LRDP : opus 2 ?
Article mis en ligne le 6 avril 2015

par Nali

Les aficionados de La Révélation des Pyramides ont vu passer récemment sur la page Facebook du film un teaser intitulé Gizeh 2015 - Reload, qui annonce peut-être la parution prochaine d’un nouvel opus, promis depuis deux ans, du film de Patrice Pooyard et Jacques Grimault. Nali, que les lecteurs de ce site connaissent déjà pour ses articles sur le vase de Dorchester ou le miel des pyramides, s’est livré au petit exercice consistant à prédire - et à démonter par avance - ce que seront les nouvelles « révélations » du nouvel opus. - Irna

Je suppose que chacun d’entre vous connaît cette œuvre magistrale qui révolutionne l’égyptologie : La Révélation Des Pyramides. Comme nous n’avons pas eu suffisamment de « révélations » dans l’opus original, son réalisateur a la bonté de nous gratifier d’une séquelle. Doit-on parler d’une « deuxième balle à blanc », puisque le titre est Reload ? J’ignore si c’est en hommage à Matrix ou à Metallica.

Ne voulant pas vous faire languir plus que nécessaire, voici donc le lien vers un avant-goût de cette merveille : https://www.youtube.com/watch?v=KzDWec0wMLo

À quelles nouvelles révélations allons-nous avoir droit cette fois-ci ? À cette question, votre cœur palpite, vos guiboles flageollent, votre index se crispe, prêt à scroller... Ne supportant pas la souffrance de mes congénères, j’ai tenté de dresser un petit bilan suite à ces 2’30" de bonheur absolu.

On y retrouve plusieurs passages :
1/ le revêtement du Sphinx en briques de calcaire
2/ les traces d’érosion autour de la fosse du Sphinx
3/ la forme des blocs dans le Temple de la Vallée
4/ la perfection de la planéité d’un bloc de diorite
5/ des empreintes en creux dans le calcaire
6/ bloc arrondi du fronton du Temple de la Vallée
7/ un bloc de 50 tonnes
8/ des supposés blocs en polymère
9/ le sarcophage dans la Chambre du Roi


1/ le revêtement du Sphinx en briques de calcaire

Le Sphinx a subi plusieurs grandes restaurations.

Phase 1
La première en -1400 environ, par le pharaon Thoutmosis IV. Il existe encore une stèle commémorative, dite « stèle de Thoutmosis », située entre les pattes avant. La sculpture a été désensablée, puis des briques à base de boue ont été mises en place autour afin de la protéger du vent et du sable. Ramsès II fait effectuer des réparations lui aussi, ainsi que son quatrième fils Khaemwaset, surnommé parfois le « prince archéologue » de par ses multiples travaux de rénovation.

Phase 2
Période Saïte (500 av. JC). Elle concerne la majorité de la partie supérieure coté sud. Des briques de calcaire ont recouvert les précédentes. La queue et la coiffe ont également été restaurées. Il est possible qu’il ait été peint.

Phase 3
Époque romaine, de 30 av. JC au IIème siècle. Des briques recouvrant les pattes avant, ainsi que les côtés.

Les archéologues Marc Lehner et Zahi Hawass ont procédé a une identification précise de chacun des blocs de recouvrement du Sphinx, afin de déterminer au mieux la date de chaque restauration.
http://www.aeraweb.org/sphinx-project/mapping-the-sphinx/

Je m’attends à ce que le documentaire à venir présente les premières restaurations datant de Thoutmosis IV comme preuve d’un mauvais état du Sphinx dès cette époque. Ce qui validerait donc les théories qui affirment qu’il serait plus âgé qu’on le prétend. Or le calcaire marneux de sa partie inférieure est très fragile et friable. La partie supérieure est une couche de calcaire beaucoup plus dur, ce qui explique que la tête soit en meilleur état. N’oublions pas qu’à cette époque le Sphinx était déjà âgé de plus de 1000 ans, même s’il est vrai qu’il a passé de longues périodes à l’abri de l’érosion en étant ensablé. Une autre caractéristique du calcaire marneux est qu’il est très sensible à l’humidité, ceci s’expliquant par le fait qu’il contient 5 à 35 % d’argile.

L’ancien lit du Nil passait juste au pied du Sphinx. De par les infiltrations dans la nappe phréatique, on peut donc considérer qu’il a commencé à se désagréger avant même d’être terminé.


2/ les traces d’érosion autour de la fosse du Sphinx

C’est la preuve, selon Robert Schoch, que le Sphinx date de 10 000 ans. Mais comme par hasard, ce géologue croit aussi à la parapsychologie et autres concepts hors du commun... Il est aussi convaincu que les Égyptiens ont découvert l’Amérique.
http://www.robertschoch.com/booksandpublish.html

La version de Jean-Pierre Houdin me semble bien plus convaincante.
http://pyramidales.blogspot.fr/2013/07/preuves-architecturales-et.html

Selon lui, après analyse du relief du plateau, la fosse du Sphinx se trouve être au confluent des eaux d’écoulement du plateau, la Chaussée de Kephren faisant office de caniveau. Il n’est donc pas étonnant que le calcaire marneux de cette fosse, composé en partie d’argile et fragile, ait subi des dégâts liés à cet écoulement.

L’objection la plus courante est que l’Égypte est trop aride, et que les pluies n’auraient pas été suffisantes pour provoquer une telle érosion. Or, il existe quantité de témoignages attestant de la présence d’une savane à l’époque. On y trouvait oryx, gazelles, lions, autruches, sarcelles, oies, hyènes, babouins, etc... Autant d’animaux ne vivant pas dans le désert. De plus, un certain nombre de tombes de la Vallée des Rois ont été endommagées suite à des inondations ayant pour origine le débordement de cours d’eau. Quel autre phénomène que la pluie peut donc provoquer ça ? On peut également signaler la présence de passages creusés sous la Chaussée de Kephren, dont le but était selon toute vraisemblance de permettre à l’eau de circuler.


3/ la forme des blocs dans le Temple de la Vallée

Un classique. Une explication simple existe. Les blocs n’étaient pas taillés parfaitement et mis ensuite en place, mais dégrossis, la finition étant une étape ultérieure. On peut voir un exemple sur le parement de la pyramide de Mykérinos, où sont placés côte à côte des blocs encore bruts et des blocs à l’aspect fini.

Il est donc logique de constater des chevauchements dans certains angles, lorsqu’un bloc était plus épais que ceux au-dessus et au-dessous.


4/ la perfection de la planéité d’un bloc de diorite

C’est une reprise des théories de Christopher Dunn. Ce bloc est censé être dans le Temple de la Vallée. Tout d’abord, est-t-il réellement en diorite ? Il me semble que certaines roches ressemblent à la diorite mais n’en sont pas, n’ayant donc pas la même dureté. Celle de la diorite est de 7 sur l’échelle de Mohs, alors que le marbre par exemple atteint 3 ou 4 (talc : 1 et diamant : 10).

C’est le même Christopher Dunn pour lequel les pyramides sont en fait des centrales électriques, utilisant les mêmes techniques que Nikola Tesla. http://www.gizapower.com/

Voilà le bloc en question :

On lit parfois (par exemple https://www.facebook.com/ForumAuDelaDuMiroir/posts/453125048175151) que la planéité de sa surface est précise au 2/10 000ème de pouce. C’est-à-dire 5 microns, 10 ou 20 fois plus mince qu’un cheveu. Mais comment cette mesure a-t-elle été effectuée ?

La réponse est dans le livre de Christopher Dunn Lost Technologies of Ancient Egypt. Tout d’abord, il ne précise pas comment il a fait les mesures sur cette pierre, mais dit avoir procédé de la même façon que pour la mesure de l’intérieur du sarcophage dans la Chambre du Roi de la pyramide de Khéops. C’est expliqué dans son livre à partir de la page 142. Ouvrage consultable en ligne ici :
https://books.google.ca/books?id=e45KvhofGKMC&lpg=PA154&ots=bV_67zY8DL&dq=chris%20dunn%20diorite%20temple%20of%20valley&hl=fr&pg=PA142#v=onepage&q&f=false

Il faut donc se référer aux mesures effectuées sur le sarcophage. À signaler qu’il emploie systématiquement le terme de "box" (boîte). Pour effectuer les mesures de planéité à l’intérieur du sarcophage, il a fait fabriquer une règle en acier de 12 pouces de long (30 centimètres) avec une précision de 1/10 000ème de pouce (0,0025 millimètres, soit 2,5 microns). Celle ci très exactement :

Voir page 146. Jusque là, tout va bien. Il l’a ensuite plaquée contre la paroi, et comme la pièce est sombre il a utilisé une lampe torche par l’arrière, afin de mettre en évidence un défaut de planéité en se fiant à son œil.

Rappelons que l’œil humain ne va pas plus loin que 0,1 mm, et encore, dans les meilleures conditions d’éclairage. http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doscel/imgAr/anim/echelle.html

Pour le moment la précision supposée de planéité de ce bloc n’est pas donnée dans la vidéo, qui n’est qu’un avant-goût. Il serait intéressant d’avoir le chiffre, la technique de mesure employée ne correspond pas à l’usage habituel en métrologie...

Citroën arrivait à atteindre le micron en atelier climatisé pour les usinages des blocs hydrauliques et autres tiroirs qui composent l’usine à gaz nommée la DS.


5/ des empreintes en creux dans le calcaire

Ce qu’on voit là n’est pas le mur fini, mais la face arrière du mur. En effet, la finition n’était pas brute de calcaire, mais recouverte d’un revêtement de pierre plus noble. Lorsqu’un bloc servant au revêtement était plus profond que les autres, il était plus simple de creuser dans le calcaire tendre pour lui laisser un espace que de tailler dans le granit ou la diorite, selon les cas. On peut voir des exemples ailleurs, comme ici :


6/ bloc du fronton du Temple de la Vallée

Pendant un court instant, à 1’33", on voit un bloc avec des arrondis cher à Christopher Dunn. On le retrouve sur son site http://www.gizapower.com/pma/

On peut y constater qu’il a encore une fois superposé des cercles sur une construction. L’idée n’est pas idiote en soi, il est fort possible que les gabarits aient été réalisés de cette manière.

Mais il a déja utilisé cette technique pour « démontrer » la parfaite symétrie d’une autre sculpture, tout en s’arrangeant quelque peu avec le tracé pour qu’il corresponde à ce qu’il cherchait à démontrer. Exemple de tracé de cercles sur une photo :

Une autre version en couleur, sur laquelle j’ai fait un gros plan :

La différence est subtile entre les 2 côtés. Mais rappelons que c’est agrandi. L’accumulation de petits décalages passe inaperçue et donne l’impression d’un ensemble cohérent.

J’en déduis donc qu’on va encore entendre que seules des machines numériques sont capables de découper de tels contours avec précision. Ce qui est en plein dans les compétences de Chris Dunn, puisqu’il est opérateur de machines à commande numérique (et non ingénieur comme on le lit parfois).


7/ un bloc de 50 tonnes

Sans doute trop lourd pour être déplacé sans grue ... Il suffit de mentionner l’obélisque de 230 tonnes place de la Concorde à Paris pour clore ce sujet. C’est relativement bien détaillé ici :
http://www.lepoint.fr/culture/le-fabuleux-voyage-de-l-obelisque-de-la-concorde-22-06-2014-1838588_3.php

Il est exact que la méthode d’érection n’a pas forcémemt été la même, puisque celle de l’obélisque de Paris a probablement fait appel à bien plus de bois que ce dont les Égyptiens pouvaient disposer, mais faut-il rappeler que là non plus il n’y a pas eu d’usage de grue ni d’aucune machine moderne ? Uniquement des cordes et des glissoirs, qui peuvent très bien être réalisés en cèdre. À titre préventif, je tiens à signaler que les Égyptiens étaient experts en fabrication de cordes solides à base de papyrus, certaines mesurant près de 30 mètres.
http://web.archive.org/web/20080626064154/http://dsc.discovery.com/news/2008/06/20/rope-cave-egyptian.html

Exemple de cordes découvertes à Mersa Gawasis, datant de la 12ème dynastie. Des cordes équivalentes ont été découvertes à Ouadi el-Jarf, contemporaines de la construction de la pyramide de Khéops.


8/ des supposés blocs en polymère

La théorie de Davidovits au sujet des blocs moulés n’existe que sur le papier. Aucune étude sérieuse n’a jamais permis de la prouver. Dans les « expériences pratiques » qu’il a faites, il n’a même pas suivi sa propre recette, selon laquelle de l’argile serait extraite du calcaire en ajoutant du natron, mais a ajouté de l’argile en sac comme on peut en trouver dans les magasins pour la construction. Peut-on se fier à cette expérience ? On peut la voir en vidéo ici :
https://www.youtube.com/watch?v=WbmPFHV5hJU

Il lui a fallu plusieurs jours pour obtenir un bloc d’une tonne, mélange de calcaire, de natron et d’argile. Sans cuisson, ce mélange a peu de chances de résister 4000 ans aux intempéries.

Davidovits est aussi présent lors des recherches sur les « pyramides de Bosnie », où selon lui, comme par hasard, on trouve aussi du « béton polymère ». Il a fait des conférences à leur sujet accompagné de Chris Dunn (tiens tiens ! on le retrouve !) et de Graham Hancock, un écrivain spécialisé dans les théories du genre Ancient Aliens.

On pourrait objecter qu’il n’avait pas d’autre choix que d’ajouter de l’argile kaolin, faute de disposer de calcaire marneux, appelé aussi calcaire impur, comme à Gizeh. Pourtant, on trouve aussi ce type de calcaire un peu partout en France, notamment dans la région parisienne, non loin de l’endroit où est situé le siège de son entreprise l’Institut Géopolymère. Peut-on faire confiance à quelqu’un qui n’applique pas ses propres recettes ?


9/ le sarcophage dans la Chambre du Roi

Ici on a simplement des images. Je m’attends à une « extrême précision ». Il suffit de citer les relevés de Petrie et je crois Lehner aussi pour mettre à mal cette légende. Le sarcophage n’est pas d’équerre, et pire encore il présente des défauts de fabrication qui ont été plus ou moins bien camouflés (perçage trop profond à 2 endroits).

D’après les mêmes relevés de Petrie, il n’y a pas que le sarcophage qui soit de travers, mais aussi la Chambre du Roi au complet. Les murs ne sont pas droits, le plancher a des creux de 5 à 6 cm, et les poutres du plafond ne sont pas taillées avec les deux faces parallèles. Il n’en reste pas moins que le travail est magnifique, mais pas précis au centième de millimètre comme on peut le lire souvent. En ce qui concerne les mesures de la Chambre, sarcophage et plafond inclus :
http://www.ronaldbirdsall.com/gizeh/petrie/c7.html#51

Il est évident que tout ceci n’est que suppositions de ma part, il est tout à fait possible que les images qu’on voit dans cet aperçu soient exploitées et interprétées de manière complètement différente dans la vidéo finale. Cependant, au vu du ton du premier épisode et des thèmes habituels de cette joyeuse équipe, j’en serais très surpris. Les paris sont ouverts !

« Tu dois t’efforcer d’être sincère avec ton prochain même si cela doit lui causer du chagrin. »
Aménémopé (époque ramesside vers -1300/-1075).


Mise à jour du 17 juin 2015 : Finalement ce n’était pas l’opus 2 que ce teaser annonçait, mais un "opus 1,5"... ou comment recycler les rushes inutilisés de l’opus 1...