A défaut d’arguments scientifiques, l’équipe Osmanagic utilise les menaces...
Article mis en ligne le 14 août 2007

par Irna

Si vous allez de temps en temps faire un tour sur les divers blogs du "Web Ring Anti-Pyramides" en Bosnie, vous aurez pu remarquer que leur contenu a disparu, remplacé par un bref message (bs) annonçant que "à cause des pressions exercées sur nous et nos familles, et des menaces de procédures judiciaires", leurs auteurs ont, au moins temporairement, mis fin à leurs activités [1]. Il faut croire que ces blogueurs anonymes, qui dénonçaient inlassablement les trucages et les stupidités de M. Osmanagic et de son équipe, appuyaient là où ça fait mal, et mettaient en danger le "plus grand projet géo-archéologique du siècle", puisque la Fondation, par l’intermédiaire de deux de ses collaborateurs, vient de passer à l’attaque par des menaces de poursuites judiciaires.

Plus précisément, ce n’est pas M. Osmanagic ni la Fondation en tant que telle qui attaquent, mais deux satellites de l’équipe, un ingénieur croate, Hrvoje Zujic, et un homme d’affaire serbe, Zoran Kocic de la société Aquamundi ; et ce qui est reproché aux blogueurs n’est pas d’avoir dénoncé les mensonges de M. Osmanagic - on voit mal comment celui-ci pourrait traîner en justice ceux qui n’acceptent pas ses hypothèses, pour lesquelles il n’a jamais pu apporter la moindre preuve - mais d’avoir tourné en ridicule les prétentions pseudo-scientifiques de ces deux hommes.

Commençons par Hrvoje Zujic, qui se présente comme ingénieur en électro-technique : c’est un habitué de longue date de la rubrique "Iz mog ugla" du site officiel de la Fondation - rubrique que j’ai surnommée le "coin des délires", rubrique où l’on trouve aussi bien les élucubrations de M. Muris Osmanagic sur l’alphabet "proto-bosnien" que celles de M. Goran Cakic sur les pyramides/radeaux de survie. Les contributions de M. Zujic à cette rubrique sont nombreuses et savoureuses : on y trouve par exemple un texte faisant des boules de pierre bosniennes des paratonnerres (bs) et des "neutralisateurs des turbulences énergétiques de l’atmosphère", un autre expliquant comment les constructeurs des tunnels pouvaient provoquer à volonté des tornades artificielles (bs) pour mettre en déroute les envahisseurs, et quelques autres du même tonneau. Mais le plus drôle est une série de textes (ici (bs) et là (bs)) où notre ingénieur "démontre" à grand renfort de jolis dessins, et à la grande joie des blogueurs de l’APWR, que les "pyramides" de Visoko sont en réalité de gigantesques radiateurs destinés à réchauffer la planète - ou au moins la vallée de Visoko - à la fin de la dernière ère glaciaire, en émettant de la vapeur réchauffée à l’énergie solaire (voir ici (en) quelques citations traduites par Stultitia en anglais).

Sans entrer dans le détail de son hypothèse, disons qu’elle repose essentiellement sur quelques éléments : les fameux symboles (dont on n’a toujours aucune photo) découverts sur un mégalithe dans un des tunnels ; la présence des tunnels eux-mêmes ; la forme en "banane" de la colline de Krstac (versant concave d’un ancien méandre considéré comme un amphithéâtre par M. Osmanagic père) ; et enfin la présence de "cheminées" (pour évacuer la vapeur réchauffée) au sommet des pyramides. Et c’est là que le bât blesse : à propos de ces ouvertures au sommet de Visocica, dont l’existence est, d’après M. Zujic, attestée par des racontars d’enfants ayant jeté des pierres dans un trou qui se voyait avant la seconde guerre mondiale [2], Stultitia lui fait remarquer (bs) sur son blog qu’il n’est pas d’exemple de forteresse médiévale qui n’ait son puits ou sa citerne, et qu’il n’y a pas de raison que la vieille ville de Visoki fasse exception (voir le commentaire là-dessus de Stultitia au bas de cet article). Notre ingénieur, qui a dû passer des semaines à peaufiner sa théorie, ne supporte pas ce simple rappel à la réalité historique, et se met à envoyer à Stultitia des mails de plus en plus agressifs et délirants (allant jusqu’à accuser les blogueurs de l’APWR de l’avoir suivi en hélicoptère (bs) sur Visocica...) ; puis fixe un ultimatum, menaçant de poursuites judiciaires les membres du Web Ring. On peut également supposer qu’il a exercé des pressions sur l’hébergeur du blog de Stultitia, ce qui a amené celle-ci à changer de service et à ouvrir un nouveau blog (bs).

L’autre satellite de M. Osmanagic qui semble décidé à traîner ses critiques devant les tribunaux est Zoran Kocic, PDG d’une société de Belgrade, Aqua Mundi (fr) [3], qui a semble-t-il participé aux "recherches" à Visoko (voir leur galerie de photos), mais sans que les résultats de ces recherches aient jamais été publiés ni mentionnés sur le site de la Fondation. Quelle est la spécialité de cette entreprise ? D’une part elle exploite deux nappes d’eau minérale près d’Aleksinac en Serbie ; il y a d’ailleurs à ce propos une histoire curieuse mentionnée par le magazine en ligne serbe Glas Javnosti (voir ici (bs), ici (bs) et là (bs)) : il semble, d’après ces articles, que la propriété de ces nappes soit très discutée, et que les affaires de M. Kocic ne soient pas toujours très claires, de même que ses liens avec les milieux nationalistes serbes (voir ici (en) par exemple pour le personnage de Gojko Klickovic avec lequel il a été associé au moment de cette affaire de nappes contestées).

L’autre activité de cette entreprise, pour laquelle elle a sans doute été contactée par M. Osmanagic, est de détecter toutes sortes de gisements (eau, pétrole, gaz naturel, tous matériaux non-ferreux) ; elle revendique une précision extraordinaire ("exactitude de 100%" et marge d’erreur de 5 mètres seulement à 20 km de profondeur..., voir leur site (fr) ou cet article (bs)), le tout grâce à un objet "révolutionnaire" de leur invention :

que l’on voit l’inventeur, M. Miodrag Popovic, utiliser ici sous l’oeil admiratif de M. Osmanagic :

Inutile de préciser que cet outil "révolutionnaire" sent le gadget pseudo-scientifique au moins autant que le "Polycontrast Interference Photography" du professeur Oldfield...

C’est d’ailleurs pour avoir dit à peu près la même chose que ce que j’écris ci-dessus que geolog-mrak (bs) s’est attiré les foudres de M. Kocic et de la société Aqua Mundi, ainsi que pour leur avoir rappelé quelques bases en matière de recherches géophysiques et de législation sur les recherches géologiques et minières en Serbie et Bosnie-Herzégovine. Là encore, comme dans le cas de M. Zujic, M. Kocic multiplie les mails agressifs - et parfois d’une vulgarité extrême, exigeant de geolog-mrak qu’il révèle son identité et qu’il reconnaisse l’efficacité de son gadget en le menaçant de poursuites judiciaires.

Les deux compères, M. Zujic et M. Kocic, se sont d’ailleurs associés dans cette entreprise d’intimidation des opposants aux "pyramides", si l’on en juge par cette lettre de M. Zujic (bs) publiée par Stultitia [4], par laquelle est fixé un nouvel ultimatum jusqu’à lundi : si geolog-mrak ne retire pas ce qu’il a écrit sur le gadget d’Aqua Mundi, on le menace de le ruiner, de lui faire perdre son emploi, de lui faire interdire toute obtention de visa pour sortir du pays etc. M. Zujic se propose même d’acheter "une part du brevet" du gadget à M. Kocic, de façon à pouvoir se joindre à la procédure judiciaire...

Je ne sais pas si les deux hommes ont réellement l’intention d’aller jusqu’en justice - ils ont je pense plus à y perdre qu’à y gagner vu la teneur délirante et injurieuse de certains de leurs mails ; mais il est évident qu’il y a là une stratégie à l’oeuvre, visant à essayer d’effrayer et intimider les opposants. Pendant ce temps, M. Semir Osmanagic continue à poser à l’esprit ouvert et tolérant...