Le Serapeum de Saqqarah vu par "Révélations et Aventures Web"
Article mis en ligne le 3 mars 2018

par Gollum Illuminati

Dans sa vidéo intitulée Sarcophages du Serapeum - Fausse Découverte ?!, le réalisateur Jan Niedbala reste béat devant son incompréhension de ce lieu. Nous avons demandé à Jean-Pierre Adam d’apporter des éclaircissements aux questions posées par ce chercheur de véritude.
Voici donc sa réponse.

Historique

Découverte par Auguste Mariette, puis fouillée de 1850 à 1854, cette nécropole souterraine fut consacrée aux inhumations des taureaux sacrés, portant le nom d’Apis, assimilés d’abord à Ptah, dieu de Memphis, puis à Osiris. Le nom de Sérapéum fut donné par erreur par Strabon, et repris par Mariette. En réalité un sanctuaire à Sérapis existait en surface à proximité. La naissance du culte funéraire d’Apis remonte à Aménophis III (1387-1350), il fut poursuivi à l’époque romaine, jusqu’au IVe s.

1 – Aucune trace de suie sur les plafonds : source énergétique mystérieuse.

[ 2:40 “Comment éclairer sous-terre ? Pourquoi pas de traces noires au plafond si lampes à huile ? “]

On ne trouve, non plus, jamais de trace de suie sur les voûtes des grottes ornées. Les suies de lampes à graisse ou de lampes à huile sont des matières organiques qui se décomposent avec le temps. Suivant la nature de l’air ambiant cette décomposition se fait dans un temps variable, mais conduisant invariablement à la chute et la disparition de cette matière. Les ouvriers égyptiens savaient parfaitement multiplier le nombre de ces lampes en fonction de la finesse nécessaire à l’exécution du travail. Il suffit, pour le comprendre, de songer à l’extraordinaire qualité de l’ornementation des tombes en hypogée de la vallée des rois ou de la vallée des reines. Dans ces tombes, pas plus qu’en d’autres lieux souterrains, on ne trouve la moindre trace de suie.

2 – Le récit des recherches a disparu

[4:00 “Le récit de ses recherches ayant disparu, il est aujourd’hui difficile de distinguer le vrai du faux”]

La monographie initiale est celle du découvreur :
A. MARIETTE, Le Serapeum de Memphis, Paris 1857-1882.

On peut consulter également :
J.-Ph. LAUER, Saqqarah, Paris 1977.
J. VERCOUTTER, « Serapeum », Lexicon der Ägyptologie, V, 1984, c.868-870.
D. DEVAUCHELLE, « Sérapeum », Dictionnaire de l’Antiquité, Quadrige-PUF, Paris, 2005.

3 – Impossibilité absolue, pour les Égyptiens, de déplacer les énormes cuves de granite.

Depuis des siècles les bâtisseurs égyptiens avaient élaboré les méthodes aussi simples qu’efficaces leur permettant d’extraire, de déplacer, y compris sur de très longues distances, les charges les plus lourdes. Le déplacement des deux énormes obélisques commandés par la reine Atshepsout à Assouan, a fait l’objet d’une description écrite (texte présenté au « Musée en plein air » de Karnak) et illustrée avec une scrupuleuse exactitude sur une paroi du portique ouest de la première terrasse de Deir el_Bahari. Rappelons que l’obélisque nord, demeuré en place (l’autre a été abattu), de 30,43 m de hauteur et d’un poids de 380 tonnes, est le résultat de cette opération qui, outre le transport, de la carrière au chaland, puis du chaland au sanctuaire d’Amon où il fut dressé avec son voisin, représente un exploit qui surpasse, ô combien, la mise en place des sarcophages du Sérapéum. Ce travail, pour les ouvriers des nécropoles, était une tâche réalisée quotidiennement depuis l’Ancien Empire, le bardage suivi de la descente, dans des puits verticaux, sur une profondeur d’une vingtaine de mètres et plus, de cuves de granite pesant en moyenne 7 à 12 tonnes, s’effectuait avec une philè, réduite, de cinq à dix ouvriers seulement, en raison même de l’exiguïté des voies d’accès (cf. Dieter Arnold, Building in Egypt, Oxford University Press, 1991, part chap. III et la publication par Ch.Ziegler, Le mastaba d’Akhethetep, ed. du Louvre 2007). Or cette tâche, qui était le quotidien des ouvriers des nécropoles, présentait des difficultés bien plus considérables que la mise en place des sarcophages de taureaux, cependant plus pesants, du Sérapéum. En effet, l’accès aux galeries souterraines de ce sanctuaire funéraire se faisait à l’aide d’une ample descenderie aménagée afin de faciliter l’accès des gros sarcophages de pierre, suivie d’une déambulation dans de larges galeries rectilignes, où la traction des traîneaux sur des rouleaux était réalisable par un nombre d’ouvriers suffisant, ce qui ne l’était nullement dans les tombes à puits. On peut aussi, afin de montrer la parfaite capacité des Égyptiens à déplacer des charges très pesantes, évoquer la grande nécropole des vaches sacrées d’Aphroditopolis (auj. Atfih, au sud du Caire), dont les énormes sarcophages sont comparables à ceux du Sérapéum.

4 – chronologie réelle rejetée en raison du « travail ridicule », des inscriptions hiéroglyphiques, résultant d’un trucage honteux de Mariette.

[7:18 “nous avons là parmi les glyphes les plus médiocres de tout le pays. On ne peut que tirer la conclusion que ces hiéroglyphes ont été fait des milliers d’années après le coffre lui-même. Il fait peu de doute que ces hiéroglyphes ne soient pas l’œuvre des Égyptiens.”]

La première inhumation d’un taureau eut lieu, au Nouvel Empire, sous le règne d’Aménophis III. Il s’agit d’une tombe individuelle (les galeries creusées plus tard devinrent une nécropole collective), dite de l’Apis I, identifiée par son inscription. Jusqu’à l’an 30 du règne de Ramsès II (1260 av. J.-C.), comme le prouvent les inscriptions. Après cette date on aménagea les « petites catacombes « ou « petits souterrains » dans lesquels étaient placés des cercueils de bois, contenant les momies des taureaux. Ce type d’inhumation fut pratiqué jusqu’au règne d’Amasis. La première inhumation dans un énorme sarcophage de granite, disposé dans la nouvelle galerie, dite des « grands souterrains », a été clairement identifiée et datée par son inscription, de l’an 23 du règne d’Amasis (547 av. J.-C.). Ce souverain, de la dynastie Saïte (la XXVIe dynastie), se fit également remarquer par un retour aux projets d’architecture grandioses.

La qualité, jugée « ridicule », des inscriptions figurant sur un sarcophage, ne saurait être la signature d’un « faux ». On est, dans cette affirmation en face d’une pure diffamation proférée par un personnage ignorant ; en outre si les lignes des cadres sont peu précises, les hiéroglyphes sont parfaitement canoniques. Enfin, pour évacuer cette ineptie, qui rappelle le « faux » cartouche de Khéops, si Mariette avait voulu graver un faux il aurait eu certainement mis le plus grand soin à son exécution. Il ne faut pas oublier que ce sarcophage fut mis en place à une époque très tardive de l’histoire de l’Égypte, et que le souci esthétique des ouvriers et scribes des nécropoles à cette époque n’était pas toujours optimal.

L’usage, fort critiqué, par A. Mariette d’explosifs durant l’un de ses dégagements, fut justifié par l’effondrement de la voûte de la chapelle contenant un sarcophage que l’on crut destiné, non à un taureau mais à un prince nommé Khaemouaset, dont le nom figurait sur des amulettes. La momie ayant disparu, il est possible que les objets trouvés aient accompagné le défunt comme il se peut qu’ils furent des dons de ce prince au taureau Apis.

[nd Gollum : Voici par exemple ci-dessous un détail des hiéroglyphes qui ornent le sarcophage de Ramses 3, exposé au Musée du Louvre . Ils sont aussi “moches” que ceux du Sérapéum, encore le coup d’un faussaire...]

[nb Gollum² : La découverte du Sérapéum, un des sites les plus sacrés de l’Ancienne Égypte, est en elle-même déjà suffisamment exceptionnelle pour auréoler Mariette d’un immense prestige.
En outre, lors de ses fouilles, il met au jour des objets d’une valeur exceptionnelle. Pour la première fois l’on découvre par exemple les portraits de grands auteurs grecs tels que Pindare, Protagoras ou encore Platon. Il sort de terre également le fameux “scribe rouge” actuellement exposé au Musée du Louvre. Ou encore cette impressionnante statue d’Apis grandeur nature. Ou même ce pectoral en forme de vautour. ]

5 – L’absence d’inscription au Sérapéum est à rapprocher de cette même absence à l’Osiréion d’Abydos, lui aussi beaucoup plus ancien que ne le prétendent les égyptologues.

Il vient d’être rappelé que le Sérapéum de Saqqarah a révélé un très grand nombre d’inscriptions, particulièrement les stèles d’identification des grands sarcophages de granite, tous installés à une époque tardive. Quant à l’Osiréion d’Abydos, un cénotaphe d’Osiris, dont l’organisation évoque les tombes royales de la XVIIIe dynastie, il fut commencé par Séthi Ier et achevé par Merenptah. D’interminables inscriptions furent apposées sur les deux côtés de sa longue galerie souterraine.

[nd Gollum : dans cette autre vidéo, à 2:10 RAW se demande ce que peuvent bien être ces cavités dans le mur... s’il avait demandé à un “vrai” guide présent il aurait pu apprendre qu’il s’agit des niches ayant accueilli les centaines de stèles retrouvées sur place, dont certaines sont aujourd’hui exposées au Louvre]

6 - Les cuves sont trop grandes pour des taureaux.

On retrouve là, la même candeur de ceux qui n’admettent pas qu’il y ait si peu de chambres dans les pyramides, particulièrement celle de Khéops, et que des « chambres secrètes » restent à découvrir. On bien encore, que les cinq chambres de décharge de Khéops cachent des dispositions secrètes car elles sont excessives pour seulement soulager le plafond de la chambre du Roi.

Ces remarques témoignent d’une complète incompréhension du contexte idéologique et historique. Les Égyptiens, on l’oublie trop vite, ont inventé l’architecture de pierre, ils ont trouvé d’innombrables solutions assurant la stabilité et la solidité de leurs édifices. Mais les Égyptiens sont aussi très respectueux de leurs rois, devenus personnages divins, il convenait donc, afin d’assurer leur sécurité pour l’éternité, de leur élever un signal qui soit à la mesure de leur gloire pour l’éternité. Il convenait, dans le même esprit, d’accroître démesurément les techniques qu’ils avaient élaborées en les surdimensionnant ou en les multipliant. Les sarcophages des taureaux, dont l’inhumation revêtait un faste exceptionnel, comme en témoignent de nombreux textes, tant du Nouvel Empire que d’époque tardive, exigeaient un aspect exceptionnellement impressionnant, compte tenu de la valeur emblématique du corps du taureau dans lequel se trouvait le dieu Osiris.

7 – Il n’y pas assez de place dans les chapelles pour permettre le travail des ouvriers.

[4:44 “impossibilité de mettre des hommes autour pour la tailler et la polir”]

A quel travail est-il fait allusion dans ce propos décidément incohérent ? Les sarcophages étaient totalement achevés lorsque l’on procédait à leur mise en place, et l’espace autorisant leur bardage par traction de câbles et poussée de leviers, devant et derrière ces objets, est parfaitement suffisante.

[nb Gollum : toujours dans cette autre vidéo, à 1:45 on distingue des tenons de bardage (qui pour Jan Niedbala sont des excroissances mystérieuses) encore en place qui ont servi à déplacer le couvercle]

8 – Newton appelé au secours… un peuple vieux de 36.000 ans… savoir alchimique…

[15:15 “Si l’on est encore incapable aujourd’hui de savoir comment est-ce qu’ils ont construit ces cuves, on sait au moins quel type de technique a été utilisé pour la finition (...) un alliage intemporel n’a rien de surprenant quand on connait le niveau scientifique des anciens, sans compter que l’Égypte est une terre sur laquelle est peut-être née l’Alchimie" etc]

On reste sans voix. Ces énormités évoquent l’astrologue Elisabeth Teissier s’abritant derrière une citation (inventée !) d’Albert Einstein ou les délires cosmiques de Von Däniken, de Kadath ou de Robert Charroux.

Conclusion

Que peut-on retenir de cette vacuité : un vocabulaire basique, propre à tous les charlatans de l’Histoire sans aucune exception, usant et abusant des poncifs totalement éculés parmi lesquels reviennent les formules affligeantes du « raccourci qui dérange », le mépris de la « théorie officielle » et des « thèses officielles simplistes », en bref, l’incontournable complot de la science, accompagné de la condamnation de toute réflexion scientifique ou technique. Aucune réponse, aucune explication, n’est avancée, autre que le recours à un peuple mystérieux possédant la maîtrise d’une énergie mystérieuse. Peuple tellement mystérieux qu’il n’a laissé aucun héritage. On conçoit que la transformation des faits de l‘Histoire en mystère, donc en situations sans réponse, ne demande strictement aucun effort intellectuel. À entendre cet auteur, on s’en doutait.

On ne saurait faire reproche à quiconque d’être ignorant ; qu’il soit permis ce lieu commun consistant à dire que nous sommes tous ignorants d’une foule de choses ; il est par contre légitime de mettre en garde le public contre ceux qui, faute de comprendre les problèmes les plus simples et les mieux documentés, pratiquent l’ignorance militante.

Jean-Pierre Adam