« Mégalithes, un monde oublié » - Howard Crowhurst, 2021
Article mis en ligne le 10 mars 2023

par Gollum Illuminati

Nous avons eu l’occasion de visionner le dernier film de Howard Crowhurst sorti récemment, intitulé Mégalithes, un monde oublié.
Le film a été réalisé à la suite d’un crowdfunding.

Alors ce film, qu’est-ce que c’est quoi donc ?

Il s’agit d’un docu-fiction, débutant par la voix de Morgan Freeman (Benoît Allemane), qui pendant de longues minutes prend la place d’un mégalithe pour réciter un baratin ésotérique assez soporifique. « Je suis ton père. Et ta mère. La porte de ton existence. (...) je suis le sens de ta vie. (...) je te dérange dans tes histoires de possessions et de richesses. (...) je suis ton seul avenir », blablabla, « JE SUIS TOI » (les mégalithes seraient-ils schizophrènes ?)

Enfin, le film commence réellement. On comprend que ce qui a précédé était un rêve que vient d’avoir le personnage principal du film (Sarah, interprétée par Sarah Sutter) sur son lieu de travail.
Un rêve qui l’a toute chamboulée, si bien que lorsqu’elle quitte son bureau précipitamment,
bam ! Elle se cogne contre l’angle d’une table « OH MAIS QUELLE CONNERIE CET ANGLE DROIT ! » (sic).

Traumatisée par cet accident tragique, notre héroïne n’en peut plus, elle veut des réponses ! Sur le trajet du retour, elle ne cesse de s’interroger sur l’origine de ces fichus angles droits. Mais pourquoi y’a-t-il autant de carrés partout sur cette planète bon sang ? Alors que le carré n’existe pas dans la nature ! Mais qui a inventé les carrés ? C’est quoi cette bouteille de lait ? Tout cela est vraiment trop étrange.

Sarah arrive en retard à la maison, où David (Romain Lancry) l’attend d’un air dépité, en mélangeant sa soupe depuis des heures (son poignet est en feu).

On comprend alors que dans le couple, Sarah est versée dans l’ésotérisme, tandis que David, lui, est quelqu’un de rationnel.
David offre alors une montre à sa chérie, ce qui ne va pas manquer de la troubler encore davantage : « mais pourquoi quand il est moins 25 on doit mettre la grande aiguille sur le 7 ? Et pourquoi que le cadran il est divisé en 12 d’abord ? ».
C’est à ce moment-là que David, visiblement habitué et blasé par les frasques de sa dulcinée, réplique quelque chose d’intéressant : « toi et ta manie de trouver un sens à tout… ».
C’est vraiment LE sujet : ce besoin irrépressible que tout ait un sens, l’incapacité à envisager que le hasard puisse exister. Howard traduit à travers le personnage de Sarah, de façon consciente ou non, le mal être qui ronge certaines personnes pour qui une existence sans but précis devient insupportable, et qui sont prêtes à se rattacher à tout ce que l’on peut leur proposer. C’est bien le parcours qui attend notre héroïne, hantée par la nécessité que l’univers soit ordonné, maîtrisé, que chaque chose soit expliquée, que la vie ait une destination précise.
Et c’est ce que Howard va lui apporter, des réponses. Des réponses suffisamment évasives pour que chacun puisse y donner le sens qu’il souhaite.

Mais reprenons le fil de notre histoire. Sarah, insatisfaite des réponses de OK Google à ses interrogations métaphysiques, décide de plonger sur internet pour faire ses propres recherches. Et voilà-t-y pas qu’elle tombe sur des photos de Göbekli Tepe, la menant à une vidéo youtube de Howard Crowhurst. Le voici donc qui prend le relais de la narration. Est-ce la fatigue ou la volonté de prononcer le mieux possible, toujours est-il que Howard parle extrêêêêmement lentement. Déjà que le film n’était pas très palpitant, il faut s’accrocher pour ne pas sombrer dans un sommeil profond.

On nous ressort les écueils habituels sur ce site archéologique, qui bouleverse le monde, remet en cause l’archéologie officielle, et patati et patata. Les alternatifs ont décidément une passion débordante pour ce lieu. En même temps on peut les comprendre : ils ont toujours été persuadés que nos ancêtres étaient des imbéciles heureux flânant sur Terre oisivement la bouche en cœur, quel choc pour eux d’apprendre que ce fut loin d’être le cas.

A un moment Sarah s’étonne que dans les Musées, les Hommes de l’époque sont représentés avec de la barbe et des cheveux, alors que sur le site on a retrouvé une statue d’un homme grand, chauve et bien rasé. Si ça c’est pas la preuve que les archéologues se moquent de nous ! D’ailleurs Sarah a oublié de remarquer que la statue n’a pas non plus de bouche, ni de jambes, alors que dans les Musées on nous montre des gens avec des bouches et des guibolles ! ON VEUT NOUS CACHER LA VERITE !

Et là mettez vos ceintures, figurez-vous que l’on trouve des angles droits à Göbekli Tepe ! Oui, dès cette époque reculée ! Il y a en effet des gros piliers en forme de « T ». C’est-y pas incroyablement incroyable ?
On nous explique que l’on est face à une culture mystérieuse, la culture de l’angle droit.
Non, ne riez pas. Bon d’accord, mais juste un petit peu alors, gardez-en pour la suite.
Après avoir parcouru divers sites archéologiques dans lesquels on retrouve d’autres « T », Howard nous explique que les « T » de Göbekli Tepe font sans doute référence à l’arbre de la connaissance de la Bible, parce qu’il y a des serpents représentés ça et là. CQFD.

Nous voilà de retour chez nos deux amoureux, étendus sur leur lit, qui se demandent où ils pourraient bien aller pour les vacances d’hiver...

Alors que David suggère une escapade au soleil en Thaïlande, c’est la désillusion lorsque Sarah propose une aventure en Bretagne. David s’esclaffe, il pense d’abord à une blague. Sarah insiste, elle veut aller voir des grosses pierres trop étranges, et Carnac c’est beaucoup plus moins loin que Gobekli Tespieds. David se crispe, demande confirmation du sérieux de la proposition. Son regard cherche à comprendre le pourquoi du comment dans les yeux de sa compagne. On sent le désespoir dans le ton de sa voix. Sarah explique que c’est bientôt le solstice d’hiver. David reste plus que dubitatif. Il a déjà fait de nombreux sacrifices en la suivant dans des cours de Yoga. Cet homme souffre. Le sourire de Sarah suffira-t-il à convaincre David ? Est-ce le début de la séparation ? Vous le saurez dans le prochain épisode des Mystères de l’Amour.

En attendant, c’est le retour de ce bon vieux Howard, qui décide de nous parler des axes cardinaux, cet autre grand mystère de l’univers dont on n’a absolument aucune idée de l’origine.
Il nous explique que la sphère est quadrillée par les méridiens et les parallèles, qui forment des angles droits. Encore des angles droits, comme par hasard !
Et mais attendez une minute, puisque les méridiens convergent vers les pôles, comment peuvent-ils former des angles droits avec les parallèles ? Mais Howard, tu penses vraiment qu’il y a des gens qui vont gober une telle ineptie ? Nan, Sarah ne tombera jamais dans le panneau, puisqu’elle sait faire ses propres recherches. Ah merde…

Sarah est une femme heureuse. Aux bras de son chéri, elle flâne entre les pierres levées de Carnac. David aura finalement cédé, une nouvelle fois.
Howard à la narration, il nous présente le site, sur fond de musique épique, avec un montage haché comme LRDP, ce qui tranche complètement avec son débit de parole poussif, annihilant l’effet recherché.
Bien sûr, le film se contentera d’une présentation superficielle du site, n’évoquant à aucun moment son contexte archéologique, ni les différentes découvertes mises au jour riches en enseignements. Non, rien de cela n’existe lorsque l’on est un chercheur de vérité affranchi des dogmes de la science officielle. Nous sommes en face d’alignements mystérieux dont nous ne savons absolument rien, libres de pouvoir les interpréter comme bon nous semble. Marre de ces archéologues et historiens qui veulent nous imposer leurs connaissances et leur expertise. Laissez-nous nous complaire dans l’ignorance et rêver la réalité alternative qui nous plaira, merde !

Howard nous présente alors l’astrogéométrie, une « ancienne science » (sic).
On nous explique ensuite que l’angle entre le Soleil à son coucher et l’axe est-ouest forme un triangle 3-4-5 lors des solstices.

Et alors me direz-vous ? Bah ça ne peut pas être un hasard voyons. C’est pour cela que Carnac a été choisi par les alignateurs de pierres, parce que 3/4/5 (non ne me parlez pas des autres sites mégalithiques en France et encore moins dans le reste de l’Europe, chuuut !)
Le triangle 3/4/5 est partout, dans les alignements de Kermario, dans la pyramide de Khéphren (ah tiens pour une fois pas celle de Khéops, ah bah oui, parce que ça marche pas… chuuuut !), et tout plein d’autres trucs si on creuse bien.
Et là, Howard nous explique que dans l’ancienne pensée, chaque forme génère des ondes qui ont un effet sur le vivant : les ondes de forme. Oui, Howard a accès à l’ancienne pensée, me demandez pas comment. Dans le baratin ésotérique qui suit, on nous explique que les nombres précèdent la création et que tout ce qui a été créé est régi par la géométrie qui en découle, et d’autres choses cheloues. En gros, les nombres gouvernent le monde.

Retour sur la terre-ferme. Sarah accompagne Howard et les membres de son association sur une plage de Carnac. La fine équipe s’apprête à mener une expérience incroyable. Pour la réaliser, ils ont fait appel à des géobiologues, dont un certain Yannick Puren.
Nos amis vont tracer dans le sable 3 formes géométriques : un rectangle aux proportions exactes de la chambre du roi de la grande pyramide, un autre rectangle presque aux même proportions, et un triangle 3-4-5. Les géobiologues vont ensuite se promener sur la plage les yeux bandés, baguettes à la main, un pendule sous le coude, afin de détecter des ondes.
Notre premier géobiolologue s’avance vers le rectangle parfait, et à peine franchi la figure que sa baguette se met à partir en vrille, c’est extraordinaire. Sarah n’en revient pas. Bizarrement on ne verra pas le passage du second géobigleulogue. En même temps on s’en fiche du moment qu’un des deux a ressenti quelque chose, on garde uniquement celui qui valide. Ensuite il fait des mesures avec son pendule, à l’intérieur puis à l’extérieur de la forme géométrique. Ah tiens c’est marrant là il a plus son bandeau sur les yeux. Déjà qu’il ne lui cachait pas grand chose lorsqu’il gambadait baguettes à la main, là c’est bon le protocole de l’expérience à la poubelle.

Le verdict tombe : un taux vibratoire de 13000 Bovis à l’intérieur, 8500 Bovis à l’extérieur. Les mots me manquent face à un tel résultat. Et que dire du triangle 3/4/5, qui propage pas moins de 14300 Bovis ! Si ça c’est pas la preuve que… que je sais pas quoi d’ailleurs. Je vous rappelle qu’on est partis d’une femme qui se cogne maladroitement dans un coin de table pour arriver à un mec qui fait joujou avec un pendule sur une plage de Bretagne.

Le soir venu, David semble dubitatif, et fait remarquer qu’il ne voit pas bien ce que ça aurait de si extraordinaire un triangle 3/4/5. Tu m’étonnes.
Sarah sort alors son paquet d’allumettes, et reproduit un triangle 3/4/5 sous ses yeux ébahis : « un triangle 3/4/5 ça marche pas avec 4.1 ou 4.2, que avec 4 tout pile ; donc ça peut pas être le hasard, il y a forcément un sens derrière tout ça ! »
Ah oui en effet c’est dingue. Merci pour cette brillante démonstration. David n’était finalement pas si difficile que ça à convaincre.

On enchaîne sur une séquence de géo-numérologie dans laquelle Howard trace des carrés et des triangles imaginaires à peu près n’importe où sans que cela ait la moindre logique globale, chaque lieu étant le prétexte à la présentation d’une nouvelle règle sacrée sortie d’on ne sait où.
M’étant assoupi quelques instants devant tant de démonstrations fascinantes, je me réveille au moment où Howard nous explique que les 2 pierres à l’écran représentent une vulve. Je vérifie être toujours sur la bonne vidéo.

Ainsi toute la zone serait une ode à la procréation. Parce que triangle 3/4/5, parce que Soleil aligné, tout ça tout ça.
Et Sarah d’en conclure que le triangle 3/4/5 était l’emblème de l’angle droit (non moi non plus je ne vois pas bien le rapport).
Howard présente d’autres alignements magiques à Sarah, des carrés, des doubles carrés, des triples carrés, ça part dans tous les sens, ça n’a ni queue ni tête. Sarah semble elle-même ne pas piger grand chose, mais cela ne l’empêche pas de s’extasier devant le monologue ésotérique de notre sympathique Howard. « J’ai rien compris à ce que vous venez de dire, mais vous m’avez convaincue ! »
Moi qui croyait que cette histoire était terminée et que l’on allait enfin en savoir plus sur l’évolution du couple entre David et Sarah, voilà que Howard réapparaît sur le portable de Sarah alors qu’elle continue de faire ses propres recherches affalée sur son canapé. Cette fois il est question de mesures réalisées au Cairn de Gavrinis. Encore un triangle 3/4/5 dites donc, c’est fou.

Enfin David est de retour à l’écran. Sarah l’a visiblement convaincu par je ne sais quel subterfuge de l’accompagner au Cairn de Gavrinis. Sarah est surexcitée. David lui semble n’avoir qu’une hâte, fuir cette région remplie d’hystériques adeptes du culte de l’angle droit.

Ils s’engouffrent dans le Cairn. La tension est à son comble. Partout des courbes gravées sur la pierre ! L’œuvre du gang des courbes, rival du gang des angles droits ? David est mal à l’aise. Sarah, elle, est émerveillée.
Et là, c’est David qui prend la parole :
« Ce dont je suis sûr maintenant, c’est que tout cela n’a pas été mis là par hasard »
Sarah, elle, n’arrive pas à trouver les mots pour décrire ce qu’elle ressent. Et nous donc…

La voix de Howard surgit de nouveau, nous expliquant qu’il est impensable que toutes ces connaissances astro-géométriques puissent être le fruit du hasard. Et c’est reparti pour des carrés en veux-tu en voilà. Ça n’en finira donc jamais…

Enfin, ENFIN, le film arrive à sa conclusion : tout cela est la trace d’une mystérieuse civilisation très avancée disparue, ce qui remet en question l’Histoire de l’humanité. Ouvrez les noeils.

Que retenir de ce film ? Que pour préserver son couple il faut être prêt à tous les sacrifices.