Révélations d’un « Conspi » repenti
Article mis en ligne le 28 février 2020

par Le Conspi Repenti

Ceci est mon témoignage. Il n’est ni exhaustif, ni objectif. C’est mon ressenti, mon expérience, mon parcours en tant qu’ex-conspirationniste (ou complotiste, je n’ai jamais vraiment compris la différence entre les deux termes qui seront tour à tour utilisés plus bas) tenant de théories en tous genres. Je précise pour des raisons évidentes qui prendront forme durant ce témoignage, que je tairai mon identité afin notamment de me protéger et protéger ma famille. Je ne suis pas un Troll ni un escroc (malheureusement je n’ai rien à vendre) ; je n’ai aucune preuve à fournir à cela (vous devrez donc me croire sur parole, un comble !) mais je serai le plus honnête et transparent possible.
Ce récit s’adresse tant aux tenants qu’aux sceptiques. Même si je souhaite une prise de conscience objective plus des premiers que des seconds, vous l’aurez vite compris !

Nous allons donc commencer par le commencement et le début de mes penchants vers les idées, disons, paranormales.

Je suis jeune, je ne sais plus à quel âge exactement, mais je découvre assez tôt des livres dans la bibliothèque de mes parents. Des livres de chez Albin Michel si je me souviens bien (avec une couverture noire faisant ressortir le terme « OVNI » avec effroi) qui traitaient de sujets divers et un peu tabous : les OVNIs bien-sûr mais aussi l’Atlantide, le triangle des Bermudes et autres. Surtout d’ufologie, même si à l’époque ce terme était très peu utilisé. En demandant à mes parents pourquoi ils avaient ces livres, ils m’ont répondu qu’ils s’étaient à leur grand regret abonné à France Loisirs avec obligation d’acheter des livres tous les mois… ne trouvant plus vers quels romans se tourner, ils ont opté par curiosité pour le paranormal. La mienne, de curiosité, était piquée… et pour longtemps !

Esprit ouvert, es-tu là ?

J’ai grandi dans une famille athée mais mes grands-parents étaient de fervents catholiques. J’ai donc eu le droit à des discours complètement opposés moralement et spirituellement tout au long de mon enfance et de mon adolescence. Sans pour autant avoir reçu d’éducation ni de modelage de mon esprit critique, pourtant si importants pour un jeune cerveau bouillonnant ! Ce point est très important pour la suite, je ne suis en effet accroché à aucune forme de spiritualité.

C’est après la lecture de tous les livres aux couvertures noires, un peu dérangeante pour moi à l’époque, que s’enchaînèrent deux événements : TF1 ajoutant à sa grille de programmes des émissions dites paranormales comme celle de Jacques Pradel (autopsie de la « créature » de Roswell, aujourd’hui débunkée [1]) et encore Mystères ; ainsi que l’abonnement au magazine belge Facteur-X.

Les émissions TV comme le magazine réactualisaient à fréquence régulière tant mes attentes, que mes peurs, ma paranoïa, mon exaltation… mes croyances. Je le répète : j’étais jeune, non préparé à penser par moi-même et à trier le bon grain de l’ivraie. Toute affirmation était vérité, tout naïf que j’étais… mais est-ce un tort ou une honte ? J’y reviendrai.

Mes parents ne niaient pas cette « réalité » qui s’étalait devant mes yeux et se répandait dans mon cerveau. Ils étaient parfois surpris, amusés, souvent curieux, mais ils ne rejetaient jamais en bloc ou ne me prévenaient jamais de prendre du recul et de faire attention aux affirmations gratuites. Pourquoi ? Alors qu’il ne fallait pas parler aux inconnus dans la rue ni accepter un bonbon d’autrui, pourquoi alors accepter que des étrangers s’insèrent dans ma tête pour me nourrir d’idées que je tenais pour vraies ? Peut-être que cela n’était pas important, grave ou dangereux pour leur enfant. Peut-être pensaient-ils qu’avec l’instruction, à l’école, mon cerveau ferait le tri… ou pas. Dans tous les cas ils me confiaient qu’il fallait garder l’esprit ouvert et ne pas gober les dogmes religieux de mes grands-parents. Comme si tout ce que je lisais ou voyais à la TV ne ressemblait pas à des affirmations frappées du sceau de la Vérité… !

Garder l’esprit ouvert, oui, mais surtout pas critique. C’est ce que je n’ai compris que bien plus tard. Mon esprit était donc, et pour des années, ouvert à tous les vents, à toutes les affirmations et à un dogme d’un genre nouveau, celui d’une religion qui ne disait pas son nom à l’époque (mais le dit-elle aujourd’hui ?), le New Age.

Malgré moi et dès le collège je suis devenu une sorte de prédicateur d’idées prémâchées et formulées par les « experts » passant dans Mystères sur TF1 ou rédigeant des articles dans Facteur-X puis Nexus plus tard. Je servais de medium au courant de pensée New Age qui véhiculait des révélations fracassantes sur notre monde et l’Univers ; que les dirigeants nous cachaient de peur que nous devenions conscients de notre divinité…

J’ai toujours voulu être unique et me sentir à part, important. Les pseudo-vérités du conspirationnisme allaient ainsi dans le sens de ce sentiment : l’information que je possédais et que les autres ignoraient me donnait un pouvoir sur eux, une importance particulière. Je revendiquais donc haut et fort mon originalité.

Je croyais donc aux esprits (au point de faire des insomnies tenaces qui ont duré presque 2 ans, persuadé d’être la proie de mauvais esprits) et autres fantômes, à la médiumnité, au magnétisme et à la radiesthésie, aux OVNIs et leurs épiphénomènes (enlèvements et tortures d’êtres humains, mutilations de bétail, Crop Circles, Chupacabra, MIB…), aux Illuminati et leurs complots, aux dangers de Big Pharma (mais trop tard, j’étais vacciné !), à l’Atlantide et à sa descendance présumée au sein des civilisations naissantes d’Egypte, de Sumer, de la vallée de l’Indus ou encore à la création des hommes par des entités de l’espace… je n’étais pas loin au lycée de tomber chez les Raëliens ! Mes profs de biologie successifs s’arrachaient les cheveux à m’entendre remettre en cause ouvertement le Darwinisme…

Après le lycée j’ai débuté des études supérieures, sans toutefois aller très loin. Je me considérais comme intelligent, au-dessus de la moyenne mais en réalité si je ne suis pas allé très loin dans mes études, c’est que j’étais limité… pas intellectuellement (enfin je l’espère). J’étais surtout très orgueilleux et très immature.

Puis arriva le 11 septembre 2001 et la naissance d’un conspirationnisme dur tout droit venu des USA, auquel je ne m’associai pas, bizarrement. J’entendais les arguments en faveur de l’attaque sous faux-drapeau et j’y accordais du crédit, mais la réalité me rattrapait à grands pas : travail, argent et sentiments. Je regardai de loin ce qui se disait dans les magazines d’actualités paranormales et sur l’Internet, technologie encore balbutiante à l’époque. Alors pourquoi donner raison aux complotistes plutôt qu’à la version officielle (terme volontairement emprunté au champ lexical conspirationniste) ? Parce que j’avais… l’esprit ouvert, moi ! Ouvert mais binaire. J’acceptais à peu près tout le contraire des dépêches AFP : si une information provenait d’un organe officiel, c’était un mensonge ; si elle venait d’un spécialiste New Age autoproclamé (cf. argument d’autorité [2]), elle était forcément plus réaliste.

La crédulité mène au mensonge, le mensonge mène à la manipulation

Bref, j’étais crédule. Ce n’est pas un vilain défaut. C’est même un défaut partagé par tout le monde. A un moment de sa vie, chacun d’entre nous a été crédule.
La crédulité est un drôle de sentiment.
C’est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant parce que nous confions cette tâche si importante à notre survie qu’est la réflexion à des tiers qui pensent le monde à notre place pour nous élaborer un prêt-à-porter idéologique et valable en toutes circonstances.
La pensée « conspi » a ceci d’efficace qu’elle part de conclusions (non vérifiables) pour ensuite établir des faits (simplistes, la plupart du temps, mais toujours inventés au final) qui colleraient à la conclusion que l’on souhaite imposer (cf. argument irréfutable [3]).

C’est ainsi que lorsqu’une pseudo-révélation est avancée « officiellement » : c’est pour nous cacher une vérité plus importante et que les autorités/Illuminati/Reptiliens/Satanistes du Nouvel Ordre Mondial (NOM) l’ont bien voulu. Si une information secrète n’est jamais dévoilée (les ET dans la zone 51, au hasard) : c’est que les autorités/Illuminati/Reptiliens/Satanistes du NOM protègent si bien ce secret qu’on ne le saura jamais « officiellement » (cf. arguments fallacieux [4]). Dans tous les cas, la rhétorique conspirationniste est implacable. C’est pratique. Et c’est surtout rassurant.

Ce qui est inquiétant par contre, c’est que l’on ne maîtrise rien au monde qui nous entoure. Un monde dangereux où même un vaccin peut déclencher une sclérose en plaque, alors on ne consomme que de l’homéopathie (ha oui, j’ai omis ce détail, je déteste maintenant les médecins « allopathes » et ne me soigne qu’avec de l’homéopathie !) et l’on met à la poubelle jusqu’à son cachet d’aspirine. Un monde où tout le monde nous manipule pour mieux nous exploiter. Il est donc important de se retrouver entre « sachants », informés par les spécialistes ès paranormal/ésotérisme, et ce en vase clos, afin d’auto-alimenter ses croyances jusqu’à plus soif.

Dans tous les cas cette crédulité attendrit la réalité. Elle rend le monde plus merveilleux puisqu’on se persuade que notre âme va survivre à notre mort matérielle, que des esprits et des anges veillent sur nous, que des énergies nous guérissent et que des OVNIs dessinent des Crop Circles pour éveiller les consciences. On se sent faire partie d’une sorte de résistance contre le NOM des Illuminati/Reptiliens/Satanistes qui veulent détruire les populations avec la vaccination et réduire les peuples en esclavage !
C’est donc une sorte de fuite en avant qui laisse loin derrière notre quotidien morne et ennuyeux. Je me souviens que ces échappées « conspi » m’offrait un bol d’air incroyable en parallèle de crises de paranoïas aigües ! Toute la contradiction est là…

Si tu crois avoir raison, tu as tort !

Cette contradiction, comme toutes celles de mon raisonnement de l’époque, était systématiquement mise dans un coin de ma tête et ignorée. Je ne cherchais pas à savoir, je voulais croire, bien qu’étant athée à la base, je le rappelle. Je me maintenais donc dans des lectures et des discussions avec des conclusions acquises et un public aussi crédule que je l’étais alors… Et nous étions tous aussi ignorants ! En fait, je ne voulais pas savoir, je ne cherchais pas à savoir… je voulais croire !

Je me dis souvent aujourd’hui : « mais pourquoi tu n’as pas cherché ? » avec une petite pointe de honte, malgré tout.
Je me contentais de relayer, d’absorber des infos qui allaient dans le sens que j’attendais (cf. biais de confirmation [5]) tout en débattant farouchement contre les avis contraires, prenant les partisans des « thèses officielles » pour des moutons !! Pour remporter un débat j’allais même jusqu’à mentir sur mes connaissances/compétences afin de me placer « au-dessus » de mon interlocuteur (cf. argument d’autorité [6]). Hé oui, je collectionnais plus de biais cognitifs [7] que de Pokemon à l’époque !

Mais de mouton, il n’y en avait qu’un et il se situait dans mon cerveau…
Je répétais bêtement des « vérités vraies » parce que ceux qui les prodiguaient étaient censurés par les médias traditionnels ; je ne pouvais pas intellectualiser alors qu’on ne les entendait ni à la radio ni à la TV simplement parce que c’était des zozos racontant n’importe quoi. On ne les invitait alors sur les plateaux uniquement que pour se moquer d’eux et de leurs adeptes.

Tellement orgueilleux, tellement crédule et aussi tellement fainéant que j’étais, je ne cherchais pas à connaître les faits posés en principes par la Science, je voulais simplement avoir raison. Quitte à m’opposer à des notions basiques qui ont permis à l’humanité d’échanger sur un réseau de communication mondial (Internet) toute la soupe New Age qui noyait mon esprit. Mais les élites, y compris intellectuelles, étaient mes ennemis. Les sceptiques, les zététiciens, les scientifiques de tous bords étaient mes adversaires. Puisqu’ils défendaient ces notions « officielles » !

Mais je n’étais pas seul, je me suis entouré grâce au Net, d’amis virtuels aux mêmes penchants que moi. J’ai été modérateur et membre influent sur quelques forums pendant quelques années, des forums « paranormaux » ou « ésotériques » bref, de pseudo-sciences [8]. J’y ai croisé tout un tas d’individus aux idées souvent extrêmes et aux raisonnements chaotiques, avec des idées parfaitement incompatibles avec celles des autres membres des forums en question. Le fil conducteur qui nous unissait malgré toutes nos contradictions sur tous ces sujets « borderline » était la lutte contre le NOM. Nous étions tous d’accord sur cette question-là !

Pour le reste, les débats étaient aussi animés entre modérateurs qu’entre les membres des forums. Qui étaient ces modérateurs ? La cour des miracles du prêt-à-penser New Age (attention liste à la Prévert en approche…) :
 des naturopathes-homéopathes,
 des professeurs de Yoga sur le retour,
 des radiesthésistes,
 des astrologues,
 des magnétiseurs et pratiquants de Reiki,
 des géobiologistes,
 des ufologues « amateurs »
 des « chercheurs de Vérité »… d’extrême-gauche et d’extrême droite. Mais aussi des « vrais démocrates » à la Etienne Chouard et des extrême-abstentionnistes. Politiquement on était surtout sur des gens d’extrême droite suivis de près par des extrême-gauche, les abstentionnistes fermant la marche.

Bref, la fine fleur de l’arrière-garde complotiste. Des experts ? Non. Des chercheurs de Vérité qui ont eu des « expériences » ou des visions. Dans le lot j’étais l’un des seuls à ne pas avoir eu de « rencontres » avec l’invisible, à ne pas avoir de super-pouvoirs. D’ailleurs je me rendais compte petit à petit que l’homéopathie ne fonctionnait pas sur moi, ce qui semblait ne pas surprendre mon homéopathe, bizarrement. Le magnétisme non plus ne semblait pas avoir de prise sur mon corps, on a essayé de me « soigner » avec cette « énergie » : rien à faire ! Les effets contextuels [9] n’avaient pas beaucoup d’emprise sur moi visiblement… J’ai fait appel à un radiesthésiste pour retrouver un objet perdu, peine… perdue ! A un astrologue pour me prédire mon avenir à court terme, rien ne s’est réalisé comme annoncé.
Alors je ne dis pas que je n’y croyais plus à l’époque, je voyais dans les signes m’entourant des indications comme quoi toutes ces pratiques avaient fonctionné sur moi… d’une manière ou d’une autre (cf. biais de validation subjective ou effet Barnum [10]). Mais avec le recul, non.

Non est la réponse également à la question de l’arrivée l’année prochaine de Nibiru ou Planète X, des ET dans leurs vaisseaux dorés pour sauver les braves ou de la fin du monde annoncée par les Mayas, les channelings ou les ET de la 8ème dimension. Pas plus que de découverte de l’Atlantide. Non, ce n’est pas maintenant. Erreurs de calculs ou d’interprétations pensais-je à l’époque mais cela fait maintenant un bail que la fin du monde est passée et que les ET ne nous ont toujours pas sauvés !

Ne cherchant toujours pas par moi-même et étant un grand naïf (ce qui m’a joué par ailleurs des tours dans d’autres aspects de ma vie), je m’en remettais à mes amis virtuels et aux spécialistes New Age. Je suis rentré en contact direct avec certains gourous-spécialistes grâce à la magie des nouvelles technologies et, bien entendu, je buvais leurs paroles. Ne comprenant pas tout ce qu’ils disaient, puisqu’un autre effet de la rhétorique « conspi » s’appliquait sur moi : celui de l’effet puits. Soit pour H. Broch, « une succession de phrases creuses qui peuvent être acceptées comme foncièrement vraies par tout personne car celle-ci ajoutera elle-même les circonstances qui, seules, en font des phrases ayant un sens. » [11]

Mais le doute naissait progressivement en moi. Non seulement parce qu’en « off », certains spécialistes-gourous New Age se lâchaient et offraient une vision de leur monde parfaitement improbable et farfelue voire qu’ils avouaient à demi-mot ne pas trop savoir ce qu’il en était de leur « spécialité » ! Mais aussi parce que la routine me rattrapait.
Plus je m’ancrais dans la réalité du quotidien, et y trouvais un certain plaisir, et plus je me sentais idiot de soigner mon mal de tête avec des granules sucrés d’homéopathie qui n’arrangeaient rien à mon affaire ou que je ne voyais toujours pas le NOM prendre le contrôle des populations ; et encore moins les ET les accompagner… ou s’y opposer en fonction des factions d’ET dont on parle !

Se produit alors un événement qui chamboula définitivement mon esprit…

La Révélation…

Un certain Jacques Grimault a sorti un documentaire qui a fait grand bruit à base de révélations fracassantes !
Pour résumer en quelques mots : les Atlantes nous ont laissé un message dans les édifices de pierre de leurs descendants de par le monde (Égyptiens et autres) pour nous prévenir de la fin du monde.
A base de notions scientifiques, que je décriais tant, il a construit un argumentaire que je pensais imparable, inattaquable, inébranlable ! Quelle crédulité, quel orgueil et quelle ignorance de ma part (encore une fois) !
Cet angle d’attaque (pseudo-scientifique) de Grimault l’a mis directement et rapidement en face de vrais scientifiques puisqu’il les a cherchés sur leur terrain ! Il les a si bien trouvés qu’aujourd’hui c’est lui qui a disparu… (ou il faudrait plutôt affirmer qu’il est en voie de disparition). Il hante toujours la toile happant au passage des grappes de crédules finançant de façon participative un projet de suite de son célèbre documentaire qui ne verra jamais le jour…

C’est donc toujours avec la même volonté de croire, que j’ai décortiqué les arguments de Grimault et les contre-arguments des sceptiques. Je suis alors très vite tombé sur les sites de Irna et de Nioutaik. Pour la première fois, j’ai voulu savoir. Savoir si les arguments des septiques/zététiciens tenaient la distance. C’est l’une des premières fois que je mettais timidement un pied au-delà du superficiel, que je commençais une enquête personnelle sur la question, que je pesais le pour et le contre et que j’ai confronté le docu-fiction au réel.

Pourquoi à ce moment-là ?
Je ne pourrais pas être catégorique sur la question.

J’arrivais à la fois à la fin d’un long processus de questionnement (plus ou moins inconscient) de mes propres biais :
 Pourquoi aucune vidéo d’OVNI valable à notre époque ?
 Pourquoi aucune preuve officielle de contact avec des civilisations extraplanétaires ?
 Pourquoi aucun appareil n’a pu mesurer le magnétisme et autre pouvoir surhumain ?
 Pourquoi aucune photographie de fantôme/spectre ou esprit ne s’est avérée être non retouchée ?
 Pourquoi l’homéopathie et les séances de magnétisme ne fonctionnent pas sur moi ?
 Comment un complot mondial avec autant de ramification ne fournissait pas plus de preuves de son existence ?...

Et j’étais également surpris de cette énorme levée de boucliers provenant de tous horizons contre la Révélation des Pyramides ou encore le dossier des Pyramides de Bosnie porté à ma connaissance par l’entremise du Blog d’Irna.

J’ai poussé un peu plus loin ma curiosité… je me suis mis en relation avec les deux principaux protagonistes de ces dossiers aux doux relents soufrés, soit Jacques Grimault et Dominique Jongbloed. Facilement accessibles par Internet, j’ai pu échanger rapidement par téléphone et/ou par email avec ces individus.
Il m’est vite apparu évident qu’ils avaient des difficultés à tenir un discours cohérent et fiable. Répondant rarement de façon précise et directe aux contre-arguments présentés face à leurs hypothèses, ils préféraient réorienter les débats sur des terrains plus à leur avantage : leur parcours, leur vécu et surtout, surtout leurs certitudes.
Au fur et à mesure de mes échanges avec eux, que je partageais avec mon entourage (qui en profitait pour m’alerter sur la nature ubuesque des propos rapportés), je m’interrogeais sur la confiance que je devais leur accorder.

Effectivement le récit était grandiloquent, le parcours de vie était extraordinaire et la personnalité iconoclaste !
Mais si tout cela n’était au mieux que du vent ou pire de la mythomanie ?
Les événements m’ont progressivement donné raison : ainsi Jacques Grimault a démontré sans l’aide de personne qu’il était atteint d’une pathologie chronique : le pipeautage aigu [12] ; quant à Dominique Jongbloed, il a tôt fait de me confesser par téléphone qu’il ne croyait pas une seconde qu’il y avait des pyramides en Bosnie… tout en persévérant publiquement dans le prosélytisme quasi identitaire de Semir Osmanagic, le promoteur de la théorie de pyramides en Europe. [13]

Du coup, Irna et ses amis… ils avaient raison ? Depuis le début ?

La chute.
Je suis tombé de haut, de très haut.
Et si Grimault avait faux ? Et si l’Atlantide, c’était bidon ? Et tout ce qui s’y associait ?
Je ne pouvais pas m’arrêter là.
J’ai trouvé l’interrupteur de l’esprit critique dans mon cerveau, il était derrière une porte poussiéreuse, dans un coin sombre et grouillait d’araignées repoussantes. Je n’avais plus envie que d’une chose, allumer la lumière ; à tous les étages !

Plus possible de faire marche arrière. J’ai passé en revue de nombreuses heures les articles d’Irna et je suis tombé rapidement sur les vidéos de la Tronche en biais, des personnes que je trouvais extrêmement condescendantes à une certaine époque. Puis celles de Defakator, d’Astronogeek, du Debunker des étoiles sans oublier celles d’Hygiène mentale. J’ai ainsi compris ce qu’était la démarche scientifique (enfin !). J’ai (re)découvert la Science (et découvert les biais cognitifs), putain ! Excusez l’écart de langage mais quand on se rend compte du gouffre de logique qui existe entre une discipline qui se base sur des faits et des croyances fondées sur du vent, on se demande si les conspirationnistes méritent Internet.
Oui, vous savez cet outil qui trône au sommet d’une incommensurable accumulation de connaissances théoriques et de mises en œuvre pratiques permettant à un Apache de discuter en direct avec un Népalais ou encore d’envoyer les plans d’un outil dans l’ISS pour l’imprimer en 3D dans l’espace. Cet outil qui nécessite des satellites pour fonctionner et que les platistes utilisent pour diffuser leur idéologie bancale (euphémisme) selon laquelle… les satellites n’existent pas !

J’ai donc repris mes magazines (Facteur-X, Nexus, Top Secret…) et je les ai passés au crible de la démarche scientifique. Devinez quoi ? Rien ne tenait debout.
J’ai repris les livres de Hancock, de Bauval, de Von Däniken, de Meurois-Givaudan et bien d’autres, non pas pour les relire mais pour les mettre à la poubelle.
J’ai tout remis en perspective, sans toutefois tout jeter : je conservais des bastions idéologiques que je pensais imprenables. Comme des cas d’observations d’OVNI par exemple ou des aprioris sur les adjuvants dans les vaccins.

Après une pause sur les Internet faisant office de cure thalasso cérébrale, je suis revenu fort de tous ces doutes et surtout de ces nouvelles certitudes basées sur la Science. J’ai ainsi changé mon fusil d’épaule sur les groupes où j’avais l’habitude de discuter… et je me suis fait recevoir !
J’étais accusé de nombreux noms d’oiseaux : de vendu au NOM, de traitre à mon espèce, de m’être fait faire un lavage de cerveau durant mon absence, de collabo… alors que je ne faisais qu’interroger ce que nous pensions être des certitudes. Mais bien entendu, comme j’intégrais des infos venues de la Science, de la pensée critique, de la zététique, on se demandait si j’étais bien moi-même. N’étais-je finalement qu’un mouton du système à défendre la pensée unique et les versions officielles (cf. l’essentialisme [14]) ?

Devant des arguments basés sur des faits et reproductibles par la démarche scientifique, je recevais en plein visage tous les poncifs et les biais qui puissent exister.

J’avais d’ailleurs l’impression étrange de m’affronter moi-même à quelques mois d’écart dans d’interminables joutes verbales… revoyant mes approximations, mes arguments irréfutables, mes biais cognitifs bref, mes tics de croyants.
De chercheur de Vérité ! Un terme tellement galvaudé… celui se prétendant chercheur est, comme vous l’aurez compris, dispensateur d’une parole d’évangile qui ne ressemble en rien à une recherche personnelle. Son ouverture d’esprit à géométrie variable lui occultant la frange considérable de découvertes de la véritable Science pour ne lui laisser entrevoir que les pseudo-sciences. Quant à la Vérité, disons qu’elle ne sera jamais découverte par ce genre de promoteur idéologique. Si par Vérité, on entend une description au plus près de la réalité des faits compulsables et reproductibles qui nous entourent et que la science cherche à définir au mieux, bien entendu. La Science représente donc une forme de vérité, sans cesse actualisée avec les nouvelles recherches (les vraies) et découvertes. La vérité, donc, jusqu’à preuve du contraire…
Et cette remise en question permanente de la Science, aucun « conspi » ne la voit ni ne l’assimile. J’en étais la preuve.

Le complotiste pense que la science se comporte comme une religion (cf. scientisme [15]) mais ce n’est pas le cas. Il ne fait que projeter ses propres mécanismes de croyance sur son adversaire.
Une science (puisqu’il en existe plusieurs) peut se tromper et remettre en cause certains de ses principes, théorèmes et conclusions. Cela arrive tout le temps. C’est ainsi que ces disciplines progressent. En doutant. Tout scientifique, avant de révéler publiquement les résultats de ses propres recherches, adopte une approche sceptique de ses propres conclusions : il re-calcule et ré-expérimente. Il cherche ses propres erreurs de calcul, d’interprétation, d’expérimentation afin d’être certain de présenter à ses pairs une étude solide.

La réalité des faits

Une fois que cela est compris on peut passer en revue ce qui est scientifique et ce qui ne l’est pas. Et surtout l’on peut chercher si la démarche scientifique et des expériences rigoureuses ont été appliquées aux phénomènes paranormaux, ésotériques, et inexpliqués qui me passionnaient autant quelques mois auparavant.

Petite revue d’effectifs plus ou moins exhaustive :

 LE complot du 911 est celui qui a lancé la carrière d’essayiste de nombreux complotistes et qui m’a tenu en haleine jusqu’à il y a peu, m’interrogeant encore sur bien des points. Points qui, pris un à un en dehors du contexte général peuvent paraître pertinents, mais qui considérés dans un ensemble s’opposent les uns les autres et ne résistent pas à l’analyse. Un cas classique en complotisme (cf. la Terre plate) ! Je vous renvoie à l’excellente synthèse du Debunker des étoiles [16]. N’oublions pas, parlant des complots en général, qu’il serait impossible de tenir secrète une emprise globale comme celles présumées de loges à mystères (Cf. Illuminati) sur une durée de temps importante [17].

 Big Pharma ou le complot mondial contre la santé. Qui peut ne pas être sensible à la santé de ses grands-parents ou de ses enfants en bas âge ? Qui ne s’inquiète pas des effets secondaires plus ou moins avérés et dangereux de certains traitements ? Sur ce simple appel à la peur des « conspi » se construit un imaginaire peuplé de produits toxiques volontairement dissimulés dans les médicaments chimiques, les vaccins voire les chemtrails (voir un excellent debunkage vidéo du phénomène dit des chemtrails [18])... De fortunes colossales générées par l’industrie du médicament chimique, d’allopathes complices et de lobbies aux ramifications profondes dans les organisations politiques. Mais c’est vite oublier l’efficacité avérée des vaccins [19] et le profit quasi inexistant qu’ils génèrent, que les médecins ne sont pas par nature des complices de Big Pharma (essentialisme, encore) et que… tout est chimique [20] ! Mais pour le « conspi » rien ne vaut la médecine douce, alternative, naturelle (appel à la Nature [21]), surtout si elle est ancienne (appel à l’ancienneté [22]) et très éloignée de l’Occident (appel à l’exotisme [23]). Ou l’homéopathie, bien entendu, qui n’a aucune efficacité clinique autre que celle des effets contextuels [24]. Ce qui a été démontré par toutes les études (mêmes indépendantes des laboratoires affiliés Big Pharma !!) depuis des décennies…

 L’Atlantide et les présumées technologies avancées des Anciens… dont on cherche toujours les traces ! Une simple évidence : nos technologies actuelles découlent de siècles de découvertes permises par les développements démographiques, techniques, industriels qui laisseront des preuves de notre civilisation bien après notre déclin. Pour fabriquer nos outils, nos instruments, nos machines aptes à bâtir des buildings, nous avons dû monter des usines d’assemblage par dizaines, par centaines, par milliers. Si les Atlantes ont parcouru le monde pour diffuser une culture unique de par le monde et utiliser leur technologie supérieure [25] pour bâtir… des lieux de culte (sic !), où sont les usines ? Où sont les signes d’une civilisation avancée et les indices de sa progression dans le temps ? Où est cette merveilleuse culture et où est passé son héritage ? Où sont les outils, enfin ! Une fois encore, l’ignorance des promoteurs de l’Atlantide des connaissances acquises par la paléontologie et l’archéologie est flagrante. Sans parler du bon sens.

 Le phénomène général couvrant le mysticisme, le spiritisme et le channeling incluant les esprits, fantômes, poltergeists, anges, démons, défunts, égrégores, entités ET d’autres planètes, dimensions ou plans d’existence communicant par télépathie, la vie après la mort… est une blague. Une énorme et mauvaise blague. Une blague qui peut faire peur comme donner de l’espoir. Mais une blague, oui, puisqu’à ce jour aucune preuve n’a pu être avancée pour prouver l’existence du début d’un de ces éléments [26]. Aucune expérience n’a montré non plus la validité des témoignages d’apparitions. Rappelons qu’un témoignage n’est pas une preuve en sciences (ni en droit par ailleurs).

Les supers-pouvoirs dont se prétendent porteurs certains mystiques, gourous ou anonymes couvrant des capacités diverses comme celle de la télépathie, la télékinésie et tout ce qui commence en télé* en général, la médiumnité, le pouvoir d’anticiper l’avenir ou d’interpréter les « signes » (cf. tarot, astrologie…), de couper le feu, de retrouver des objets perdus… bref ! Tous ces « dons » qui ne sont pas remboursés par les mutuelles et qui sont encore crus comme véritables dans bien des strates sociales de la population. Et pourtant… Jamais aucun pouvoir magique n’a pu être validé par la Science chez un être humain. De nombreux tests réalisés par de nombreux laboratoires ont tous permis d’arriver à la conclusion qu’aucun candidat volontaire aux tests soumis par les scientifiques ne possédait de capacité spéciale autre que celle de la super-tricherie ou la super-autosuggestion… de posséder de tels pouvoirs ! Dans plusieurs pays y compris en France, des laboratoires associés à d’anciens prestidigitateurs ont proposé de grosses sommes d’argent à quiconque pourrait apporter la preuve de ses pouvoirs surnaturels. Comme l’on peut s’y attendre, personne n’a jamais gagné les importants prix mis en jeu… pourtant tellement facilement à « portée de main » pour un télékinésiste chevronné !! [27]

 Le phénomène OVNI (et tous ses épiphénomènes) qui reste simplement… un phénomène justement ! Puisqu’à l’heure des smartphones par millions, qui filment en 4K, présents dans toutes les poches des quidams du monde, aucun film, aucune photo d’un appareil ou de l’un de ses occupants n’est parvenu à dépasser le stade du montage plus ou moins grossier. Aucune preuve matérielle n’a jamais non plus montré le bout de son nez. Après avoir étudié le phénomène en détail personnellement sur de très longues années, j’en venais à me demander comment aucune preuve matérielle n’était arrivée jusqu’à nous pour valider la somme hallucinante de témoignages en faveur du phénomène… je ne me pose plus la question, il ne s’agit évidemment que de témoignages qui ne pourront jamais faire office de preuve concrète. A ce propos je vous conseille l’excellente chaîne YouTube d’Astronogeek [28], un canal de sujets liés à l’astronomie avec de légères digressions ufologiques. Des contenus présentés par Arnaud dont la justesse et la pertinence dans son domaine scientifique n’ont d’égales que le ton désinvolte et le délicieux sarcasme qu’il prend soin d’adopter lorsqu’il s’agit de traiter de l’épineux sujets des petits hommes verts… ou gris (maux ?).

En conclusion

Il est important de garder plusieurs choses à l’esprit :

  1. Il y a plusieurs types de conspirationnistes : celui à la limite de la paranoïa qu’il est vain d’essayer de convaincre même avec des arguments en béton armé et celui qui se trouve dans une certaine incertitude sur nombres de sujets (comme je l’ai été à une période de ma vie) et qui demande à en savoir plus…
  2. Ce profil de conspi ou « crédule », il est nécessaire de le faire tomber sur les bonnes informations, le plus rapidement possible. Quand je parle de tomber sur les informations je parle bien entendu d’Internet. Puisque c’est le canal de communication le plus simple et rapide. Ce n’est pas un vain combat puisqu’au rythme où vont les choses il y aura bientôt plus de « fake news » que d’infos validées en circulation ! N’oublions pas que beaucoup de profils de conspis ressemblent au mien et qu’ils ont été menés à des conclusions hâtives/biaisées sur nombre de sujets sensibles par – en sus des classiques biais cognitifs – l’ennui, l’ignorance, la fainéantise voire un orgueil mal placé. Ou tout cela à la fois.
  3. La crédulité n’est pas un vilain défaut ! C’est une faille de l’esprit humain qui est régulièrement ouverte par nombre de biais cognitifs dont nous sommes victimes. Il n’y a pas de classe sociale ni de niveau intellectuel qui échappe à la crédulité. De mon expérience personnelle, j’ai pu entendre de la bouche d’un chirurgien qu’il croyait en l’astrologie et de ma kinésithérapeute qu’elle était persuadée de l’effet thérapeutique de l’homéopathie sur les animaux… Il y a bien entendu des profils plus sensibles à la crédulité que d’autres mais globalement tout le monde est touché. Les personnes les plus crédules étant évidemment celles ayant un niveau de culture générale et de curiosité assez bas… Cela ne veut bien entendu pas dire non plus que les conspis seraient stupides et/ou incultes : je vous invite à ce propos au visionnage de cette courte vidéo du Debunker des étoiles [29] qui démontre qu’avant l’intelligence, ce sont des facteurs psychologiques et sociaux qui peuvent faire basculer nos esprits dans le complotisme.
  4. S’il est (souvent) inutile de combattre des conspis paranoïaques, il est d’utilité publique de mettre en défaut les gourous qui véhiculent les idéologies complotistes. C’est un peu comme s’attaquer à la racine du problème… si le gourou est déstabilisé et incapable de répondre de manière constructive à des contre-arguments démontant ses thèses, il ne pourra que mieux exposer son inconsistance à d’hypothétiques futures ouailles !
  5. Enfin, il ne faut tomber non plus dans l’anti-complotisme béat qui veut qu’aucun complot n’ait jamais eu lieu et qu’à la simple évocation d’un complot, il faille se moquer de son interlocuteur. Non : l’Histoire est gorgée de complots de toutes sortes avec plus ou moins d’implications importantes pour le monde mais ces complots ont tous fini par justement rentrer dans les livres d’Histoire. Car il est impossible de conserver secret un complot de grande taille sur une longue durée de temps ! [30] Des complots, il y en aura toujours mais le complotisme est bien plus souvent évoqué aujourd’hui dans l’espace public par les politiques comme une arme à double-tranchant : d’une part il jette péremptoirement le discrédit sur toute forme d’argumentation (venant souvent des Internets), et d’autre part il sert de paravent aux politiciens cherchant à masquer maladroitement leurs erreurs, malversations et/ou incompétences ; lesquelles auront été soigneusement mises en lumière par leurs adversaires politiques.

En bref, gardez l’esprit ouvert mais plus que cela… gardez l’esprit critique !