Depuis le début des fouilles dans la vallée de Visoko en vue de confirmer l’hypothèse de M. Osmanagic sur les "pyramides" de Bosnie, la Fondation de celui-ci nous promet régulièrement une "vérification scientifique internationale" des travaux et des preuves annoncées. Si quelques scientifiques égyptiens ou italiens ont effectivement semblé plus ou moins soutenir le projet en 2006, aucun de ces scientifiques (Dr Barakat, Dr Ibrahim Aly, Dr Dario Andretta...) n’a jamais rendu public le moindre rapport, ou même le moindre témoignage écrit [1], sur leur visite à Visoko, et le seul document publié en guise de "vérification internationale" par la Fondation est cette magnifique affiche publicitaire :
Apparemment en 2007 la Fondation de M. Osmanagic continue à inviter des scientifiques étrangers à venir sur place étudier les pyramides, mais il semble bien qu’on ait affaire à un tout autre type de "scientifiques" que ceux cités plus haut, qui étaient bien des géologues ou archéologues. Une nouvelle du 30 avril (bs) sur le site de la Fondation évoque la visite "du Docteur Harry Oldfield de Grande-Bretagne et du Docteur Karin Tag d’Allemagne".
Commençons par cette dernière, le "Docteur Karin Tag", dont la Fondation n’indique que le nom, mais qui est présentée comme "archéologue et géologue" par les médias (bs) locaux et les forums (en) pro-pyramides. Pas la peine de chercher la moindre référence universitaire ou publication, vous n’en trouverez pas. Par contre, Karin Tag est medium, membre (et probablement fondatrice, en tout cas le nom de domaine lui appartient) d’un "Institut Seraphim" (de) situé en Allemagne, Institut qui se consacre au rétablissement de la paix mondiale par le biais de la méditation, de la prière et des "transferts énergétiques" utilisant un "crâne de cristal" (fr) dont Karin Tag est aussi la gardienne. Ce crâne de cristal, baptisé "Corazon de Luz", dont on nous dit qu’il a un lien avec Atlantis, Karin Tag le promène autour du monde dans des "lieux magiques" qu’elle "active" par ce moyen. Parmi ces lieux magiques, citons, en dehors des classiques temple de Karnak et pyramide de Chéops, Notre Dame de Paris, la Tour Eiffel et Euro-Disney... Peut-on supposer que le crâne vient de faire un petit séjour sur une des "pyramides" de Bosnie ? [2]
Qu’en est-il maintenant du Britannique, le "Docteur Harry Oldfield" ? Il est présenté sur le site de la Fondation (bs) comme "biologiste, docteur en sciences, professeur à la Faculté de Médecine de l’Université de Grenade et membre de la Société Royale de Microscopie d’Oxford". Ces deux derniers titres sont bien mentionnés sur la brochure (en) présente sur le site (en) du Docteur Oldfield ("Fellow of the Royal Microscopical Society, Oxford, and Visiting Professor, Department of Medicine, Grenada University") ; on peut noter cependant qu’on ne trouve aucune mention d’un "Harry Oldfield" sur le site de la Royal Microscopical Society (en) (il y a bien un Dr Oldfield, mais il s’agit d’un "Ron" ou "Ronald") [3], non plus que sur le site (en) de l’Université St. George à la Grenade. Ce qui est assez amusant par contre, c’est que le texte de la Fondation "oublie" de citer précisément les autres titres de M. Oldfield, sans doute parce qu’ils ne font pas aussi "sérieux" ou scientifique ; celui-ci se présente en effet dans sa propre brochure comme homéopathe ayant reçu en 2000 un "Doctorat honoraire du Centre de la Paix mondiale de Pune (en), Inde", et comme "Professeur Honoris Causa du Département de médecine alternative du Collège Zoroastrien de Mumbai (en), Inde" : si ces deux institutions sont tout à fait respectables, elles sont plutôt orientées vers le développement spirituel que vers la science, et il est peut-être un peu abusif de présenter M. Oldfield comme "docteur en sciences"...
Inutile, comme pour Karin Tag, de chercher les traces des publications du Docteur Oldfield dans les journaux scientifiques : il n’y en a aucune [4]. Pourtant, M. Oldfield est un grand inventeur : il a inventé une thérapie dite "electro-crystal" (en) permettant "d’équilibrer le champ énergétique humain" en stimulant ses "chakras et méridiens" par un "générateur électro-magnétique" relié à des cristaux ; ainsi qu’une méthode d’"electro-scanning" (en) et d’"electro-transplantation" (en). Son invention la plus récente est celle qu’il a utilisée sur les "pyramides" de Bosnie, le "PIP" (en) ou "Polycontrast Interference Photography", qui permet, d’après lui, de photographier les "interférences entre le champ énergétique humain et les photons". On n’en saura pas plus sur les bases scientifiques de cette invention ; les personnes intéressées peuvent se procurer le logiciel (en) "PIP Reality" vendu par l’auteur au prix de 3392.50 £...
Comme je n’ai pas l’intention d’acheter le logiciel en question (qui m’a tout l’air de n’être qu’un simple logiciel de traitement d’images, voir par exemple ici (en)) ni de payer les indispensables "cours" pour apprendre à interpréter les images, je ne vous en dirai pas plus sur cette extraordinaire technique qui a permis à M. Oldfield, d’après cet article de la revue Nexus (en), d’observer des fantômes et des entités surnaturelles [5]. Tout ce qu’on peut dire, c’est que son logiciel lui permet de produire de jolies images, que la Fondation s’est empressée de publier (bs) sur son site, et qui, d’après M. Oldfield, montrent la présence d’"anomalies" : champs énergétiques verticaux et "pulsants", que M. Osmanagic interprète aussitôt comme la preuve de ce que les "pyramides" sont "de gigantesques accumulateurs", des "générateurs d’énergie électro-magnétique" (bs)...
Bon, on est encore loin de la "vérification scientifique" proclamée : docteurs ès "sciences spirituelles", auras, chakras, crânes de cristal, mystérieux "phénomènes photoniques électromagnétiques", technologie révolutionnaire secrète jamais soumise à évaluation scientifique... Ceci dit, on ne peut nier qu’il y ait une certaine logique dans cette vérification "pseudo-scientifique" d’un projet "pseudo-archéologique" !