus que, dès 589, le roi convoque à Tolède, sa capitale, un concile des évêques de son royaume pour annoncer l’abandon définitif de l’arianisme [56]. Les attendus du IIIe concile de Tolède sont construits comme ceux de Nicée, mettant le souverain en exergue ; c’est d’ailleurs lui qui préside le concile, tel Constantin lors du Concile de Nicée [57]. Après 589, l’Espagne wisigothique est catholique et l’arianisme n’est plus présent en Europe.

Pour le monde wisigothique, Oleg de Normandie parle ainsi d’assassinats « à la pelle » des souverains [58]. Il ajoute qu’ils sont remplacés par des gens de leur famille. On note là que l’auteur de ces vidéos ne connaît pas le système spécifique de succession wisigothique. Le système de succession royale wisigoth ne se fait pas de père en fils, comme le croit Oleg de Normandie, mais par un système électif, dont les règles sont définies lors du Ve concile de Tolède [59]. Si, en effet, notamment jusqu’en 642, il existe plusieurs crises de succession (notamment après la mort de Liuva II en 603), et si quelques rois sont renversés, cela n’a rien d’une guerre civile permanente. On note deux rois assassinés (Liuva II en 603 et Witeric), un autre détrôné, Suintila ; et cela est essentiellement lié à des tensions au sein de la noblesse, pas à une lutte contre l’Église, qui est au contraire un allié du roi. Par ailleurs, il met en avant la fragilité et le nombre des assassinats dans le royaume wisigothique.

Couronne votive du roi Recceswinthe

Afin de stabiliser les successions et éviter les renversements trop rapides des souverains, les Wisigoths introduisent la notion de sacre. À la mort de Reccesvinthe, le 1er septembre 672 dans sa villa de Gerticos, le noble Wamba est porté sur le trône. Il attend le 19 septembre pour accepter la couronne, lors de son retour à Tolède ; ce sacre est connu par l’Historia Wambae Regis [60]. Le sacre est un rituel qui confère au roi une onction divine. En étant sacré, le roi est placé au-dessus des autres hommes, car Dieu le protège [61]. Pour reprendre une définition donnée dans un autre article, le sacré est « ce que la société considère comme étant séparé, interdit, frappé de tabou, en même temps que doué d’une force active surnaturelle » [62]. S’attaquer au sacré, c’est commettre un sacrilège, et donc menacer l’ordre tout entier [63].

Ainsi, contrairement à ce que croit Oleg de Normandie, les Wisigoths ne sont pas non plus des protecteurs de l’Église de Rome. Ils ne sont pas non plus les défenseurs de l’odinisme. Enfin, ils ne sont pas les alliés des Francs.

Dans son raisonnement, les défenseurs de la liberté – les Francs et les Wisigoths, dont on a vu qu’ils ne sont pas opposés à Rome – auraient été abattus par les soutiens de Rome. Et pour Oleg de Normandie, les soutiens de Rome ne peuvent être que les deux grands monothéismes alors en place, le judaïsme et l’islam.

L’idée de la création de l’islam par les juifs et les chrétiens

Oleg de Normandie essaie de montrer que les défenseurs de la liberté et des religions odiniques ont été battus, à l’instigation de Rome, par une coalition des religions monothéistes, à savoir le judaïsme, le christianisme et l’islam. Nous verrons dans un article suivant consacré aux Carolingiens les arguments d’Oleg de Normandie sur la fin des Mérovingiens et l’union entre Rome et ces mêmes Carolingiens. Nous consacrons ici une partie à la construction effectuée par Oleg de Normandie sur la fin des Wisigoths, et sur la collusion entre les catholiques, les juifs et les musulmans. Oleg de Normandie reprend ici l’idée que la chute du royaume de Tolède est liée à la volonté des juifs d’Espagne de les renverser et des musulmans d’envahir le territoire. Il entre ici dans le topos classique, sans prendre en compte l’évolution du monde wisigothique [64]. Il ajoute à cette alliance la volonté de l’Église catholique, alliée aux deux premiers, et incarnée par la révolte de l’évêque de Tolède, Sisebert.

Il parle d’une « discrète alliance entre les talmudo-musulmans et les catholiques » [65]. Il affirme, sans aucune référence, que les Wisigoths résistent tant bien que mal aux armées musulmanes, mais que la collusion intérieure et extérieure finit par faire tomber le royaume de Tolède.

Oleg de Normandie nous montre ici l’ampleur de ses méconnaissances et de son manque de recherche et de travail sur la chute du royaume de Tolède. La fin du royaume de Tolède est assez bien connue par les sources, notamment la Chronique anonyme de 754 [66]. Avec la déposition de Wamba, la situation politique se tend dans le royaume wisigoth. Cette déposition entraine une lutte de clan entre celui du premier roi sacré d’Europe et celui de son successeur, Ervige. À ce dernier succède Egica, son gendre ; mais il fait sans doute partie du camp de Wamba. Dans les années 690, deux conciles sont réunis, les XVIe et XVIIe, dans lesquels Egica tente de revenir sur les serments donnés à Ervige [67]. En 702, à la mort d’Egica, Witiza prend le trône. Il est décrit comme tyrannique, avec des mœurs dissolues. Surtout, le nouveau roi se place du côté des ennemis d’Egica, en rendant à ceux punis par ce dernier leurs terres [68].

Expansion de l’islam jusqu’en 751

La Chronique Mozarabe mentionne des événements expliquant les tensions économiques et sociales dans le pays. Ainsi, en 701, Egica et Witiza quittent leur palais du fait de calamités qui touchent le royaume. Une loi de 702, concernant les esclaves en fuite et signée par Egica, est promulguée à Cordoue, ce qui montre que le roi a bien quitté la ville de Tolède [69]. Cet événement est lié dans la Chronique à la révolte d’un certain Senifred, qui a fait battre de la monnaie. Il semble que ce dernier se soit plutôt révolté en même temps que l’évêque de Tolède, Sisebert. De même, les actes du XVIIe concile évoquent de fortes calamités qui ont touché le pays et spécialement une très forte peste qui touche la province gauloise. Le texte précise que cette province a été touchée par une très forte épidémie autour de l’année 694. Cette épidémie se répand au sud des Pyrénées, et les effets se sont fait sentir jusqu’en 701. Donc, au début du VIIIe siècle, le royaume wisigothique est d’abord affaibli par une crise économique et sociale, et pas par les révoltes.

À la mort de Witiza, en 710, deux factions s’affrontent : celle d’Ervige et celle d’Egica. Chaque faction élit un roi, Rodéric à Tolède ou dans le sud et Achila dans la région de Narbonne et de Tarragone. Peut-être profitant des circonstances ou peut-être appelé par la partie adverse, en 711, Tariq ibn Ziyad, un chef de guerre musulman client du chef musulman de l’Iffriqiya, Musa ibn Nusayr, débarque en Espagne avec un contingent assez important [70]. Il semble qu’il ait une force d’environ 7000 hommes [71]. Le roi Rodéric se trouve dans le nord de l’Espagne à se battre contre les Basques [72]. Il réunit son armée et marche vers le sud. La rencontre a lieu à Wadi Laka, un endroit en général identifié avec la rivière Guadalete ou du Barate, dans la province de Cadix [73]. La bataille semble avoir eu lieu à la fin de juillet 711 [74]. Selon la Chronique Mozarabe, le roi Rodéric est trahi par les membres du clan opposé au roi ; le roi est battu et tué dans la bataille. La structure mi-publique mi-privée de l’armée wisigothique a joué contre le souverain. Selon la Chronique Mozarabe, les Musulmans ont également tué ou mis à mort les rivaux de Rodéric pris dans cette bataille. De fait, ce qui ressort des sources, c’est que le royaume wisigothique traverse une crise politique, économique et sociale et que l’attaque des Musulmans intervient à un moment où le royaume de Tolède est affaibli.

Mais, pour Oleg de Normandie, l’attaque musulmane n’est qu’une des pièces du puzzle qui entraînerait la fin du royaume wisigoth. Ce serait une collusion entre juifs, catholiques et musulmans contre le royaume wisigothique, protecteur des libertés. Il évoque ainsi la révolte d’un évêque catholique de Tolède, sans le nommer.

Cet évêque est en effet celui de Tolède, Sisebert, qui semble en 693 tenter de prendre le pouvoir [75]. Il est déposé et défroqué (il perd son statut de clerc). Il est mentionné dans le canon 9 du XVIe Concile de Tolède (694) [76]. Cette révolte est connue dans les sources. Elle n’est en rien celle de tout le clergé contre des Wisigoths ariens, d’une part parce que comme nous l’avons vu plus haut, le royaume de Tolède n’est plus arien, mais également car cette révolte est à replacer dans les querelles entre les groupes aristocratiques mentionnés plus haut. Enfin, cette révolte n’a que très peu de succès, même si plusieurs aristocrates, pardonnés par Witiza, y ont participé. Et vue la date de cette révolte et celle de l’attaque des Musulmans, il est difficile de penser que les deux soient coordonnées.

Le troisième « ennemi » de la monarchie wisigothique serait selon Oleg de Normandie, les Juifs d’Espagne. Ce serait donc une alliance entre les Juifs babyloniens et l’Église de Rome qui aurait créé l’islam [77]. Il cite à un moment l’ouvrage du père Hanna Zacharias, de son vrai nom Hector Théry, L’islam entreprise juive, (1956) [78]. Il semble qu’Oleg de Normandie n’a pas lu l’ouvrage, car il n’évoque pas que les Juifs ont inventé l’islam afin de l’instrumentaliser, mais que les Arabes n’ont pas la capacité à créer une culture ou une civilisation [79]. Ainsi, une des phrases principales de l’auteur est d’indiquer : « L’islam n’existe pas, les Arabes sont imperméables à toute civilisation » [80]. Par ailleurs, la thèse du dominicain est battue en brèche par les spécialistes de l’origine du Coran, comme Louis de Prémare ou Michel Allard [81]. Donc, non seulement rien ne démontre que l’islam est une « invention juive », mais Oleg de Normandie n’a pas pris le temps de lire le livre qu’il cite.

Église San Roman à Tolède, actuel musée des conciles et de l’époque wisigothique

Cette confusion se poursuit avec la situation des communautés juives au Moyen-Orient. Pour lui, les Juifs sont très présents à Babylone et à Bagdad. Il y a là, de nouveau, une confusion et un manque de recherche de la part de notre chercheur. D’abord, Babylone, citée de nombreuses fois dans l’Ancien Testament comme lieu déportation des Juifs après la destruction du Temple de Jérusalem en 587 avant notre ère, n’est plus une ville au VIIe siècle ; en effet, la cité a été abandonnée vers le IIIe siècle [82]. C’est donc le topos de la Babylone juive mise en avant par l’antijudaïsme chrétien que notre auteur emploie ici. C’est ainsi que, dans les pratiques de l’Espagne du XVe siècle, on parle des Juifs de Babylone, pour désigner les Juifs d’Orient, même si la ville elle-même n’existe plus, employant ce terme de Babylone à l’Ancien Testament [83]. Oleg de Normandie utilise bien la ville comme si elle existait.

C’est aussi le cas avec Bagdad. Oleg de Normandie nous parle des Juifs de Bagdad alors que la ville n’existe pas encore. La ville n’est fondée qu’en 762 par le calife al-Mansour, bien après la chute du royaume de Tolède (711-719), après même la fin de la dynastie mérovingienne, dont le dernier roi est déposé en 751 [84]. De nouveau, Oleg de Normandie crée un amalgame, montrant à la fois sa méconnaissance du sujet, son incapacité à s’appuyer sur des études et sa vision étriquée des questions historiques.

Si l’islam n’est pas une invention juive et si on ne peut prêter aux Juifs de Babylone et de Bagdad d’avoir préparé la chute du royaume de Tolède en créant et en instrumentalisant l’islam, les tensions entre le royaume de Tolède et la communauté juive sont importantes. Ainsi, Oleg de Normandie a raison lorsqu’il indique que les rois wisigoths prennent des mesures contre les Juifs [85]. Elles s’inscrivent dans les polémiques et les politiques anti-judaïques des rois wisigoths [86].

Après 589, les rois wisigoths se montrent de plus en plus coercitifs vis-à-vis des communautés juives [87]. Le roi Sisebut, dès 613, ordonne aux Juifs soit de se convertir, soit de quitter le pays, ces derniers doivent aussi vendre ou libérer leurs esclaves, sans pouvoir garder sur eux le contrôle ancien appelé l’obsequium [88]. Les interdictions de mariage mixte sont réitérées. De plus, les juifs qui ont converti des chrétiens risquent la peine de mort avec confiscation des biens ; les chrétiens qui se sont convertis sont également punis par cette loi [89].

Ces lois tendent à marginaliser les Juifs dans la société de l’Espagne wisigothique. Il est probable que ces mesures ont provoqué des conversions parmi les juifs [90]. Isidore de Séville condamne en partie ces mesures, car elles forcent la conversion des juifs, ce qui est interdit par l’Église. D’ailleurs, en 633, le IVe concile de Tolède considère que les conversions forcées ne sont pas canoniques, mais acceptent de les maintenir [91]. Le fait que ces mesures soient répétées montre qu’elles n’ont que peu d’effet.

La politique de Chindaswinthe, qui prend le pouvoir en 639, est plus modérée contre les Juifs, n’obligeant plus la conversion ou l’exil des Juifs [92]. De plus, il semble intégrer des hommes de confession judaïque dans son gouvernement. La seule mesure anti-juive, c’est la mise à mort des apostats, c’est-à-dire des chrétiens qui se convertissent au judaïsme [93].

En revanche, dès le début du règne de son successeur, et dans les textes juridiques, des mesures anti-judaïques sont prises. Ainsi, le grand texte de loi, le Liber Iudoricum, adopté en 654, indique que les Juifs ne doivent plus posséder d’esclaves chrétiens [94]. Les lois du Codex interdisent notamment tous les rites juifs [95]. Il semble que ces mesures antijuives rencontrent une opposition. Le IXe concile de Tolède met en place des mesures contre les chrétiens qui aident les juifs [96]. En 656, lors du Xe concile de Tolède, le roi fait prendre des mesures contre les chrétiens qui vendent des esclaves chrétiens à des juifs [97]. Les sanctions sont assez lourdes : excommunication et anathème, ainsi que confiscation jusqu’à un quart des biens [98].

À partir de la deuxième moitié du VIIe siècle, la répression est intense ; les autorités, notamment religieuses, cherchent à éliminer les Juifs. C’est notamment le cas de l’évêque Julien, un converti. Ce dernier cherche à éliminer les Juifs d’Espagne. Entre 681 et 694, les rois wisigoths édictent pas moins de quarante lois contre les Juifs [99]. Le roi Ervige tente de détruire entièrement les Juifs d’Espagne. Lors du XIIe concile de Tolède, en 681, le baptême est obligatoire pour tous les Juifs dans l’année, sous peine de recevoir cent coups de fouets, d’avoir le crâne rasé, d’être exilé et de voir ses biens confisqués. L’application de ces lois contre les Juifs est renvoyée aux évêques dans chacun des évêchés.

En 694, sous Egica, le XVIIe concile de Tolède décide que tous les Juifs sont réduits à la condition d’esclaves du fisc ; les biens des Juifs doivent être distribué aux chrétiens ; les enfants juifs de moins de sept ans doivent être placés dans des familles chrétiennes [100]. Cette loi ne s’applique pas en Septimanie, du fait de la bonne conduite des Juifs lors de la peste.

En 711, les communautés juives d’Espagne ont été décimées, mais il reste encore des Juifs dans la péninsule. Les chroniques chrétiennes accusent les juifs d’accueillir les musulmans en libérateurs. Il semble que l’antijudaïsme des rois de Tolède n’a pas reçu d’échos au sein de la population. Il semble également que la monarchie wisigothique n’a pas trouvé les relais au sein du pays pour faire appliquer cette politique. En revanche, il n’est jamais mentionné que ces lois anti-juives soient liées à une opposition ou à une tentative des communautés juives de renverser le pouvoir des rois de Tolède ; elles sont d’ordre religieux.

Donc, en effet, les rois wisigoths ont mené une dure politique anti-judaïque. Mais, jamais la raison donnée à ces mesures n’est une révolte des Juifs contre le pouvoir. Dans les sources comme la Chronique Mozarabe de 754, on ne mentionne pas de complots juifs.

Ainsi, les Mérovingiens ne sont pas les successeurs des Celtes et ne sont pas en lutte contre la religion catholique ; ils ne sont pas non plus les alliés des Wisigoths. Ces derniers ne sont pas non plus des odinistes, car c’est l’arianisme qui a été leur forme de christianisme avant 589, ils sont en revanche catholiques après cette date. Plus encore, ils sont les premiers à introduire la notion de sacre, donc de l’onction de l’Église pour donner au roi une position spécifique. Enfin, les Juifs ne sont ni les « créateurs de l’islam », ni les agents de l’intérieur qui tentent de renverser les rois de Tolède au profit des Musulmans.

Encore une fois, Oleg de Normandie arrange l’histoire de cette période à sa sauce. Il construit sans jamais citer de sources solides un conte essayant maladroitement de créer un lien entre les Gaulois et les Scandinaves. Mais, il mélange n’importe quoi, faisant preuve d’une méconnaissance terrible de cette période.

Qu’en est-il de la suite ? Nous allons maintenant aborder la partie concernant la période carolingienne. Car, dans l’hypothèse de monsieur Oleg de Normandie, les Carolingiens sont les suppôts de Rome pour imposer la religion chrétienne.


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