Retour sur un débat : l’analyse de l’ignorance d’Oleg de Normandie
Article mis en ligne le 14 août 2025

par Alexis Seydoux

À la suite du débat entre Oleg de Normandie et Alexis Seydoux, le premier a répondu dans une vidéo fondée essentiellement sur des attaques ad personam [1]. Voici une réponse à ces attaques et un complément d’information sur ce débat entre un historien et un pseudo-chercheur.

Oleg de Normandie a mis en avant une sorte de programme de communication fondé sur un triptyque : une interview sur la chaine de Nicolas Bouvier [2], un débat avec un historien [3] et une conférence donnée avec un cercle restreint [4]. Le premier et le troisième développent essentiellement son discours sur l’esclavage et la supposée traite des blancs en direction du monde musulman auquel j’ai déjà répondu [5]. Le second portait sur la religion de Clovis (règne vers 480-511). Oleg de Normandie a sollicité Ludovic Richer de la chaine Arcana afin de présenter ses hypothèses. Ce dernier a refusé que ce soit une simple conférence et a proposé un débat. Au vu du sujet, Ludovic m’a proposé de répondre aux positions d’Oleg de Normandie. C’est donc ce dernier qui a souhaité débattre. Comme dans tout débat, j’ai demandé en préalable un échange de bibliographie.

L’objet central du débat proposé par Oleg de Normandie porte sur la religion de Clovis et de ses successeurs. L’hypothèse qu’il avance, c’est que les Mérovingiens ne sont pas des chrétiens au sens strict, mais auraient une religion spécifique et ancestrale, le christo-odinisme. Rappelons que la recherche historique a bien montré que les Mérovingiens, en tout cas leurs élites, se convertissent dès le début du VIe siècle au catholicisme et que le Regnum Francorum est quasiment entièrement christianisé au début du VIIIe siècle, même si certaines pratiques païennes perdurent [6].

L’objectif ici n’est pas de revenir en détail sur les très nombreuses erreurs de monsieur Oleg de Normandie, mais de montrer à la fois ses méthodes, ses biais et l’orientation de sa pensée. Nous nous demanderons en quoi cet historien autoproclamé est à la fois idéologiquement orienté et un pseudo-scientifique. Rappelons que la pseudo-histoire est une approche des sciences historiques à la fois idéologisée et a-méthodique, dont l’objet est, avant de construire une autre histoire, de montrer que les historiens se trompent et, plus grave, qu’ils nous mentent. Philipp Kitcher a mis en avant trois critères pour définir une pseudo-science : une problématique mal définie, un manque de cohérence épistémologique et l’absence de prise en compte des recherches récentes [7].

Nous verrons d’abord que la méthode d’Oleg de Normandie ne dépasse pas celle d’un collégien, puis qu’il biaise ou transforme le peu de données présentées, et que cette absence de méthode se place au service d’un discours orienté et d’une croyance prophétique dans laquelle il joue le rôle de prophète.

L’hypothèse principale d’Oleg de Normandie est que les Mérovingiens ne se sont pas christianisés, mais sont restés fidèles à leur religion, qu’il nomme « christo-odinisme ».

Le premier point de méthode qui pose un problème, c’est sa définition des termes du sujet. Pour affirmer que les Mérovingiens ne sont pas christo-odiniques, il faut déjà préciser ce que l’on entend par là. La question lui a été posée plusieurs fois, mais jamais Oleg de Normandie n’a été capable d’y répondre. Jamais il n’a indiqué quels étaient les rites, les croyances, l’organisation, la discipline ou encore le personnel chargé du fonctionnement de cette religion. Ses réponses ont été tour à tour embrouillées, confuses et incomplètes. Il en ressortirait que cette religion n’est pas celle de Rome, que le personnage de Jésus doit être assimilé à Baldr présent dans l’Edda et qu’elle est très ancienne. Le manque de définition montre deux choses : Oleg de Normandie n’a pas cherché à conceptualiser son objet de recherche et il n’a pas dégagé les sources qui permettaient de le comprendre. Dès lors, en l’absence d’une définition, ne serait-ce que partielle, de l’objet du débat, Oleg de Normandie ne peut convaincre son auditoire.

D’autant que, deuxième élément de méthode, j’ai demandé avant le débat à ce dernier qu’il m’envoie sa bibliographie, afin que je sache sur quels travaux il s’appuie et quelles sont les sources qu’il présente. Cette dernière tient sur une page ; elle comprend d’abord ses propres publications, notamment Notre Dame d’Odin qui est son explication sur l’esclavage carolingien, ainsi que sa version de l’Edda, et ses vidéos sur le Code des pyramides. C’est donc avant tout sur ses propres travaux qu’il s’appuie, travaux dont une grande partie sont des vidéos publiées sur YouTube, et qui ne comprennent ni source, ni bibliographie. Il cite ensuite des ouvrages ou des articles qui n’ont pas de rapport avec le sujet comme Réflexion sur l’origine de l’Hitlérisme de Simone Weil ou Les Templiers sont parmi nous de Gérard de Sède. Notons que nombre d’ouvrages cités comme Drakkar sur l’Amazone, de Jacques de Mahieu, sont connus pour leur approche pseudo-scientifique. Enfin, citons une nouvelle de Tolkien, la Légende de Sigurd et Gudrun, érigée ici en étude historique.

Oleg de Normandie cite pêle-mêle des artefacts et des études archéologiques. Dans sa bibliographie, Il met en avant deux artefacts spécifiques : le disque de Limons et une épée avec des runes, mise au jour dans une tombe mérovingienne de Saint-Dizier. Durant le débat, il a mis en avant une autre pièce, le chrismale conservé à Mortain, ainsi qu’une partie des décors du baptistère de Poitiers. Une première remarque : dans sa bibliographie, Oleg de Normandie mélange source et études. Une seconde, aucun des ouvrages mentionnés ne contextualise de manière explicite le sujet du débat, à savoir, la religion de Clovis. On peut, dès lors, légitimement se demander comment Oleg de Normandie va aborder la problématique du débat.

Le seul ouvrage concernant la période et présent dans sa bibliographie est celui de Michael McCormick, Origins of European Economy, publié par l’université de Cambridge en 2002 [8]. Cette étude, souvent citée par les spécialistes du haut Moyen Âge, ne concerne pas le sujet du débat. Elle traite du redémarrage économique de l’Europe de l’Ouest à partir du VIIIe siècle. Elle ne soutient pas non plus l’hypothèse d’Oleg de Normandie, pour qui le monde carolingien, dès le règne de Charlemagne (768-814) s’est enrichi du commerce des esclaves blancs et païens vers l’Espagne musulmane.

Interrogé s’il l’a lu, il admet très vite que ce n’est pas le cas [9]. Pour l’expliquer, Oleg de Normandie invoque alors des causes saugrenues : ce livre n’aurait pas été porté à sa connaissance, il est presque interdit en France et personne n’en parle. Il se trouve que j’avais cité cet ouvrage dans un article sur Oleg de Normandie, donc il a bien été porté à sa connaissance. De même, il n’est pas caché, mais disponible dans les bibliothèques d’histoire et offert à la vente sur des sites en ligne.

Quant au fait que personne n’en parle, Oleg de Normandie se contredit lui-même en citant un compte-rendu de cet ouvrage par la byzantiniste Cécile Morrisson dans la Revue Numismatique dès 2003 [10]. De fait, cet ouvrage est très connu des médiévistes ; il est largement commenté et cité. Oleg de Normandie montre ici son ignorance et son manque de méthode. Surtout, Oleg de Normandie se met en porte-à-faux, car il estime cet ouvrage comme étant la « preuve ultime » que son hypothèse est non seulement valable mais qu’elle est la réalité historique.

Force est de constater que la bibliographie érigée ne sert que de paravent à son discours. En réalité, comme il l’indique durant le débat, sa principale référence, c’est Wikipedia [11]. En théorie, un chercheur met en avant une problématique, propose une hypothèse pour y répondre, et s’appuie sur des sources et des études afin de valider ou pas cette dernière. Ici, si l’hypothèse est formulée, elle n’est pas définie ; les sources sont peu nombreuses et aucune étude ne vient éclairer la réponse. De mon côté, j’avais présenté une bibliographie courte de deux pages, et une plus longue comprenant notamment de nombreuses sources sur le sujet.

Dès lors, comment débattre avec un interlocuteur qui ne définit pas son sujet, dont la bibliographie est vide et qui admet ne pas avoir lu l’étude principale qui sous-tend son hypothèse ?

Comme nous le voyons, la méthode mise en avant par Oleg de Normandie est nulle. Elle confine à l’ignorance, à la paresse et à la mauvaise foi.

Qu’en est-il des sources écrites et archéologiques sur lesquelles notre interlocuteur est censé s’appuyer ?

D’emblée, Oleg de Normandie affirme qu’il n’y a pas de sources écrites produites durant la période mérovingienne, car elles auraient été détruites par les Carolingiens, soutiens de l’Église de Rome. Cette remarque est étonnante. Certes, la période mérovingienne n’est pas la plus riche en sources écrites, mais il en reste un grand nombre, notamment des chroniques, des hagiographies, des textes de la pratique ou encore des textes normatifs [12]. Quand on lui fait remarquer qu’il existe bien des sources écrites, il affirme que ces sources étant chrétiennes, elles ne sont pas valables.

Pourtant, malgré le fait qu’il les rejette, Oleg de Normandie s’appuie sur ces mêmes sources pour avancer son hypothèse. Ainsi, pour parler de la lutte de la reine Bathilde contre l’esclavage, il s’appuie sur la Vita Bathildis, et pour évoquer le meurtre de Dagobert II, il reprend le récit de la Vita sancti Wilfrithi et du Liber Francorum Historiae. En réalité, Oleg de Normandie n’a jamais lu ces sources. Il ne fait que reprendre ce qui l’arrange dans le récit présenté dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia.

Selon lui, c’est essentiellement les sources archéologiques qui démontrent son hypothèse. Elles seraient les seules sources objectives. Rappelons d’abord que toute source est subjective. Un texte, même le plus neutre, est orienté ou défend un but. Un annuaire téléphonique est classé par ordre alphabétique, ce qui crée de facto une subjectivité. Une source archéologique est également subjective : son analyse dépend de son état de conservation, du lieu et du contexte archéologique, et de son analyse.

Sur l’ensemble des sources archéologiques de la période mérovingienne, Oleg de Normandie s’appuie sur trois artefacts : une épée avec rune mise au jour à Saint-Dizier, le disque de Limons et le Chrismale de Mortain ; il y ajoute la représentation de trois triangles sur le baptistère de Poitiers. Ainsi, donc, il ne présente que trois objets et une structure, sur l’ensemble des objets mérovingiens connus, pour démontrer que les Mérovingiens sont christo-odiniques. C’est faible.

Le disque de Limons est un bijou en or fin [13]. Son décor présente un chrisme qu’Oleg de Normandie identifie comme un symbole odinique, car c’est pour lui la représentation de la rune-mère. Un chrisme est un symbole chrétien utilisé de manière importante dès le IIe et le IIIe siècle. Il représente les deux lettres grecques Chi et Ro entrelacées, signifiant le Christ [14]. Il est moins fréquemment utilisé dans l’iconographie chrétienne après le IVe siècle car remplacé peu à peu par la Croix [15]. Il est de nouveau employé dans les sceaux des évêques au Xe siècle [16]. Il est donc impossible d’associer le chrisme à un symbole odinique. D’autant que, comme l’explique Patrick Périn dans son article sur cet objet, on trouve dans cet objet en plus du Chi-Rho, la tête du Christ, l’Alpha et l’Omega représentant un autre symbole chrétien [17]. L’analyse iconographique mise en avant par Anne-Orange Poilpré est très claire et souligne l’importance de la symbolique chrétienne dans cet objet.

Elle note ainsi la présence de la figure du Christ au centre du Chrisme, élément d’usage récent dans l’iconographie chrétienne. La plus ancienne représentation connue de ce motif dans un chrisme se trouve dans la basilique Saint-Apollinaire-in-Classe à Ravenne, et date de 549, une église de style byzantin, qu’il est donc difficile de classer comme odinique [18].

Sur ce disque, on trouve également des décors classiques de l’orfèvrerie germanique, notamment les figures de sanglier ou de serpent bicéphale, accompagnés de motifs végétaux. Si le style de ces éléments est connu dans le monde germanique, la thématique des végétaux et des animaux autour du Christ comprend aussi une dimension chrétienne, avec une représentation du cosmos, comme pour le chrisme du baptistère d’Albenga [19]. Enfin, dernier élément, l’Alpha et l’Omega, c’est-à-dire le début et la fin, renforcent encore l’aspect chrétien de cet objet. Pour Anne-Orange Poiré, c’est ici une figuration de la création, avec le Christ au centre entouré du Cosmos [20].

La mauvaise foi de monsieur Oleg de Normandie est ici criante, lorsqu’il invoque l’article de Patrick Périn pour indiquer que l’artefact est bien christo-odinique. Ce qui est faux. Mais, notre pseudo-chercheur explique alors que monsieur Périn n’a d’autre choix que d’accepter le diktat de « l’histoire officielle ». Il semble que monsieur Oleg de Normandie n’a pas lu l’article en entier, et n’a que regardé les images puisqu’il ne reprend que les notices des images. S’il avait lu totalement cet article, il aurait sans doute noté cette phrase : « Faisant sans doute partie d’un sac à main dont la qualité indique qu’il était destiné à une femme de haut-rang (…) servaient en cette fin de VIe siècle à affirmer l’identité de l’aristocratie de souche franque : d’une part son engagement chrétien, d’autre part son adhésion à une dynastie d’origine germanique [21] ».

L’autre objet sur lequel s’appuie Oleg de Normandie est le Chrismale, conservé à la collégiale Saint-Evroult à Mortain, en Normandie. Cet objet sert d’abord pour transporter l’eucharistie, avant de devenir un reliquaire, c’est-à-dire une boite destinée à recevoir une relique chrétienne. Pour Oleg de Normandie, cet objet est nécessairement odinique, car sur une face, on trouve des runes [22]. Le texte runique se rapporte au fabricant et indique « Que Dieu aide Eada, il fit ce Kiismel [23] ». Notre pseudo-chercheur estime que les runes ont automatiquement une signification magico-religieuse. Cette idée n’a pas de sens, car les runes sont avant tout une forme d’écriture utilisée dans le monde scandinave à partir du IIe siècle. Son usage se répand en Europe, vers la Pologne, la Pannonie (Hongrie actuelle), vers la Roumanie et l’Ukraine [24]. À partir du Ve siècle, l’usage des runes se répand également vers l’Europe de l’Ouest [25]. Néanmoins, la découverte d’objets portant des runes reste très rare : environ 200 inscriptions runiques ont été mises au jour sur cinq siècles [26]. Ici, le texte runique n’a aucune valeur magique, il n’est qu’une mise en exergue de l’artisan qui a fabriqué cet objet.

Le troisième objet convoqué par Oleg de Normandie est une épée découverte en fouille sur le site de Saint-Dizier [27]. Dans cette nécropole, on a mis au jour deux tombes de guerrier, dont une comprend une épée sur laquelle sont gravées trois runes. La signification de ces dernières est difficile à définir, mais elles peuvent signifier le mot Ale ou Alu ; la signification n’est pas très claire, mais elle peut indiquer « bière » ou, plus probablement « croissance » ou « pouvoir [28] ».

Il n’existe pas beaucoup d’épées de la période mérovingienne comprenant des runes. Comme il est indiqué, trouver des inscriptions runiques sur une épée de la période mérovingienne est rare, puisque seule une dizaine ont été découvertes [29]. La faiblesse du nombre de ces runes indique un usage limité, peu compatible avec la diffusion de textes sacrés ou religieux, d’autant que la traduction de ces textes ne présente pas de rituel ou de texte sacré. Elles sont avant tout une manière de noter la possession d’un objet élitaire ou le nom de personnes [30].

Dernier élément archéologique présenté : la façade du baptistère de Poitiers, un édifice de la fin du IVe et du début du Ve siècle. Oleg de Normandie nous présente alors trois triangles indépendants les uns des autres. Ces trois pièces de décor sont interprétées comme étant une figuration du Valknut, un symbole qui renvoie au dieu Odin. Pourtant, les études sur ce symbole indiquent que les trois triangles doivent être liés, comme le signifie le terme de knut ou knotr, qui renvoie au nœud [31]. Pourtant, et sans jamais s’appuyer sur une étude quelconque et sans montrer sa connaissance des runes, Oleg de Normandie insiste pour montrer ces runes où les trois triangles sont la preuve de la diffusion d’une religion christo-odinique parmi les Mérovingiens, car les runes auraient un caractère sacré et religieux. L’idée d’un usage magico-religieux des runes a été essentiellement développé à la fin du XIXe siècle par l’ésotériste autrichien Guido von List, fondateur de l’ariosophie [32]. Ici, monsieur Oleg de Normandie relie automatiquement les runes non seulement aux Scandinaves, mais également aux idées völkisch développées au début du XXe siècle dans les courants ultranationalistes germaniques, qui sous-tendent les courants ultranationalistes de l’Allemagne entre 1890 et 1945.

Comme nous le voyons, Oleg de Normandie surinterprète les maigres sources archéologiques, le tout au service d’un discours idéologique.

De fait, le discours de notre interlocuteur est marqué par une vision politiquement marquée vers une vision racialiste de l’histoire de l’Europe.

Au-delà de ce débat, l’idéologie d’Oleg de Normandie apparaît dans deux autres moments : une interview donnée sur une chaine YouTube de Nicolas Bouvier dès le 3 avril et une conférence donnée à Paris le 5 avril 2025 [33]. Comme indiqué plus haut, ces deux interventions sont à mettre en relation avec le débat du 8 avril 2025.

Oleg de Normandie tente de construire une histoire fantasmée, dans laquelle il imagine un haut Moyen Âge où les gentils Mérovingiens ont été renversés par les méchants Carolingiens, sbires de l’Église de Rome, et soutenus par les Juifs et l’Empire musulman. Les Carolingiens auraient alors rétabli l’esclavage et commencé à déporter les Saxons restés païens ou christo-odiniques vers l’émirat de Cordoue et le monde musulman. Il reprend alors l’imaginaire orientaliste du XIXe et du XXe siècle remettant en avant l’importance du harem ou la castration de jeunes hommes à des fins sexuelles. Mais, toujours selon lui, les Vikings auraient vengé leurs coreligionnaires et auraient mis fin à cette traite d’esclaves blancs vers le monde « oriental ». Oleg de Normandie a déjà mis en avant ses idées dans des vidéos YouTube et dans un livre appelé Notre-Dame d’Odin, auxquels nous avons répondu dans une série d’articles [34]. Cette vision est déjà présente dans sa bibliographie où, au côté de ses propres publications, on trouve Jacques de Mahieu, Maurice Guignard ou Jürgen Spanuth, trois auteurs qui penchent pour une vision raciste du monde [35]. Le fait qu’Oleg de Normandie a sollicité l’invitation de Nicolas Bouvier interroge aussi sur ses orientations politiques, quand on sait que ce YouTubeur a reçu tour à tour le négationniste Vincent Reynouard [36] et le président de Civitas, Alain Escada [37].

Afin de montrer l’importance de ce commerce d’esclaves, il invente des chiffres fantaisistes : 66 millions d’Européens auraient été vendus comme esclaves. Il tire ce chiffre notamment d’un tableau présenté par Michael McCormick et sur la lecture du nombre d’esclaves transportés sur des bateaux vénitiens [38]. Ce chiffre de 66 millions correspondrait à plus du double de la population européenne en 800, comme le montrent les études d’Adrian Verhulst. Ce dernier se fonde sur une densité moyenne en Europe de l’Ouest entre 4-5 à 9-12 habitants au kilomètre carré, avec des pointes à plus de 30-35 dans les secteurs riches décrits par les polyptiques [39]. La population européenne de l’Europe de l’Ouest ne dépasse donc pas les 20 à 25 millions d’habitants [40]. Ensuite, les chiffres donnés par Michael McCormick sont très inférieurs à l’extrapolation d’Oleg de Normandie. Par exemple, en s’appuyant sur une source écrite, l’auteur américain indique qu’un tiers des Saxons a été emmené en captivité ; mais Oleg de Normandie cumule ces chiffres en faisant croire qu’il s’agit de ventes régulières, là où l’historien américain met en avant des données ponctuelles [41]. En fait, le nombre d’Oleg a un caractère symbolique, afin de faire écho au 666 de l’Apocalypse de Jean, le nombre de la bête. C’est surtout une tentative d’instrumentalisation de l’histoire, car Oleg de Normandie veut se présenter comme un prophète.

Ce pseudo-prophète et pseudo-historien est clairement racialiste et complotiste. Il le montre dans une vidéo réponse publiée le lendemain du débat [42]. Il s’y défend de ne pas avoir eu le loisir de déployer son discours. Il oublie qu’il s’agissait d’un débat, donc d’une confrontation d’idées, et non d’une conférence comme il a l’habitude de le faire. Dans un débat, chaque interlocuteur questionne l’autre sur ses positions, ses idées et les sources qui les sous-tendent. Très clairement, Oleg de Normandie a été incapable de défendre son hypothèse, tant il manquait de connaissances et de sources. Pourtant, dans sa vidéo de réponse, il affirme avoir été le seul scientifique en se faisant le relais des dernières découvertes. C’est faux. En réalité, monsieur Oleg de Normandie n’a présenté que très peu d’objets, dont la mise au jour n’est pas récente, et s’est appuyé sur un ouvrage publié en 2002, qu’il n’a pas lu. De même, il ne semble pas avoir lu les articles décrivant les artefacts. Où sont les études récentes sur la religion du haut Moyen Âge ? Nulle part ! Pourtant, elles existent, mais Oleg de Normandie ne les a pas consultées, ou, pire, il ne les connait pas, car il ne les a pas cherchées [43]. De même, il m’accuse de ne m’être appuyé que sur des sources orientées, car écrites par les ennemis des Mérovingiens. Là encore, c’est faux car, d’une part la plupart de ces sources, notamment les chroniques, sont favorables aux Mérovingiens. De plus, je m’appuie également sur des études récentes, tant historiques qu’archéologiques. Et, jamais je n’ai dit que les sources textuelles sont supérieures aux sources archéologiques. Oleg de Normandie ment encore.

Ne pouvant dérouler son discours et étant mis en difficulté dans ce débat, comme le montrent les commentaires de certains de ses soutiens sur sa chaîne, Oleg de Normandie a évoqué une cabale contre lui.

J’aurais ainsi des conflits d’intérêt, car je suis membre de l’ALDHHAA. Pour qu’il y ait conflit d’intérêt, il faudrait que je mène une opération d’intérêt publique, et que cette mission soit en conflit avec mes intérêts personnels. Ce n’est pas le cas, car, en tant que membre de l’ALDHHAA, je ne fais qu’agir au nom de cette association. Par ailleurs, sans aucune preuve, Oleg de Normandie affirme que l’ALDHHAA est associée au gouvernement, ce qui est faux. Du coup, je serais le « porte-parole du gouvernement » et même « un homme politique spécialisé en histoire [44] ». Il ajoute que si les commentaires dans le Live étaient contre lui, c’est parce que le gouvernement « a stimulé l’opinion » contre lui. Il va même jusqu’à me comparer à un délinquant qui nierait les preuves de son crime. Un tel discours montre l’extrême faiblesse des arguments d’Oleg de Normandie. En effet, l’attaque ad personam est par excellence l’argument de ceux qui n’en n’ont pas. Il est coutumier du fait, comme le montre cet extrait d’un « article » rédigé à charge contre moi, et qui ne comprend aucun argument factuel, mais uniquement une diatribe non fondée :

Il ajoute que j’aurais passé mon temps en attaques personnelles, alors qu’en toute fin de débat, il n’a pas hésité à m’attaquer sur mon appartenance sociale.

Ainsi, je ne serais pas historien, et lui serait le seul « vrai » historien français, les autres étant au service de l’Église de Rome, des élites, du Nouvel ordre mondial. On est là dans un discours clairement complotiste, comprenant des relents d’antisémitisme et d’islamophobie. L’antisémitisme s’exprime notamment dans le rôle des marchands d’esclaves juifs, qui castreraient les jeunes esclaves saxons. Le second par ses fantasmes orientalistes, renvoyant à un despotisme musulman décrit par les auteurs européens du XIXe et du XXe siècle. Il y ajoute l’idée complotiste que la science serait aujourd’hui politisée [45].

Mais, Oleg de Normandie ouvrirait les yeux des personnes et révèlerait cette religion ancestrale contre le Vatican, les Juifs, les Francs-Maçons et les Musulmans comme le montre cette capture d’écran répondant à un commentaire.

Dans la fin de sa vidéo de réponse, qui est proche de la diffamation, il se victimise. Il est empêché par les autorités et par le Vatican. Les historiens, comme Patrick Périn cité plus haut, seraient aux ordres. Lui, serait le seul historien digne de ce nom, alors qu’il construit un discours sur des sources qu’il ne maitrise pas, sur un livre qu’il n’a pas lu et sur Wikipedia. C’est pour cela qu’en ce mois d’avril 2025, Oleg de Normandie s’est multiplié sur les réseaux sociaux, afin de vendre son idéologie racialiste et nauséabonde, ses vidéos plus vides les unes que les autres, et les objets de sa boutique en ligne. Car, la réalité est là, monsieur Oleg de Normandie n’est pas un historien, il n’est qu’un camelot essayant de multiplier sa présence, afin de nourrir son égo et son compte en banque.

Oleg de Normandie a démontré la faiblesse de sa méthode ; il a mis en avant son interprétation très légère des sources ; il a tenté de déployer son idéologie, autant dans ce débat que dans sa réponse. Très clairement, ce débat a été à sens unique.

En acceptant de débattre avec lui, je savais que j’allais faire face à un discours idéologisé, racialiste et limité. Je savais également, à l’écoute de ses vidéos, à la lecture de ses ouvrages et à la « découverte » de sa bibliographie, la faiblesse de son argumentation et son manque flagrant de preuves. En revanche, j’ai été surpris par son ignorance complète de cette période et par sa totale méconnaissance du sujet. Oleg de Normandie ne la connait pas, il la fantasme. Et cette ignorance dépasse largement la période abordée, comme le montre son incompréhension face à la question sur le tétragramme. Je l’ai mieux comprise lorsqu’il a expliqué qu’il s’appuyait essentiellement sur Wikipedia comme fondement de ses connaissances.

Je m’attendais également à sa mauvaise foi et à ses attaques personnelles comme dernier refuge de sa dignité perdue. La mauvaise foi a été visible par ses attitudes et ses rires, mais surtout par certains de ses arguments, par exemple autour de l’ouvrage de Michael McCormick qui lui aurait été caché. Oleg de Normandie a perdu tout sens de la raison et de l’honneur lorsque, en fin de live, il s’est livré à une attaque personnelle sur ma famille. Cela montre qu’à court d’argument dans un débat qu’il a perdu sur le plan des idées, il essaie de sauver son prestige en déconsidérant son interlocuteur. Il a renouvelé ces attaques dans sa vidéo du lendemain.

Oleg de Normandie n’est pas un historien. Il est au mieux un bonimenteur qui vend sa camelote idéologique et matérielle, au pire le partisan d’une idéologie racialiste.