Pakal planqué à Palenque
Article mis en ligne le 21 décembre 2018

par Laurent Tlacuilo

Palenque, c’est d’abord le souvenir d’un rendez-vous manqué. Moi, gamin, assis à l’arrière d’une voiture de location, à la sortie de l’aéroport de Tuxla et le gardien du parking qui se penche vers mes parents : « Où allez-vous avec votre fils, à Palenque ? Il ne faut pas y aller. C’est dangereux. »

On ne comprend pas trop ce qui se passe ; mes parents questionnent des gens aux alentours, les avis sont divergents. Un touriste américain revient du site visité la veille sans le moindre problème, un policier évoque des dizaines de morts. Mes parents prennent finalement la décision de ne pas s’aventurer plus loin. Le soir, à l’hôtel où nous avons posé nos valises, une Anglaise en larmes écoute le récit de sa sœur qui lui parle de corps disposés le long de la route, d’un bus sur le bas-côté et de ses occupants exécutés.

Ce sont les premiers jours de 1994, la révolte zapatiste au Chiapas vient d’éclater, mon rendez-vous avec Palenque sera remis à plus tard.

Palenque - Photo LT
Palenque - Photo LT

Palenque donc, une cité maya du Chiapas, à la limite du Yucatan, enfoncée dans la jungle des Basses-Terres, à une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau du Guatemala. Le site est immédiatement identifiable sur les photos : sa particularité, c’est sa tour carrée à trois étages qui surplombe le palais. Peut-être un observatoire – certains archéologues s’écharpent d’ailleurs sur la fiabilité de la restauration de ce bâtiment devenu emblématique.

A quelques centaines de mètres, le lieu qui nous intéresse : la plus grande structure pyramidale de la cité, le Temple des inscriptions. Un escalier central à l’édifice repose sur neuf gradins et conduit vers les cinq portiques du temple. Une fois dans celui-ci, un autre escalier, interne cette fois, permet pratiquement de descendre jusqu’au niveau du sol, à la hauteur des premiers gradins extérieurs, pour arriver dans une chambre funéraire, devant la tombe de Pakal.

Temple des Inscriptions - photo Eric Bernand - Source

C’est à l’archéologue mexicain Alberto Ruz Lhuillier que l’on doit la découverte de cette pièce en 1949. A l’époque, il remarqua au fond de la partie supérieure du temple une dalle percée de trous et supposa qu’elle pouvait être soulevée. Poussant la curiosité plus loin avec l’équipe de fouilles, ils découvrirent alors l’escalier interne jusque-là caché. Il leur fallut ensuite près de quatre ans pour déblayer les lieux, percer une série de murs pour finalement parvenir jusqu’à la crypte funéraire. Restait encore à comprendre que la dalle imposante au centre de cette pièce qu’ils avaient d’abord prise pour un autel sacrificiel était en réalité un cercueil. Il fallut enfin attendre une dizaine d’années et une meilleure compréhension de l’écriture maya pour donner un nom à la dépouille : Pakal, « bouclier ».

Ruz Lhuillier - Source

Pratiquement à la même période, la stèle funéraire qui recouvrait le corps de Pakal va déchaîner les passions et être à l’origine d’une théorie encore régulièrement mentionnée de nos jours : la gravure taillée dans la stèle représenterait en réalité un vaisseau spatial et le personnage central ne serait rien de moins qu’un des « anciens astronautes ».

Henri Broch, dans son livre Le paranormal – Ses documents, ses hommes, ses méthodes, attribue l’origine de cette interprétation à des Français : Guy Tarrade et André Millou, dans un article publié dans la presse régionale du sud-est en août 1966. Par la suite d’autres auteurs relaient cette théorie à leur tour, Robert Charroux et Erich von Däniken notamment, et on retrouve encore cette analyse dans la série télévisée Alien Theory ou évoquée à de multiples reprises dans les réflexions pseudo-scientifiques sur YouTube.

Voilà ce qui est proposé : sur la stèle figure un homme, le roi Pakal, dans une position étrange, assis ou couché selon qu’on lise la stèle à l’horizontale ou à la verticale. Dans ses mains, il tient les manettes d’un engin, ses pieds reposent sur des pédales, sa tête est calée contre un appui-tête et un tuyau parvient jusqu’à ses narines, probablement un masque à oxygène. Sous le personnage, divers symboles représentent du feu et indiquent donc une combustion au niveau des propulseurs de l’appareil. Tout autour du personnage, des éléments du système de navigation ou de la coque même de l’appareil. En haut et en bas de la stèle, les figures humaines indiquent une planète quittée et le lieu de destination, tous deux habités d’êtres humains. Les symboles gravées dans les rectangles qui bordent la stèle sont quant à eux des informations stellaires, des représentations de planètes et de galaxies, une sorte de carte du ciel ou d’indications pour le voyage spatial. Enfin, certains éléments comme l’animal juché sur le sommet de l’appareil sont des extraterrestres.

Ces différents points sont récurrents dans les différentes analyses. Suivent quelques détails susceptibles de varier, un ajout par ici, une modification par là. Tarrade et Millou datent par exemple la pierre de 10 000 ans et associent les 24 symboles qui cernent la stèle au site de Tiahuanaco, Giorgio Tsoukalos (Alien Theory) mentionne un télescope sur la stèle, Monde Mystérieux (YouTube) voit dans les trois cercles récurrents une représentation de la constellation d’Orion (reprenant probablement Charroux).

Pakal - Wikipedia

Von Däniken écrit dans Présence des extra-terrestres (1968 – traduction française l’année suivante) :

« C’est en 1935 seulement que l’on découvrit à Palenque (ancien empire) une sculpture qui représente très probablement le dieu Kukumatz (Kukulkan dans le Yukatan). Point n’est besoin, quand on contemple cette œuvre, de faire preuve de beaucoup d’imagination pour être amené à se poser toutes sortes de questions apparemment insensées. Un examen superficiel, un coup d’œil innocent, et l’observateur le plus sceptique y est immédiatement contraint : cette sculpture représente un être d’apparence humaine assis dans un engin qu’un enfant même prendrait pour une fusée, le corps penché en avant, dans l’attitude d’un coureur. La pointe du véhicule se transforme en un corps constellé de creux semblables à des ventouses ; ce corps s’élargit ensuite et se termine en une grande gerbe de feu. Le conducteur dessert de ses mains une série de manettes ; son pied gauche repose sur une sorte de pédale. Sa tenue est la suivante : culottes courtes à carreaux, large ceinture, veste au col découpé, brassières et genouillères. Il serait surprenant que ce personnage ne soit pas coiffé de quelque couvre-chef compliqué. Il en porte un effectivement ; tout en circonvolutions bizarres et surmonté des inévitables antennes. Juste en face de son visage est suspendu un appareil qu’il observe avec attention. Son siège est séparé, semble-t-il, par une cloison, de la partie arrière de l’appareil où l’on distingue des points, des spirales, des carrés, des cercles à l’ordonnance symétrique.
Que signifie cette œuvre ? Rien ? Nous accusera-t-on d’affabulation sous prétexte que nous la tenons pour un indice tendant à justifier nos hypothèses relatives au séjour sur terre de cosmonautes étrangers. Si l’on refuse de voir l’évidence, de reconnaître quelque intérêt à l’indice que nous fournit la pierre sculptée de Palenque, n’avons-nous pas toute raison de mettre en doute l’honnêteté intellectuelle qui devrait présider à l’examen des découvertes archéologiques importantes ? L’archéologie n’est pas confrontée à des fantômes ; son étude, ce nous semble, s’appuie sur l’observation de choses concrètes. »

Pakal par Von Däniken - Source, repris de Chariots of the Gods

En tout état de cause, la version communément admise par la « science actuelle » est trop banale pour ces chercheurs : en effet, il faudrait se contenter d’y voir le roi maya entre les enfers souterrains et le ciel, entre la vie et la mort, accompagné de quelques divinités.

Autre problème, la stèle est tellement massive qu’il a fallu la placer durant la construction du temple, et non une fois l’édifice élevé. Cela dérange souvent les ufologues et chercheurs de l’étrange qui s’interrogent : les Mayas étaient-ils seulement capables de concevoir un tel travail à l’avance ? L’élément en tout cas rend les choses encore plus complexes, donc « mystérieuses ».
Les difficultés d’élaboration, le fait d’avoir un objet aussi massif, son emplacement dissimulé, tout cela participe à corroborer l’évidence : la dalle funéraire renferme un secret caché, il y a forcément un mystère à percer !

Voilà les mots régulièrement employés, les détails donnés et leur interprétation.
On y retrouve un réflexe récurrent de la lecture paranormale ou ufologique de l’histoire : le contexte n’intervient pratiquement pas.
Le monde maya n’est jamais décrit, ou lorsqu’il l’est un minimum, c’est en dénigrant systématiquement l’intérêt des archéologues et historiens, de la « science officielle » pour la stèle de Pakal. Comme si, ne parlant pas assez de cet objet précis, toute leur lecture du monde maya était faussée.
De même, aucun détail n’est donné sur Pakal lui-même, et c’est à peine si le temple où se trouve la tombe est détaillé. Pourtant, la tombe était fermée depuis des siècles. Or, logiquement, si la dalle permet de faire de Pakal le « premier astronaute aux commandes d’un vaisseau », de valider la théorie néo-évhémériste, il devrait en être de même du reste de la tombe qui était scellée jusqu’en 1952.
Si les inscriptions sur la dalle de Pakal sont aussi incroyables, uniques, l’ensemble de la salle renferme probablement d’autres informations. De même, les inscriptions, les signes et informations que l’on retrouve sur place ont bien peu de chance de se retrouver ailleurs, sans quoi la possibilité d’anciens astronautes dans le monde maya aurait été affirmée depuis longtemps…

Escalier secret - Source

Or, première déconvenue : la crypte funéraire n’a rien de bizarre ou d’unique. Sur le site de Palenque même, on a découvert depuis une autre tombe assez similaire, celle d’une femme surnommée la « Reine rouge ». Depuis identifiée comme Tz’ak-b’u Ajaw, épouse de Pakal, son corps reposait dans une tombe couverte d’une dalle et située dans une crypte funéraire à l’intérieur d’un temple (le Temple XIII).

L’existence d’une cavité dans un temple est d’ailleurs quelque chose de commun à de nombreux sites mexicains précolombiens. On retrouve cela par exemple à proximité de Mexico, sur le site archéologique de Teotihuacan avec le tunnel de Quetzalcoatl, sous la pyramide du Soleil (et un autre plus récent sous la pyramide de la Lune).
Cela bien sûr avec des variantes selon la géographie des lieux ou les cultures locales (maya, zapotèque, mixtèque, aztèque, etc) : ainsi les tunnels de Teotihuacan sont creusés sous la pyramide là où les cavités à Palenque sont incorporées à l’édifice. L’idée reste cependant assez similaire : un lieu scellé, à l’intérieur d’un temple ou sous celui-ci, où sont disposés des objets, des offrandes et des corps.

La Reine Rouge - National Geographic - Source

Dans le cas de la salle où a été retrouvée la dépouille de Pakal, des inscriptions figurent sur les bords de la stèle mais également sur les murs de la chambre funéraire. Pas uniquement des représentations, mais des glyphes mayas – du texte. Un type d’écriture que l’on retrouve à l’étage du temple, et dans de très nombreux édifices de Palenque. Le site archéologique compte en effet parmi les plus riches en inscriptions de toute la zone maya. L’ensemble des glyphes du Temple des inscriptions a d’ailleurs été traduit : il s’agit de repères chronologiques et historiques, de dates d’évènements importants et plus généralement des dates de naissance et de décès de dignitaires mayas.

La cavité funéraire est peut-être cachée mais son contenu, le décor, les ornements des lieux sont parfaitement en raccord avec la tombe voisine de la Reine rouge, ou avec les éléments gravés dans les bas-reliefs des bâtiments voisins comme ceux du Temple de la Croix. En somme, la tombe de Pakal n’a rien d’une exception, elle s’inscrit sans problème dans une architecture maya de l’époque classique (250 – 900 ap. J.-C.).

Cela, aucun chercheur amateur, aucun ufologue ne prend le temps de le mentionner. Le mystère y perdrait probablement.

Lorsque ces personnes se penchent sur la dalle, le choix opéré est le suivant : la stèle est décrite, mais jamais comparée à d’autres stèles, certains symboles sont volontairement ignorés tandis que d’autres sont identifiés de façon précise, mais sans expliquer véritablement pourquoi. Les éléments qui figurent sur la dalle ne sont jamais mis en relief par rapport à des sculptures ou des gravures présentes sur le site de Palenque ou dans d’autres lieux de la Mésoamérique.
Là encore, réflexes classiques des chercheurs de vérité et autres spécialistes en réinterprétation : si l’élément est massif et suffisamment ancien, il est forcément mystérieux ; si des éléments peuvent être interprétés à loisir, cela se fait hors de toute comparaison, hors de tout contexte ; lorsque des détails sont donnés, cela se fait sans la moindre source.
L’objet se suffit à lui seul en tant que preuve d’une version alternative de l’histoire. L’objet fait histoire.

Chambre funéraire - Arqueologia mexicana - Source

Et justement, lorsque l’on se penche sur la stèle, que voit-on ?

D’abord ce personnage central dans une position assez étrange, partiellement recroquevillée, comme crispé ou en posture fœtale. Mais de qui s’agit-il ? K’inich Janaab’ Pakal I nous disent les archéologues. C’est ce qui est indiqué dans la chambre funéraire. Enfin… c’est ce qui se dit ! Parce que, ça, c’est pour l’identification du cadavre qui est en-dessous de la dalle. Mais le personnage gravé dessus, peut-on l’identifier ?

Von Däniken, cité plus haut, écrit qu’il s’agit de Kukulkan, le serpent à plumes (l’équivalent du Quetzalcoatl des Aztèques). C’est faux. Et dans une interview, Henri Broch (zététicien) reprend une autre version assez commune et parle d’un sacrifié à qui on arrache le cœur – un anonyme donc – et Pakal appariés en une seule figure. C’est peu probable.

L’hypothèse de Von Däniken est assez grotesque ; les symboles circulaires en haut à droite et à gauche ne sont pas des symboles stellaires ou des visages extraterrestres comme parfois suggéré. Ce sont des glyphes connus, parfaitement identifiés et qui représentent des boucliers. Ils indiquent donc le nom même de « Pakal » et il semble logique que ce soit lui qui figure à côté. Mais plus probant encore, le personnage lui-même. Son costume est relativement sobre par rapport à des costumes d’apparat seigneuriaux mais il est tout de même composé d’une coiffe fournie, de bracelets et d’un collier. Beaucoup plus que pour un simple captif voué au sacrifice.

Aussi, lorsqu’Henri Broch indique que la figure sur la stèle, « c’est le gars qui est sacrifié, on va lui ouvrir la poitrine, sortir le cœur, on donne un coup de pied il tombe des escaliers etc », cette identité de sacrifié pose problème. Le chef maya, l’Ajaw, a un statut sacré, et on peut penser alors aux caractéristiques de la matière divine en Mésoamérique et particulièrement au fait qu’un plus petit élément appartient à l’ensemble. Tuer un animal demande ainsi à reconnaître cette disparition auprès de l’ensemble de la faune par exemple, couper un arbre revient à toucher à la forêt en tant que tout, ou encore le dieu de la pluie Chac/Tlaloc qui pour se répandre n’est pas réduit mais envoie ses serviteurs les tlaloques pour déverser la pluie. Mais le raisonnement inverse, renvoyer l’élément plus grand vers le plus petit paraît incongru. Ici, l’Ajaw qui est directement, physiquement, sous la fameuse dalle qui serait renvoyé au sacrifié est peu crédible. La symbolique du sacrifié paraît réductrice au sens propre, et aller à contre-courant des normes des représentations, qui privilégient de magnifier, de donner des attributs supérieurs à un individu secondaire, et non l’inverse. Régulièrement, le sacrifié peut incarner une divinité dont on rappellerait un sacrifice mythologique, se voir vêtu d’un déguisement en papier d’amate et enduit de peintures avant d’être tué. L’inverse est improbable, et en tant que figure sacrée, l’Ajaw n’a pas de raison de se voir reléguer à un rôle de sacrifié.

Concernant l’identification de cette figure comme étant Pakal, il y a mieux encore : ses traits physiques, ses attributs correspondent à d’autres représentations gravées ou sculptées de celui-ci. Souvent en zone maya et dans la cité de Palenque en particulier, les archéologues ont régulièrement fait part du soin apporté dans les représentations pour correspondre au physique de la personne représentée. Entre autres éléments, l’arête du nez est souvent reproduite avec un certain réalisme – pour l’épouse de Pakal, la Reine rouge, cela a d’ailleurs particulièrement marqué les spécialistes lorsqu’ils comparaient le crâne avec les représentations iconographiques.

Et puis, il y a cet élément près du nez, qui est un standard des hauts dignitaires mayas : un bijou fixé à la narine qui indique très souvent les classes nobles. Adieu donc au masque à oxygène : près de la moitié des seigneurs mayas en portent un sur les gravures à Palenque, Tikal, Yaxchilan ou encore Chichen Itza, et les autres n’ont a priori jamais embarqué dans la moindre navette spatiale.

Nez Yaxchilan - Source
Tête Pakal - Arqueologia mexicana
Nez Tikal - Source

Ensuite, il y a la bordure de la stèle, les 24 images dont parlent Tarrade et Millou. Pourtant, à y regarder de plus près, on en compte 20. Plus les frises aux deux extrémités avec des visages.
Vingt, exactement comme sur les piliers du Temple des Inscriptions, toujours le temple où se trouve la tombe, vingt, comme le nombre de base du système maya (les mathématiques mayas fonctionnent selon un système vicésimal, c’est-à-dire à base 20, et non 10 comme avec notre système décimal, et n’utilise que 3 chiffres : 0, 1 et 5).

Mais en prime, on note qu’il y a 18 éléments sur les côtés (9 de chaque) et 2 aux extrémités supérieures. 18 et 20 donc, comme la base du calendrier solaire maya qui repose sur 18 périodes de 20 jours auxquels s’ajoute « Wayeb », les cinq jours considérés comme néfastes (et qui donnent donc une année de 18x20 + 5 = 365 jours). Lorsque l’on compare les symboles à ceux du calendrier, l’évidence s’impose : ces indications ne sont pas des coordonnées stellaires ou des représentations de planètes, mais des repères temporels selon le calendrier maya. Les figures avec les bandes croisées par exemple, le « nouveau soleil », la « tempête rouge » sont clairement identifiables.

Symboles calendrier - Wikipedia

Quant aux figures humaines en haut et en bas, elles sont accompagnées de glyphes textuels qui indiquent leurs noms. Ce sont simplement les ancêtres de Pakal, une sorte d’arbre généalogique – partiellement réel et partiellement fantasmé, comme souvent dans la tradition mésoaméricaine où la lignée du seigneur, le « Ajaw » (parfois orthographié « Ahau »), fait remonter les lointains ancêtres à des figures sacrées. Dans le cas de la tombe, l’un des visages est d’ailleurs répété en haut et en bas, identifié par son nom : Chak Chan.

Retour à Pakal et à la position centrale qu’il occupe sur la stèle. Il repose sur une forme complexe, sorte d’autel cubique et de tête difforme tout à la fois, un peu plus bas quatre dents cernées de deux canines incurvées autour desquelles serpentent deux courbes qui remontent le long de la stèle jusqu’à la hauteur du corps.

Au-dessus de lui, émergeant de son corps, une forme en croix couverte de glyphes dont les extrémités sont recourbées vers l’intérieur. Sur celle du haut, tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, un oiseau. Et partout dans les espaces vides, des symboles, glyphes et points disposés ça et là.

L’élément cruciforme est, une fois de plus, un classique des représentations mésoaméricaine et plus que tout de Palenque. Un peu plus haut, il était question du Temple de la Croix, nommé ainsi à cause d’une célèbre représentation en croix justement, très similaire à celle de la dalle de Pakal : un oiseau au sommet, les extrémités courbes (pas celle supérieure cette fois), des glyphes incrustés…

Temple de la Croix - Arqueologia mexicana

Notons au passage que ce panneau sculpté du Temple de la Croix a également suscité des interprétations abusives, voyant dans cette croix un symbole chrétien. Les néo-évangélistes se sont précipités sur cette version. Également les partisans d’une théorie selon laquelle d’anciennes civilisations auraient parcouru l’ensemble du monde il y a plusieurs milliers d’années. En 1953, l’archéologue mexicain Alfonso Caso devait déjà rappeler en ouverture de son livre El pueblo del sol qu’aucun apôtre du Christ n’avait jamais posé le pied sur le sol mexicain.

Et, pour la forme qui nous intéresse, il ne s’agit pas d’une croix, mais d’un arbre. Parfois dénommé « l’arbre de vie », il renvoie notamment à la tradition mythologique maya telle qu’on peut la retrouver dans le Pop Wuh (parfois Popol Vuh) où des jumeaux sont tués dans les mondes souterrains et décapités avant que leurs têtes ne reprennent vie dans un arbre. L’arbre mettra la jeune Xquic enceinte en lui crachant dans la main. Celle-ci donnera ensuite naissance à Hun Ahpu et Xbalamque qui vengeront leur(s) parent(s).

Hors de la zone maya, on retrouve ce symbole végétal à trois extrémités notamment dans des bas-reliefs de Teotihuacan (fresque murale des arbres de Techinantitla) par exemple où des glyphes de fleur se divisent en trois extrémités (tournées vers l’extérieur cette fois, ou droites – rappelant un peu la fleur de lys française).

A présent, la partie inférieure du sarcophage : celle-ci montre une mâchoire béante dont sortent comme des serpents. Mais l’autel sur lequel repose Pakal et qui descend jusqu’aux six dents semble lui-même être une figure humanoïde difforme, mais parfaitement symétrique.
Sans surprise, c’est un schéma que l’on retrouve à travers tout le Mexique pour des gravures et des sculptures de la même époque ou bien plus tardives, dans les cultures mayas tout comme dans les représentations aztèques. Une figure symétrique, parfois deux têtes se faisant face de profil, forme un visage monstrueux – et celui-ci est d’ailleurs régulièrement pourvu de dents similaires.

Petit tour d’horizon : au plus proche d’abord, une nouvelle fois au Temple de la Croix, toujours sur la fameuse représentation, on retrouve le même visage au pied de l’arbre, sans les dents ni les courbes-serpents.
A l’extrémité de la zone maya, à Copan (Honduras), l’un des murs de la structure 16 montre une mâchoire très similaire, composée de 8 dents cette fois (mais toujours deux canines courbées), et l’entrée sud de la structure 11 propose elle 8 dents cernées de deux formes légèrement surélevées et courbées vers l’intérieur qui, évidemment, font penser au même schéma.
A Copan toujours, la structure 9N-82 ne montre pas les dents, mais les figures serpentines qui là aussi cernent un personnage, doublées par le même type de symboles que sur la tombe de Pakal, et en prime avec les mêmes jeux de points que vous aurez peut-être remarqués sur la dalle de Pakal : tantôt 4 et 3 (sur les côtés), 2 (juste en dessous, aux extrémités de la mâchoire inférieure), ou 1 (directement sous la dentition).
A Chicanna, situation inverse autour d’une entrée de la structure 20 : deux gueules ouvertes de serpents encadrent l’accès, le tout surmonté par quatre blocs plats avec deux formes courbes à leurs extrémités ressemblant à ce même type de dentition.
A Tajin, sur le jeu de pelote par exemple, une combinaison de deux profils forme encore une tête.

La liste pourrait encore s’allonger (Bonampak, Calakmul,…). Rappelons-nous simplement que Von Däniken et ses émules interprètent sur la figure d’origine ces symboles comme des réservoirs à carburant, un système de propulsion ou encore des flammes. Après avoir déniché ces mêmes symboles sur l’ensemble de l’espace maya et au-delà, c’est toute la Mésoamérique que nous pouvons donc transformer en sites de lancement dignes de Cap Canaveral ou Houston. On a un problème, non ?

Mais le jeu peut devenir encore plus pervers si l’on y rajoute la figure de Chac, le dieu de la pluie, qui joue lui-même souvent avec certains de ces symboles pour être représenté. Chac est un dieu essentiel du panthéon mésoaméricain, pour l’ensemble des cultures. Chez les Aztèques (les Mexicas sous leur véritable nom), on retrouve par exemple la divinité sous son nom de Tlaloc comme l’un des deux dieux du Templo Mayor, la double pyramide centrale de Mexico-Tenochtitlan (le second dieu étant Huitzilopochtli, divinité spécifique aux Aztèques).

Dans une version minimaliste et symbolique de Chac/Tlaloc, que voit-on ? quatre formes allongées (des dents ?) autour desquelles figurent des courbes. Plus détaillé, il est souvent affublé de boucles d’oreilles, présente des canines proéminentes, des yeux globuleux (parfois des sortes de lunettes circulaires), un nez souvent crochu sous lequel se trouve une moustache ou une dentition qui serpente…

Il arrive dans des représentations (mayas notamment) que deux figures de profil de Chac assemblées forment un visage de face (toujours le même jeu visuel). On y retrouve la dentition caractéristique, les yeux globuleux, parfois des boucles d’oreille. Beaucoup de choses qui figurent donc sur la gravure difforme de la stèle funéraire. Rubén Bonifaz Nuño dans Imagen de Tlaloc (1986) va jusqu’à émettre l’hypothèse que la représentation de Tlaloc découle de la combinaison de deux têtes de serpent telle qu’elle figure pour la divinité Coatlicue (relativement peu probable – mais le travail met en évidence ce jeu de représentation avec combinaison de deux figures).
Chac/Tlaloc est régulièrement muni d’un bâton de foudre (représentations dessinées sur les codex par exemple) qui… serpente. Et la divinité est essentielle au monde de la mort. De nombreux sacrifiés lui reviennent, et on trouve souvent dans les cavités et tunnels (au niveau du Templo Mayor de Mexico-Tenochtitlan à côté du monolithe de Tlaltecuhtli, ou encore dans le tunnel de Quetzalcoatl à Teotihuacan, etc) de petites sculptures de Tlaloc de dix-quinze centimètres, ses incarnations surnommées les tlaloques (sortes d’émulations de la figure principale, ils représentent notamment l’idée de la multitude des gouttes de pluie), accompagnées de leurs petits bâtons de foudre, souvent aux côtés de quelques corps sacrifiés. Car les Mayas, comme les Aztèques (mais dans des proportions moins grandes) et contrairement à ce qui est encore répété par certains guides locaux, ne sont en aucun cas de doux agneaux, sorte de Grecs idéalisés de l’Amérique latine, respectant la vie et ne commettant jamais le moindre sacrifice. Ils tuent eux aussi pour leurs divinités, de façon régulière, mènent des expéditions guerrières, sacrifient et pratiquent parfois le cannibalisme. Or, à côté de la dépouille de Pakal (comme de celle de son épouse d’ailleurs), on a retrouvé six corps de victimes offertes aux dieux. Enfin, Chac est parfois associé à l’arbre de vie, comme avec le codex maya de Dresde (Codex Dresdensis, p. 26).

Chac / Tlaloc Uxmal - Wikipedia
Chac / Tlaloc Teotihuacan - Wikipedia
Chac / Tlaloc - Codex Ixtlilxochitl - Source
Tlaloques - Mexico-Tenochtitlan - Photo LT

De là à penser que, sur la dalle funéraire, la figure difforme ou la mandibule avec sa dentition puissent être un renvoi à Chac, c’est une option. Il paraît plus prudent et légitime de penser qu’en tout cas ces attributs récurrents renvoient à des divinités associées au serpent, aux morts (pour partie sacrifiés) et plus généralement au monde souterrain. Monde souterrain qui n’a rien des « enfers » évoqués par les spécialistes auto-proclamés et docteurs en vie extraterrestres, mais répond au terme d’inframonde, « Xibalba » chez les Mayas. Cet univers n’est pas du tout connoté négativement comme le sont les enfers des trois monothéismes ou sinistre et lyrique comme une balade en compagnie de Dante Alighieri.

Là encore, ufologues et apparentés montrent les limites de leur lecture du monde, fixé sur un prisme occidental, culturellement européen et chrétien. Au final, inapte à toute extrapolation.

Nous commençons à mieux cerner le jeu de représentation de la stèle de Pakal. Comme très souvent avec les représentations sacrées en Mésoamérique, c’est un véritable rébus, une sorte de kabbale, à la fois jeu symbolique et mathématique à multiples entrées. Et il serait bien présomptueux de prétendre l’avoir parfaitement déchiffré ou compris…

Reprenons : la gravure figure Pakal à la jonction entre un arbre, symbole de vie ou de renaissance, et l’inframonde, monde souterrain associé à la mort. De très nombreux jeux de symétrie et des doublons parsèment la stèle (le bouclier, la mâchoire, les branches de l’arbre, les signes du calendrier…).

La position même de Pakal et son attitude peuvent suggérer de nombreuses interprétations qui renforcent un peu plus ce positionnement entre les mondes, entre vie et mort, et le fait que lui en est le centre.

La posture sur une sorte d’autel évoque un sacrifié – certains commettent l’erreur de réduire le personnage à cette seule identité (comme évoqué plus haut). Cependant lorsqu’il s’agit exclusivement d’un sacrifié, le personnage est souvent représenté sur la stèle, maintenu par des prêtres tandis qu’un autre brandit un couteau sacrificiel, ou bien le corps largement écarté – et ce n’est pas le cas ici.

Codex Tudela - Wikipedia

Deux choses néanmoins, le symbole au niveau du bassin de Pakal, qui peut suggérer un couteau rituel ; et l’arbre de vie parfois associé à des éléments sacrificiels – comme sur les bas-reliefs de Teotihuacan où l’on peut voir un cœur et des mains tranchées associés à un arbre fleuri.
Il paraît toutefois absurde de vouloir sacrifier un seigneur, un Ajaw. Pakal ne peut pas être un sacrifié. L’inverse par contre est possible : il arrive que les sacrifiés eux-mêmes soient affublés d’objets spécifiques et incarnent ainsi une autre entité (divine le plus souvent), ils sont alors tués pour reproduire une mort mythologique. Il est envisageable que les six sacrifiés découverts dans la salle funéraire étaient présents pour accompagner le seigneur, voire pour répéter l’évènement de sa mort.

Par ailleurs, sur la dalle Pakal peut sembler en position fœtale – il renvoie ainsi une image absolue de vie et de renaissance. Une fois encore, on retrouve une symbolique en totale contradiction, un équilibre entre deux éléments totalement opposés, Pakal à la fois naissant et mort, incarnant un paradoxe, fusionnant des contraires.

Cela est typique du monde mésoaméricain qui n’est pas pensé de façon linéaire, mais cyclique. Il est pensé de façon binaire, en terme d’opposés et ces opposés se rejoignent. Le monde et l’humanité ont déjà disparus a de multiples reprises (trois ou quatre selon les cultures) et se dirige inévitablement vers une autre disparition. Mais chaque mort, chaque destruction de l’humanité est suivie d’une nouvelle période. Les divinités créent alors de nouveaux hommes, façonnés à partir de nouveaux éléments. Ainsi l’homme actuel est constitué de maïs. Maïs qui est parfois la plante figurant l’arbre de vie, maïs qui est la base de l’alimentation pour les populations mésoaméricaines et maïs qui explique potentiellement la légitimité du cannibalisme (si l’homme est originellement constitué de maïs, il est logique de pouvoir le consommer). Notons au passage que les divinités ont besoin du sang des sacrifiés pour assurer leur survie et que l’ensemble de ce monde se retrouve du même coup à la merci d’un équilibre précaire où les dieux sont tout aussi susceptibles que les hommes de disparaître – sans espoir de renaissance pour eux…

Petit aparté à propos du serpent : des interprétations de la dalle de Pakal voient dans la mâchoire et les deux courbes entourant le corps de l’Ajaw une représentation de K’awiil, dieu parfois associé au maïs, aux éclairs, aux serpents (on retrouve certaines similitudes avec Chac) et à l’Ajaw. Pour certains, Pakal serait même une personnification de la divinité. Les deux serpents qui figurent sur la gauche et la droite aux extrémités de l’arbre sont en tout cas une probable allusion à K’awiil.

Quoi qu’il en soit, des seigneurs mayas représentés tiennent souvent en main un sceptre (symbolisant leur pouvoir) qui se divise à son sommet en deux fourches similaires aux courbes qui entourent Pakal. C’est le cas sur les autres représentations du Temple des inscriptions (celles où figuraient déjà les symboles calendaires), ou sur des gravures de Chichen Itza.
En prime, le serpent est un animal fascinant pour les peuples mésoaméricains, avec le jaguar, l’aigle ou le quetzal, il est parmi les plus récurrents de l’iconographie. C’est un animal rampant, associé donc à la terre voire à l’inframonde. Mais il est considéré que le reptile mue pour se débarrasser de son corps terrestre, devenir ainsi céleste et s’envoler vers le ciel – on peut facilement faire le rapprochement avec le « serpent à plumes », la divinité du vent, Kukulkan/Quetzalcoatl. La symbolique reptilienne autour de Pakal paraît d’autant plus logique, de même que l’oiseau au sommet de l’arbre qui répond aux serpents de l’axe transversal, confirmant un peu plus cette position de l’Ajaw à la croisée des univers.

Prenons de la distance, grandissons la perspective ; le jeu symbolique continue.
Le Temple des inscriptions n’est pas une pyramide carrée, mais a une forme allongée avec son portique à cinq entrées ; les escaliers montent vers le sud, le portique est orienté ouest-est. La tombe de Pakal est orientée selon un axe nord-sud, à la perpendiculaire de l’escalier caché.
La salle funéraire est pratiquement à la hauteur du sol, située à l’intérieur de l’édifice mais accessible uniquement après être monté en haut, puis descendu par l’escalier. Mieux : un canal artificiel a récemment été découvert sous le temple même tandis qu’au sommet du temple se trouvaient des éléments comme sur les édifices voisins, sorte d’enchevêtrements à angles droits qui bruissent lors des puissants coups de vents.

La symbolique est multiple, à la fois horizontale, selon les cinq points cardinaux du monde maya – les quatre directions et un point central, ici figurés par l’axe du temple et celui de la chambre funéraire et le centre qui est la tombe. Et une symbolique verticale du temple lui-même, sur trois niveaux, entre la terre à l’extérieur, la montée vers un univers céleste et la descente dans l’inframonde. Le tout doublé en prime par le vent à son sommet, et l’eau souterraine en dessous. Les trois niveaux de la terre, du ciel, et de l’inframonde.
Pakal, lui, indéfectible, se trouve au centre de tout.

Structure - Photo LT
Tombe Pakal - Arqueologia mexicana
Canal - Arqueologia mexicana

Vous êtes pris de vertiges par l’enchaînement de combinaisons ? Attachez vos ceintures, ce n’est pas fini.

Le temple repose sur 9 gradins qui sont un rappel des neuf niveaux de l’inframonde mésoaméricain. Pour accéder au temple, il faut gravir 69 marches qui conduisent au portique à 5 entrées qui ouvre sur une salle derrière laquelle se trouvent 3 salles (un classique pour de nombreuses symboliques et en particulier le passage du temps dans la mythologie mésoaméricaine : le 4 se divise pratiquement toujours en 3+1 par des jeux de couleurs ou de disposition). Dans la chambre funéraire, 6 corps sacrifiés déjà mentionnés, une structure en encorbellement avec 4 sortes de poutres transversales réparties en 3+1 et sur les stèles alentours, 9 prêtres représentés : 6 debout et 3 assis.
Notez les deux constantes principales : beaucoup de chiffres impairs, beaucoup de nombres divisibles par 3.
Logiquement c’est ce même chiffre trois que l’on retrouve un peu partout sur la stèle de Pakal. Un chiffre régulièrement associé au feu, parce que la pierre sur laquelle on cuisine repose elle-même sur trois petites pierres entre lesquelles est allumé le feu. Le fait qu’il y ait eu trois mondes avant le nôtre selon les Mayas joue potentiellement un rôle dans la représentation, et il pourrait même être envisageable que le symbole du bouclier de Pakal puisse être un clin d’œil à une symbolique solaire. Associé au chiffre trois, on aurait donc les trois premiers soleils d’un côté (les mondes passés) et un autre soleil pour indiquer la période actuelle.

Ce jeu de mise en perspective totalement démesuré est régulier en Mésoamérique, pour de l’architecture comme pour des œuvres pictographiques. A titre d’exemple, et pour à nouveau retrouver des symboles qui deviennent peu à peu familier, on peut prendre deux documents, un parchemin maya, le Codex Tro-Cortesianus (ou « de Madrid ») et un autre codex, le Fejérváry-Mayer – il n’est pas maya. Sur les deux figurent un schéma assez similaire, sorte de croix carrée et de rose des vents tout à la fois. La figure a quatre axes principaux, liés aux points cardinaux, l’est étant indiqué en rouge, généralement en haut.

Codex Tro-Cortesianus - Source
Codex Fejervary-Mayer - Wikipedia

Paradoxe de la couleur rouge, c’est à la fois une teinte associée aux morts – la fameuse « Reine rouge » – et la couleur indiquant la direction du soleil naissant, vie et mort une fois de plus. Les Mayas, comme les autres populations précolombiennes, ignorent le nord magnétique et considèrent l’axe du monde selon le trajet d’est en ouest du soleil dans le ciel.
Un arbre figure au centre (Tro-Cortesianus) ou sur chacun des axes (Fejérváry-Mayer), il peut être surmonté par un oiseau (Fejérváry-Mayer toujours). Des points ou symboles tout autour sont là pour des indications calendaires, pour signifier le temps. Souvent, deux personnages sont associés, se faisant face ou se tournant le dos de façon assez symétrique, parfois séparés par un arbre ou un autre type d’élément. Inutile d’aller plus loin dans les détails : on retrouve typiquement ce qui a été décrit pour la dalle de Pakal ou la stèle du Temple de la Croix. Et, à nouveau, cette association des idées d’espace et de temps avec un centre essentiel à la logique et à l’équilibre du tout.

Le même schéma s’applique à la célèbre Piedra del Sol aztèque, le calendrier solaire, probablement le symbole le plus célèbre de tout le Mexique, qui figure sur les pièces de monnaie de l’Etat et qui apparaît à la moindre évocation du pays (ou lorsque Patrice Pooyard parle des Mayas dans son récent film Bâtisseurs de l’Ancien Monde, incapable de faire la moindre distinction entre les deux populations). On y retrouve un élément central, un visage dont la langue est d’ailleurs un couteau sacrificiel, entouré de quatre symboles figurant quatre divinités associées à quatre soleils (les quatre mondes passés – et non trois comme pour les Mayas) mais aussi les axes du monde et, à nouveau, son centre (les cinq points cardinaux).

Pierre du Soleil aztèque - Wikipedia

Retour à Palenque.

Pakal n’était pas un astronaute. Il a vécu, il a régné, il est mort.
Son corps a été daté, posant au passage quelques problèmes. Dans un premier temps, on lui attribua 40 à 50 ans alors que les informations de la chambre funéraire indiquaient un homme âgé de 80 ans au moment de sa mort. La date, comme souvent chez les Mayas, les Aztèques, et autres civilisations précolombiennes, a potentiellement été arrangée pour refléter une symbolique quelconque. Mais un écart de plusieurs décennies est impensable, surtout pour les Mayas dont le système mathématique et calendaire est le plus élaboré de tout le continent.
Une nouvelle analyse des tissus biologiques a eu lieu en 2003 et elle indique qu’un âge avoisinant les 80 ans est parfaitement envisageable.
Les inscriptions indiquent qu’il est né le 23 mars 603 (une fois transposé à notre calendrier), décédé le 28 août 683, il devint Ajaw à l’âge de douze ans.
La dalle qui recouvrait son corps pèse plus de cinq tonnes, et son corps a reposé dessous pendant plus de 1250 ans.

Pakal ne s’est pas envolé.

Face au Temple des inscriptions, à quelques dizaines de mètres de l’emplacement de la tombe de Pakal, on trouve aujourd’hui une autre tombe. C’est là qu’est enterré Alberto Ruz Lhuillier, veillant toujours sur sa découverte…

[MàJ 2021 - Une autre tombe célèbre nous renvoie également à Pakal : celle du volcanologue Haroun Tazieff enterré au cimetière de Passy, et qui reprend le motif de la sépulture du dignitaire maya sur du marbre rouge. Tazieff n’avait pourtant aucun lien direct avec le Mexique, et c’est uniquement un choix de sa veuve qui fait qu’il repose désormais sous des motifs précolombiens.]

[MàJ 2023 – Mon nom apparaît, et indirectement cet article, dans un livre d’entretien entre Richard Monvoisin et Henri Broch, 50 ans de zététique, paru en 2023, p103-104. Les astérisques indiquent des ajouts entre crochets de ma part.

[Henri Broch :*] (…) Malgré le soin porté à mes écrits, à mes contenus de cours ou à mes réponses complètes aux médias ou à différents demandeurs d’informations, j’ai souvent été dépité du traitement partiel des sujets.
Un exemple assez récent : en décembre 2018, un certain Laurent Tlacuilo écrit sur un site web qu’en ce qui concerne la gravure du cosmonaute maya de Palenque, Henri Broch se trompe en disant qu’elle représente un sacrifié anonyme puisque l’on sait maintenant qu’elle représente le roi Pakal [Dieu seul sait où cette personne a pu trouver cela puisqu’elle ne donne pas de référence précise]. J’adore au passage le « on sait maintenant qu’elle représente le roi Pakal » de la part de quelqu’un qui écrit cela en… 2018. Pourquoi ? Parce que j’explique exactement depuis maintenant des décennies, oui, des décennies (en fait presque un demi-siècle !) que la gravure doit représenter le roi défunt placé dans ce tombeau, représenté comme un sacrifié sur un autel, donnant en quelque sorte sa vie pour que les cultures soient bonnes, pour que l’arbre ou la plante sacrée se maintienne, etc.
[Henri Broch rappelle ensuite sur un paragraphe ses échanges avec Alberto Ruz Lhuillier et décrit l’identification de Pakal*]
D’ailleurs, cocasserie de l’histoire : dans la phrase « On sait maintenant qu’elle représente le roi Pakal », l’auteur a retiré le « maintenant » lors d’une mise à jour en 2021.
[Richard Monvoisin :*] C’est agaçant.

Ces lignes m’ont fait réagir sur plusieurs points :

1 - La phrase qui m’est attribuée, « On sait maintenant qu’elle représente le roi Pakal », n’a jamais figuré dans le texte ci-dessus. Et donc n’a pas pu être modifiée en 2021. La seule modification de 2021 est explicite, elle concerne la tombe d’Haroun Tazieff. Une vérification sur https://archive.org/web/ permet de s’en assurer.

2 - L’absence de « référence précise » qui m’est reprochée est également dérangeante. En fin d’article figurent différents liens, dont un vers la vidéo Cortex – Enseigner la zététique, conseils de Henri Broch sur DailyMotion.

J’ai échangé avec Richard Monvoisin et Henri Broch. Sur ces deux points, ces mots qui me sont attribués et une absence de référence, Henri Broch a reconnu une erreur. Il s’est engagé en cas de réédition du texte à une modification de celui-ci. Je regrette d’ailleurs que le nom avec lequel je signe ici soit indiqué dans leur publication, mais aucun renvoi vers l’article.

Concernant enfin l’identité de la représentation sur la stèle, mon texte original indiquait :

Von Däniken, cité plus haut, écrit qu’il s’agit de Kukulkan, le serpent à plumes (l’équivalent du Quetzalcoatl des Aztèques) ; dans une interview, Henri Broch (zététicien) reprend une autre version assez commune et parle d’un sacrifié à qui on arrache le cœur – un anonyme donc.
Ils se trompent : il s’agit bien de Pakal. Cela, deux éléments viennent le confirmer. (…)

Dans la vidéo DailyMotion, Henri Broch dit en effet en montrant la représentation « Ça, c’est le roi Pakal. » Cette affirmation est faite après un développement où il présente le personnage comme un sacrifié. Cette première description en tant que sacrifié m’a amené à penser qu’il s’agissait de l’hypothèse principale d’Henri Broch, d’autant qu’il existe des désaccords parmi les mésoaméricanistes – comme je le rappelle dans le texte. Il y a eu méprise de ma part sur cette interprétation, et Henri Broch m’a confirmé que, pour lui, la figure sur la stèle était bien celle de Pakal.

Toutefois, si la représentation peut utiliser des symboles liés au sacrifice, il apparaît pour ma part que Pakal, un Ajaw, un dignitaire maya, ne saurait être représenté comme un sacrifié. Sur ce point, nous sommes en effet en désaccord : lui considère que la figure peut être un sacrifié et Pakal tout à la fois, moi non. Mon paragraphe initial, cité au-dessus, a donc été modifié pour rétablir le point de vue d’Henri Broch, et détailler un peu plus le pour et le contre de cet aspect « sacrifié ».

Je le rappelle régulièrement lorsqu’il est question de la Mésoamérique : l’étude de cette partie du monde est susceptible d’amener à des interprétations opposées, parfois indissolubles, selon les références ou les parti pris auxquels on accorderait plus de confiance ou de logique. Cet article, ainsi que les autres que je signe sur ce site, peuvent être discutés, et je suis heureux de pousser la réflexion plus loin avec les commentaires, comme j’aurais eu plaisir à débattre de ces critiques avant d’en apprendre l’existence.


La vie qui naît chaque jour
la mort qui naît chaque vie
Je frotte mes paupières :
le ciel marche sur la terre

Octavio Paz, D’un mot à l’autre


Laurent Tlacuilo – décembre 2018

Sources :

http://ovniparanormal.over-blog.com/2018/01/guy-tarade-avec-ses-photos-nous-parle-de-l-extraterrestre-de-palenque.html
https://www.youtube.com/watch?v=4lFtp9ZxJBs

https://www.dailymotion.com/video/xgpdt5?fbclid=IwAR2Vz0sJNsJe8ZC2iMfX2oM11K00UICNJTysOzEPfAy1Xknfgxvv9xrU1B0

https://www.youtube.com/watch?v=tYTHxMnvBto

https://3dwarehouse.sketchup.com/model/u6866a09c-5052-4176-a670-25fb553c0d66/Templo-de-las-Inscripciones-y-tumba-de-Pakal

https://books.google.fr/books?id=5QEICwAAQBAJ&pg=PT31&lpg=PT31&dq=guy+tarade+palenque&source=bl&ots=RsvDRo60_C&sig=dJXKIOESl11-mzAIsZbe5ttwQ-I&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiGkbX3443fAhWOYlAKHcUZDCgQ6AEwFHoECAAQAQ#v=onepage&q=guy%20tarade%20palenque&f=false

http://rencontres.lemondeprecolombien.com/index_13.htm

http://www.horizon-nomade.com/site-archeologique-palenque/

http://www.mesoweb.com/articles/guenter/TI.pdf

https://arqueologiamexicana.mx/mexico-antiguo/descubren-sistema-de-canales-bajo-el-templo-de-las-inscripciones-de-palenque
https://arqueologiamexicana.mx/mexico-antiguo/templo-de-las-inscripciones-palenque-chiapas
https://arqueologiamexicana.mx/mexico-antiguo/un-astronauta-en-palenque
https://arqueologiamexicana.mx/mexico-antiguo/lapida-de-pakal-palenque-chiapas

Pour la traduction intégrale des textes du Temple des inscriptions :
http://www.mesoweb.com/articles/guenter/TI.pdf

Chariots of the Gods, réal. Harald Reinl, 1970

Rubén Bonifaz Nuño, Imagen de Tlaloc, 1986
Alfonso Caso, El pueblo del sol, 1953

Henri Broch, Le paranormal. Ses documents, ses hommes, ses méthodes, 2001
Robert Charroux, Le livre des maîtres du monde, 1967
Erich von Däniken, Présence des extraterrestres, 1968 
Magazine Arqueologia Mexicana (Vol XII – numéro 71 en particulier)