M. Christian Schwarz-Schilling n’est plus, depuis le 2 juillet 2007, Haut Représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine. Il a été remplacé à ce poste par un diplomate slovaque, M. Miroslav Lajcak. Cependant, il semble que M. Schwarz-Schilling ne soit pas resté longtemps sans emploi, puisque moins d’une semaine après son départ de l’OHR on le retrouve jouant le rôle de bonimenteur pour le compte de M. Semir Osmanagic et de sa Fondation...
On se souvient que M. Schwarz-Schilling avait déjà rendu une visite controversée à la "vallée des pyramides de Bosnie" en août 2006, au cours de laquelle il avait qualifié M. Osmanagic de "visionnaire" et lui avait offert son soutien et son aide. Cette démarche, émanant du représentant officiel de la communauté internationale, n’était pas anodine, et d’aucuns pourraient même considérer que M. Schwarz-Schilling sortait ainsi largement de son rôle et du cadre de sa mission. C’est d’ailleurs ce que lui ont poliment fait remarquer des représentants des principales institutions scientifiques de Bosnie dans une lettre ouverte partiellement reprise par la presse locale, lettre dans laquelle ils lui demandent par ailleurs de veiller, dans le cadre de sa fonction [1], à ce que les mêmes critères scientifiques rigoureux soient appliqués à l’évaluation des fouilles archéologiques en Bosnie que dans le reste de l’Europe.
M. Schwarz-Schilling n’a jamais, à ma connaissance, donné de réponse à cette lettre ouverte, et s’est abstenu de toute démarche supplémentaire en direction de M. Osmanagic durant son mandat. Cependant, à peine une semaine après avoir quitté son poste, le voici qui visite à nouveau (en) à titre privé les fouilles de Visoko, et se répand dans les colonnes des journaux locaux sur les résultats "fascinants et encourageants" de M. Osmanagic, proférant au passage une belle absurdité en suggérant que la communauté scientifique internationale devrait "utiliser sa méthode scientifique pour prouver que Mère Nature n’a pas pu créer de telles choses"... Comme d’habitude avec les partisans de M. Osmanagic, la charge de la preuve est inversée : les scientifiques sont sommés de prouver que les pyramides n’existent pas, alors qu’on attend toujours la moindre preuve digne de ce nom apportée par celui qui affirme leur existence... Par ailleurs, n’en déplaise à M. Schwarz-Schilling, il suffit d’un seul contre-exemple pour pouvoir affirmer que la nature est capable de créer "de telles choses", et les contre-exemples ne manquent pas, que ce soit de collines pyramidales, de sphères géantes, de "dallages" naturels ou de "mosaïques"... Le seul qui a quelque chose à prouver dans cette affaire, c’est M. Osmanagic, et je m’étonne que M. Schwarz-Schilling, docteur en Histoire, ait besoin qu’on le lui rappelle.
M. Schwarz-Schilling croit-il vraiment à l’existence du "complexe pyramidal" de M. Osmanagic ? Il est bien sûr le seul à pouvoir répondre à cette question. On peut cependant noter un aspect intéressant qui, à côté d’une éventuelle conviction personnelle, pourrait expliquer son intérêt pour la pseudo-archéologie bosnienne. A la différence de ses prédécesseurs au poste de Haut Représentant, qui quittaient la Bosnie-Herzégovine et s’abstenaient traditionnellement de toute intervention ou prise de position après la fin de leur mandat, M. Schwarz-Schilling a annoncé son intention de rester en Bosnie (bs) après le 2 juillet. Officiellement il resterait à titre privé, mais certains analystes (en) estiment qu’il pourrait être tenté de jouer un rôle de conseiller politique officieux pour les relations du pays avec l’Union Européenne, et ainsi chercher à faire oublier qu’il a été ce que certains considèrent comme "le pire Haut Représentant [que la Bosnie ait] jamais connu" ("Le Monde" (fr) du 2 juillet). On aurait donc affaire à un homme politique en semi-retraite cherchant à se caser quelque part, et cherchant à se réconcilier avec une classe politique bosniaque mécontente de son inaction vis-à-vis des nationalistes serbes de Republika Srpska ; or, s’il y a bien un thème qui fait l’unité actuellement chez les nationalistes bosniaques, c’est celui des pyramides. M. Osmanagic père dispose d’amis politiques nombreux et influents, et M. Osmanagic fils semble à nouveau avoir le vent en poupe : après la tentative du Ministre de la Culture Grahovac d’empêcher les fouilles non professionnelles réalisées par la Fondation, il semble s’être formé une véritable "Union sacrée" des nationalistes de tout poil derrière Semir Osmanagic et son projet pseudo-archéologique - qui dispense peut-être les politiciens opportunistes d’avoir un véritable projet politique - et celui-ci vient d’obtenir l’assurance de pouvoir continuer à fouiller [2]. M. Schwarz-Schilling cherche-t-il ainsi, en politicien, à s’acheter une popularité à bon compte, en manifestant ouvertement son soutien à M. Osmanagic ? à se "placer" comme conseiller officieux en flattant la classe politique dans le sens du poil ? Si c’est le cas, cela signifierait que M. Schwarz-Schilling n’est pas si stupide qu’il en donne l’impression à lire le site de la Fondation de M. Osmanagic, mais voilà qui n’ajouterait pas à son prestige, ni à celui de la fonction qu’il a remplie pendant dix-huit mois...