Rapports scientifiques de juillet 2006
Article mis en ligne le 25 août 2006

par Irna

Depuis les premiers rapports publiés avant le début des fouilles (analyse satellitale et géologique), la Fondation n’a pour le moment publié que deux nouveaux rapports au cours de la campagne 2006, respectivement les 18 et 19 juillet 2006 (le troisième, daté du 31 juillet, n’est qu’une "ré-écriture" des deux premiers par Nadija Nukic, la géologue de l’équipe).

Commençons par le rapport de l’Institut fédéral d’Agro-Pédologie (bs) [1], daté du 19 juillet. Il s’agit d’un fax envoyé par l’Institut à la Fondation, et le rapport semble complet. C’est une analyse très classique des sols, à partir de 7 échantillons prélevés sur Visocica et Pljesevica. Pour chaque échantillon sont indiqués les différents horizons, la granulométrie, et une analyse chimique partielle (potassium, phosphore, pH...). Les conclusions sont que ces sols sont de type et d’âge différents (plus jeunes sur Pljesevica, plus âgés sur Visocica), mais aucun âge précis n’est avancé nulle part dans le rapport. Les pédologues de l’Institut expliquent qu’ils auraient besoin de beaucoup d’autres échantillons, ainsi que d’une étude stratigraphique sur le terrain, afin de pouvoir dresser une typologie complète des sols ; et ensuite seulement, ils pourront peut-être avancer quelques hypothèses sur la vitesse de la pédo-genèse et l’âge de ces sols. Ils concluent d’ailleurs leur étude en rappelant que le seul moyen d’obtenir une datation précise est d’utiliser la datation au carbone 14.

Or, dès la publication de ce rapport, la Fondation l’a utilisé comme preuve des hypothèses avancées par M. Osmanagic sur l’âge des "pyramides", en faisant dire à ce rapport qu’il confirmait un âge de "8 000 à 12 000 ans". Si l’on regarde par exemple ce communiqué (bs) de la Fondation daté du 30 juillet et intitulé "L’analyse de l’Institut, premier pas vers la confirmation de l’âge des pyramides", on y trouve ces mots :

"Le rapport préliminaire de l’Institut, a expliqué Mme Nukic, est basé sur l’hypothèse de travail qu’il faut 200 à 300 ans pour la formation d’un centimètre de sol sur un substrat géologique tendre. Sur le terrain nous rencontrons chaque jour une quarantaine de centimètres de sol et d’argile, de sorte que l’âge de ces sols varie le plus probablement entre 8 000 et 12 000 ans, a dit Mme Nukic."

D’où vient ce chiffre de 200 à 300 ans pour 1 cm de sol ? Si on le trouve bien dans le rapport de l’Institut de Pédologie, il ne s’agit absolument pas d’une "hypothèse de travail", mais simplement d’un exemple donné par l’Institut dans l’introduction du rapport, lorsque les pédologues expliquent que la vitesse de formation d’un sol peut être très variable :

"On considère ainsi par exemple qu’il faut environ 1000 ans pour la formation d’un cm de sol sur un substrat de type calcaire très résistant. Sur d’autres types de substrats, plus tendres, le processus de pédogenèse peut être plus court, en moyenne 200 à 300 ans pour 1 cm. Ainsi, il est possible d’émettre une estimation de l’âge d’un sol en fonction du substrat sur lequel il repose."

Nulle part dans le rapport il n’est précisé que cette moyenne de 200 à 300 ans s’applique aux collines de Visocica et Pljesevica. Pourquoi cette valeur a-t-elle été retenue par la Fondation (alors que, comme on va le voir plus bas, elle soutient par ailleurs que les roches des deux collines sont "extraordinairement dures" !) ? Parce que c’est celle qui "collait" le mieux avec les convictions préalables de M. Osmanagic ?

Le deuxième "rapport" (bs) [1], fourni par l’Institut de Génie Civil de Tuzla, n’en est pas vraiment un : il s’agit plutôt d’une série de résultats préliminaires chiffrés, sans aucun commentaire, de tests pratiqués par cet Institut. Le texte est signé, mais il n’y a pas de nom d’auteur ni même l’en-tête de l’Institut.

Il donne tout d’abord le résultat de mesures pratiquées en laboratoire sur deux échantillons de roche, provenant l’un de Visocica l’autre de Pljesevica ; sont données pour ces échantillons diverses valeurs comme la densité (environ 2,6 pour les deux cas) et surtout la "dureté" exprimée en MPa (mégaPascals) ; il s’agit en fait de la résistance à la compression des deux roches, qui est donc, en laboratoire, de respectivement 42 MPa pour le conglomérat de Visocica et 64 MPa pour le grès de Pljesevica. Ces mesures en laboratoire sont complétées par les résultats de tests in situ de résistance à la compression, réalisés grâce à un scléromètre, et qui donnent des résultats légèrement inférieurs, en moyenne 26 MPa pour les conglomérats, de 10 à 44 MPa selon les endroits pour les grès.

Par ailleurs, le rappport donne la composition chimique de deux échantillons d’un matériau prélevé entre des blocs, que la Fondation appelle systématiquement "ciment" ou "matériau connectif" ; de plus, des mentions manuscrites donnent pour ces deux échantillons, ainsi que pour un troisième (pour lequel on ne dispose pas d’autre analyse), le pourcentage de carbonate de calcium (CaCO3) obtenu par titrage.

Là où les choses deviennent intéressantes, c’est lorsqu’on regarde les commentaires et conclusions de la géologue de la Fondation, livrés dans un document (bs) [1] qui reprend le contenu de ces deux rapports. Pour ce qui concerne la résistance à la compression des roches testées, Mme Nukic reprend les valeurs données par l’Institut de Génie Civil, et en déduit que les roches testées "appartiennent à la catégorie des roches exceptionnellement résistantes". Un coup d’oeil à ce document (fr) montre que les valeurs données par l’Institut renvoient au mieux à des roches résistantes, et non "exceptionnellement" résistantes ; tandis que cet autre document (en) en anglais montre lui que les grès par exemple peuvent avoir une résistance à la compression variant de 50 à plus de 200 MPa, et que donc les grès de Pljesevica, avec leur quarantaine de MPa (au mieux 60 pour les mesures en laboratoire) ne peuvent absolument pas être qualifiés d’exceptionnellement résistants... Ce qui n’empêche pas les communiqués de la Fondation de reprendre en choeur cette idée de roches "exceptionnellement" résistantes, voire, si l’on en croit ce communiqué (en) en anglais, d’une dureté quasi-surnaturelle ("unnaturally hard")...

Une autre déduction pour le moins surprenante de Mme Nukic concerne la composition du "ciment" ou "matériau connectif" censé lier les blocs : Mme Nukic conclut des chiffres donnés par l’Institut que ce matériau est "identique" sur les deux "pyramides", malgré la différence des roches constitutives. Or, sur les trois échantillons pour lesquels l’Institut donne un pourcentage de CaCO3, on obtient des chiffres de 40 %, 76 % et 97 %... et une composition chimique différente pour les deux échantillons pour lesquels l’analyse a pu être pratiquée. Je dois avouer que quelque chose m’échappe complètement !

Je terminerai en précisant que la présence d’un ciment carbonaté entre les blocs, que ce soit de conglomérat ou de grès, peut tout à fait n’avoir rien que de très naturel. Les sources de carbonate sont abondantes dans le sous-sol de la région (marnes, ciment calcaire des conglomérats et du grès), les eaux de percolation se chargent de carbonate par dissolution et peuvent ensuite (suite à des modifications de pression, de température) déposer ces carbonates sous forme de calcite par exemple dans les joints et fissures entre les blocs (c’est également ainsi que se forment les stalactites observées dans le tunnel exploré à Ravne). Ce "matériau connectif" n’est donc probablement qu’un ciment ou dépôt carbonaté naturel, et non un ciment artificiel utilisé par les "constructeurs".


Rapport de l’Institut fédéral d’Agro-Pédologie
Federal Institute for Agro-Pedology report - Téléchargé le 19 juillet 2006
Résultats préliminaires de l’Institut de Génie Civil de Tuzla
Preliminary results of the Tuzla Institute of Civil Engineering - Téléchargé le 19 juillet 2006
Conclusions de Nadija Nukic
Nadija Nukic’s conclusions - Téléchargé le 31 juillet 2006